Droit seigneurial

On désigne par droit seigneurial les avantages et responsabilités attribués au seigneur français par la détention d'une seigneurie banale. La seigneurie confère au seigneur un droit symbolique, fiscal et judiciaire sur les terres et sujets de son domaine.

Droit et fonction symbolique

Intérieur du colombier du château d'Époisses

Sa portée symbolique, dans une société de déférence (soumission au supérieur), est d'afficher un ordre, une hiérarchie. Il détient un certain nombre de marques de son rang : un colombier (ce que l'on appelle le droit de fuie ou de fuye), des prééminences à l'église (banc avec accoudoir, armoiries, tombe, litre funéraire, etc.), le monopole de la chasse.

Le paysan doit être déférent envers son seigneur et montrer toutes les marques de respect : enlever le chapeau, politesse…

Tous les seigneurs ne sont pas nécessairement nobles, les roturiers bourgeois peuvent être seigneurs de terre. Le seigneur pouvait aussi être une communauté : communauté religieuse, ville...

Droit d'impôts

Les seigneuries rapportent de l'argent au seigneur par les impôts qu'il peut y lever :

  1. Le cens récognitif de seigneurie. Le paysan reconnaît par ce cens sa sujétion au seigneur. Le cens demeure infime - son montant est rarement réévalué - mais hautement symbolique.
  2. Le surcens, tentatives seigneuriales d'accroître le cens, généralement faible.
  3. Le champart, sorte de dîme seigneuriale, prélevé en nature, proportionnelle à la récolte, oscillant entre 1/6 à 1/12 (prélèvement s'ajoutant à celui de la dîme du curé : 1/10).
  4. Les droits casuels, versés irrégulièrement, exemple les « lods et ventes », un droit de mutation sur les censives.
  5. Les banalités, par exemple les banalités du moulin, obligeant les paysans à faire moudre leur grain au moulin du seigneur, et donc à lui acheter ce service.

Comme aujourd'hui, les impôts avaient pour objet de faire participer l'ensemble de la communauté aux charges entraînées par la propriété des biens à usage collectifs.

Ces diverses charges, indépendamment faibles, se révèlent très lourdes lorsqu'elles sont additionnées. La disparition de ces charges, en 1789 en France, fut donc particulièrement bien accueillie.

Le seigneur lui-même est également exploitant agricole, concurrent déloyal, puisque n'ayant pas les mêmes charges et disposant de privilèges : premier à vendre, etc.

Droit de justice

La seigneurie confère aussi l'obligation de rendre la justice seigneuriale, tant dans les affaires civiles que dans les affaires criminelles.

Par les ordonnances judiciaires de 1670, la seigneurie est responsable selon les lieux de :

  1. La basse justice, pour les sommes inférieures à 3 livres tournois.
  2. La moyenne justice qui permet également d'infliger des amendes.
  3. La haute justice : peine infamante, afflictive, ou mortelle, cette justice étant presque toujours entrée dans la compétence des juridictions royales.

La justice seigneuriale est toujours rendue par des officiers ou des magistrats seigneuriaux dont le titre varie selon les cas et les usages, comme les procureurs fiscaux, les viguiers, les bayles, les juges et juges mages, prévôts, juges d'appaux, etc.

Le verdict d'une juridiction seigneuriale est toujours pris sous réserve d'appel d'une autre juridiction, cette dernière étant devenue presque toujours royale (bailliages, sénéchaussées), qui elles-mêmes ressortissent des parlements.

Les seigneurs avec droit de basse et moyenne justice ont droit d'afficher leurs armoiries, ceux de haute justice ont le droit d'afficher en plus les fourches patibulaires, ou de planter un pilori, symboles de justice.

Prééminences d'église

  • Patronage : au haut Moyen Âge de nombreux seigneurs s'adjugèrent le droit de désigner les desservants des églises. Avec la réforme grégorienne, de nombreux laïcs rétrocédèrent ce droit à l'Église souvent au profit d'abbayes et de monastères. Les fondateurs de chapellenie dans les grands édifices conserveront leur droit de patronage pour désigner les desservant de ces chapelles
  • Droit de banc ou d'escabeau avec accoudoir
  • Droit à une tombe dans le chœur ou un enfeu seigneurial
  • Droit aux armoiries dans les vitraux ou sculptées sur la façade
  • Droit de litres, lors des enterrements.

Droits seigneuriaux allégués

Au courant du XVIIIe siècle, particulièrement lors de la Révolution française, et lors de la consolidation de la troisième République française, des droits seigneuriaux abusifs sont recensés pour dénoncer le système seigneurial. La plupart de ces droits seigneuriaux abusifs sont aujourd’hui considérés comme n’ayant aucun fondement historique par de nombreux historiens[1], et seraient des inventions du XVIIIe siècle. Parmi les droits seigneuriaux allégués, on trouve :

  • Droit de cuissage : aussi appelé droit de jambage et parfois droit de dépucelage, il s'agit d'une légende vivace selon laquelle un seigneur aurait eu le droit d'avoir des relations sexuelles avec la femme d'un vassal ou d'un serf la première nuit de ses noces (jus noctis primae).
  • Droit de prélassement : prétendu droit seigneurial en vertu duquel un seigneur aurait eu le droit de faire éventrer ses serfs pour s’y réchauffer les pieds[2]. Il aurait également été connu sous le nom peu usité de droit de chancelière au XIXe siècle[3].
  • Droit de ravage

Références

  1. Denise Péricard-Méa, Le Moyen Âge, Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2005, p. 90; Jacques Heers, Le Moyen Âge, une imposture, Paris, Éditions Perrin, coll. « Tempus », 1992; Paul-Éric Blanrue, L’histoire dans tous ses états: idées fausses, erreurs et mensonges d’Abraham à Kennedy, Valbonne, Book-e-book.com, coll. « Zététique », 2003
  2. Guy Breton, Les Beaux Mensonges de l'histoire, Paris, Le Pré aux Clercs, 1999, p. 57
  3. August Ingold, Un prétendu droit féodal, dans Polybiblion : revue bibliographique universelle, 6e année, tome 10, Paris, 1873, p. 128
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