François l'Olonnais

François l'Olonnais, (aussi dit l'Olonnais, l'Olonnois, Lolonois et Lolona) est considéré comme l'un des flibustiers les plus cruels et sanguinaires toutes époques confondues. Son véritable nom reste un mystère. Certains auteurs l'ont désigné sous le nom de Jean-David Nau, sans citer la moindre source archivistique. Selon le Dictionnaire des Corsaires et des Pirates publié en 2013, ce prénom et ce nom seraient « au pire une invention, au mieux une confusion »[1].

D'origine française, né aux Sables-d'Olonne vers 1630, François l'Olonnais commet ses principaux actes de piraterie en compagnie de Michel le Basque. Après avoir fait naufrage en 1669 sur la côte de Darién, au Panama, il aurait été capturé puis haché, rôti et dévoré par des Indiens cannibales.

Contexte historique

À la suite de sa conquête de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, l'Espagne importe le produit des mines d'or et d'argent de son nouvel empire. Ces richesses transitent d'Amérique vers l'Espagne par la Flotte d'Argent. Une aubaine extraordinaire pour la piraterie qui se développe alors dans la mer des Caraïbes, l'Espagne tire ses richesses de cet afflux et les Espagnols ne sont pas tendres envers ceux qui s'y attaquent. Ainsi, tous les flibustiers sans exception, qu'ils soient français, hollandais, anglais ou indiens, étaient unis inconditionnellement par leur haine des Espagnols.

Certains étaient poussés par une motivation extrêmement forte, comme Daniel Monbars, dit « L'Exterminateur », Bartholoméo le Portugais ou encore Roche Brasileiro, dit « Le Roc »[réf. nécessaire]. Mais l'un des capitaines flibustiers les plus connus est le boucanier François l'Olonnais, souvent nommé Lolonois ou même Lolona. Arrivé dans sa jeunesse aux Caraïbes, il avait dû subir les trois années d'engagement avant d'être admis dans la société des boucaniers. Les années qu'il connaît alors dans la forêt, avec le danger permanent d'être fait prisonnier par les lanciers espagnols et d'être brûlé vivant, font naître en lui une haine sans limite contre les Espagnols.

Biographie

L'Olonnais devient flibustier

Après plusieurs années de chasse, le jeune boucanier décide de prendre la mer comme flibustier. Devenu pirate, l'Olonnois fait la preuve de son courage et de sa décision, si bien que le jour où le capitaine tombe au combat, on l'élit capitaine. Malgré plusieurs prises, il perd son navire dans une violente tempête. Toutefois, sa réputation de capitaine lui permet, avec le soutien de Frédérick Deschamps de La Place, le gouverneur français de l'Île de la Tortue, d'armer rapidement une nouvelle unité. L'Olonnais commence à acquérir une telle réputation de cruauté vis-à-vis de ses prisonniers que tous les navires espagnols, toutes les villes combattent contre lui jusqu'au dernier homme.

Après plusieurs bonnes prises, il fait naufrage non loin de Campêche, au Mexique. Lorsque les Espagnols le débusquent, ils abattent tout l'équipage. L'Olonnois n'échappe à la mort qu'en se barbouillant de sang et en se cachant sous des cadavres. Dès le départ des Espagnols, il revêt l'uniforme d'un Espagnol, gagne Campêche, convainc quelques esclaves avec lesquels il s'empare d'un canot et revient à la rame à la Tortue. De nouveau, l'Olonnois parvient, avec l'aide du gouverneur, à armer un navire. Tandis que les Espagnols fêtent leur victoire sur le pirate qu'ils craignaient tant, l'Olonnois guette déjà sur son troisième navire les galions espagnols devant La Havane.

La prise de Maracaïbo

C'est avec Michel le Basque, autre grand chef flibustier, que l'Olonnais entreprend en 1666 la première grande expédition de flibustiers contre le continent sud-américain. Les deux hommes réunissent pour cette campagne huit voiliers et un corps de débarquement de 650 hommes sous leurs ordres. Sur le chemin de Maracaïbo (aujourd'hui au Venezuela), objectif de leur raid, ils s'emparent de quelques bonnes prises, dont un grand voilier espagnol chargé de cacao et de 300 000 thalers.

Maracaibo, située à l'extrémité du lac du même nom, est reliée à la mer par un étroit chenal défendu par le fort San Carlos. L'Olonnais et le Basque débarquent leurs troupes hors de portée des canons du fort et le prennent d'assaut. Puis ils font route dans le chenal et attaquent la ville, qui comptait alors 4 000 habitants, et qui se défend âprement. Alors qu'ils sont encore occupés à piller, les flibustiers apprennent qu'un détachement espagnol a été envoyé en renfort. L'Olonnais marche à la rencontre de cette troupe avec un groupe de 380 hommes, et les met en pièces non loin de la petite ville de Gibraltar. Les Espagnols perdent 500 hommes, tandis que les flibustiers ne comptent que 40 morts et 30 blessés. L'Olonnais passe six semaines dans la ville de Gibraltar, qu'il met à sac, réunissant un riche butin. Mais dans cette ville pillée et saccagée, une épidémie se déclare dans les rangs des pirates. Ils incendient alors la ville et reviennent vers Maracaïbo, qu'ils pillent à nouveau, cette fois radicalement. Le butin des flibustiers s'élève à 260 000 pièces de huit (réaux) et environ 100 000 couronnes d'objets de culte et de bijoux.

Après la prise de la ville vénézuélienne, l'Olonnais envisage de dévaster et de piller un pays tout entier, le Nicaragua espagnol. Fort de son succès à Maracaïbo, il rassemble six gros navires et 700 flibustiers. Le premier objectif de la campagne est le cap Gracias a Dios (aujourd'hui au Honduras), mais la flottille est prise par la tempête et les courants poussent les flibustiers dans le golfe du Honduras. Ils décident de « nettoyer » les côtes du golfe, c'est-à-dire de les piller jusqu'à ce que les conditions météorologiques leur permettent de poursuivre leur expédition. Leurs victimes sont de petites agglomérations de pêcheurs de tortue, généralement des Indiens. Les flibustiers détruisent leurs cabanes et volent leurs embarcations, sapant ainsi les bases de l'existence de ces Indiens. Leur butin est maigre, mais la haine qu'ils éveillent est puissante.

L'Olonnais le cruel

Leur première proie, de quelque importance, est un voilier espagnol armé de 20 canons, à Puerto Cabello. L'Olonnois se décide à marcher vers l'intérieur des terres. Il force des prisonniers à lui servir de guide vers la ville de San Pedro. La progression est difficile pour les flibustiers, non seulement à cause des obstacles naturels, mais aussi du fait des attaques incessantes des Espagnols qui ont été informés des projets de l'Olonnois. Au cours de cette marche, rapporte Alexandre-Olivier Exquemelin (ou Œxmelin ou Exmelin)[2], l'Olonnois exerce contre les prisonniers espagnols la cruauté qui lui est usuelle :

« II avait pour habitude de tailler en pièces et d'arracher la langue aux personnes qui n'avouaient rien sous la torture. S'il l'avait pu, il aurait aimé procéder de même avec tous les Espagnols. Souvent, il arrivait que quelques-uns de ces malheureux prisonniers, sous la torture, promettent de montrer l'endroit où se cachaient leurs compatriotes avec leurs richesses. Ensuite, s'ils ne retrouvaient pas cet endroit, ils mouraient d'une mort plus cruelle que leurs camarades. »

Exquemelin affirme même dans son livre que l'Olonnois ouvrit un jour la poitrine d'un Espagnol d'un coup de sabre et lui arracha le cœur encore palpitant. Une autre version affirme que l'Olonnois dévora ensuite le cœur.

Exquemelin, qui a été chirurgien des Frères la Côte au XVIIe siècle, rapporte aussi l’anecdote suivante. À la tête d’une vingtaine d’hommes, il vint mouiller devant Cuba où il s’empare d’un vaisseau espagnol qui devait lui livrer la chasse. Il apprend qu’à son bord se trouvait un bourreau spécialement engagé par le gouverneur pour le faire pendre ainsi que tous ses hommes.

« L’Olonois, à ces mots de bourreau et de pendre, devint tout furieux ; dans ce moment il fit ouvrir l’écoutille par laquelle il commanda aux Espagnols de monter un à un ; et à mesure qu’ils montaient, il leur coupait la tête avec son sabre. Il fit ce carnage seul et jusqu’au dernier[3]. »

Sa cruauté est également décrite dans l'ouvrage La Coupe d'or de John Steinbeck, auteur dont la passion de l'histoire de la navigation reste encore méconnue en France. En effet celui-ci énumérant les nombreux pirates ayant marqué l'histoire de la mer en vient à parler de François l'Olonnais :

« Il arrachait la langue de ses prisonniers, et les découpait en morceaux à coups de sabre. Les Espagnols auraient préféré rencontrer le diable sous n'importe quelle forme plutôt que de se trouver en présence de l'Olonnais. Le seul bruit de son nom dépeuplait les villages, et l'on affirmait que les souris se sauvaient dans la jungle à son approche.[...] Un jour où il avait particulièrement soif de sang, il ordonna de disposer sur un rang quatre-vingt-sept prisonniers, pieds et poings liés. Puis il se promena le long de la file, tenant un pierre à aiguiser d'une main, et un long sabre de l'autre, et coupa quatre-vingt-sept têtes. Mais l'Olonnais ne se contenta pas de tuer des Espagnols. Il s'en fut dans le doux pays de Yucatán où les gens vivaient dans des cités en ruine, où les vierges marchaient couronnées de fleurs. C'était un peuple paisible qui s'éteignait de façon inexplicable. Quand l'Olonnais se retira, les villes n'étaient plus que des amas de pierres et de cendres, et les couronnes avaient disparu à jamais[4]. »

Des conquêtes rares et difficiles

Après une forte résistance des soldats espagnols, San Pedro (actuel Honduras) tombe entre les mains des flibustiers. Mais la plupart des habitants se sont déjà enfuis, et ont eu le temps de mettre leurs biens en sécurité. Sans grand butin, l'Olonnois fait mettre le feu à la ville et revient à la côte, fortement affaibli. Bien que l'insatisfaction soit grande chez les flibustiers après cette longue période sans succès et très coûteuse en vies humaines, l'Olonnois, en faisant miroiter l'espoir d'une riche prise, parvient encore à conserver en main ses hommes.

Lorsque le navire espagnol La Hourque attendu arrive enfin, après trois mois d'attente, l'Olonnais donna ordre d'appareiller les vaisseaux, mais les Espagnols qui avaient été avertis d'une attaque avaient préparé leurs canons et débâclé leur navire, c'est-à-dire, ôté tout ce qui pourrait nuire pendant le combat. Leurs canons, au nombre de 56, avec beaucoup de grenades, de pots-à-feu, de torches, de saucissons qu'ils avaient sur les châteaux d'avant et d'arrière.
Quand les Aventuriers approchèrent, ils s'aperçurent bien qu'ils étaient découverts et qu'on les attendait, mais ils attaquèrent. Les Espagnols se mirent en défense, et quoiqu'inférieurs en nombre, ils leur donnèrent bien du fil a retordre. Mais après avoir combattu presque un jour entier, comme ils n'étaient guère plus de soixante hommes, ils se lassèrent et les Aventuriers voyant que leur feu diminuait, les flibustiers s'approchèrent de l'autre bord, répartis en quatre canots, les abordèrent et se rendirent maîtres de la Hourque. L'Olonnais envoya immédiatement quelques petits bâtiments afin de prendre la patache, qui venait, disait-on, chargée de cochenille, d'indigo et d'argent. Mais les Espagnols ayant eu connaissance de la prise de la Hourque ne firent pas descendre la patache et se retranchèrent. Les Flibustiers n'osèrent rien entreprendre.
L'Olonnais ne fit pas un grand butin en prenant ce bâtiment comme il l'avait imaginé. S'il l'avait pris dès son arrivée, le butin aurait valu plus d'un million, mais étant resté près de 6 mois sur cette côte le navire avait déchargé hors de vue des pirates.
Ils ne trouvèrent dans la Hourque ni or ni argent : le navire espagnol est chargé vingt mille rames de papier et cent tonneaux de fer en barre qui servait de lest au vaisseau et quelques ballots de marchandises de peu de valeur comme des toiles, serges, draps et rubans de fil en grande quantité.

Un assez grand nombre des flibustiers nouveaux venus de France, qui n'avaient entrepris ce voyage avec l'Olonnais que parce qu'ils l'avaient vu revenir de Maracaïbo comblé de biens, ennuyés par cette misérable vie commencèrent à se plaindre et à dire qu'ils voulaient retourner à la Tortue. Finalement ceux qui voyant que le voyage de Nicaragua ne réussissait pas, s'embarquèrent sur le bâtiment commandé par un nouveau capitaine élu, Moïse Vauquelin, afin d'aller la Tortue, raccommoder le bâtiment et retourner en course. Mais lorsqu'ils voulurent sortir, ils échouèrent sur un récif et leur dessein échoua avec eux. Moïse Vauquelin se voyant sans vaisseau embarqua sur celui du chevalier du Plessis.

Une seconde partie, sous les ordres de Pierre le Picard, poursuit sa quête de butin indépendamment, d'ailleurs avec peu de succès. L'Olonnois reste avec 300 hommes dans le golfe du Honduras, et attend des prises qui ne viennent pas. La chance a quitté le capitaine si heureux jusqu'ici.

La fin de l'Olonnais

Il échoue son navire sur un banc de sable. L'équipage est affamé . Malgré tous les efforts (on débarque les canons et le gréement), le navire ne se remet pas à flot. Pendant six mois, l'Olonnois doit se défendre contre les attaques incessantes des Indiens, puis, avec 150 hommes seulement, il atteint, à bord de barques à fond plat qu'ils ont construites, l'embouchure du Rio San Juan, qui mène au lac Nicaragua. Mais les Indiens et les Espagnols les repoussent. Il continue à la voile le long des côtes du golfe de Darién. Descendu à terre pour trouver des vivres et de l'eau douce, il est fait prisonnier par des Indiens libres (que les Espagnols appellent Indios bravos). Il s'agissait certainement de cannibales, puisque le récit d'Exquemelin se termine par ces mots : « Ils le hachèrent par quartiers, le firent rôtir et le mangèrent ». Cependant, des doutes planent encore sur la véracité de ces faits et la fin de l'Olonnais.

Dans la culture populaire

Dans les œuvres de fiction

  • Une version fictionnalisée de l'Olonnais est souvent mentionnée dans le roman The Island de Peter Benchley, sorti en 1979.
  • Le nom de famille de Zoro Roronoa du manga One Piece vient de l'Olonnois. En japonais, il n'y a pas de différence entre le R et le L, ainsi l'Olonnois et Roronoa sont prononcés de manière similaire : l’Olonnais est devenu Roronais puis Roronoa[5].
  • Certains des exploits de l'Olonnais (tels que la capture de Maracaibo) ont été employés dans les aventures du pirate fictif Peter Blood dans le roman Captain Blood par Rafael Sabatini. Ils apparaissent aussi dans le roman The Black Corsair d'Emilio Salgari.
  • L'Olonnais apparait dans les jeux vidéo Sid Meier's Pirates! , Tropico 2 : La Baie des Pirateset The Pirate : Caribbean Hunt
  • Michel Ragon a fait de l'Olonnais le héros de son roman le Marin des sables (paru en 1987).
  • Yvon Marquis a fait de l'Olonnais le héros, droit fidèle mais impitoyable, de son roman Nau l'Olonnais, fléau des Caraïbes : Yvon Marquis, Nau l'Olonnais, fléau des Caraïbes, La Geste, , 256 p., 15,8 x 24 cm (ISBN 978-2-36746-899-0, présentation en ligne),[6].
  • Le roman d'aventure Les pilleurs d'âmes de Laurent Whale (juillet 2010), où espionnage intergalactique se mêle à la flibuste du XVIIe siècle, se déroule sur le bateau de l'Olonnais et de son équipage, décrivant la cruauté de la piraterie.
  • La bande dessinée Tortuga (2 tomes - éditions Ankama) met en scène l'Olonnais dans le tome 2. Les actions de ce personnage dans la BD sont totalement fictives.
  • L'Olonnais apparaît aussi dans Le Manoir, tome 5 : Lou et l'île maudite de Evelyne Brisou Pellen. Il apparaît comme fantôme gris et « aide » les fantômes blancs à mettre en déroute un autre fantôme gris.
  • En 2017, Fanny Lesaint met en scène le pirate dans Lolonoa, Journal d'un pirate des Caraïbes, aux éditions Beaupré.

Dans la musique

  • Le chanteur Michel Tonnerre parle de ce flibustier dans la chanson L'olonnois sur l'album C'est la mer.

Notes et références

  1. Gilbert Buti (dir.) et Philippe Hrodej (dir.), Dictionnaire des Corsaires et des Pirates, Paris, Éditions du CNRS, , 990 p. (ISBN 978-2-271-08060-8), p. 574-575
  2. Alexandre-Olivier Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, Première édition intégrale et critique (1686), Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2005
  3. Cité par : HAZARD, Paul, La crise de la conscience européenne 1680-1715, Paris, Fayard, (1935), 1968, p. 340.
  4. John Steinbeck, La Coupe d'or, Gallimard, traduit de l'anglais par Jacques Papy, 1952, p.140-141.
  5. Marylise Kerjouan, « Les Sables. François l’Olonnais, le pirate sablais devenu star au Japon », sur ouest-france.fr, (consulté le ).
  6. Ouest-France, « Nau l'Olonnais, célèbre mais méconnu », sur ouest-france.fr, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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