Fulbert de Chartres

Fulbert de Chartres, né entre 952 et 970 et décédé le , était un écolâtre renommé. Auteur de poèmes liturgiques et épistolier, il fut nommé évêque de Chartres en 1006. Il n'est pas considéré comme saint par l'Église catholique, mais il a fait l'objet d'un culte, tardif, dans certains diocèses français où il est liturgiquement commémoré le .

Biographie

Il indique lui-même dans ses poèmes qu'il était issu d'un milieu très modeste[1]. Quant à son origine géographique, elle reste très débattue : certains ont pensé qu'il était natif de Rome ou au moins de l'Italie[2] ; d'autres qu'il venait du Poitou[3] ; d'autres encore qu'il était originaire du comté de Roucy en Picardie[4]. Autrefois considéré (à tort) comme un élève de Gerbert d'Aurillac[5], on trouve sa trace à Chartres comme chanoine et écolâtre à partir de 1004. Son enseignement y gagne une grande notoriété et préfigure les futures écoles de la ville, bien que Fulbert ne puisse être directement lié à la renaissance du XIIe siècle. On n'y apprend pas seulement la théologie, mais encore la géométrie, la médecine, la philosophie. Nombreux et fidèles seront ses disciples. Parmi ceux-ci, on connaît notamment : Bernard, écolâtre d'Angers, Bérenger de Tours, Adelman de Liège, Hildegaire, Sigon[6]. Fulbert est aussi réputé comme conseiller des rois et des princes, notamment par sa proximité avec le roi Robert le Pieux ou avec le duc Guillaume V d'Aquitaine.

Le roi de France Robert le Pieux le fait nommer évêque de Chartres en 1006. Il est sacré fin octobre ou début novembre par Liéry, archevêque de Sens. Il sera un évêque consciencieux et intègre, soucieux de l'indépendance de l'Église, mais aussi de paix et de concorde dans le respect des personnes. C'est ainsi qu'il cherche à réconcilier le comte Eudes II de Blois avec le roi de France.

Il utilise le droit féodal qui est très respecté dans le nord du royaume tandis que les territoires du sud le pratiquent moins et l'oublient. À ce titre, le duc Guillaume V d'Aquitaine le consulte par une lettre pour lui demander quelles sont les obligations qu'a le vassal envers son seigneur, son vassal Hugues IV de Lusignan ne souhaitant pas lui obéir. Fulbert de Chartes lui répond dans une célèbre lettre que la fidélité se résume en six mots : « salut, sécurité, honneur, intérêt, facilité et liberté d'action [7]. » et que « De son côté, le seigneur doit dans tout cela agir de même à l'égard de son fidèle. ».

Le , la cathédrale de Chartres disparaît dans les flammes. Fulbert se démène pour financer la construction d'une nouvelle basilique. La crypte en subsiste encore. Ses dons musicaux furent mis au service de la liturgie et au service du culte marial qu'il contribue à développer.

Œuvre conservée

On conserve de Fulbert de Chartres cent treize lettres (cent trente-huit lettres pour l'ensemble de la Correspondance), neuf sermons, plus trois textes de polémique contre les Juifs (comptés autrefois comme un seul Traité contre les Juifs) et une trentaine de poèmes et textes liturgiques. Les deux premières éditions imprimées des œuvres de Fulbert ont été données par Jean Papire Masson (Paris, 1585) et Charles Devilliers (Paris, 1608).

  • Patrologia Latina, vol. 141, col. 163-373.
  • Frederick Behrends (éd., trad.), The Letters and Poems of Fulbert of Chartres (texte latin et traduction anglaise), Oxford, Clarendon Press, 1976.
  • Juliette Clément (coord.), Fulbert de Chartres. Œuvres, correspondance, controverse, poésie (texte latin et traduction française), Société archéologique d'Eure-et-Loir, 2006.

Les lettres de Fulbert sont en grande partie adressées à d'autres évêques de son époque (notamment treize lettres adressées à l'archevêque de Sens Liéry, métropolitain de la province dont dépendait Chartres ; une adressée au pape Jean XIX ; une adressée à Bonipert, premier évêque de Pécs en Hongrie). Il écrit aussi à des abbés de monastère, notamment Odilon de Cluny (quatre lettres). Parmi ses destinataires laïcs, on relève notamment le roi Robert le Pieux (quinze lettres), le duc Guillaume V d'Aquitaine (cinq lettres), mais aussi une lettre au duc Richard II de Normandie et une autre au roi Knut (roi de Danemark et d'Angleterre). Il y a aussi sa correspondance avec Hildegaire, son disciple le plus proche (à qui il adresse sept lettres, et douze lettres d'Hildegaire, dont six à Fulbert, sont rangées dans le même corpus de lettres).

Culte

Il faut distinguer la renommée de Fulbert, parfois qualifié de saint homme à partir du XIIe siècle, de son culte liturgique, extrêmement tardif. Fulbert n'a jamais fait l'objet d'un procès de canonisation par l'Eglise catholique romaine[8].

  • À la fin du XIe siècle, il n'est pas encore qualifié de saint dans les documents qui citent ses écrits dévotionnels[9]
  • Il est absent du calendrier parisien à la fin du Moyen-Âge (Perdrizet).
  • À partir du XVIIIe siècle, dans le contexte du gallicanisme qui cherchait à fonder l'Eglise de France sur des modèles de sainteté locale, il a fait l'objet d'un culte dans certains diocèses français qui s'est prolongé jusqu'à nos jours[10]. Une statue ajoutée dans la cathédrale en mémoire de Fulbert bâtisseur n'est pas une preuve de culte[11].
  • En 1784, il est totalement absent de l'édition officielle du Martyrologe de l'Eglise catholique promulgué par Benoît XIV[12].
  • En 1788, il n'est pas fait mention de Fulbert dans le processionnal et rituel du diocèse de Chartres. Il est absent des litanies qui y sont prescrites[13].
  • En 1864, une chapelle lui est consacrée dans la crypte de la cathédrale de Chartres[14].
  • En 2004, son inscription pour la première fois au martyrologe romain équivaut à une reconnaissance de culte[15].
  • Actuellement, Fulbert est inscrit au calendrier des diocèses de l'Église de France ().

Hommages

  • Une statue contemporaine en bronze de l'évêque Fulbert de Chartres exécutée par Bernard Damiano (1926-2000) se trouve sur la place de la cathédrale chartraine.

Notes et références

  1. « Sed recolens quod non opibus neque sanguine fretus/ Conscendi cathedram, pauper de sorde levatus,/ Arbitror hoc a te factum sicut tuus est mos,/ Nec mutare locum, nisi significaris, ausim » ; et dans un autre : « Te de pauperibus natum suscepit alendum/ Christus, et immeritum sic enutrivit et auxit/ Ut collata tibi miretur munera mundus./ Nam puero faciles providit adesse magistros,/ Et juvenem perduxit adhuc ut episcopus esses [...] ». Ce dernier vers précise donc qu'il était encore jeune quand il devint évêque en 1006.
  2. En rapprochant deux passages d'une lettre (Domino suo Einhardo) : « [...] hæsitare diutius cœpi, an mihi adhuc codicem illum unum haberem quem a natali patria inter ceteros devexeram, in quo ejusmodi exemplaria continebantur » ; et à la fin de la lettre « [...] Hæc pauca [...] ad præsens sufficiant, dum ego codicem de ejusmodi exemplaribus a Romano scrinio prolatum perlegam ». Le livre en question est donc dit à la fois « a natali patria » et « a Romano scrinio ».
  3. À cause de ses liens avec Guillaume V d'Aquitaine, qui le nomma trésorier de Saint-Hilaire de Poitiers, et du fait qu'il l'appelle « herus meus » (« mon seigneur »). Mais l'argument paraît faible.
  4. Jean-Noël Mathieu, « Les relations de l'évêque Fulbert de Chartres avec le lignage des comtes de Roucy », Bulletin de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, n° 94, 2007, p. 47-52.
  5. Selon Pierre Riché, historien, professeur émérite de l'université de Paris X Nanterre, « il n'a certainement pas été l'élève de Gerbert de Reims comme on le prétendait autrefois. »
  6. Adelman de Liège donne une liste de disciples dans son poème Rhythmi alphabetici, mais il en a fait deux versions à quinze ans d'intervalle (1033 et 1048), avec en partie des noms différents.
  7. Les Liens féodaux vassaliques entre Fulbert et Renaud sur le site Sources Médiévales
  8. Sur l'histoire du culte de Fulbert, voir aussi Edina Bozoky. Le culte de sainteté de Fulbert de Chartres.. Michel Rouche. Actes du colloque, Oct 2006, Chartres, France. Presses Universitaires de Paris Sorbonne, p. 173-187, 2008, Cultures et Civilisations médiévales ; 43. 〈hal-00343374〉et surtout Margot Fassler, "Fulbert après Fulbert. Le mythe d'un évêque de Chartres" dans Fulbert de Chartres, dir. M. Rouche, Presses universitaires Paris Sorbonnes, 2008, p. 103 sqq.
  9. Voir par exemple le manuscrit Dijon, Bibliothèque municipale, ms. 30, f. 131r : "Oratio domni Fulberti episcopi Karnotensis...".
  10. Almanach du Diocèse de Paris : 1842-1843, , 196 p. (lire en ligne), p. 6.
    Almanach du diocèse de Paris 1842-1843, p. 12
  11. Représentations de Fulbert dans la cathédrale de Chartres.
  12. (en) « Martyrologium romanum : Catholic Church : Free Download, Borrow, and Streaming : Internet Archive », sur Internet Archive (consulté le ).
  13. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1511368k Processional à l'usage des églises du diocèse de Chartres, suivant le nouveau bréviaire..., Chartres, 1788, p. 378
  14. « Thèmes - Fulbert - Crypte - Chapelle de Fulbert », sur cathedrale-chartres.fr (consulté le ).
  15. Il est mentionné par Xavier Lecoeur dans la revue "Prions en Eglise" n°352 d'avril 2016 (page 6).

Voir aussi

Bibliographie

  • Dezobry et Bachelet, Dictionnaire de biographie, vol. 1, Ch. Delagrave, 1878, p. 1118
  • René Merlet, abbé Clerval, Un manuscrit chartrain du XIe siècle. Fulbert, évêque de Chartres, Imprimerie Garnier, Chartres, 1893 (lire en ligne)
  • Claude Genin, Fulbert de Chartres (vers 970-1028) : une grande figure de l'Occident chrétien au temps de l'an mil, Société archéologique d'Eure-et-Loir, 2003.

Articles connexes

Liens externes

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