Canon biblique

Le canon biblique (du grec ancien κανών, kanôn signifiant « canne, roseau » et « règle ») désigne l'ensemble des textes considérés comme sacrés ayant conduit, sur plusieurs siècles, à l'établissement de la Bible, suivant principalement les rites juifs et chrétiens.

«  Canon (Bible) » redirige ici. Pour les autres significations, voir Canon.

On distingue l'établissement ou la construction des canons de la Bible hébraïque (Tanakh), celui de la Septante et des versions en grec, celui de la Peshitta et des versions en araméen, celui du Nouveau Testament, puis les canons des Églises. Par exemple, le canon biblique de l'Église catholique a été fixé à 46 livres de l'Ancien Testament et 27 livres du Nouveau Testament.

Étymologie

Le mot canon vient du grec ancien κανών, kanôn signifiant « canne, roseau » et « règle ». Au IIe siècle, le mot passe dans le milieu chrétien et désigne :

  • Kanon te aletheia : le canon de la vérité[1],
  • Kanon te ekklesia, la règle de l'assemblée, c'est-à-dire les « règles de conduite », en fait de gouvernement, propre à chaque Église (communautés chrétiennes locales).

Paul de Tarse utilise le terme κανών pour désigner à la fois les limites des territoires à évangéliser qui lui sont impartis (2 Co 10,13-16) et la règle de conduite impartie aux chrétiens (Ga 6,16).

Au IVe siècle, le sens de ce mot est mis en rapport avec la Bible. Il s'agit alors des livres de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament reconnus par l'Église et qui sont deux expressions nouvelles signalées :

Canon de la Bible hébraïque

L'idée d'un canon de la Bible hébraïque (nommée « Ancien Testament » par Justin de Naplouse pour appuyer l'appropriation de ces textes par l'Église catholique) ne s'impose qu'après le Synode de Jamnia (ou Yabnah ou Yabneh), c'est-à-dire à la fin du Ier siècle, après la destruction du Second Temple par les Romains. Auparavant, le concept d'une liste close (au sens de complète et définitive) des livres repris dans la Septante est inconcevable[4]. En revanche, le processus de canonisation semble avoir été un processus ouvert.

Le texte massorétique actuel est contemporain de l'écriture de la Mishna, c'est-à-dire le fruit du travail des docteurs du IIe siècle. Ce travail de grammairiens (la vocalisation enregistre diverses prononciations possibles) se poursuit jusqu'au Xe siècle ; le manuscrit de Saint-Pétersbourg (Codex Leningradensis, coté B19A) qui date du XIe siècle (copié au Caire en 1008-1009, d'après le colophon) et qui sert de base aux bibles d'étude en hébreu (comme la BHS, acronyme de Biblia Hebraica Stuttgartensia - éditée par Rudolf Kittel), est un témoin de ce travail. Jusqu'au Ier siècle, la Bible de tous est le texte grec de la Septante, quoique des éditions en hébreu différentes du texte proto-massorétique aient existé, comme le montrent les rouleaux de Qumran.

Hypothèse du canon de Jamnia

Dans le Contre Apion (I:38-40), Flavius Josèphe donne une liste de 22 livres composant le canon des écritures juives. Elle comprend :

Après Jamnia, le milieu rabbinique tannaïte, le milieu qui rédige la Mishna, se vit comme l'héritier naturel de toutes les traditions antérieures, qu'elles soient saducéennes, esséniennes ou, bien évidemment, pharisiennes. Toutefois, pour le milieu de Gamaliel II, l'attitude apocalyptique des « membres du Mouvement de Jésus » selon l'expression de Jacques Schlosser (professeur à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg), en fait un danger pour les relations avec l'occupant romain. En outre, ce sont des minim (sectaires), en cela qu'ils concentrent l'accès à l'alliance sur le baptême. De ce point de vue, ils se désintéressent de l'ensemble du peuple. De facto, ils sont une secte réformatrice et diviseuse comme l'étaient les Esséniens[5].

En outre, ils « font dire » des choses de plus en plus étranges à la Septante. Les controverses rabbiniques, enregistrées dans le Talmud montrent des discussions qui, sous prétexte d'exégèse imaginative, présentent des opinions sur la pertinence de tel ou tel texte (Traité Meguila, Traité Soferim). On assiste donc à un retour à l'hébreu, à une méfiance envers les textes grecs qui ne s'apaisera qu'au début du IIIe siècle.

Les témoins de cette élaboration sont nombreux. Par exemple :

  • Dans la Septante, Samuel est désigné comme « nazir perpétuel depuis le sein de sa mère » tandis que le texte massorétique utilisé de nos jours lui dénie cette qualité (dans le texte massorétique, le seul « Nazir depuis le sein de sa mère » est Samson (cf. Juges 13.5). L'interprétation traditionnelle dit que la Septante s'éloigne du texte hébreu originel. Pourtant, une discussion dans le traité Nazir[6] s'inquiète du nazirat de Samuel. On peut donc penser que le texte de la Septante était peu différent de l'un ou l'autre des textes hébraïques alors usuellement en circulation et que l'élaboration tannaïte fut créative, en premier lieu pour éliminer tout aspect apocalyptique ou messianique, c'est-à-dire révolutionnaire.
  • Une autre discussion talmudique montre le déclassement d'un texte rédigé en araméen. Il correspond à la période de méfiance envers les textes traduits du syriaque, qui est un araméen oriental. Au traité Meguila[7], Jonathan b. Uzziel déclasse le livre de Daniel de prophète (nebiim) en écrit (ketoubim) alors que Flavius Josèphe et la Septante le tenaient pour prophète.

La rédaction concomitante de la Mishna et des Évangiles révèle des polémiques sous-jacentes. Ce sont des rédactions concurrentes. Ces polémiques jouent un rôle non négligeable tant dans l'évolution de la pensée rabbinique autour de Gamaliel II que dans l'accouchement du système chrétien.

(Voir l'article spécialisé Abraham Joshua Hershel)

Hypothèse de Sundberg (1964)

À partir d'un consensus établi autour d'une canonisation en 3 phases :

  • une première phase vers 400 avant l'ère commune concernant le Pentateuque
  • une deuxième phase vers 200 avant l'ère commune concernant les Prophètes
  • une troisième phase vers 90 avant l'ère commune concernant les Écrits. Cette dernière canonisation étant ratifiée au Ier siècle par l'usage commun.

Albert C. Sundberg, Jr envisage, à partir de 1964, une hypothèse plus complexe[8].

Hypothèse de Thackeray (1921)

Henri St. John Thackeray est un grammairien. Il a travaillé essentiellement sur la Septante, c'est-à-dire sur la Bible en grec. En 1921, il publie : The Septuagint and Jewish Worship; A Study in Origins, (The Schweich Lectures of the British Academy).

Hypothèse de Leman Beckwith

  • Leman Beckwith : The Old Testament of the Early Church, Harvard theological Studies, no 20

Construction du Canon du Nouveau Testament

Deux thèses successives sont actuellement en voie de synthèse.

Thèse de Harnack et de Campenhausen

  • Hans von Campenhausen (en) (1903-1989) développe sa thèse dans La Formation de la Bible chrétienne (1971)[9] ;
  • Adolf von Harnack, lui, dans son livre Origin of the New Testament[10].

En résumé :

Vers 200 émerge l'idée d'un catalogue des livres composant le Nouveau Testament. Font alors autorité :

  • 4 évangiles
  • 13 lettres de Paul
  • les actes
  • la première lettre de Jean
  • la première lettre de Pierre

Outre les indices du cheminement dans la lente constitution du corpus, indiqué dans l'article Évangiles, des témoins plus concrets sont donnés dans :

L'influence de Marcion fut déterminante dans la constitution d'un canon.

Thèse d’Albert C. Steinberg

(lire : The Old Testament of the Early Church, Harvard Theological Studies, no 20)

Selon cet ouvrage, il n'y eut jamais de Canon Alexandrin de la Septante, ce que confirment les études sur la construction du Talmud, telles qu'évoquées ci-dessus.

L'opportunité d'une liste close n'interroge les chrétiens qu'à partir de la toute fin du IVe siècle. Elle n'intéresse réellement que les Occidentaux. Le canon de l'Ancien Testament, celui des Églises latines comme celui des Églises grecques, évoluent parallèlement. Jusqu'au IVe siècle, on parle de canon ouvert et postérieurement de canon fermé.

Toutefois Steinberg date le fragment de Muratori du IVe siècle et lui donne une origine orientale. Ces caractéristiques en font une liste parmi toutes les autres et lui retirent son statut de liste inaugurale. Cette conception élimine le long débat entre les Églises et attribue la fermeture du canon à une autorité ecclésiastique.

Le contenu du fragment ruine cette hypothèse sur la construction du Nouveau Testament. Le Fragment ne dit mot de l'Épître aux Hébreux fort appréciée dans les Églises orientales parce que faussement attribuée à Paul de Tarse.

Naissance d'une tradition écrite en Orient

Jusqu'au Ier siècle, la Bible de tous est la Septante, quoique des éditions en hébreu différentes du texte proto-massorétique aient existé, comme le montrent les rouleaux de Qumran. C'est elle qui donnera l'Ancien Testament des chrétiens. Le texte massorétique actuel est contemporain de l'écriture de la Mishna, c'est-à-dire le fruit du travail des docteurs du IIe siècle quoiqu'un texte proto-massorétique soit connu dès 150 avant l'ère commune.

Ce travail de grammairiens (la vocalisation enregistre diverses prononciations possibles) se poursuit jusqu'au Xe siècle ; le manuscrit de Saint-Pétersbourg (Codex Leningradensis) qui date du Xe siècle et sert de base aux bibles d'étude en hébreu, est un témoin de ce travail.

Après le synode de Jamnia, le milieu rabbinique tannaïte qui a rédigé la Mishna, se vit comme l'héritier naturel de toutes les traditions antérieures, qu'elles soient saducéennes, esséniennes ou, bien évidemment, pharisiennes. Pour le milieu de Gamaliel II, les chrétiens apparaissent comme des sectaires et des hérétiques. Leur interprétation de la Septante est mise en cause. On assiste donc à une méfiance envers les textes grecs et à un retour à l'hébreu. La rédaction concomitante de la Mishna et des Évangiles révèle donc des polémiques sous-jacentes qui ont joué un rôle non négligeable tant dans l'évolution de la pensée rabbinique autour de Gamaliel II que dans l'accouchement du système chrétien.

Les tentatives de Tatien, de Marcion face à l'opposition d'Irénée et au dogmatisme d'Athanase sont clairement à l'origine du Canon[11].

Le canon de Marcion (vers 150)

Il précède le canon officiel. Il rejette toute référence à l'Ancien Testament et ne garde des écrits qui circulent :

  • Les épîtres de Paul, dont il n'en connaît que 10 sur 13 du canon officiel postérieur,
  • Une version expurgée de l'évangile selon Luc que Marcion tient pour un compagnon de Paul.

Les lettres de Paul connues par Marcion sont les suivantes :

  • Galates,
  • 1 et 2 Corinthiens
  • Romains
  • 1 et 2 Thessaloniciens
  • Éphésiens que Marcion nomme « Laodicéens »
  • Colossiens
  • Philippe
  • Philémon.

Le Diatessaron de Tatien (v. 160)

Troublé par le fait qu'on retienne 4 évangiles présentant 4 témoignages différents sur les dits et les faits de Jésus, Tatien entreprend de les fondre en un seul récit continu et cohérent[12], ne retenant que ce qui leur est commun, gommant par cette sélection tout ce qui est divergent qu'il considère comme dépourvu de sens autre qu'anecdotique. Il s'inspire des 4 évangiles, canonisés depuis. La liberté avec laquelle il les utilise, semblable à celle dont usèrent les auteurs de selon Luc et selon Matthieu dans leur reprise de selon Marc montre qu'à l'instant où il écrit, les 4 grands évangiles ne sont pas encore sacralisés. Les emprunts qu'il fait à d'autres sources montrent qu'ils n'ont pas vocation à être une source exclusive. Dans un temps où triomphe l'idée de Plotin que la vérité est une et que le dissensus est haïssable, on ne peut concevoir que chacun des évangiles réputés canoniques avait vocation à se suffire à lui-même et non à compléter les autres. Chacun d'eux, du point de vue de leurs auteurs, se serait proposé de devenir le seul témoignage valide de la vie et de l'enseignement de Jésus qui supplanterait tous les autres. D'ailleurs, l'intention polémique est clairement marquée dans l'incipit de l'auteur à Théophile. Plusieurs compilations harmonisantes ont été produites. Celle de Tatien perdurera dans le corpus canonique de l'Église syriaque .

Canonisation des quatre évangiles

Pourquoi ces quatre-là et pas les autres ? Cette question vient immédiatement à l'esprit d'un lecteur du XXIe siècle. Elle intéressait aussi les lecteurs de l'Antiquité tardive et la réponse donnée par Irénée de Lyon dans son Adversus Hæreses ne manquera pas d'étonner le lecteur contemporain :

« Par ailleurs, il ne peut y avoir ni un plus grand ni un plus petit nombre d'Évangiles (que quatre). En effet, puisqu'il existe quatre régions du monde dans lequel nous sommes et quatre vents principaux, et puisque, d'autre part, l'Église est répandue sur toute la terre et qu'elle a pour colonne et pour soutien l'Évangile et l'Esprit de vie, il est naturel qu'elle ait quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l'incorruptibilité et rendent la vie aux hommes. D'où il appert que le Verbe, Artisan de l'univers, qui siège sur les Chérubins et maintient toutes choses, lorsqu'il s'est manifesté aux hommes, nous a donné un Évangile à quadruple forme, encore que maintenu par un unique Esprit[13]. »

 Irénée de Lyon, Contre les hérésies 3, 11, 8

Coexistence d'une tradition orale

L'étude des Pères de l'Église et le recueil des citations qu'ils donnent dans les écrits des IIe et IIIe siècles montrent que les « paroles attribuées à Jésus » ne proviennent pas des évangiles tels qu'ils nous sont connus. La première hypothèse est qu'ils citent de mémoire et que celle-ci n'est pas tout à fait précise. La comparaison avec les citations de l'Ancien Testament montre moins de divergences avec les textes de la Septante. Devrait-on supposer que leur mémoire est moins fidèle pour les « dits de Jésus » que pour les textes de la Septante ? Pourtant, les hommes de l'Antiquité étaient surentraînés pour de longues récitations. On formule donc une autre hypothèse. D'autres évangiles ont été écrits qui transmettent d'autres traditions sur les « dits et les faits de Jésus ». Ils mettent à profit la même tradition orale et servent de référence dans les textes des Pères anciens. Des ouvrages comme :

conservent des traditions sur Jésus qui ne doivent rien aux évangiles canoniques. Quelques-uns de ces textes périphériques sont couramment utilisés qui n'ont pas été conservés par la canonisation. Ainsi, Papias, évêque de Hiérapolis qui n'est connu que par l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, connaît des récits similaires à ceux rapportés dans l'évangile « selon Marc » et des éléments de récits qu'on retrouvera dans l'évangile « selon Matthieu ». Ces quelques indications sur les connaissances des premiers pères suffisent à invalider la théorie d'Augustin d'Hippone sur la chronologie des évangiles, telle que rapportée pour mémoire dans l'article le Problème synoptique. Papias a écrit des Explications sur les paroles du Seigneur, perdues depuis, à l'exception de la citation de la Préface qu'en fait Eusèbe. Ces explications portent sur les récits oraux qu'il a reçus.

Sur le concept d'hérésie

Selon qu'on se situe au IIe siècle, au IIIe siècle, au IVe siècle, les hérésies ne sont pas les mêmes. Il en résulte que les livres rejetés ne sont pas les mêmes. À l'exception des hérésies donatiste, mélécienne et novartienne, qui traitent des désaccords sur la conduite à tenir face aux apostats et autres relaps et posent la question du pardon, les hérésies sont majoritairement régionales et régionalement traitées jusqu'au concile de Nicée de 325. On comprend donc qu'une liste d'hérésies qui varie avec la géographie (région) et l'histoire (le temps) conduit à des exclusions/inclusions qui relèvent de temps à autre du règlement de comptes. Jusqu'au concile de Chalcédoine, tel qui est excommunié à Rome peut être relevé à Antioche ou ailleurs et réciproquement. Deux exemples :

  • Marcion qui porte à Rome vers 140-150 ses 10 lettres de Paul de Tarse en repart excommunié, fonde son Église et son corpus est retenu comme base par l'Église syriaque
  • Athanase d'Alexandrie (298-373), exilé par ordre de l'empereur pour son opposition à l'arianisme est accueilli à Rome jusqu'à ce que l'empereur fasse statuer en concile qu'il n'est plus possible à un évêque de relever l'excommunication d'un autre de ses collègues. En dépit de quoi, les évêques de Nicomédie, d'Antioche, de Césarée continueront d'accueillir et de réintégrer les excommuniés d'Alexandrie ou de Rome.

Tatien et Marcion, par le choix de leurs sources et leur entreprise de réécriture témoignent de la résistance à accepter plusieurs témoignages divergents. Le rôle de Marcion fut décisif, ne serait-ce que dans l'idée de clore une liste pour la dresser contre les autres sources, d'un corpus s'opposant à d'autres corpus disponibles. L'Église de Marcion, discréditée sous le nom de marcionitisme, subsistera plusieurs siècles en Asie Mineure. Pour lutter contre celle-ci, les patriarcats orientaux et occidentaux utiliseront la méthode qu'elle avait inaugurée : dresser une liste où la distinction de certains livres élevés au statut d'écriture inspirée renvoie les autres sources au rang de fabulae, c'est-à-dire d'apocryphes.

Canon d'Orient, canon d'Occident

Critères

Selon qu'elles viennent d'Orient et d'Occident, les listes de livres retenus ne sont pas les mêmes. Outre les réticences à la réception plurielle d'un témoignage tétramorphe (néologisme d'Irénée), certains livres reçus en Occident sont répudiés en Orient et réciproquement. Les Églises orientales fonctionneront longtemps avec un canon de 22 livres tandis que les Églises d'Occident tiendront pour un canon de 27 livres. Orientaux comme Occidentaux utilisent cependant les mêmes critères :

  • sont indiscutables les livres qui sont reçus par le plus grand nombre ;
  • suit une deuxième collection de livres qui semblent bons mais dont on se demande s'ils le sont assez pour être lus en public durant les liturgies ;
  • la troisième liste rassemble les livres écrits par des hérétiques et, pour cela doivent être rejetés (voire détruits).

Ce classement appelle quelques remarques.

Sur la deuxième liste

Elle comporte généralement des textes dont la critique textuelle contemporaine montre qu'ils sont de rédaction contemporaine ou quasi contemporaine de ceux qui se chargent d'établir les listes. Quoique la canonisation d'un texte contemporain ne soit pas interdite, comme le montre celle du Diatessaron de Tatien dans l'Église syriaque, il semble que l'ancienneté attribuée aux textes soit un sésame. Cette deuxième liste comporte aussi des livres nés de père inconnu mais reçus partout. Au bout de longues tractations, certains seront inclus dans le canon. D'autres, d'usage liturgique dans certaines communautés, seront rejetés.

Les livres toujours retenus

La première liste comprend partout :

  • Les 4 évangiles
  • Les actes
  • La première épître de Jean

En ce qui concerne les épîtres de Paul, les listes varient. Marcion en connaissait 10, les autres listes en donnent 13, voire 14. Certaines listes furent construites autour de la symbolique du nombre 7 au prix d'acrobaties : les lettres doubles comptant pour une seule.

Les livres suivants furent toujours retardés :

  • Les épîtres catholiques, ainsi nommées parce qu'elles sont adressées à toutes les églises au lieu d'être adressées à l'une d'elles, une métropole, en particulier comme le cas est constant chez Paul et dont elles imitent le genre littéraire.

Ce sont :

  • Jude
  • 2 et 3 Jean
  • Jacques
  • 2 Pierre

Quelques textes sont systématiquement ignorés en Occident qui sont appréciés en Orient et réciproquement :

  • L'épître aux Hébreux, reçue en Orient,
  • L'Apocalypse (Révélation) de Jean, reçue en Occident, rejetée en Orient du fait de la proximité de la tradition tannaïte. Mise en cause par Athanase d'Alexandrie, elle sera intégrée au canon au IVe siècle
  • L'épître à Philémon est ignorée de l'Église syriaque qui connaît en revanche une 3e épître aux Corinthiens.

Clôture du canon

Dans les Églises latines

Le canon se clôt à 27 livres par autorité d'Église. De ce fait, il se ferme plus tôt qu'en Orient aux synodes régionaux de Carthage de 397 et de 419. Jusqu'aux dernières années du IVe siècle, il exclut l'épître aux Hébreux. Cette question n'est jamais traitée dans les conciles œcuméniques de la fin du siècle. Cette lacune assigne donc ces conciles au rôle de tribunal et au lieu d'espace où traiter des affaires des Églises dans un projet d'unification. En dépit des décrets de Gélase, les littératures apocalyptiques autres que celle de Jean seront recopiées et tenues pour partie prenante du Nouveau Testament jusqu'au milieu du Moyen Âge (XIIIe siècle).

Dans les Églises grecques

C'est l'usage des livres dans les communautés qui détermine le canon. Le canon démarre à 22 livres, sans épître aux Hébreux, sans lettres de Jacques, ni 2 Pierre, ni 3 Jean non plus que Jude. Au milieu du IIIe siècle, l'œuvre de Cyprien de Carthage ne cite aucun de ces 5 livres non plus que la lettre à Philémon et, bien évidemment sans Apocalypse.

Cette opposition aux littératures apocalyptiques s'inscrit dans la lutte contre le millénarisme montaniste, attestée par Eusèbe de Césarée, puis par Grégoire de Naziance, Amphiloque d'Iconium (mort en 396) qui déclare à propos de l'Apocalypse :

« Certains l'acceptent mais la plupart le disent inauthentique »

La Lettre festale 39 d’Athanase d'Alexandrie, datée de 367, est la plus ancienne attestation d’un canon du Nouveau Testament comprenant 27 livres :

« Quant à ceux du Nouveau Testament, il ne faut pas hésiter à les nommer. Ce sont les quatre évangiles : selon Matthieu, selon Marc, selon Luc, selon Jean ; ensuite les Actes des apôtres et les sept épîtres dites catholiques ; une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean et une de Jude ; outre ceux-là, les quatorze épîtres de l’apôtre Paul, écrites selon l’ordre que voici : la première aux Romains, puis les deux aux Corinthiens, celle aux Hébreux, puis celle aux Galates et celle aux Éphésiens, ensuite celle aux Philippiens et celle aux Colossiens, après celle-là les deux aux Thessaloniciens : ensuite les deux à Timothée et celle à Tite, ensuite celle à Philémon et après cela l’Apocalypse ».

L'école d'Antioche, avec Jean Chrysostome (347-407), Théodore de Mopsueste (393-466) s'en tient à un canon de 22 livres sans Apocalypse. Le concile In Trullo (692) ne règle rien.

Livres non canoniques et apocryphes

Par ailleurs, dans sa lettre festale, Athanase recommande des livres non canoniques pour l'instruction des débutants :

« Pour vous fortifier davantage, je vais ajouter à ce que j’ai dit cet autre mot nécessaire : il y a d’autres livres en dehors de ceux-là, ils n’ont pas été canonisés mais définis par nos pères afin que les lisent ceux qui sont récemment entrés et qui désirent apprendre le discours de la piété : la Sagesse de Salomon, la Sagesse du fils de Sirach, Esther, Judith, Tobie, la Didascalikè des Apôtres –je ne parle pas de celle dont on dit qu’elle condamne le Deutéronome– et encore le Pasteur ».

En revanche il condamne les apocryphes :

« Toutefois mes bien-aimés, lorsque nos pères ont canonisé les premiers livres et ont néanmoins défini ceux destinés à la lecture, ils n’ont fait absolument aucune mention des apocryphes, mais pareille astuce est le fait des hérétiques. En effet, ce sont eux qui les écrivent quand ils veulent et ajoutent une chronologie, afin de les faire passer pour anciens et trouver la manière de tromper les gens simples. C’est une grande dureté de cœur de la part de ceux qui font ces choses-là et c’est ne pas craindre la parole qui est écrite : « N’ajoutez pas à la parole ce que je vous ordonne et n’y retranchez pas ». Qui a fait croire aux simples que ces livres-là sont d’Hénoch, alors qu’il n’existe pas d’Écriture avant Moïse ? D’où diront-ils qu’Esaïe a des livres apocryphes, lui qui annonçait la bonne nouvelle sur des monts élevés avec franchise et disait : « Je ne parle pas en secret ni dans un lieu d’une terre ténébreuse ? » Comment Moïse aurait-il des livres apocryphes, lui qui dicta le Deutéronome prenant le ciel et la terre comme témoins ? ».

Dans cette critique d'Athanase s'enracine la meilleure hypothèse actuelle concernant les manuscrits coptes de Nag Hammadi ; on peut penser qu'ils furent enterrés parce qu'une partie d'entre eux faisaient partie des livres condamnés.

Le passage de livres sans père à livres absurdes et impies s'opère lentement au cours de débats et s'exprime sous cette forme chez Eusèbe. En quelque sorte, la qualité d'hérétique remonte depuis les hommes jusque vers les livres apocryphes. Cette appréciation est savoureuse a posteriori quand l'exégèse a montré depuis le XIXe siècle que même les 4 évangiles réputés canoniques sont eux-mêmes des pseudépigraphes[réf. nécessaire].

articles spécialisés : Apocryphes bibliques, Manuscrits bibliques

Écrits mentionnés dans la Bible mais qui ne s'y trouvent pas

  • les Guerres de l'Éternel (No 21:14)
  • le Livre du Juste (Jos 10:13 ; 2 S 1:18)
  • le Livre des actes de Salomon (1 R 11:41)
  • le Livre de Samuel le voyant (1 Ch 29:29)
  • le Livre de Nathan le prophète (1 Ch 29:29 ; 2 Ch 9:29)
  • le Livre de Gad le prophète (1 Ch 29:29)
  • la Prophétie d'Achija de Silo (2 Ch 9:29)
  • les Révélations de Jéedo le prophète (2 Ch 9:29)
  • le Livre de Schemaeja le prophète (2 Ch 12:15)
  • le Livre d'Iddo le prophète (2 Ch 12:15 ; 13:22)
  • les Mémoires de Jéhu (2 Ch 20:34)
  • le Livre de Hozaï (2 Ch 33:19)
  • les prophéties d'Hénoch/Hénoc (Jud v. 14)
  • une épître aux Laodicéens (Col 4:16)
  • une (première) lettre aux Corinthiens (1 Cor 5 : 9)

Notes et références

  1. Emet, article de Bultmann & ??? pour le dictionnaire théologique ???, à compléter
  2. Lettre festale XXXIX, d'Athanase. La lettre festale est un écrit envoyé par l'évêque aux fidèles de son diocèse à l'occasion de la fête de Pâque et dans laquelle il leur mande diverses choses.
  3. Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi, Christophe Nihan, Introduction à l'Ancien Testament, Labor et Fides, , p. 19.
  4. Thomas Römer et alii, Introduction à l'Ancien Testament, Genève/Paris, Labor et Fides, coll. « Le monde de la bible », 2005 (rééd. 2009), 902 p. (ISBN 978-2-8309-1368-2 et 2-8309-1368-X, lire en ligne)
  5. Étienne Nodet o.p., Fils de Dieu, Cerf et Israël Knohl, L'autre Messie, Bayard
  6. Talmud de Babylone, page 66a
  7. Talmud traité Meguila, p. 6a
  8. Albert C. Sundberg, Jr., The Old Testament of the Early Church, Revisited, Festschrift in Honor of Charles Speel, edited by Thomas J. Sienkewicz and James E. Bett, Monmouth, Illinois, 1997
  9. en français, La Formation de la Bible chrétienne, Hans von Campenhausen, - Neuchâtel : Delachaux & Niestlé, 1971
  10. télécharger son livre en anglais Origin of the New Testament
  11. Marguerat, op. cit.
  12. « Diatessaron - Tatien (0120?-0173?) - Œuvre - Ressources de la Bibliothèque nationale de France » [livre], sur data.bnf.fr (consulté le ).
  13. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Livre 3, « L'évangile tétramorphe ».

Bibliographie

  • Le canon du Nouveau Testament : Regards nouveaux sur l'histoire de sa formation, sous la direction de G. Aragione, É. Junod et E. Norelli, Labor & Fides, 2005.
  • Introduction au Nouveau Testament : Son histoire, son écriture, sa théologie, sous la direction de Daniel Marguerat, Labor & Fides, 2000 (ISBN 978-2-8309-1149-7).
  • Introduction à l'Ancien Testament sous la direction de Thomas Römer, Labor & Fides, 2004, édition revue et fortement augmentée en 2009.
  • Marie-Françoise Baslez, Bible et histoire, Folio histoire, Gallimard, 1998.
  • Aux sources du Canon, le témoignage d'Irénée, Yves-Marie Blanchard, avec le concours de l'Institut catholique de Paris, juin 1993.
  • Hans von Campenhausen, La formation de la Bible chrétienne, Delachaux & Niestlé, 1971.
  • Wilfrid Harrington, Nouvelle introduction à la Bible, Seuil, 1970
  • Bruce Metzger, The Canon of the New Testament: Its Origin, Development, and Significance, Clarendon Press, Oxford, 1987 (ISBN 0198269544)
  • Étienne Nodet et Justin Taylor, Essai sur les origines du christianisme, Cerf, 1998.
  • Marcel Simon (historien), La Civilisation de l’Antiquité et le christianisme, Arthaud, 1972.
  • Odon Vallet, Une nouvelle histoire des religions, Seuil, 2000.

Articles connexes

Liens externes

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