Gobelets d'Aco

Les gobelets dit « d'Aco » sont des gobelets en céramique à parois fines de forme Déchelette 57 à décor moulé, originellement produits au tournant du Ier siècle de notre ère (époque augustéenne, 27 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.) par l'atelier d'Aco, maître potier d'Italie du nord. Ils ont été abondamment imités par des ateliers de la région lyonnaise, de Gaule du centre et de Gaule du sud ; et par de nombreux autres ateliers dans l'empire romain. Ils ont été exportés jusqu'aux frontières de l'empire romain.

Le nom « gobelet d'Aco » est de nos jours utilisé comme une appellation générique pour les gobelets du même type, bien que l'appellation soit susceptible d'engendrer des confusions.

Description

Les gobelets Aco tiennent une place à part dans la céramique[1] : ils sont souvent classés avec les sigillées en raison de leur décor moulé[2], mais leur forme, l’absence d'engobe et la couleur de leur pâte les classent parmi les céramiques à parois fines. Le style de leurs décors, leur forme, et leur mode de fabrication est entièrement différent de ceux des sigillées[3].

Ces gobelets correspondent à la forme Déch. 57[4] : petit gobelet, avec une hauteur moyenne que Déchelette, qui décrit ceux trouvés à Bibracte, donne pour 8 à 10 cm mais qui peut être un peu plus grande (11,2 cm pour ceux de Lyon-la Muette, par exemple). Ils sont légèrement pansus, avec des parois minces en argile fine, souvent de couleur ocre[3] parfois décrite comme brun-rouge à brun clair[5]. Ils portent des traces de tournassage à l'intérieur, et n'ont généralement pas de couverte externe (engobe) mais les modèles tardifs sont recouverts d'un vernis rouge ou d'une glaçure jaune vitreuse[3].

Les gobelets originels portent la signature d'Aco ou de ses ouvriers : Acastus, Diophanes, Eros, Hilarus, Han(no)[5]. Norbanus et Antioche sont également cités[3].

Le modèle de la région du Pô (Italie du nord) est en pâte siliceuse, avec une panse et un décor moulé et une lèvre soulignée par une rainure. La partie haute du vase n'est pas moulée, elle est tournée et rajoutée ensuite[6].

Décrivant les exemplaires trouvés à Lyon-la Muette, É. Bertrand (2000) donne une constante : la hauteur de la partie tournée (donc lisse), en haut du gobelet, est toujours d'une hauteur entre 2,5 et 3 cm, ce qui revient à dire que la hauteur totale est entièrement dépendante de celle de la partie moulée donc de celle du moule ; et trois variantes[6] :

Le type principal (type 1.1) est un gobelet élancé dont « le galbe du vase respecte un rapport hauteur totale/diamètre maximal (de la panse) compris entre 1.33 et 1.57 (moyenne 1.47) ». La partie moulée en constitue les trois quart de la hauteur[6].

Moule de gobelet Déch. 57, atelier de Saint-Rémy-en-Rollat (Allier).

Une variante basse (type 1.2) de ce premier type a été reconnue, mais cette taille moins élevée n'est pas un caractère majeur : leur hauteur moyenne n’est que faiblement inférieure à celle du type principal et certains de ces gobelets sont aussi grands et parfois plus grands. Leur principale distinction est un diamètre plus grand pour l'ouverture comme pour la panse : le rapport hauteur totale/diamètre maximal est en moyenne proche de 1 (de 0.87 à 1.07). De plus, leur profil est légèrement différent : l'ouverture plus large (2 cm en moyenne) et le pied dont la largeur moyenne passe de 4 à 7 cm (une augmentation de 75 %), rendent le gobelet plus cylindrique et moins évasé. Leur contenance en est accrue d'autant[6].

Le troisième type (1.3) distingué par Bertrand correspond aux gobelets « réellement abaissés », avec un profil plus ouvert mais surtout une hauteur de 6 à 8 cm, ce qui leur donne un rapport hauteur totale/diamètre maximal inférieur à 1 ; et comme la partie supérieure tournée reste de hauteur constante pour tous les types, la partie décorée au moule du type 1.3 représente 40 % de sa hauteur[6].

Noter cependant qu'il y a une contradiction entre cette description d'une part, qui suppose que la partie moulée est fabriquée à part de la partie supérieure non moulée et que ces deux parties sont accolées ensuite ; et d'autre part le tournassage interne dont parle Mayet et qui, lui, est en accord avec les moules de gobelets complets existants, dont un présenté entier par Déchelette[4] - ce qui indique une fabrication d'un seul tenant, le tournassage venant ensuite pour enlever le surplus d'argile à l'intérieur.

Débat sur le nom

Déjà en 1972 H. Vertet observe que l'usage de ce nom est un abus qui peut mener à confusion. Tous les gobelets d'Aco n'ont pas été produits par Aco (tant s'en faut). En 1904 Déchelette proposait un schéma d'expansion avec l'épicentre originel à Arezzo (Italie) et dans la vallée du Pô, pour la période Auguste-Tibère ; puis la Graufesenque (Aveyron) pour le Ier siècle, ensuite Lezoux pour le IIe siècle, et enfin les ateliers de l'Est aux IIe, IIIe et IVe siècles. Depuis, les nombreuses découvertes ont établi que ce postulat ne s'applique qu'à quatre ensembles d'ateliers les plus florissants et les plus productifs ; et ne tient pas compte des essais, des réussites temporaires et des reculs épisodiques de ces centres de production qui tiennent le devant de la scène. Il ignore d'autres ateliers qui ont pu servir d'étapes, et les succursales fondées dans des endroits divers et dont le rôle est plus ou moins notable[7].

Ateliers producteurs et dates

Ils sont produits principalement à l'époque augustéenne (27 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.), perdurant jusqu'à l'époque tibérienne (14-37)[3].

On ne sait pas encore où se trouvent les ateliers producteurs en Italie du nord. Ils se concentrent dans la vallée du Pô et dans le Piémont (un centre de production à Crémone).

En Gaule, ce sont principalement les ateliers de Lyon (principalement la Muette, avec le remarquable maître potier Chrisippus, et Loyasse[n 1]) et ceux de Lezoux[3].

Quelques gobelets « d'Aco »

Gobelet d'Aco du musée de Klagenfurt

Le musée Kärnten (de) de Klagenfurt (Carinthie, Autriche) possède un gobelet[8] venant du Magdalensberg, qui porte l'inscription suivante[9] :

« ACASTVS • ACO
VITA • BREVIS • SPES • FRAGI[lis ven]ITE • ACCENSVST • DVM • LVCET • BIBAMVS • SODALES •

(trad. : La vie est courte, l’espoir est fragile, venez tant que la lumière est allumée buvons compagnons) »

L'inscription forme une frise continue autour du gobelet et est un élément du décor de la pièce, sous la signature[9]. Son décor délicat est divisé en quatre zones de bas en haut : des triangles se coupant symétriquement, tracés par de petits rectangles placés bout à bout ; des ornements géométriques[8] avec feuilles d'acanthe, palmettes et grappes de raisin répétés régulièrement ; la frise de l'inscription, où une abeille précède le premier mot VITA ; et une zone de bâtonnets verticaux avec l'estampille du fabricant ACASTVS ACO. Trois galons en torsades séparent ces quatre zones. Le pied porte une moulure en saillie et l'ouverte est plutôt évasée[10].

Gobelets « Aco » de la Muette

Moule portant la signature de Chrisippus.

Les gobelets d'Aco représentent une part importante des éléments retrouvés dans les dépotoirs de l'atelier de la Muette. Ils appartiennent tous à la même période de production. Ils sont fabriqués à partir d'une pâte siliceuse avec des particularités dans les teintes et les argiles utilisés. En revanche, aucun gobelet n'a reçu de traitement de type sigillée caractérisé par un vernis rouge grésé. Comme la majorité des gobelets d'Aco, le col est dirigé vers l'extérieur, formant un léger bourrelet. Une petite moulure au pied du gobelet, également typique de cette production, sert de base au décor[11].

Deux gobelets exposés au musée musée de Fourvière présentent des décors détaillés en relief. Plusieurs scènes sont reproduites sur une même pièce ; pour l'une, ce sont des gladiateurs, héraut jouant de la trompette et scène érotique[12] ; pour l'autre, des bustes de Vénus sur colonnettes et Minerve entre deux couronnes de dauphins sur un gobelet à décor composite[13]. Ces gobelets portent la signature de Chrysippus, potier réputé pour la diversité de ses décors (gladiateur, cirque, métope, frise, décor composite ou décor de picots)[12].

Parmi les nombreuses pièces recueillies en 1967 sur le chantier de fouilles de la rue de la Muette, les analyses ont permis d'associer les moules des gobelets d'Aco à un atelier du fameux centre de production de poteries d'Arezzo au nord de l'Italie centrale[14] (220 km au nord de Rome). Les marques de fabrique ont livré une vingtaine de noms différents provenant du même atelier. Sur des gobelets du musée Lugdunum, figurent le nom de Chrysippus[15]. Ce potier, au registre ornemental varié, a signé de nombreuses réalisations[12]. Il a aussi été identifié à travers ses décors et sa signature dans l'atelier de Saint-Romain-en-Gal à Vienne (Isère) à la même époque[14],[16]. Les résultats des fouilles de l'atelier permettent de dater précisément l'activité de ces potiers entre 20 et 5 av. J.-C. La production y est soignée, proposant des pièces de qualité avec des formes originales privilégiant l'esthétique. Pas ou peu de pièces en série, empilables, ce qui peut expliquer le déclin précoce de cet atelier au profit de centres plus grands avec une production préférant la rentabilité. L'atelier de la Muette fait partie d'un centre de potiers important situé de part et d'autre de la Saône dans le quartier de Vaise. Sur la rive gauche de la Saône, les ateliers de La Manutention, La Butte, Saint-Vincent et La Muette se côtoient[17].

Gobelets d'Aco de Saint-Romain-en-Gal

Des gobelets de l'atelier de Saint-Romain-en-Gal portent la seule signature d'Aco, ce qui est rare en Gaule : cette signature sans associé/s n'est trouvée (en 1985) qu'à Bibracte, Gergovie et Puys-de-Voingt et elle n’est produite ni par la Muette ni par Loyasse[18],[n 1].

Voir aussi

Bibliographie

  • [Barreto, Laroche et Lenoble 2005] Florence Barreto, Colette Laroche et Michel Lenoble, « Un atelier de potier du Ier siècle, rue Cottin à Vaise, Lyon 9e », Revue archéologique de l'Est, t. 54, , p. 71-93 (ISSN 1760-7264, lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ). .
  • [Bertrand 2000] Éric Bertrand, La production des céramiques à paroi fine à Lyon. Les céramiques attribuées ou apparentées à l'atelier de la Butte (typologie, chronologie et diffusion) (mémoire de thèse de doctorat, dir. Armand Desbat), Lyon, Université Lumière Lyon 2, , sur theses.univ-lyon2.fr (lire en ligne). .
  • [Chausson & Galliano 2018] François Chausson et Geneviève Galliano (dir.), Claude. Lyon, 10 avant J.-C. - Rome, 54 après J.-C. : un empereur au destin singulier, Paris, Lienart, (ISBN 978-2-35906-255-7). .
  • [Déchelette 1904] Joseph Déchelette, Les vases céramiques ornés de la Gaule romaine (Narbonnaise, Aquitaine et Lyonnaise), t. 1, Paris, A. Picard & Fils, , sur archive.org (lire en ligne).
  • [Genin et al. 1996] Martine Genin, Bernard Dangreaux, Colette Laroche, Sandrine Flaigne et Armand Desbat, « Les productions de l'atelier de la Muette », Gallia, vol. 53, , p. 41-191 (ISSN 0016-4119, lire en ligne [sur persee], consulté le ). .
  • [Mayet 1980] Françoise Mayet, « Les céramiques à parois fines: état de la question », dans Pierre Lévêque et Jean-Paul Morel (dir.), Céramiques hellénistiques et romaines, vol. 1, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection de l'Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité », , sur persee (lire en ligne), p. 201-230. .
  • [Vertet, Lasfargues & Lasfargues 1968] Hugues Vertet, André Lasfargues et Jacques Lasfargues, « Observations sur les gobelets d'ACO de l'atelier de la Muette (Lyon) », Revue archéologique du Centre, vol. 7, no 1, , p. 35-44 (ISSN 1159-7151, lire en ligne [sur persee], consulté le ).

Notes et références

Notes

  1. L'atelier de Loyasse est situé dans le 5e arrondissement de Lyon. Il est généralement daté des années -30 à -15 (Desbat 1985, p. 10-14).

Références

  1. Mayet 1980, p. 204-205.
  2. Mayet 1980, p. 205.
  3. Mayet 1980, p. 206.
  4. Déchelette 1904, p. 46.
  5. [Paunier 1981] Daniel Paunier, La céramique gallo-romaine de Genève, Genève, A. Jullien, coll. « Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève » (no 9), (présentation en ligne), p. 36.
  6. Bertrand 2000, sec. 1.2.2.1.
  7. [Vertet et al. 1972] Hugues Vertet, André Lasfargues et Jacques Lasfargues, « Remarques sur les filiales des ateliers de la vallée du Pô à Lyon et dans la vallée de l'Allier », dans I problemi della ceramica romana di Ravenna, della Valle Padana e dell'alto Adriatico, Bologne, A. Forni, , sur lezoux.com (lire en ligne), p. 273-282.
  8. Déchelette 1904, p. 34.
  9. [Fiches, Cablat & Freises 1979] Jean-Luc Fiches, André Cablat et André Freises, « Formule latine sur un vase sigillé. Découverte d'un fragment inscrit, appartenant à la coupe Drag. 29 de Balaruc-le-Vieux », Revue archéologique de Narbonnaise, t. 12, , p. 255-263 (ISSN 0557-7705, lire en ligne, consulté le ), p. 263.
  10. Déchelette 1904, p. 35.
  11. Genin et al. 1996, p. 69.
  12. Genin et al. 1996, p. 75.
  13. Genin et al. 1996, p. 80.
  14. Chausson et Galliano 2018, p. 89.
  15. Genin et al. 1996, p. 71.
  16. Genin et al. 1996, p. 72.
  17. Barreto, Laroche et Lenoble 2005, p. 92.
  18. [Desbat 1985] Armand Desbat, « L'atelier de gobelets d'Aco de Saint-Romain-en-Gal (Rhône) », dans Lucien Rivet (éd.), Actes du congrès de Reims. 16 - 19 mai 1985, Marseille, Société française d'étude de la céramique antique en Gaule, (lire en ligne), p. 10-14.
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