Erwin Schrödinger

Erwin Rudolf Josef Alexander Schrödinger (en allemand : [ˈɛʁviːn ˈʃʁøːdɪŋɐ]), né le à Vienne et mort le dans la même ville, est un physicien, philosophe et théoricien scientifique autrichien.

« Schrödinger » redirige ici. Pour les autres significations, voir Schrödinger (homonymie).

En imaginant l'équation d'évolution de la fonction d'onde associée à l'état d'une particule, il a permis le développement du formalisme théorique de la mécanique quantique. Cette équation d'onde, qui tient compte à la fois de la quantification et de l'énergie non relativiste, a été appelée par la suite équation de Schrödinger (pour laquelle il a reçu, en commun avec Paul Dirac, le prix Nobel de physique de 1933).

Il est également connu pour avoir soumis l'étonnante expérience de pensée, nommée plus tard expérience du Chat de Schrödinger, à la suite d'une importante correspondance avec Albert Einstein en 1935.

Biographie

Erwin Schrödinger[1], né en 1887 à Erdberg, un quartier de Vienne, Erwin est le fils de Rudolf Schrödinger (de)[2], un botaniste et fabricant de suaires, et de Georgine Emilia Brenda, la fille d'Alexander Bauer, un professeur de chimie[3]. Son père était catholique et sa mère luthérienne. Il entre à l'Akademisches Gymnasium en 1898, puis étudie à Vienne de 1906 à 1910 sous la tutelle de Franz-Serafin Exner (1849 - 1926) et de Friedrich Hasenöhrl (1874 - 1915). Il obtient son doctorat en physique théorique à l'université de Vienne en 1910.

En 1914, Erwin Schrödinger obtient une habilitation puis participe à la guerre comme officier d'artillerie. Le 6 avril 1920, il épouse Annemarie Bertel et, la même année, devient l'assistant de Max Wien. En septembre, il est nommé professeur vacataire, Außerordentlicher Professor (ao. Univ.-Prof.), puis est entièrement titularisé, Ordentlicher Professor (o. Univ.-Prof.) en 1921, à Breslau.

En 1922, il fréquente l'université de Zurich. En 1926, Schrödinger publie six articles à propos de la mécanique ondulatoire[4], dont un article dans les Annales de Physique sur la quantification comme problème des valeurs propres[5], ce qui devient l'équation de Schrödinger.

En 1927, il rejoint Max Planck à la Friedrich-Wilhelms-Universität à Berlin. En 1933, Schrödinger décide de quitter l'Allemagne, réprouvant le nazisme et l'antisémitisme. Il entre alors à l'université d'Oxford et reçoit le prix Nobel (en commun avec Paul Dirac)[6]. Il n'y reste pas longtemps : sa vie privée, peu conventionnelle, est critiquée — Schrödinger vit alors avec deux femmes : sa femme officielle, Annemarie, et Hilde March, la femme de son collègue Arthur March (il a un enfant de chacune). En 1934, Schrödinger donne alors des conférences à l'université de Princeton où on lui propose un poste permanent qu'il décline, sa volonté de fonder un foyer avec deux femmes posant sans doute problème. Il espère intégrer l'université d'Édimbourg mais son visa expire ; il retourne en Autriche, à l'université de Graz, en 1936.

En 1935, Schrödinger imagine le paradoxe du chat, qui met en évidence la fracture existant entre le monde quantique où un objet peut se trouver dans plusieurs états à la fois et le monde macroscopique déterministe.

En 1938, après l'annexion de l'Autriche par Hitler, Schrödinger rencontre des problèmes en raison de son départ d'Allemagne en 1933 et de son opposition déclarée au nazisme. Il publie une déclaration désavouant son opposition — ce qu'il regrette par la suite, s'excusant personnellement auprès d'Albert Einstein. Cela n'a toutefois pas eu pour effet de lever sa nouvelle dispense et l'université le renvoie pour cause de « manque de fiabilité politique ». Il subit des harcèlements et reçoit l'instruction de ne pas quitter le pays, mais sa femme et lui s'envolent pour l'Italie. De là, il se rend dans les universités d'Oxford et de Gand.

En 1940, il reçoit une invitation pour aider à établir un Institut d'études avancées de Dublin, en Irlande. Il devient directeur de l'école de physique théorique où il reste en poste pendant 17 ans et se voit attribuer la nationalité irlandaise. Il publie quelque 50 nouveaux articles sur des sujets variés, dont son exploration de la théorie unifiée des champs. Il est élu membre étranger de la Royal Society le 12 mai 1949.

En 1944, il écrit Qu'est-ce que la vie ?, qui contient une discussion sur la néguentropie et le concept de molécule complexe avec le code génétique des organismes vivants. Selon les mémoires de James D. Watson, l'ADN, le secret de la vie, le livre de Schrödinger a donné à Watson l'inspiration pour rechercher le gène, ce qui a conduit à la découverte de la structure en double hélice de l'ADN.

Schrödinger a durant sa vie beaucoup d'intérêt pour la philosophie du Vedanta de l'hindouisme et du bouddhisme à travers un certain nombre de textes, notamment ceux de Lafcadio Hearn[7]. Cela influença ses spéculations à la fin de son livre à propos de la possibilité que la conscience individuelle soit la manifestation d'une conscience unitaire se répandant dans l'univers[8].

Sa mère était d'origine moitié autrichienne et moitié anglaise, son père était catholique et sa mère luthérienne. Bien qu'il ait été élevé dans un foyer religieux en tant que luthérien, il était lui-même athée[9], mais il s'intéressait fortement aux religions orientales (Advaïta védanta, Bouddhisme dont Lafcadio Hearn) et au panthéisme, et il utilisait le symbolisme religieux dans ses travaux[10]. Il pensait également que ses travaux scientifiques constituaient une approche de la divinité, bien que dans un sens intellectuel[11].

Vie privée

Schrödinger souffrait de tuberculose et dut plusieurs fois séjourner au cours des années 1920 dans un sanatorium d'Arosa en Suisse. C'est là qu'il découvrit son équation d'onde[12].

En 1933, il comprit qu'il ne pourrait plus vivre dans un pays où la persécution des Juifs était devenue une politique nationale. Au printemps 1933, Alexandre Frederick Lindemann, qui dirigeait le département de physique à l'université d'Oxford, se rendit en Allemagne pour proposer des postes en Angleterre à quelques jeunes savants juifs allemands ; il en parla à Schrödinger et, à sa grande surprise, découvrit que celui-ci envisageait lui-même de quitter le pays. Schrödinger lui demanda également un poste pour son collègue Arthur March, qui serait alors son assistant. Cette requête s'explique par les relations peu conventionnelles qu'entretenait Schrödinger avec les femmes : bien que ses relations avec son épouse Anny fussent bonnes, celle-ci savait pertinemment qu'il avait de nombreuses maîtresses (Anny elle-même avait un amant, Hermann Weyl[13]). Si Schrödinger demandait March comme assistant, c'est qu'à ce moment-là, il entretenait justement une liaison avec Hilde, la femme de ce dernier.

Beaucoup de scientifiques qui quittaient l'Allemagne séjournaient au milieu de l'année 1933 dans la province italienne du Haut-Adige. C’est là que Hilde tomba enceinte des œuvres de Schrödinger. Le , ce dernier, son épouse et Hilde March arrivèrent à Oxford, où Schrödinger fut nommé Fellow du Magdalen College. Peu après, il apprit que ses travaux sur la mécanique ondulatoire avaient été récompensés par un prix Nobel de physique.

Au début 1934, il fut invité à donner des conférences à l'université de Princeton ; à cette occasion, on lui proposa un poste permanent. À son retour à Oxford, il négocia le salaire et les conditions mais finit par décliner l'offre. Des historiens pensent que la vie à Princeton, Anny et Hilde se partageant l'éducation de l'enfant, aurait été difficilement supportable. Le fait que Schrödinger ait ouvertement eu deux femmes, même si l'une d'elles était mariée à un autre, n'était pas bien vu non plus à Oxford. Néanmoins, c’est là que naquit sa fille Ruth Georgie Erica le [14].

Le , Schrödinger mourut de la tuberculose à Vienne, à l'âge de 73 ans laissant une veuve, Anny (née Annemarie Bertel le 3 décembre 1896, morte le 3 octobre 1965). Il est enterré à Alpbach, en Autriche.

Publications

  • La Nature et les Grecs, coll. « L'Âne d'or », Les Belles Lettres, 2014 (ISBN 978-2-020-12800-1). Traduction et essai La clôture de la représentation de Michel Bitbol.
  • L'esprit et la matière, coll. « Points-Sciences », Le Seuil, 2011 (ISBN 978-2-7578-2496-2). Traduction et essai L'élision de Michel Bitbol.
  • Physique quantique et représentation du monde, coll. « Points-Sciences », Le Seuil, 1992 (ISBN 2-02-013319-9). Traduction française de deux articles de vulgarisation :
    • La Situation actuelle en mécanique quantique, 1935. Article dans lequel apparait le « chat de Schrödinger » pour la première fois.
    • Science et humanisme - La physique de notre temps, 1951.
  • Mémoires sur la mécanique ondulatoire, Félix Alcan, Paris, 1933. Rééd. Jacques Gabay, 1988 (ISBN 2-87647-048-9).
  • Qu'est-ce que la vie ?, édition originale en anglais (What is Life?), Macmillan, 1946 ; première édition française 1947 (avec préface de l'auteur à l'édition française), coll. « Points-Sciences », Le Seuil, 1993 (ISBN 2-02-020223-9).
  • Ma Conception du Monde. Le Veda d'un physicien, Paris, Éditions Le Mail, 1982, 164 p., (ISBN 978-2715200883)

Notes et références

  1. (en) « Erwin Schrodinger | Biography, Discoveries, & Facts », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  2. « Rudolf Schrödinger », sur geni.com (consulté le )
  3. « Family tree of Georgine Emilia Brenda BAUER », sur Geneanet (consulté le ).
  4. (en) C. W. Kilmister, Schrödinger. Centenary celebration of a polymath, Cambridge University Press, , p. 55,
  5. (en) Erwin Schrödinger, « Quantisation as a Problem of Proper Values », Annalen der Physik, vol. 4, no 79, , p. 361–376.
  6. La Fondation Nobel leur a remis ce prix « pour la découverte de nouvelles théories atomiques utiles » (voir (en) « for the discovery of new productive forms of atomic theory » in Personnel de rédaction, « The Nobel Prize in Physics 1933 », Fondation Nobel, 2010. Consulté le 15 juin 2010)
  7. (en) Walter John Moore, A life of Erwin Schrödinger, Cambridge University Press, , p. 87.
    • Erwin Schrodinger, What Is Life?, 1944 ;
    • Erwin Schrodinger, Mind and Matter, 1958 ;
    • Erwin Schrodinger, My View of the World, 1961.
  8. Moore 1994, p. 289–290 Quote: "In one respect, however, he is not a romantic: he does not idealize the person of the beloved, his highest praise is to consider her his equal. 'When you feel your own equal in the body of a beautiful woman, just as ready to forget the world for you as you for her – oh my good Lord – who can describe what happiness then. You can live it, now and again – you cannot speak of it.' Of course, he does speak of it, and almost always with religious imagery. Yet at this time he also wrote, 'By the way, I never realized that to be nonbelieving, to be an atheist, was a thing to be proud of. It went without saying as it were.' And in another place at about this same time: 'Our creed is indeed a queer creed. You others, Christians (and similar people), consider our ethics much inferior, indeed abominable. There is that little difference. We adhere to ours in practice, you don't.'"
  9. Paul Halpern, Einstein's Dice and Schrödinger's Cat, Perseus Books Group, (ISBN 978-0-465-07571-3), p. 157 :
    « "In the presentation of a scientific problem, the other player is the good Lord. He has not only set the problem but also has devised the rules of the game--but they are not completely known, half of them are left for you to discover or deduce. I am very astonished that the scientific picture of the real world around me is very deficient. It gives a lot of factual information, puts all our experience in a magnificently consistent order, but is ghastly silent about all that is really near to our heart, that really matters to us. It cannot tell us a word about red and blue, bitter and sweet, physical pain and physical delight; it knows nothing of beautiful and ugly, good or bad, God and eternity. Science sometimes pretends to answer questions in these domains, but the answers are very often so silly that we are not inclined to take them seriously. I shall quite briefly mention here the notorious atheism of science. The theists reproach it for this again and again. Unjustly. A personal God cannot be encountered in a world picture that becomes accessible only at the price that everything personal is excluded from it. We know that whenever God is experienced, it is an experience exactly as real as a direct sense impression, as real as one's own personality. As such He must be missing from the space-time picture. "I do not meet with God in space and time", so says the honest scientific thinker, and for that reason he is reproached by those in whose catechism it is nevertheless stated: "God is a Spirit." Whence came I and whither go I? That is the great unfathomable question, the same for every one of us. Science has no answer for it" »
  10. Moore 1992, p. 4 Quote: "He rejected traditional religious beliefs (Jewish, Christian, and Islamic) not on the basis of any reasoned argument, nor even with an expression of emotional antipathy, for he loved to use religious expressions and metaphors, but simply by saying that they are naive." ... "He claimed to be an atheist, but he always used religious symbolism and believed his scientific work was an approach to the godhead."
  11. (en) Walter John Moore, Schrödinger : Life and Thought, Cambridge University Press, , 513 p. (ISBN 978-0-521-43767-7, lire en ligne)
  12. Hermann Klaus Hugo Weyl.
  13. Walter Moore 1989, Les chapitres sept et huit, Berlin et Exile in Oxford, évoquent ces relations peu conventionnelles de Schrödinger, dont celle avec Hildegunde March.

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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