Formules d'Ehrenfest

Les formules d'Ehrenfest sont des formules donnant l'évolution de la pression de transition de phase d'un corps pur en fonction de la température.

Ces formules ne sont valables que pour une transition de phase d'ordre deux selon la classification d'Ehrenfest des changements d'état, c'est-à-dire, selon la classification actuelle, pour une transition de phase n'impliquant pas une enthalpie de changement d'état. Si tel n'est pas le cas, la transition est d'ordre un et il faut se rapporter à la formule de Clapeyron.

Énoncé

À température donnée, un changement d'état d'un corps pur d'une phase notée à une autre notée s'effectue à pression constante , ce que l'on représente sur un diagramme de phase. Pour une transition de phase d'ordre deux selon la classification d'Ehrenfest des changements d'état, la pression de changement d'état varie en fonction de la température selon les formules d'Ehrenfest :

Formules d'Ehrenfest :


avec :

  • la température de changement d'état (en kelvins, K) ;
  • la pression de changement d'état à la température (en pascals, Pa) ;
  • le volume molaire commun aux deux phases à l'équilibre à la température et sous la pression (en mètres cubes par mole, m3/mol) ; voir le paragraphe Classification d'Ehrenfest, transition d'ordre deux : dans une transition d'ordre deux le corps pur ne change pas de volume, contrairement à une transition d'ordre un comme la vaporisation par exemple ;
  • et les coefficients de dilatation isobare du corps pur respectivement dans les phases et à la température et sous la pression (en K-1) ;
  • et les coefficients de compressibilité isotherme du corps pur respectivement dans les phases et à la température et sous la pression (en Pa-1) ;
  • et les capacités thermiques isobares molaires du corps pur respectivement dans les phases et à la température et sous la pression (en joules par kelvin et par mole, J/(K·mol)).
Note 1 - transitions de phase d'ordre un.
Cette formule n'est valable que dans le cas d'une transition de phase du deuxième ordre selon la classification d'Ehrenfest des changements d'état. Pour les transitions de phase du premier ordre, voir la formule de Clapeyron.
Note 2 - limite de la classification d'Ehrenfest, les transitions λ.
La classification d'Ehrenfest ne prévoit pas le cas des transitions λ (lambda) dans lesquelles la capacité thermique isobare de l'une des deux phases diverge et devient infinie, raison pour laquelle cette classification a été abandonnée.

Classification d'Ehrenfest, transition d'ordre deux

La classification d'Ehrenfest repose sur le principe suivant :

« Une transition de phase est d'ordre n si la fonction enthalpie libre et ses dérivées jusqu'à l'ordre n-1 sont continues, tandis qu'une de ses dérivées d'ordre n au moins est discontinue. »

Pour une transition d'ordre 2, la dérivée d'ordre 0 de l'enthalpie libre est continue lors du changement d'état. Autrement dit, l'enthalpie libre est invariante lors du changement d'état à pression et température constantes. Ainsi, dans les conditions d'équilibre (mêmes pression et température), l'enthalpie libre d'une quantité de corps pur dans l'état est égale à l'enthalpie libre de cette même quantité de corps pur dans l'état  :

Étant donné l'identité de l'enthalpie libre molaire d'un corps pur et de son potentiel chimique, ceci implique que :

De même, pour cette même transition d'ordre 2, les dérivées partielles d'ordre 1 de l'enthalpie libre :

sont continues :

avec :

  • et les volumes de la quantité du corps pur respectivement dans les phases et , à la température et sous la pression  ;
  • et les entropies de la quantité du corps pur respectivement dans les phases et , à la température et sous la pression .

On a donc, en termes de volume molaire et d'entropie molaire :

Ceci implique d'une part que dans une transition de phase d'ordre 2 il n'y a pas d'enthalpie de changement d'état :

et d'autre part que la formule de Clapeyron, valable pour les transitions d'ordre 1 :

n'est pas applicable aux transitions d'ordre 2, puisqu'elle mène à une indétermination de la forme 0/0.

Dans une transition de phase d'ordre deux (par exemple la transition conducteur-supraconducteur) le corps pur ne change pas de volume, contrairement à une transition de phase d'ordre un (par exemple dans la vaporisation d'un liquide le volume résultant de gaz est supérieur au volume initial de liquide). De plus, puisque l'entropie est invariante, il n'y a pas d'entropie de changement d'état et donc pas d'enthalpie de changement d'état dans une transition de phase d'ordre deux, contrairement aussi à une transition de phase d'ordre un (la vaporisation d'un liquide nécessite l'apport de chaleur). Contrairement à une transition d'ordre un dans laquelle le corps pur passe par une série d'états intermédiaires où les deux phases coexistent (dans une vaporisation le liquide et la vapeur coexistent depuis l'état de liquide seul jusqu'à l'état de vapeur seule tant que la chaleur totale nécessaire à son évaporation complète n'a pas été apportée au liquide), les deux phases ne coexistent pas dans une transition d'ordre deux, celle-ci étant immédiate.

En revanche, toujours pour cette même transition d'ordre 2, les dérivées partielles d'ordre 2 de l'enthalpie libre, liées aux coefficients calorimétriques et thermoélastiques selon :

ne sont pas continues, ce qui implique, les deux phases étant à la même température et occupant le même volume pour une même quantité de matière, que :

On a donc, en termes de capacité thermique isobare molaire :

Démonstration

Considérons le changement d'état d'un corps pur défini par l'équation suivante, mettant en jeu les phases et à pression et température constantes :

À l'équilibre des phases, pour une transition de phase d'ordre deux, nous avons donc les relations entre volumes molaires et entropies molaires des deux phases :

Si l'on modifie la température initiale de l'équilibre pour une autre température , tout en restant à l'équilibre des deux phases, alors la pression d'équilibre passe de à  ; les volumes molaires des deux phases passent respectivement de à et de à  ; les entropies molaires des deux phases passent respectivement de à et de à . Ces grandeurs des deux phases sont toujours égales lorsque le système atteint son nouvel équilibre. On peut écrire pour le nouvel équilibre :

d'où l'égalité des variations :

Selon les définitions des coefficients thermoélastiques et des coefficients calorimétriques ces variations valent :

Il s'ensuit, en déclinant l'expression pour chacune des deux phases et , et en considérant l'égalité des variations des deux grandeurs :

Avec on réarrange selon :

On considère ici une transition de phase de deuxième ordre selon la classification d'Ehrenfest, soit :

On obtient les formules d'Ehrenfest :

Formules d'Ehrenfest :


Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Pierre Corriou, Thermodynamique chimique : Diagrammes thermodynamiques, vol. J 1026, Techniques de l'ingénieur, coll. « base documentaire Thermodynamique et cinétique chimique, pack Opérations unitaires. Génie de la réaction chimique, univers Procédés chimie - bio - agro », , p. 1-30.
  • Pascal Febvre, Richard Taillet et Loïc Villain, Dictionnaire de physique, De Boeck Supérieur, (ISBN 978-2-8041-7554-2), p. 227-228-693.
  • Peter William Atkins et Julio De Paula, Chimie physique, De Boeck Supérieur, (ISBN 978-2-8041-6651-9), p. 149-150-151.
  • Hervé Lemarchand, sous la direction de Geneviève M. L. Dumas et Roger I. Ben-Aïm, L'Indispensable en thermodynamique chimique : les fondements, Bréal, (ISBN 2-7495-0264-0), p. 72.

Liens internes

  • Portail de la physique
  • Portail des sciences des matériaux
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.