Craton

Un craton (du grec κράτος, kratos : force), appelé aussi aire continentale, est une vaste portion stable du domaine continental par opposition aux zones instables déformées (les orogènes). Il forme un élément de lithosphère continentale possédant une identité géologique, notamment en termes de nature des roches et de structuration des unités géologiques qui le composent. Un craton est composé d'une partie crustale de nature continentale, encore appelée croûte cratonique[1], et d'une partie dite[2] lithosphérique, de nature mantellique.

Pour les articles homonymes, voir Craton (homonymie).

Les provinces géologiques de la Terre (d'après les données de l'Institut d'études géologiques des États-Unis) :
Croûte continentale :
Âge de la croûte océanique :
  • 0–20 Ma
  • 20–65 Ma
  • > 65 Ma

Description

Carte montrant les cratons (brun foncé) de l'Amérique du Sud et de l'Afrique, qui formaient l'ancien continent du Gondwana occidental.

Du point de vue des matériaux constitutifs, la partie supérieure de la croûte cratonique est formée en grande majorité de roches plutoniques de la famille des granitoïdes[3], comme le granite, ainsi que dans une moindre mesure de roches métamorphiques à haut degré, comme des gneiss. Ces granitoïdes sont le plus souvent organisés en plutons regroupés au sein de batholites. Quant aux roches métamorphiques, elles s'organisent souvent en bandes plus étroites, traces d'anciens orogènes totalement érodés. La croûte cratonique supérieure est parfois directement à l'affleurement. La partie inférieure de cette croûte cratonique est comme souvent ailleurs en zone continentale de nature plus granulitique.

Les cratons sont aussi caractérisés par d'autres propriétés géologiques et géomorphologiques : un âge ancien, en pratique au moins 500 millions d'années ; une dimension régionale à continentale, quelques centaines de kilomètres au minimum ; un relief faible, quelques centaines de mètres pour des distances hectokilométriques ; une épaisseur crustale caractéristique de l'ordre de 35 à 40 km, épaisseur de relatif équilibre isostatique ; une rigidité (car armé par le métamorphisme et les montées plutoniques) expliquant qu'ils ne peuvent plus se déformer de manière souple (ils subissent les contraintes en se gauchissant, en se cassant selon des failles inverses ou encore, lors des étirements distensifs, en se fracturant)[4].

Sous la croûte cratonique, se trouve rattachée mécaniquement une section du manteau supérieur, dite lithosphérique. Cette lithosphère sous-cratonique peut remarquablement s'étendre jusqu'à une profondeur de 200 km, notamment au sein de la zone de stabilité du diamant.

On trouve en général les cratons en intérieur des zones continentales, dont les plus vieux en arment souvent le cœur et correspondant à des régions de plaines et de plateaux. Les cratons sont généralement formés de boucliers où affleurent des roches cambriennes essentiellement granito-gneissiques (roches qui ont subi une érosion sur des épaisseurs de roches de plusieurs milliers de mètres depuis leur exposition), et des plates-formes où ces ensembles précambriens sont recouverts de séries sédimentaires subhorizontales peu ou pas déformées (couverture phanérozoïque de plusieurs kilomètres d'épaisseur de sédiments, essentiellement des dépôts marins paléozoïques, favorisés par des épirogenèses puis par une des successions pelliculaires du Mésozoïque). À l'intérieur de ces vieux cratons continentaux se forment des bassins sédimentaires régis par une subsidence dont l'origine est la plupart du temps tectonique (amincissement crustal) et/ou thermique[5], d'où les régions de croûte amincie à l'échelle du globe[6]. Les cratons sont parfois traversés de fossés et de bassins intracratoniques. La conception ancienne d'un vaste bouclier pérenne pendant toute l'histoire des temps précambriens a été progressivement remplacée par celle de cratons multiples séparés par des ceintures orogéniques plissées qualifiées de ceintures mobiles. À la périphérie des vieux cratons, se sont en effet formées des ceintures linéaires anciennes (les vieux massifs y formant un socle arasé par une longue érosion et recouvert en discordance par des roches volcaniques et sédimentaires), et, encore plus à la périphérie, des ceintures plus jeunes, visibles sous forme de chaînes montagneuses. Cette disposition concentrique traduit les cycles de Wilson[7],[8].

Terminologie

Selon leur âge, les cratons sont parfois dénommés par des termes plus spécifiques :

  • archons, composés de roches de l'Archéen, de plus de 2,5 milliards d'années ;
  • protons, composés de roches du Protérozoïque ancien ou moyen, de plus de 1,6 milliard d'années ;
  • tectons, composés de roches du Néoprotérozoïque, âgés d'entre 1,6 milliard et 800 millions d'années.

Comme les matériaux tels que les métaux précieux et les diamants tendent avec le temps géologique à se séparer de leurs roches mères et à se regrouper dans des unités géologiques particulières notamment au sein de la croûte terrestre, les cratons les plus anciens sont d'un grand intérêt pour les compagnies minières. Des cratons sont encore découverts à ce jour par prospection géologique.

Cratons spécifiques

Cratons possédant un nom, classés par continents :

Australie

Amériques

Cratons en Amérique du Nord.

Afrique

Sur le continent africain, on distingue de nombreux cratons archéens et protérozoiques[9],[10] :

  • Craton d'Afrique de l'Ouest ou craton Ouest-Africain : Vaste ensemble archéen et protérozoique du sud du Maroc à la façade Maritime du Golfe de Guinée et l'Est de la Sierra Leone à l'Ouest du Nigeria, avec de nombreux noyaux archéens dont les principaux sont :
    • Dorsale ou Bouclier Reguibat (Sud du Maroc et Mauritanie)
    • Craton de Man (Sud-Est de la Guinée, Est de la Sierra Léone, Libéria, partie à l'Ouest de la Côte d'Ivoire)
  • Craton du Hoggar aussi appelé Craton Touareg ou Craton du Sahara (Sud de l'Algérie, Nord du Mali et du Niger)
  • Carton Nilotique ou Craton Est-Saharien (Sud-Est de la Libye, Soudan, Tchad).
  • Craton du Congo ou Craton Centrafricain. Vaste ensemble qui s'étend du Sud du Cameroun au Nord de l'Angola et de la façade Atlantique à l'Ouest jusqu'à l'Est du Congo (RDC). Plusieurs sous ensembles sont identifiés :
    • Bloc archéen Gabon-Cameroun au Nord
    • Craton archéen du Kasaï aussi appelé Angola-Kasaï est la partie sud
    • Bloc Bangweulu ou Bloc de Bangwelo (Zambie) est un ensemble d'âge protérozoïque rattaché au Craton du Congo.
  • Craton de Madagascar

Eurasie

  • Microcraton de Midland (Angleterre et Pays de Galles)
  • Craton sibérien
  • Craton de Chine orientale
  • Craton de Chine septentrionale
  • Craton sino-coréen (nord de la Chine)
  • Craton de Tarim (Chine)
  • Craton du Yangtze (Chine du Sud)
  • Craton indien
    • Craton de Dharwar (Inde)

Antarctique

  • Craton d'Antarctique orientale

Notes et références

  1. Outre de cratons, la lithosphère continentale est composée de zones orogéniques récentes, de bassins sédimentaires et de zones en extension ou rifts, avec des fossés d’effondrement ou grabens  voir la figure tout en haut de cette page ; les rares grandes provinces ignées continentales sont des zones de trapps probablement épanchés sur des cratons préexistants. L'Islande et l'archipel des Kerguelen sont des contre-exemples, zones de croûte océanique surépaissies en voie de continentalisation.
  2. Par abus de langage, le tout ne signifiant que la partie sans autre dénomination simple (une sorte de contraire d'une métonymie).
  3. Voir l'article sur les granitoïdes du Limousin.
  4. Serge Elmi et Claude Babin, Histoire de la Terre, Dunod, (présentation en ligne), p. 11.
  5. Isabelle Cojan et Maurice Renard, Sédimentologie, Dunod, , p. 431.
  6. Gilbert Boillot, Philippe Huchon, Yves Lagabrielle et Jacques Boutler, Introduction à la géologie. La dynamique de la Terre, Dunod, , p. 74-80.
  7. Christophe Voisin, La Terre, Le Cavalier Bleu, , p. 54-55.
  8. (en) Timothy M. Kusky, Xiaoyong Li, Zhensheng Wang, Jianmin Fu, Luo Ze, Peimin Zhu, « Are Wilson Cycles preserved in Archean cratons? A comparison of the North China and Slave cratons », Canadian Journal of Earth Sciences, vol. 51, no 3, , p. 297-311 (DOI 10.1139/cjes-2013-0163).
  9. « Archéen en Afrique », sur universalis.fr (consulté le ).
  10. Begg et al. 2009.

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) G.C. Begg, W.L. Griffin, L.M. Natapov, Suzanne Y. O'Reilly, S.P. Grand, C.J. O'Neill, J.M.A. Hronsky, Djomani Y. Poudjom, C.J. Swain, T. Deen et P. Bowden, « The lithospheric architecture of Africa: Seismic tomography, mantle petrology, and tectonic evolution », Geosphere, Société américaine de géologie, vol. 5, no 1, , p. 23-50 (e-ISSN 1553-040X, DOI 10.1130/GES00179.1, lire en ligne). 

Articles connexes

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