Dorothea Lange

Dorothea Lange, née Dorothea Nutzhorn, le à Hoboken (États-Unis) et morte le à San Francisco, est une photographe américaine dont les travaux les plus connus ont été réalisés pendant la Grande Dépression, dans le cadre d'une mission confiée par la Farm Security Administration (FSA) (« Administration de sécurité des fermiers  »).

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Biographie

Née à Hoboken (dans l'État du New Jersey) en 1895 [1], Dorothea Lange est la fille d'immigrés allemands de la deuxième génération. Son père, Heinrich Martin Nutzhorn (dit Henry), quitte le foyer familial en 1907. Sa mère, née Joanna Caroline Lange, donne naissance en 1901 à un petit frère, Henry Martin Nutzhorn. En 1902, Dorothea est frappée de la poliomyélite qui lui laisse des séquelles à la jambe droite toute sa vie[1],[2]. Après l'abandon du père, Joanna (dite Joan) trouve un travail de bibliothécaire à la New York Public Library, les enfants sont confiés à leur grand-mère maternelle et à leur grand-tante. Dorothea suit des cours de photographie à la Columbia University auprès de Clarence Hudson White. Elle commence sa carrière de photographe à New York, avant de s'installer en 1918 à San Francisco où elle ouvre un studio de portrait[1], et prend le nom de jeune fille de sa mère. En 1920, elle épouse Maynard Dixon, peintre divorcé de vingt ans son aîné, avec qui elle a deux fils, Daniel Rhodes Dixon en 1925 et John Eaglefeather Dixon en 1928. C'est la Grande Dépression qui la pousse à déplacer son champ d'action vers la rue.

Ses photographies poignantes des sans-abris attirent l'attention de la Resettlement Administration (devenue plus tard la Farm Security Administration), qui la recrute comme photographe officielle en 1935[1]. Elle publie aussi dans le San Francisco News ses clichés de la pauvreté et de la détresse qui touchent alors une partie de la population américaine. L'information va être transmise à la United Press et va permettre le déblocage d'une aide d'urgence de nourriture par le gouvernement fédéral. Les photographies étant propriété de l'État, elles sont publiées sans demande de paiement, ce qui contribue à leur propagation rapide et à faire d'elles des icônes de l'entre-deux-guerres américaine.

Dorothea Lange et la FSA

Les années qui suivent le krach boursier du 24 octobre 1929 sont surnommées « the bitter years » (« les années amères ») : le krach entraîne une crise économique sans précédent aux États-Unis, aggravée par une sècheresse dans les États du sud. Les immigrants qui débarquent d'Europe à la recherche du rêve américain, ou fuient l'URSS, le régime nazi ou les régimes fascistes de l'Europe de l'Est, trouvent en Amérique une situation économique plus désastreuse encore. C'est dans l'Amérique rurale que la situation est la plus alarmante : la sécheresse empêche les paysans d'effectuer leurs récoltes et engendre une crise grave de l'emploi. Les chômeurs errent dans les villes, à la recherche de soupes populaires ou de petits travaux quelconques, désœuvrés, ou se retrouvent sur les routes, allant de ville en ville. Ils recherchent du travail chez les propriétaires terriens, dans les coopératives. On les appelle alors des migrants. Ils s'installent dans des camps de fortune, sans eau potable, et tournent en rond. L'administration de Franklin Delano Roosevelt, qui développe une politique keynésienne, représentée par le New Deal, crée en 1935 la Resettlement Administration Office de la réinstallation »), pour prélever des informations sur le terrain : la direction en est confiée à Roy Stryker.

Florence Owens Thompson, Mère migrante (Migrant Mother), photographie de Dorothea Lange prise en 1936.

En 1935, Dorothea Lange est en Californie à titre d'assistante de son nouveau mari, Paul Schuster Taylor, qui travaille pour la Resettlement Administration[1],[3]. Il se trouve que le premier rapport qui résulte de cette collaboration rencontre un franc succès politique, et passe même entre les mains d'Eleanor Roosevelt ; un financement de 20 000 $ est débloqué pour construire le premier camp de migrants de Marysville (Californie), en octobre 1935. Les photos de Dorothea Lange sont appréciées pour leur justesse et leur pouvoir évocateur : elles plaisent aux lecteurs et aux éditeurs de la presse nationale. Désormais, le champ d'action du couple Taylor-Lange s'étend à l'Arizona, au Nevada, au Nouveau-Mexique et à l'Utah, en plus de la Californie.

La prochaine mission de Dorothea Lange se déroule dans le cadre de la Federal Emergency Relief Administration Office de l'aide d'urgence fédérale »), qui a fondé le camp de Marysville. Son employeur direct est la Rural Rehabilitation Division Division de la réhabilitation rurale ») qui prendra le nom de « Relief Administration » puis de « Farm Security Administration ». L'entreprise est dirigée par Rexford Guy Tugwell, économiste reconnu de l'université Columbia et membre du Brain Trust de Franklin Delano Roosevelt. Rexford Tugwell, collègue de Roy Stryker, prône l'utilisation de la photographie pour obtenir le soutien des sphères politiques et financières. L'équipe de la FSA réunit des talents, tels que Walker Evans, Russell Lee, Arthur Rothstein et Ben Shahn[4],[5]

En 1942, après l'attaque japonaise sur Pearl Harbor, le Dorothea Lange est embauchée par une agence gouvernementale, afin de faire un reportage sur les camps où sont regroupées de force et internées toutes les personnes d'origine japonaise, hommes, femmes, enfants. Le but poursuivi alors par cette agence était de montrer que ces internés étaient traités avec humanité. Mais la photographe en tire au contraire un document accablant[1],[3], qui sera d'ailleurs censuré par l'administration Roosevelt. Ces photographies restent non diffusées à l'époque[3]. Elles ne seront publiées qu'en 2006, dans un livre consacré exclusivement au sujet, Impounded : Dorothea Lange and the censored images of Japanese American internment[6],[7].

Dorothea Lange meurt d'un cancer de l'œsophage le , trois mois avant sa rétrospective au Museum of Modern Art.

Hommages

Dorothea Lange est inscrite au National Women's Hall of Fame et est l'une des 999 femmes mentionnées sur le socle de l'installation de Judy Chicago The Dinner Party, au niveau de la table de Georgia O'Keeffe, dans l'aile III.

Depuis 2009, un cratère de la planète Mercure est nommé Lange en son honneur[8].

Notes et références

  1. River Encalada Bullock, « Dorothea Lange », dans Luce Lebart et Marie Robert (dir.), Une histoire mondiale des femmes photographes, Éditions Textuel, , p. 142
  2. « Lange Dorothea », sur Encyclopedia Universalis
  3. Claire Guillot, « Exposition : Dorothea Lange, la photo en temps de crise », Le Monde, (lire en ligne)
  4. (en) « Farm Security Administration/Office of War Information Color Photographs - About this Collection », sur www.loc.gov, (consulté le ).
  5. (en) « Farm Security Administration (FSA) selected records and photographs, 1935-1942 », sur www.aaa.si.edu (consulté le ).
  6. (en) Impounded : Dorothea Lange and the censored images of Japanese American internment - WorldCat.org
  7. (en) Impounded : Dorothea Lange and the Censored Images of Japanese American Internment - book review - Luan Gaines, Curled Up, 2006
  8. (en) « Planetary Names: Crater, craters: Lange on Mercury », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Hans-Michael Koetzle, Photo Icons, the story behind the pictures, Volume 2, Taschen, coll. Icons, 2002.
  • Pierre Borhan, Dorothea Lange, le cœur et les raisons d’une photographe, éditions du Seuil, 2002.
  • Dorothea Lange, Photographies d’une Vie, Könemann, 1998.
  • Linda Gordon et Gary Y. Okihiro (en), Impounded : Dorothea Lange and the Censored Images of Japanese American Internment, éditions Norton, 2006. (ISBN 0-3930-6073-X)
  • Dorothea Lange, Paul Schuster Taylor, An American Exodus : A Record of Human Erosion, Reynal and Hitchcock, New York, 1939 (Nouv. éd. par S. Stourdzé, Éditions Jean-Michel Place, Paris, 1999).
  • E. Partridge, Dorothea Lange, A Visual Life, Smithionian Press, Washington-Londres, 1994.
  • S. Stourdzé, N. Rosenblum, S. Stein & H. Mayer, The Human Face, NBC éditions, Musumeci editore, Paris-Aoste, 1998.

Articles connexes

Liens externes

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