Grand incendie de Chicago

Le Grand incendie de Chicago est une catastrophe survenue du 8 au . L'incendie a fait des centaines de victimes et détruit dans leur totalité de nombreux quartiers du centre de Chicago (Illinois, États-Unis). 300 personnes perdent la vie dans la tragédie et environ 100 000 autres personnes se retrouvent sans abri[1].

Grand incendie de Chicago

L'incendie de Chicago par John R. Chapin, publié dans le Harper's Weekly.

Localisation Chicago (Illinois)
Coordonnées 41° 52′ 10″ nord, 87° 38′ 30″ ouest
Date 8 au
Type Incendie
Morts + de 300
Blessés plusieurs milliers
Géolocalisation sur la carte : Chicago

Bien que l'incendie fût une des plus grandes catastrophes survenues au XIXe siècle aux États-Unis, la reconstruction, qui commença quasi immédiatement après la catastrophe, permit à Chicago de mieux se développer d'un point de vue économique et de devenir une des villes les plus peuplées d'Amérique du Nord. Ce n’est pas la première fois qu’une grande ville subit un sinistre important mais cet événement est en effet si considérable qu’il donne lieu à une littérature abondante.

Deux théories principales, très différentes l'une de l'autre, ont été avancées, pour expliquer l'origine de cette catastrophe.

Description

Origine de l'incendie

Selon certaines sources reprises dans le livre de l'historienne américaine, Bessie Louise Pierce, spécialiste de l'histoire de Chicago, le principal foyer de l'incendie aurait été constaté le dimanche vers 21 heures dans ou autour d'un petit hangar situé au 137 DeKoven Street[2].

Théorie de la vache

Mme O'Leary et sa vache, Harper's Magazine, 1871.

L'histoire la plus connue veut que cet incendie ait été amorcé par une vache ayant rué dans une lampe dans la grange de Patrick et Catherine O'Leary à l'adresse indiquée ci-dessus. Catherine O'Leary était le parfait bouc émissaire : elle était une femme, immigrée d'origine irlandaise et de confession catholique – une combinaison qui ne valait pas grand-chose dans le climat politique du Chicago de l'époque. L'histoire circulait déjà dans Chicago avant même que les flammes ne s'éteignent et elle était publiée dans la première édition du Chicago Tribune après l'incendie. Michael Ahern, le journaliste qui avait inventé cette histoire de vache, admit lui-même en 1893 qu'il avait tout imaginé, car il pensait faire un article haut en couleur[3].

Plus récemment, l'historien amateur Richard Bales en est arrivé à la conclusion que le feu aurait d'abord pris naissance lorsque Daniel Sullivan, qui a été le premier à informer les autorités des événements, a enflammé du foin dans la grange pendant qu'il essayait de voler du lait. Cependant, des preuves dernièrement mises en évidence dans le Chicago Tribune par Anthony DeBartolo suggèrent que Louis M. Cohn pourrait avoir déclenché le feu pendant une partie de jeu de dés. Dans un texte aujourd’hui disparu, Cohn aurait avoué avoir déclenché l'incendie, selon Alan Wykes dans son livre The Complete Illustrated Guide to Gambling.

Théorie des météorites

La comète de Biela en février 1846.

Une autre théorie, évoquée pour la première fois en 1882, est que le Grand incendie de Chicago fut déclenché par une pluie de météorites. En 2004, lors d'une conférence de l'Aerospace Corporation et du American Institute of Aeronautics and Astronautics, Robert Wood, ingénieur et physicien retraité de McDonnell Douglas[4],[5], a suggéré que le feu a démarré à la suite de l'explosion de la comète de Biela au-dessus du Midwest. Que quatre foyers d'incendie se soient déclarés, le même jour sur les rives du lac Michigan (cf. Événements proches), amène à penser à une cause commune[6].

Des témoins visuels ont rapporté des combustions spontanées, l'absence de fumée, des « boules de feu » tombant du ciel et des flammes bleues. Selon Wood, ces rapports font penser que les foyers d'incendie ont été déclenchés par le méthane généralement contenu dans les comètes. Cette hypothèse est renforcée par le fait que des incendies similaires se déroulèrent dans la région des grands lacs, dont notamment le grand incendie de Peshtigo dans le Wisconsin, durant la même période que l'incendie de Chicago[7]. La petite ville de Holland, située dans le Michigan (mais à plus de 100 kilomètres de Chicago), fut détruite par un gigantesque incendie le .

Rapidité de l'incendie

L'intersection de Dearborn Street et Monroe Street après l'incendie.

Quand l'incendie a démarré, les voisins se sont précipités pour protéger la maison des O'Leary en face de l'étable d'où le feu provenait ; elle n'a d'ailleurs subi que des dommages mineurs. Cependant, les pompiers de Chicago (Chicago Fire Department) n'ont reçu la première alerte qu'à 21 h 40 et de forts vents soufflaient depuis le sud-ouest, en direction du centre-ville. Très vite, le feu s'est propagé au voisinage. Des vents brûlants ont conduit les flammes au nord-est et le feu passait la branche sud de la rivière Chicago après minuit. Ce qui aida la progression de l'incendie fut la proximité entre les bâtiments de bois, les trottoirs surélevés en bois de la ville, les bateaux encombrant la rivière et la présence de bois et de charbon à la vente le long de la rivière. L’amplitude de la fournaise a généré des vents et une chaleur si importants que des toits s’enflammaient bien loin des lieux où l’incendie faisait rage.

Au cours de son passage dans le quartier des affaires (actuel secteur du Loop) et des zones limitrophes, le feu détruisit des hôtels, des grands magasins, des petits commerces, des bureaux, l’hôtel de ville de Chicago (Chicago City Hall), des bâtiments administratifs, l’opéra et des théâtres, une partie des collections de la Chicago Historical Society (actuel musée d'histoire de Chicago), des églises et des imprimeries. Le feu continua sa progression vers le nord, entraînant les fuyards le long des ponts enjambant la rivière Chicago. L’incendie sauta la branche nord de la rivière et continua à travers les maisons et villas de la partie nord de la ville (actuels secteurs de Near North Side et Lincoln Park). Des habitants finirent par atteindre le vaste parc de Lincoln Park dans le secteur du même nom et les berges du lac Michigan, où des milliers d’entre eux trouvèrent refuge.

Le feu finit par s’éteindre, aidé en cela par la disparition des vents et une fine pluie qui finit par tomber tard dans la nuit de lundi. De son point de départ de la maison des O’Leary, il a brûlé pratiquement 48 blocs entre la rivière Chicago à l'ouest, Congress Street au sud-est, Canal Port Avenue à l'intersection de Jefferson Street au sud-ouest, Halsted Street au nord-ouest, et Belden Avenue (actuelle Fullerton Avenue) au nord-est, ravageant ainsi la quasi-totalité du centre-ville et plusieurs quartiers situés au nord et à l'ouest de ce dernier. L'église de la Sainte-Famille (paroisse des O'Leary), est l'un des rares édifices encore debout après l'incendie.

Carte du centre-ville de Chicago en 1871. Les parties sombres ont été détruites par l’incendie.

Une fois l’incendie éteint, les décombres étaient trop chauds pour permettre un inventaire complet des dommages avant plusieurs jours. Finalement, le feu a détruit une surface de 6 kilomètres (4 miles) par 1 kilomètre (3/4 miles), soit environ km2 (2 000 acres)[8]. Cet espace comprenait plus de 120 kilomètres de route, 190 kilomètres de trottoirs, 2 000 lampadaires, 17 500 bâtiments et 222 millions de dollars en valeur foncière soit un tiers de la valeur totale de la ville. Des 300 000 habitants, 100 000 étaient sans abris. Les journaux locaux ont rapporté que le feu avait été si ravageur qu’il avait dépassé les dégâts causés par l'incendie de Moscou en 1812. Certains immeubles sont sortis indemnes de l’incendie dont la Pumping Station ou encore la Chicago Water Tower (à l’époque, tout récent), qui est aujourd’hui un mémorial officieux de la puissance destructrice de l’incendie. C’était l’un des cinq seuls bâtiments accueillant du public épargnés par les flammes dans la zone sinistrée, d'autres furent l’église de la Sainte-Famille (Holy Family Church) que la famille O’Leary avait l’habitude de fréquenter et l'église Saint-Michel (St. Michael's Church) dans le quartier d'Old Town.

Après l’incendie, 125 corps furent retrouvés. Les estimations définitives vont de 200 à 300 morts, ce qui est finalement peu pour un incendie d’une telle intensité. Dans les années suivantes, d’autres catastrophes provoqueront des décès : 571 dans l’incendie du théâtre Iroquois en 1903, et en 1915 835 personnes périrent dans le naufrage du bateau Eastland sur la rivière Chicago. Cependant, le Grand incendie de Chicago reste le désastre le plus connu de la ville, concernant son intensité et la capacité subséquente de la ville à se redresser et prospérer ensuite jusqu'à devenir l'une des villes les plus puissantes du monde.

La municipalité Medill, les spéculateurs fonciers comme Gurdon Saltonstall Hubbard, et les hommes d’affaires influents de Chicago ont rapidement mis en place la reconstruction de la ville. Des dons d’argent, de nourriture, de vêtements et de mobiliers arrivèrent rapidement en provenance de la nation entière. Les premières autorisations de reconstruction furent délivrées le jour même de l’extinction des derniers immeubles incendiés. Seulement 22 ans après, Chicago comptait plus de 27 millions de visiteurs lors de l’exposition universelle de 1893 qui se déroula à Jackson Park.

En 1956, les restes de la maison des O’Leary furent rasés pour la construction de l’Académie des Pompiers de Chicago (Chicago Fire Department Academy), un camp d’entraînement pour les pompiers de la ville.

Impact sur l'économie

Le centre de Chicago est totalement dévasté.

Bien que l'incendie ait causé beaucoup de dégâts matériels, la ville n'est pas durement touchée d'un point de vue économique comme ce fut le cas dans d'autres villes lors d'événements similaires. On remarque d’ailleurs que le quartier des affaires est touché dans une moindre mesure que celui de San Francisco ravagé lors de l'incendie de 1851 et celui de Boston lors de l'incendie de 1872. La zone dévastée par les flammes dans la ville de Boston correspond à peine à 3,4 % de la zone sinistrée à Chicago mais les pertes y sont seulement quatre fois moins importantes. Cela s’explique par le fait qu’à Boston 650 des 766 bâtiments détruits sont des locaux commerciaux situés au cœur du district du commerce de gros. C’est le cœur économique de la ville qui est touché alors qu’à Chicago de nombreuses entreprises ont été épargnées par les flammes[9].

La Chambre de commerce et d'industrie de Chicago estime que les stocks de grain et de bois, ainsi que le bétail, sont intacts à plus de 75 %. En fait, 90 % des usines ne sont pas affectées par l’incendie. C’est le cas notamment de son port et de ses abattoirs (Union Stock Yards) qui sont situés à 6,5 kilomètres au sud de la zone incendiée et par lesquels transitent plus de 2 millions de porcs et environ 500 000 bovins. À l'époque Chicago alimente l'Amérique. La reconstruction de la ville dynamise son économie et permet aux architectes et urbanistes de penser la ville sur des critères modernes. Les habitants qui ont survécu à l’incendie se voient d’ailleurs comme les nouveaux fondateurs de Chicago.

L’incendie n’a pas isolé Chicago du reste du monde ni remis en cause son statut de nœud ferroviaire majeur. Même si de nombreuses entreprises ont été endommagées ou détruites, le capital économique de la ville est préservé pour l’essentiel.

Après l'incendie

La vieille église Saint-Patrick, dont le corps principal est un des rares bâtiments à avoir survécu à l'incendie.

Depuis sa fondation, la progression démographique de Chicago est fulgurante. L'anarchie complète faisait pousser une ville champignon où se mélangeaient encore aspect rural et progrès urbain. Le chaos architectural de la ville sans code ni règlements urbanistiques fit que comme un vaste tas d'arbres enchevêtrés, la ville brûla sans discontinuer pendant 18 heures. Seul le lac Michigan et une pluie survenue inopinément ralentirent l'avancée des flammes et finirent par étouffer l'incendie.

Les habitations en bois se touchaient presque comme dans une ville européenne du Moyen Âge et se mélangeaient avec des constructions plus solides mais elles aussi avec des infrastructures en bois. Les flammes sautaient de toitures en toitures ensevelissant tout ce qui se trouvaient entre. Même la rivière Chicago eut du mal, en certains endroits, à servir de barrière de protection tellement l'incendie était intense.

À la suite de cette tragédie qui fit environ 300 victimes et plus de 100 000 sans abri, le conseil municipal de Chicago et le maire Joseph Medill promulguèrent une loi qui modifia le code du bâtiment interdisant toute nouvelle construction en bois. Quelques jours à peine après le déblaiement des ruines, la reconstruction de la ville commença et les autorités municipales avaient désormais le champ libre d'organiser une ville moderne et de se lancer dans des projets urbanistiques et architecturaux qui transformeraient Chicago en la ville la plus avancée du continent américain. La ville devient un laboratoire pour l'École d'architecture de Chicago qui réunit certains des architectes les plus influents des États-Unis. 14 ans plus tard est construit le premier gratte-ciel de l'histoire, le Home Insurance Building. En 1893, la ville accueillit l'Exposition universelle de Chicago qui attira 27 millions de visiteurs. C'est véritablement dans les années 1900, avec le fameux « Plan Burnham » des architectes-urbanistes Daniel Burnham et Edward H. Bennett, que Chicago se métamorphosa pour devenir la ville telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Événements proches

Lors de ce chaud et venteux automne, trois autres grands incendies ont eu lieu le long du lac Michigan en même temps que le Grand incendie de Chicago. Environ 600 kilomètres au nord, dans le Wisconsin, un feu de prairie attisé par des vents violents détruisit la ville de Peshtigo ainsi qu’une douzaine d’autres villages, tuant entre 1 200 et 2 500 personnes et ravagea environ 6 000 km2. Bien que l’incendie de Peshtigo fut le plus mortel de l’histoire américaine, l’éloignement de la région fit qu’il fut peu connu à l’époque. De l’autre côté du lac à l’est, la ville de Holland et d’autres localités avoisinantes brûlèrent jusqu’au sol. À quelque 150 kilomètres au nord de Holland, le village de bûcherons de Manistee fut aussi atteint par un incendie.

En 1872, soit un an plus tard, c'est la ville de Boston en Nouvelle-Angleterre qui est touchée par un grand incendie. Il détruisit 26 hectares et 776 bâtiments du centre-ville ; 30 personnes périrent dans la tragédie et un coût estimé à 73,5 millions de dollars de dégâts.

Panorama de Chicago après l'incendie

Vue panoramique sur le centre de Chicago totalement dévasté après le Grand incendie. C'est à partir de ses ruines que la ville renaîtra avec un nouveau plan d'urbanisme et une architecture ultra moderne.


Dans la culture populaire

Numismatique

  • Une médaille du centenaire a été émise en 1971 par la ville de Chicago à l'occasion du centième anniversaire de l'incendie[10].

Littérature

  • L'incendie est l'un des évènements du troisième tome de la série de roman jeunesse L'Agence Pinkerton, Le complot de la dernière aube, par Michel Honaker.

Au cinéma

  • Time Travelers réalisé par Alexander Singer et produit par Irwin Allen en 1976, où deux hommes remontent le temps afin de sauver une patiente d'une grave maladie.
  • L'Incendie de Chicago (titre original : In Old Chicago) réalisé par Henry King en 1937. Ce film reprend la thèse de l'accident de la vache dans la grange de la famille O'Leary

Notes et références

  1. Richard Bales, « What do we know about the Great Chicago Fire? », (consulté le )
  2. (en) Bessie Louise Pierce, A History of Chicago : Volume III : The Rise of a Modern City, 1871-1893, Chicago, University of Chicago Press, 1957, rep. 2007, 4 p. (ISBN 978-0-226-66842-0, lire en ligne)
  3. The Great Chicago Fire par Robert Cromie, publié par Rutledge Hill Press (ISBN 1-55853-264-1) et (ISBN 1-55853-265-X) (pbk. edition)
  4. Robert Wood, « Did Biela's Comet Cause the Chicago and Midwest Fires? », dans 2004 Planetary Defense Conference: Protecting Earth from Asteroids, American Institute of Aeronautics and Astronautics, coll. « AIAA SPACE Forum », (DOI 10.2514/6.2004-1419, lire en ligne)
  5. (en) Thomas Horn, The Wormwood Prophecy: NASA, Donald Trump, and a Cosmic Cover-up of End-time Proportions, Charisma Media, (ISBN 978-1-62999-755-1, lire en ligne)
  6. Livre "The great conflagration. Chicago..." par James Sheahan et George P Uston
  7. Google Books, Les Belges du Wisconsin: Essai historique
  8. Donald Miller, City of the Century : The Epic of Chicago and the Making of America, New York, Simon & Schuster, , 704 p. (ISBN 0-684-83138-4, lire en ligne), p. 159.
  9. Chicago et l’incendie de 1871 : entre mythes et réalité
  10. Site Cgb.fr, "Médaille du centenaire de l’incendie de Chicago", consultée le 18 août 2018

Voir aussi

Bibliographie

  • "People & Events: The Great Fire of 1871". The Public Broadcasting System (PBS) Website. Retrieved Sep. 3, 2004.
  • "History of the Great Fires in Chicago and the West". - Rév. Edgar J. Goodspeed, Doctor of Divinity, 1871, 677 p.
  • Chicago and the Great Conflagration - Elias Colberd et Everett Chamberlin, 1871, 528 p.
  • The Great Conflagration - James W. Sheahan et George P. Upton, 1871, 458 p.
  • The Great Chicago Fire and the Myth of Mrs. O'Leary's Cow - Richard F. Bales, McFarland & Co., 2002
  • « Who Caused the Great Chicago Fire? A Possible Deathbed Confession » - Anthony DeBartolo, Chicago Tribune, et « Odds Improve That a Hot Game of Craps in Mrs. O'Leary's Barn Touched Off Chicago Fire » - Anthony DeBartolo, Chicago Tribune, -

Articles connexes

Liens externes

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