Dolores Ibárruri

Dolores Ibárruri Gómez, aussi surnommée La Pasionaria, née le à Gallarta en Biscaye et morte le à Madrid, est une femme politique basque espagnole. Elle est connue pour son fameux slogan ¡No pasarán!. Elle a été secrétaire générale du Parti communiste espagnol (PCE) entre 1942 et 1960, puis présidente de ce parti entre 1960 et 1989.

Dolores Ibárruri

Dolores Ibárruri en 1978.
Fonctions
Secrétaire générale du Parti communiste d'Espagne

(18 ans, 3 mois et 16 jours)
Prédécesseur José Díaz
Successeur Santiago Carrillo
Présidente du Parti communiste d'Espagne

(29 ans, 4 mois et 9 jours)
Députée des Asturies

(2 ans, 11 mois et 7 jours)

(1 an, 5 mois et 20 jours)
Biographie
Nom de naissance Dolores Ibárruri Gómez
Date de naissance
Lieu de naissance Gallarta, Abanto-Zierbena, Biscaye
Date de décès
Lieu de décès Madrid, Communauté de Madrid
Nationalité Espagnole
Parti politique Parti communiste d'Espagne
Profession Personnalité politique

Origine et formation

Dolores Ibárruri Gómez naît le à Gallarta en Biscaye[1]. Issue d'une famille de mineurs, elle est la huitième enfant d'une fratrie de onze[2]. L'ambiance familiale est marquée par le catholicisme et son père est un militant carliste actif. Elle est scolarisée jusqu'à l'âge de 15 ans, envisageant de devenir institutrice, mais elle ne peut y parvenir, car ses parents n'ont pas les moyens de lui payer des études suffisamment longues. Elle commence à travailler dans un atelier de couture, puis devient femme de ménage, jusqu'à son mariage en 1916.

Début de l’activité politique (1916-1919)

Elle épouse un mineur et militant socialiste (adhérent du PSOE), Julián Ruiz Gabiña[3], originaire de Somorrostro. Ils auront six enfants, dont quatre morts très jeunes : Ester (1916-1919), Rubén (1921[réf. nécessaire]-1942), les triplées : Amagoia (1923-1923), Azucena (1923-1925), Amaya[4](née en 1923), et Eva (1928-1928).

La situation financière de la famille n'est pas très bonne, d'autant que Julian Ruiz est emprisonné après avoir participé au mouvement de grève générale de 1917, et qu’il l’est encore à plusieurs reprises au cours des années 1920.

Cela n'empêche pas Dolores de lire, notamment des ouvrages de Karl Marx et de militer dans le cadre de la Fédération des Jeunesses socialistes du PSOE. Elle écrit aussi dans la presse ouvrière ; c'est en 1918 qu'elle utilise pour la première fois le pseudonyme de La Pasionaria[5],[2], pour un article dans le journal El Minero Vizcaino.

Monument à Dolores Ibárruri à Glasgow (Écosse), orné d'une de ses citations les plus célèbres : « Mieux vaut mourir debout, que de vivre à genoux ».

Ses débuts au Parti communiste (1920-1930)

En , elle suit les Jeunesses socialistes qui se séparent du PSOE pour se rapprocher de l'Internationale communiste. En , elle participe à la fondation du Parti communiste espagnol, devenant la même année membre du comité provincial de Biscaye, puis à celle du Parti communiste d'Espagne[6] en .

Elle joue un rôle important dans le parti au niveau provincial : elle est déléguée au Ier congrès du PCE (Madrid) en , et de nouveau en 1927 pour le IIIe ; ce congrès devant avoir lieu en France, elle ne peut cependant y assister.

Populaire et respectée, elle est élue au Comité central du PCE en 1930.

La période de la IIe République (1931-1936)

Après l'avènement de la Seconde République en 1931, elle se sépare de son mari et s’installe à Madrid, où elle devient responsable du journal du parti, Mundo Obrero. Elle entre au bureau politique du parti en 1932. Elle est envoyée à Moscou en 1933 comme déléguée auprès du Komintern.

Elle est arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises en raison de ses activités.

Elle travaille à l'amélioration de la condition féminine.

En 1935, elle envoie ses deux enfants encore vivants, Rubén et Amaya, en Union soviétique, pour leur assurer une vie plus stable.

Le Front populaire (début de 1936)

En , elle est élue députée des Asturies. Peu après, elle réussit à obtenir des autorités locales d’Oviedo la libération des prisonniers politiques. Elle prononce devant les Cortes un discours contre la droite, en menaçant de mort José Calvo Sotelo, député monarchiste qui s'en était pris aux républicains et qui avait exigé la fin des attentats anti-cléricaux et des désordres fomentés par des miliciens communistes, lui lançant : « Cet homme a parlé pour la dernière fois ». Le , José Castillo, un lieutenant de la garde d'assaut, membre du Parti socialiste espagnol et de l'UMRA, est assassiné par un groupe de phalangistes à Madrid, en réponse à l'assassinat d'Andrés Sáenz de Heredia, cousin de José Antonio Primo de Rivera et de la blessure par balle de l'étudiant carliste José Llaguno Acha infligé par le même José Castillo. Le lendemain, en représailles, des membres de la Garde d'Assaut et des militants des Jeunesses socialistes prennent d'assaut[réf. nécessaire] la résidence de Calvo Sotelo et l'emmènent avec eux pour le tuer à l'intérieur d'une fourgonnette de police. Son corps est ensuite abandonné dans un cimetière. Certains historiens[Qui ?] affirment que Dolores serait l'instigatrice de l'assassinat de Calvo Sotelo et qu'elle aurait pris cette décision dès la fin du discours de ce dernier du [réf. nécessaire].

Ces événements précipitent l'entrée dans la guerre d'Espagne[7].

La guerre civile (1936-1939)

Dolores Ibárruri en 1936.

Quand la guerre civile éclate en , Dolores Ibárruri se dresse pour défendre la république avec le célèbre slogan « ¡No pasarán! » (« Ils ne passeront pas »)[8], prononcé, dès le , au balcon du ministère de l'Intérieur, au moment de l'offensive franquiste contre Madrid. Au début du mois de septembre, elle est en France pour une entrevue avec Léon Blum, qui, le 1er septembre, a opté pour la politique de non-intervention ; le , elle prononce un discours au vélodrome d'Hiver.

Elle est élue vice-présidente des Cortes (es) en 1937. Elle participe à plusieurs comités avec des personnalités telles que Palmiro Togliatti pour défendre la cause républicaine. Pour mettre fin à des critiques, son fils revient en Espagne et participe à la bataille de l'Ebre en 1938.

Par ailleurs, elle agit pour soutenir le moral des soldats républicains ou pour lutter contre les tendances défaitistes : ainsi, en 1938, elle dirige des manifestations à Barcelone devant les locaux du gouvernement républicain. C’est aussi elle qui, le , à Barcelone, salue le rôle des Brigades internationales sur le point de quitter l’Espagne après leur dissolution. Chose qui ne va pas de soi à l'époque, son discours s'adresse autant aux hommes qu'aux femmes, bouleversant les représentations des sexes, à l'heure où certaines militantes craignent que la victoire des nationalistes ne remette en cause les acquis féministes de la République. Le symbole de la femme qui prend les armes, pourtant une exception, est par ailleurs un outil de mobilisation important, du moins au début du conflit. La propagande évolue par la suite, louant la femme qui travaille à l'arrière et assure son rôle familial, pour aboutir à n'être valorisée qu'à travers le prisme de l'homme : comme épouse, comme mère ou comme sœur de combattant. L'historienne Yannick Ripa note ainsi : « L'aura de la Pasionaria enferme les femmes dans la culture sacrificielle qu’on leur impose depuis des siècle ». Elles sont toutefois invitées à investir le champ économique, moyen politique de lutter contre le fascisme[8].

Dans ses mémoires, Valentin Gonzales, dit El Campesino, ancien général républicain, est réservé sur sa personnalité. Il écrit : « Des autres communistes espagnols, elle se distingue par une obéissance absolue aux ordres du Kominterm et à ceux des émissaires de Staline. Elle ignore totalement le remords et les cas de conscience et manifeste une satisfaction malsaine dès qu'il est question d'épurer, de tailler dans le vif... En outre, elle n'hésite pas, quand l'occasion s'en présente, à se débarrasser, sous un prétexte politique, de ses ennemis personnels ». Par ailleurs, il lui reproche son fanatisme et sa vie confortable à l'arrière avec Francisco Antón (en) (son amant), tandis que son mari et son fils sont au front.

Ces discours et actions assurent à Dolores Ibárruri une grande popularité dans l’opinion communiste internationale et auprès d'une partie de la population de la zone républicaine, notamment les femmes.

Cependant, au bout de trois ans d'affrontements sanglants, le gouvernement républicain est défait et quitte le territoire espagnol ; les hostilités cessent le avec l'entrée dans Madrid des forces franquistes.

L'exil

Dolores Ibárruri part en exil en Union soviétique, où elle continue ses activités politiques. Son fils Rubén entre dans l'Armée rouge et périt le 25 août 1942 au cours de la bataille de Stalingrad. Son action vis-à-vis des exilés espagnols en URSS, dont la condition était très précaire, est décrite très négativement par Enrique Castro Delgado[9]. La distinction de héros de l'Union soviétique lui sera décernée en 1956.

En , elle devient secrétaire générale du PCE et le reste jusqu'en 1960[10] ; elle en devient alors présidente jusqu'à sa mort.

Dans les années 1960, elle reçoit la citoyenneté soviétique. Son œuvre politique est reconnue durant ces années : elle reçoit un doctorat honorifique de l'université de Moscou, ainsi que le prix Lénine pour la paix en 1964, et l'ordre de Lénine en 1965. Son autobiographie, ¡No pasarán!, est publiée en 1966.

Elle est membre de la Fédération démocratique internationale des femmes.

Le retour en démocratie

Après la mort de Francisco Franco en 1975, elle revient en Espagne. Elle est élue députée aux Cortes en , lors des premières élections après la restauration de la démocratie. Elle est la seule députée élue en 1936 à être réélue en 1977 : cette élection est considérée comme un symbole à l'époque[11].

Elle meurt d'une pneumonie à Madrid, à l'âge de 93 ans, après être retournée à la foi catholique de son enfance, voire à un certain mysticisme. Cette conversion est restée cachée jusqu'à la publication de la biographie de son ami et confesseur, le père Llanos[12], dans laquelle ont été révélés des courriers échangés entre eux deux. Ainsi, dans une lettre au père Llanos écrite le , la Pasionaria écrivait : « voyons si les petits vieux que nous sommes devenus pourront utiliser le temps qu'il nous reste à vivre en un chant de louanges et d'action de grâce au Dieu-Amour, comme une préparation de notre vocation éternelle  ».

La Pasionaria, un symbole

Portrait de Dolores Ibárruri promené lors d'une manifestation à Budapest (République populaire de Hongrie) en 1949.

Certains passages de ses discours, tels que : « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux » (adaptation populaire de la phrase d'Emiliano Zapata) ou son « ¡No pasarán! » (prononcé par Robert Georges Nivelle pendant la Première Guerre mondiale), sont connus dans le monde entier. Elle devient un mythe, valorisé par une hagiographie développée après sa mort[8]. Son rôle de symbole populaire en a fait un personnage de poèmes et de chansons pour Pablo Neruda, Rafael Alberti, Ana Belén et quelques autres. Toutefois, dans l'ouvrage de Sygmunt Stein, Ma guerre d'Espagne, un chapitre consacré à « La Pasionaria » la décrit surtout comme une idole fabriquée par l'appareil de propagande soviétique, sans dénier ses qualités humaines[13].

Annexes

Notes et références

  1. Dolores Ibárruri Gómez - Encyclopædia Universalis.
  2. « Pasionaria pour toujours », sur l'Humanité, (consulté le ).
  3. Julián Ruiz Gabiña (né en 1890, mort en 1978 à Somorrostro (Biscaye). Exilé en URSS après la guerre civile, il y travaille comme ouvrier d'usine. Julián Ruiz rentre en Espagne en 1972 et finit ses jours à Somorrostro.
  4. Amaya Ruiz Ibárruri a participé en octobre 2006 à une cérémonie d'hommage aux membres des Brigades internationales.
  5. L'origine du pseudonyme est liée à la date de la parution de l'article, durant la semaine de Pâques 1918.
  6. Le Parti communiste d'Espagne résulte de la fusion, à la demande de l'Internationale communiste, du Parti communiste espagnol avec le Parti communiste ouvrier espagnol, une sécession plus tardive (avril 1921) du PSOE.
  7. « Dolores Ibarruri, 'La Pasionaria' Of Spanish Civil War, Dies at 93; An Indomitable Leftist », The New York Times, 13 novembre 1989.
  8. Yannick Ripa, « Le mythe de Dolorès Ibarruri », Clio. Histoire, femmes et sociétés, consulté le 5 mai 2012.
  9. J'ai perdu la foi à Moscou. Enrique Castro Delgado 1950.
  10. . Elle démissionne dès 1959 (à la suite de l'échec de la grève générale du , et des divergences d'interprétation entre elle et les responsables de l'action en Espagne, Santiago Carrillo, Jorge Semprún et Enrique Lister), mais cette démission n'est rendue publique qu'en 1960.
  11. « Les grands discours : Dolores Ibárruri - ¡No Pasarán! », sur ARTE (consulté le ).
  12. Pedro Miguel, Azul y rojo. José María de Llanos, éd. La Esfera de los Libros, 2013.
  13. Sygmunt Stein, Ma guerre d'Espagne, Paris, Éditions du Seuil, 2012, p. 155, postface de Jean-Jacques Marie extraits en ligne.

Sources

  • Sygmunt Stein, Ma Guerre d'Espagne, 1956, (Paris, Éditions du Seuil, 2012), p. 152-156.
  • Manuel Vásquez Montalbán, La Pasionaria et les sept nains, Paris, Éditions du Seuil, 1998.
  • Valentin Gonzales, El Campesino, jusqu'à la mort, Paris, Editions Albin Michel 1978, p. 133-134.

Article connexe

Liens externes

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