Léon Dumarsais Estimé

Léon Dumarsais Estimé, né le à Verrettes, mort le à New York, est un homme politique haïtien, président de la République du au [1].

Pour les articles homonymes, voir Marsais (homonymie) et Estime.

Dumarsais Estimé

Portrait officiel de Dumarsais Estimé.
Fonctions
Président de la République d'Haïti

(3 ans, 8 mois et 24 jours)
Élection
Prédécesseur Frank Lavaud
Successeur Frank Lavaud
Secrétaire d'État de l'Instruction publique, de l'Agriculture et du Travail
Président Sténio Vincent
Prédécesseur Auguste Turnier
Successeur Luc E. Fouché
Biographie
Nom de naissance Léon Dumarsais Estimé
Date de naissance
Lieu de naissance Verrettes (Haïti)
Date de décès
Lieu de décès New York (États-Unis)
Parti politique Parti libéral
Conjoint Lucienne Heurtelou (décédée en 2006)
Enfants Jean-Robert Estimé
Philippe Estimé
Marie-Florence Estimé
Régine Estimé
Autres enfants :
Paul, Raymonde, Lionel
Profession Avocat, enseignant

Présidents de la République d'Haïti

L'idéologie politique de Dumarsais Estimé est un mélange de nationalisme et de conservatisme. Cette idéologie est appelée l'estimisme. L'une des causes fondamentales de son échec a été de sous-estimer le rôle majeur dévolu à un système dont l'efficacité ne pouvait se manifester qu'a travers la fonction de régulation politique, économique, social et de facilitation[pas clair].

Sous sa présidence, il inaugure l'exposition internationale du bicentenaire de Port-au-Prince le . Le coût prévu de 4 millions de dollars pour l'organisation de cet évènement par le gouvernement d'Haïti atteindra la somme de 26 millions de dollars, dont 10 millions échappant à toute justification[2]. Ce scandale entraîna de vives critiques dans le pays. En mai 1950, un coup d'État organisé par une junte militaire renversa le gouvernement de Dumarsais Estimé afin de pousser son chef, Paul Magloire, à la tête du pouvoir. Ce dernier est officiellement élu président en . Dumarsais Estimé est destitué par l'armée haïtienne dirigée par Franck Lavaud. Il est assigné à résidence, puis s'exile à Paris et meurt à New York.

Le souvenir de sa présidence reste positif chez de nombreux Haïtiens, en raison des réformes agricoles qu'il a entreprises et du progrès économique[3].

Jeunesse

Carrière professionnelle

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Léon Dumarsais Estimé est né dans la petite ville de Verrettes. Il est le fils de Alciné Estimé et de Florence Massillon. Son oncle, Estilus Estimé, qui fut maire de Verrettes (1936) et devint plus tard sénateur de la République (1938), se chargea de son éducation et exerça une grande influence sur son neveu.

Estilus Estimé envoie le jeune Dumarsais chez les frères de Saint-Louis de Gonzague à Saint-Marc, puis au Collège Pinchinat et plus tard à Port-au-Prince au Lycée Alexandre-Pétion, jusqu’au baccalauréat. Il bénéficie de l’enseignement de maîtres tels que Jean Price-Mars, Catts Pressoir et Jean-Chrysostome Dorsainvil. En 1920, il est nommé répétiteur au lyceée Pétion, et à partir de 1922, tout en poursuivant des études de droit jusqu’à la licence, il y enseigne les mathématiques, jusqu’en 1926. A cette date, il est renvoyé de son poste après avoir exprimé publiquement son opposition au gouvernement du président Louis Borno et à l'occupation américaine.

Estimé avait quinze ans lorsque débuta l’occupation américaine d’Haïti (-), évènement qui a marqué son adolescence et déterminé l’orientation de sa vie d’adulte. Estimé était un érudit (passionné de littérature française et de philosophie) qu’habitait une farouche volonté de libérer Haïti de l’occupation étrangère et de changer la société dans laquelle il vivait. Il fallait, selon lui, lutter contre les abus de l’élite traditionnelle et éduquer les masses.

Carrière politique

Il se lance en politique et se fait élire député en 1930 dans la circonscription de Verrettes. Au Parlement, il obtint la confiance de ses collègues qui firent de lui, en 1934, le président de la Chambre des députés. En 1937, il intègre le gouvernement du président Sténio Vincent, détenant le portefeuille de l'instruction publique, de l'Agriculture et du Travail, sans pour autant abandonner son siège au Parlement[4].

Lorsqu'en 1941, le président Vincent, proposa à l'Assemblée nationale son secrétaire, Élie Lescot, comme potentiel successeur ; Estimé vota en sa faveur et Lescot fut élu président. Le , Estimé s'opposa cette fois-ci à la réélection de Lescot, désapprouvant la révision partielle de la Constitution entreprise par le président, et vota contre lui. Ce dernier fut cependant majoritairement réélu.

En tant que député, Estimé observa de près les événements de début 1946, qui conduisirent à la démission du président Lescot. Le gouvernement provisoire, dirigé par Franck Lavaud, mit en place de nouvelles élections. Alors que communistes et nationalistes prônaient un changement de régime, Estimé se présenta aux électeurs comme un modéré et fut réélu lors des législatives de 1946.

Le , les modérés ayant obtenus une majorité à la Chambre des députés, Estimé fut désigné pour être candidat. Il fut élu président de la République après un second vote des députés pour quatre ans, par 31 voix sur 58.. Son premier geste de président-élu fut de saluer ses opposants : Dantès Louis Bellegarde, Edgard Numa et Démosthènes Calixte.

Président de la République

Investiture de Dumarsais Estimé le 16 août 1946.

Dumarsais Estimé est investi président de la République le [5],[6].

Il remplace le gouvernement provisoire présidé par le général Franck Lavaud.

Son accession à la présidence intervient au lendemain d'une longue période de grande effervescence, aboutissement de mouvements sociaux, politiques et culturels impliquant les étudiants, les femmes, des syndicats et des partis politiques. C'est un moment où Haïti essaie de sortir des clivages sociaux et de couleur qui n'ont cessé de dominer la politique depuis l'indépendance et particulièrement après l'occupation américaine (1915 - 1934). Les pouvoirs politique et économique sont dominés par une bourgeoisie mulâtre qui ne favorise pas la mixité sociale. Les résistances sont nombreuses.

Dans son adresse à l'Assemblée nationale, Dumarsais Estimé s'exprima ainsi : "C'est la grande famille des masses dont je suis un représentant que vous avez voulu honorer". Il fit cependant appel à l'union et à la bonne volonté de tous : "C'est l'heure où chacun de nous doit démontrer que la patrie est la première et la plus sacrée de ses préoccupations". Pour terminer, Estimé exhorta à la moralité au sein du gouvernement : "Si, bergers du troupeau, nous nous en constituons les loups, (…) alors il sera temps d'entrer en jugement avec nous et de nous demander compte".

Au début de sa présidence, certains ont mal accueilli son arrivée au pouvoir, mais au fil du temps, l'opinion publique se rallia, appréciant la formation d'un gouvernement d'union nationale, réunissant des adversaires d'hier, intégrant dans son gouvernement des ministres socialistes et nationalistes tels que George Rigaud et Daniel Fignolé. Estimé mit en œuvre rapidement un ambitieux programme social et économique, qui rejoignait les aspirations de la majorité. Par exemple :

  • Il a pu réduire considérablement la dette nationale et ainsi mettre fin au contrôle fiscal de l'étranger, surtout des Américains.
  • Il a augmenté le salaire minimum.
  • Il a dynamisé l'industrie touristique en faisant d'Haïti une destination privilégiée, surtout durant l'exposition de 1949.

C'est Dumarsais Estimé qui organisa l'Exposition universelle pour l'année 1949. Il s'agissait de commémorer le bicentenaire de la fondation de la ville de Port-au-Prince en 1749 par les colons français de l'île de Saint-Domingue. Le président Estimé prolongeait ainsi la présentation et le dynamisme d'une capitale visionnaire et moderne[non neutre] au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment par l'intensification des relations internationales, la promotion du tourisme, la présentation de la culture d'Haïti, ainsi que la défense de la langue française. Pour cela, Haïti milita lors de la création de l'Organisation des Nations unies en 1945 pour le maintien de la langue française comme langue de travail de l'ONU, aux côtés de l'anglais. Sa voix fut utile lors du vote pour ou contre l'usage du français au sein de l'organisation.

L'Exposition fut inaugurée le par le président, qui lut à l'occasion un message de soutien du président américain Harry S. Truman.

Le coût prévu de 4 000 000 dollars pour l'organisation de cette Exposition universelle par le gouvernement d'Haïti atteindra la somme de 26 000 000 de dollars, dont 10 000 000 échappant à toute justification[7]. Ce scandale entraîna de vives critiques dans ce pays pauvre.

Démission et fin de vie

Pièce à l'effigie du président Dumarsais Estimé.

Trois ans après son investiture, et se sentant soutenu par la majorité de ses concitoyens, Estimé décida de renégocier la durée de son mandat qui devrait prendre fin en 1952 et ainsi se succéder à lui-même, ce qui était interdit par la charte de 1946[8]. Il transforma ainsi son gouvernement d'ouverture en un gouvernement de combat, qui commençait alors à mettre en avant les associations politiques et les syndicats. Il demanda au Parlement de réviser la Constitution de 1946 en modifiant l'article 81 et encouragea ses partisans à manifester publiquement en faveur de sa politique. Des manifestations dans les rues de la capitale et autour des bâtiments publics s'ensuivirent. Alors que les députés se pliaient à sa demande, les sénateurs refusèrent de valider sa demande, malgré les menaces de la populace.

Les violences engendrées par les actions des partisans des deux camps poussèrent les militaires à intervenir, avec à leur tête le général Lavaud. Le Parlement fut dissout et Estimé fut résigné à la démission le et fut placé sous la protection de la junte militaire qui institua un nouveau gouvernement provisoire.

Exilé, Estimé s'installa à New York avec sa famille, après avoir vécu temporairement en France, à Paris, et en Jamaïque.Dumarsais Estimé atteignit la Jamaïque avec sa famille le , à bord du paquebot "le Colombie" de la Compagnie Générale Transatlantique. A leur arrivée au port de Kingston, le service d'Immigration de la Jamaïque leur interdit de débarquer, à la demande du gouvernement d'Haïti présidé depuis par Paul Magloire, sous prétexte que l'ex-président pourrait causer des troubles en Jamaïque. En fait, Magloire craignait la présence d'Estimé si près d'Haïti et avait envoyé ses partisans (dont Lucien Chauvet) pour convaincre les autorités britanniques et jamaïcaines de refuser à l'ex-président Estimé et sa famille le droit de résider en Jamaïque. Mais W.A. Bustamante, chef du Jamaica Labour Party (JLP) et maire de Kingston, outré de voir son pays se laisser dicter sa conduite par un gouvernement étranger en matière de droit d'asile et d'accueil des étrangers, intervint rapidement auprès du Gouverneur britannique de la Jamaïque et du Chef de la Police pour que cette interdiction soit levée. Bustamante monta à bord du Colombie pour saluer l'ex-président Estimé qu'il connaissait et l'assurer qu'il serait protégé en Jamaïque [9]. Dumarsais Estimé et sa famille passèrent une année en Jamaïque.

Trois ans après son exil, Estimé fut frappé d'insuffisance cardiaque et d'urémie grave et s'éteignit le à New-York.

Son corps rapatrié fut inhumé dans le caveau de la famille, au grand cimetière de Port-au-Prince, après que son successeur, le président Paul Magloire, lui fit des funérailles nationales auxquelles n'assista pas sa veuve, Lucienne Heurtelou (1920-2006), qui ne pardonna pas à ce dernier d'avoir précipité la chute de son mari[10].

Notes et références

  1. « Haiti-Reference : Notables d'Haiti » Léon Dumarsais Estimé n. 21 Avril 1900 Verrettes d. 20 juil 1953 New York », sur www.haiti-reference.com (consulté le )
  2. Sauveur Pierre Etienne, Haïti, la république dominicaine et Cuba: état, économie et société (1492-2009), L'Harmattan, 2012
  3. Roudy Stanley PENN, « VII- Dumarsais Estimé : l’homme de la référence économique », sur Le blog de pennayiti.over-blog.com (consulté le )
  4. « Carrière de Dumarsais Estimé », sur www.haiti-reference.com
  5. Anthony Georges-Pierre, Dumarsais Estime, l'homme, l'oeuvre et les idees, Port-au-prince, l'imprimeur S.A, , 432 p. (ISBN 9789993532552), p. 36
  6. Dominick A. Pisano, « Reviews of Books:Wingless Eagle: U.S. Army Aviation through World War I Herbert A. Johnson », The American Historical Review, vol. 107, no 3, , p. 894–895 (ISSN 0002-8762 et 1937-5239, DOI 10.1086/532552, lire en ligne, consulté le )
  7. Sauveur Pierre Etienne, Haïti, la république dominicaine et Cuba: état, économie et société (1492-2009), L'Harmattan, 2012
  8. « Haïti, Constitution de 1946, Digithèque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le )
  9. (en) « Bustamante : "you will be protected" », The Daily Gleaner, january, 25,1951
  10. « Mort de Dumarsais Estimé », sur www.haiti-reference.com
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