Effet Sagnac

On appelle effet Sagnac le décalage temporel de la réception de deux signaux lumineux tournant en sens inverse autour de la circonférence d'un disque en rotation (par rapport à un référentiel inertiel), quand ils sont émis par un émetteur-récepteur fixé sur ce disque.

Schéma d'un dispositif possible.

L'effet Sagnac a été découvert par Georges Sagnac en 1913[1]. En physique classique, il est interprétable comme une asymétrie de la vitesse des signaux lumineux par rapport à la circonférence du disque en rotation. En physique relativiste, l'effet correspond à l'impossibilité de synchroniser des horloges sur une courbe fermée soumise à la gravitation, ou à une accélération (en cas de rotation).

En 1925, Michelson et Gale mesurèrent la rotation de la Terre grâce à un grand interféromètre en utilisant l'effet Sagnac. Le gyroscope à fibre optique utilisé comme gyromètre est une application directe de l'effet Sagnac.

Prévision en physique classique

On appelle « effet Sagnac » le décalage temporel de la réception de signaux lumineux « tournant en sens inverse » quand ils sont émis par un émetteur-récepteur fixé sur un disque tournant. En effet, si un émetteur placé sur un disque en rotation envoie deux signaux lumineux contraints de suivre la circonférence du disque, chacun dans un sens, les deux signaux reviennent à l'émetteur après un tour complet mais avec un léger décalage temporel qui dépend de la vitesse de rotation du disque.

En physique classique, ce décalage temporel entre les instants d'arrivée des deux signaux lumineux tournant en sens inverse se calcule comme suit.

Les signaux lumineux partant dans des sens opposés parcourent des distances différentes avant de rencontrer à nouveau l’émetteur qui tourne avec le disque.

Le long de la circonférence d'un disque de rayon R tournant à la vitesse (au niveau du rayon R) on fait tourner :

  • un rayon lumineux dans le même sens que le disque et, en notant t le temps qu'il met pour rencontrer à nouveau l'émetteur, l'observateur du laboratoire vérifie l'égalité , avec , d'où
  • un rayon lumineux dans le sens opposé à celui du disque et, en notant t' le temps qu'il met pour rencontrer à nouveau l'émetteur, l'observateur du laboratoire vérifie l'égalité , avec , d'où

Le décalage entre les arrivées des deux signaux lumineux pour une petite vitesse de rotation.

Dans le cadre de la physique classique, ce décalage calculé dans le référentiel inertiel du laboratoire est le même que celui que l'on peut calculer dans le référentiel tournant de l'émetteur-récepteur.

Prévision en physique relativiste

En relativité, le décalage temporel calculé dans le référentiel du laboratoire n'est pas celui que l'émetteur-récepteur perçoit car il est en mouvement par rapport au laboratoire. Par contre, comme cet émetteur-récepteur est en rotation, son référentiel n'est pas inertiel et donc la relativité restreinte ne permet pas de déterminer directement le décalage qu'il perçoit[réf. nécessaire].

En utilisant la relativité générale, on trouve un décalage qui, en première approximation, est égal à celui calculé dans le référentiel du laboratoire, et ce décalage correspond à la différence de temps qui s'impose entre des horloges quand on essaie de les synchroniser le long d'un contour fermé soumis à la gravitation (ou à une accélération, due par exemple à un mouvement de rotation). Ce décalage peut aussi être interprété comme une différence entre la vitesse de la lumière dans un sens ou l'autre ; sachant que cette vitesse est toujours égale à c quand elle est mesurée en temps propre en chaque point de son parcours, mais ce temps propre ne peut être celui de l'horloge de l'émetteur-récepteur car ici les horloges ne peuvent être synchronisées avec elle[2].

Résultats expérimentaux

L'effet a d'abord été constaté et mesuré en analysant les franges d'interférences des signaux lumineux. Depuis, l'utilisation de laser, d'horloges atomiques et d'autres dispositifs, permet d'autres mesures et en particulier la mesure directe du décalage temporel.

En 1913, Sagnac a vérifié le prédictions prérelativistes de l'effet qui porte son nom en utilisant un interféromètre en rotation rapide. Il avait lui-même prédit les résultats ci-dessus dans le cadre de la physique classique. Ce fut aussi le premier résultat expérimental rapporté de ce qui fut nommé l'effet Sagnac.

En 1925, Michelson et Gale mesurèrent la rotation de la Terre grâce à un grand interféromètre.

Depuis les années soixante, des mesures de plus en plus précises ont pu être effectuées grâce à l'emploi des lasers.

Déjà, en 1914, Harzer avait constaté que l'effet subsiste en présence de la réfraction, c'est-à-dire dans un milieu où la lumière va moins vite que .

L'effet avec des signaux de « matière » fut vérifié plus tard :

Prédictions prérelativistes

L'effet Sagnac pour des ondes lumineuses a été prédit avant à l'avènement de la relativité restreinte, dans le cadre de la théorie de l'éther[4]. Le physicien britannique Oliver Lodge (-) est le premier à le prévoir dès pour un interféromètre entraîné par la rotation de la Terre[4] puis en pour un interféromètre monté sur un plateau tournant[4]. Par la suite, le physicien américain Albert A. Michelson (-) en [4] puis le physicien français Georges Sagnac (-) en prévoient tous deux l'effet, toujours dans le cadre de la théorie de l'éther[4].

Prédécouverte

L'effet Sagnac est observé pour la première fois en par Franz Harress dans une expérience de Fizeau. Harress n'a pas su expliquer les causes du déplacement des franges d'interférence qu'il observait[5]. En , l'astronome allemand Paul Harzer (-) rediscute les résultats de l'expérience de Harress et montre qu'elle met en évidence l'effet Sagnac, avec une plus grande précision que celle obtenue par Sagnac[5].

Réinterprétation relativiste

Dès , le physicien allemand Max von Laue (-) relève que la relativité restreinte prédit elle aussi l'effet[5]. Par la suite, von Laue lui-même en [5]  au premier ordre en v / c[5]  puis le physicien français Paul Langevin (-) en [5] et en [5] reprennent la démonstration de l'effet en relativité restreinte.

Rotation de la Terre

L'effet Sagnac dû à la rotation de la Terre a été mesuré avec des interféromètres à ondes de matière :

  • en par Werner et al. avec des neutrons[6] ;
  • en par Lenef et al. avec des atomes de sodium (Na)[6] ;
  • en puis en par Gustavson et al. avec des atomes de césium (Cs)[6] ;
  • en par Canuel et al. avec des atomes de césium (Cs) refroidis[6].

Résultats expérimentaux récents

Au lieu de mesurer la vitesse apparente des signaux, on peut tenter de mesurer la vitesse de la lumière localement, directement, comme on le fait sans rotation.

Des expériences ont en effet été menées afin de déterminer s'il y avait une anisotropie dans un repère en rotation. En voici quelques-unes effectuées de différentes manières (sources et récepteurs en rotation ou immobiles, mesures sur un aller simple ou un aller-retour).

  • Cialdea utilise deux laser multi-modes montés sur une table en rotation et regarde les variations de leur figure d'interférence lorsque la table est mise en rotation. Il obtient une limite supérieure à l'anisotropie de 0,9 m/s.
  • Krisher utilise deux masers à hydrogène fixés au sol et séparés par un lien en fibre optique de 21 kilomètres et regarde les variations entre leur phase. Il obtient une limite supérieure à l'anisotropie de 100 m/s.
  • Champeney utilise un amortisseur de Moessbauer en rotation et un détecteur fixe pour donner une limite supérieure à l'anisotropie de 3 m/s.
  • Turner utilise une source en rotation et un détecteur de Moessbauer fixe pour donner une limite supérieure à l'anisotropie de 10 m/s.
  • Gagnon, Torr, Kolen, et Chang ont effectué un test de l'anisotropie avec un guide d'onde. Leurs résultats négatifs sont cohérents avec la relativité restreinte.

Applications

Le gyromètre à fibre optique sont des applications directes de l'effet Sagnac.

Notes et références

  1. Les systèmes des savants sur Google Livres
  2. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions] §89 Rotation.
  3. Rizzi et Ruggiero 2003, sect. 2, § 2.3, p. 184.
  4. Gourgoulhon 2010, chap. 13, sect. 13.5, § 13.5.4, p. 465.
  5. Gourgoulhon 2010, chap. 13, sect. 13.5, § 13.5.4, p. 466.
  6. Gourgoulhon 2010, chap. 13, sect. 13.5, § 13.5.6, p. 468.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Ouvrages généraux
  • Jean Hladik, Pierre-Emmanuel Hladik, Le calcul tensoriel en physique, 3e édition Dunod. (ISBN 2100040715), (ISBN 2225846537), (ISBN 2225841446)
  • V. Ougarov, Théorie de la Relativité Restreinte, Deuxième Edition, Editions Mir, Moscou. Traduction française Editions Mir, 1979.
  • Edgard Elbaz, Relativité Générale et Gravitation, Editions Ellipses-Marketing, 1986, (ISBN 2729886516) (épuisé)
  • Charles W.Misner, Kip S. Thorne et John Archibald Wheeler, Gravitation, W.H. Freeman and Company, New York. (ISBN 0716703440)
Articles
Autres sources
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