Feitoria de Flandres

La Feitoria de Flandres, officiellement fondée en 1508 à Anvers[1], était la principale tête de pont de l'empire colonial portugais, la Casa da Guiné, devenue en 1503 Casa da India, à l'intersection des colonies du Brésil de l'Afrique et des Indes.

Origine et développement

L'empire portugais s'est développé dans la seconde moitié du XVe siècle, la pénurie d'or, la chute de Constantinople et la rupture de la route des épices par l'Asie imposant la recherche d'autres voies pour le commerce des épices et l'or du Soudan et de l'Empire Monomotapa. Le Portugal est alors le mieux placé pour entrer en contact avec le mythique royaume du « prêtre Jean », souverain de l'Éthiopie. L'Empire colonial portugais s'étend alors progressivement.

Anvers est devenue la grande place commerciale où les Portugais redistribuaient les marchandises d'Orient et d'Afrique vers l'Europe du Nord, en échange des biens de celle-ci, principalement les métaux, en particulier l'argent et le cuivre, recherchés en Afrique et en Inde. Dès 1501, les navires portugais jettent l'ancre dans le port d'Anvers pour y amener du poivre de l'Inde[2], selon Fernand Braudel, qui observe que le roi du Portugal a choisi Anvers, car « la grosse clientèle du poivre et des épices est l'Europe nordique et centrale »[2]. La feitoria de Bruges, créée au milieu du XVe siècle, y est donc délocalisée.

Autre avantage d'Anvers, les marchands allemands, particulièrement de la Haute-Allemagne se sont installés massivement dans la ville[2], et ce sont eux qui auraient les premiers préféré le port de l'Escaut à Bruges, selon Renée Doehaerd, dans ses études anversoises de 1964 (pages 62 et 63).

L'historienne a étudié deux séries de registres, les certificats (à partir de 1488) et les lettres échevinales (à partir de 1490), soit 3891 documents[3]. Elle constate que sont présents à Anvers 1.227 Allemands (dont 532 de Cologne) pour seulement 261 Italiens (70 de Gênes), 247 Français (surtout de l'Est et de Rouen), 151 Anglais1 (dont 69 de Londres), 171 Espagnols et 72 Portugais. À eux seuls, les Allemands représentent près des deux tiers des étrangers venus ou établis à Anvers. Le trafic terrestre l'emporte sur le trafic maritime, par le Rhin avec Venise, Vienne, le Dauphiné, les Bourgognes, Gênes et Milan.

Le vin du Rhin vient au premier rang des denrées importées, avant les métaux et les futaines, à l'exportation, ce sont le sel et les harengs, monnaie d'échange des marchands colonais. Parmi les draps, la production anglaise n'occupe pas la place déterminante qui confirmerait la thèse traditionnelle sur l'origine du développement d'Anvers, rivale de Bruges[3].

Déclin

La Couronne portugaise, cherchant à réduire les coûts de l'établissement, décide de rappeler le feitor par décret en 1549.

La présence portugaise se maintient ensuite de manière moins formelle, décline avec les guerres entre la Hollande et l'Union ibérique. La feitoria disparaît officiellement en 1795.

Chronologie de la Feitoria de Flandres

  • années 1480 : le marchand Jan Thurzo prête de l'argent aux mineurs de Spana Dolina
  • 1483 : Diogo Cao atteint l'embouchure du Congo.
  • 1488 : Bartolomeu Dias dépasse le cap de Bonne-Espérance
  • 1490 : nouvelle technique de séparation des métaux à Schwaz, qui accélère l'histoire des mines d'argent.
  • 1491 : les portugais demandent aux africains du cuivre[4] mais n'obtiennent que du fer[5].
  • 1492 : Christophe Colomb découvre la Caraïbe
  • 1492-1494 : les importations de cuivre suédois à Lubeck ont atteint un niveau exceptionnellement élevé (avec respectivement 2250, 2849 et 1806 Schiffspfund pour les trois années consécutives) [6]
  • 1494 : Jan Thurzo veut creuser un puits de 250 mètres à Spana Dolina[7]
  • 1495 : Jan Thurzo et Jakob Fugger créent la société Ungarischer Handel à Spana Dolina[7]
  • 1494 : traité de Tordesillas qui partage le monde entre les royaumes alliés du Portugal et de l'Espagne
  • 1496 : les mines de cuivre suédoises ne peuvent maintenir le rythme de production des années précédentes, probablement motivé par des préparatifs de guerre.
  • 1496 : Manuel Ier du Portugal veut épouser la fille des rois d'Espagne, union conditionnée à l'expulsion des juifs portugais, actifs dans l'administration fiscale, l'artisanat, la médecine, l'astrologie, la cartographie, dont une partie devient de nouveaux chrétiens (conversos) et l'autre se réfugie à Anvers.
  • 1498 : Vasco de Gama arrive aux Indes.
  • 1499 : Vicente Yañez Pinzon, compagnon de Colomb découvre (officieusement) les côtes brésiliennes
  • 1500 : Pedro Alvares Cabral découvre officiellement les côtes brésiliennes
  • 1500 : Premier bateau portugais chargé d'épices des Indes à Anvers
  • 1503 : la Casa da Guiné, devient la Casa da India
  • 1503 : Les Fugger exportent 24 % de leur cuivre par Anvers[4]
  • 1505 : Manuel Ier donne mission à Francisco de Almeida d'élever des forteresses pour défendre les feitorias (comptoirs commerciaux) déjà fondées en Inde, à Cananor, Cochim et Coulão. À la tête d'une armada, il s'approprie la côte orientale de l'Afrique et bâtit de nouvelles feitorias fortifiées à Sofala et Quiloa pour empêcher l'approvisionnement des Maures en or[1].
  • 1506 : éboulements catastrophiques dans les mines de cuivre suédoises de Falun, peut-être dus à l'exploitation trop forcée de la période précédente[8].
  • 1506 : 500 manilles de cuivre et 50 esclaves envoyés en Europe par le roi du Kongo, de Mbanza-Kongo, aux sources de la rivière M'pozo, capitale du royaume Kongo
  • 1506 : 800 manilles de cuivre et 50 esclaves envoyés à Sao Tomé (île portugaise) pour obtenir des mousquets. Près de 5000 manilles seront exportées entre 1506 et 1511[9]
  • 1508 : la Feitoria de Flandres officiellement fondée à Anvers
  • 1509 : environ 49 % du cuivre des Fuger sort à Anvers, contre 13 % à Venise[10], l'autre plaque tournante vers l'Asie. En 1503, ils n'exportaient que 24 % de leur cuivre par Anvers[1].
  • 1514 : 2300 manilles de cuivre du royaume Kongo partent vers l'Europe
  • 1529 : 10 0000 manilles de cuivre du royaume Kongo partent vers l'Europe
  • 1529 : un grand marché aux esclaves à Pombo sur les rives du Malébo
  • 1530 : le roi du royaume Kongo se plaint des dégâts causés par l'esclavage
  • 1545 : fondation de la ville de Potosí en Bolivie
  • 1557 : krach des emprunts d'État espagnols et français, le Grand Parti de Lyon
  • 1591 : grosse quantité de cuivre dans les mines de Boko-Songho

Notes et références

  1. (fr)Jacques Blamont, Le chiffre et le songe : histoire politique de la découverte, Odile Jacob, (ISBN 9782738101938, lire en ligne).
  2. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 171
  3. Favier, Jean, « Renée Doehaerd. Etudes anversoises. Documents sur le commerce international Anvers. 1488-1514. Paris, S.E.V.P.E.N., 1963. (Ecole pratique des Hautes- Etudes, VIe section, Centre de recherches historiques, "Ports, routes, trafics", XIV.) », Bibliothèque de l'École des chartes, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 123, no 2, , p. 582–586 (lire en ligne , consulté le ).
  4. Marie-Claude Dupré et Bruno Pinçon, Métallurgie et politique en Afrique centrale, , 266 p. (ISBN 978-2-86537-717-6, lire en ligne).
  5. Dupré et Pinçon 1997, p. 49.
  6. Pierre Jeannin, « Le cuivre, les Fugger et la Hanse », Annales, t. 10-2, (lire en ligne, consulté le )
  7. http://www.spaniadolina.sk/history.html
  8. Jeannin 1955, p. 234.
  9. Dupré et Pinçon 1997, p. 50.
  10. Blamont 1993, p. 272.

Voir aussi

Bibliographie

  • Renée DOEHAERD. Études anversoises. Documents sur le commerce international Anvers. 1488-1514. Paris, S.E.V.P.E.N., 1963. (École pratique des Hautes-Études, VIe section, Centre de recherches historiques, "Ports, routes, trafics", XIV.)
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