Conomor

Conomor (Comorre, Konomor [1] ou Cognomorus[2]) est un comte régnant sur la partie Ouest de la Bretagne au VIe siècle. Il était comte du Poher à une époque où celui-ci a pu s'étendre jusqu'aux côtes nord et sud[3],[4]. Il est dit aussi roi de la Domnonée[3],[4] qui couvrait alors la partie nord de la Bretagne. Il est également assimilé parfois à Marc'h souverain des deux Domnonées[5],[6].

Étymologie

Son nom est attesté dans certaines listes généalogiques galloises sous la forme Kynvawr, notamment dans l'Ach Morgan ab Owein et le Mostyn MS. 117. Kynvawr signifie « grand chien » (de con « chien », nom que l'on trouve dans Conan, et « grand » meur[réf. nécessaire]).

Biographie

Les données historiques les plus sûres semblent venir de Grégoire de Tours, mais les commentaires de l'auteur franc sont à prendre avec prudence, il ne fait guère preuve d'objectivité quand il parle des Bretons ennemis des Francs et dont il réprouve les pratiques religieuses d'origine celtique[réf. nécessaire][7].

Selon Grégoire de Tours

Dans le livre IV de Dix livres d’histoire, Grégoire de Tours mentionne deux comtes bretons : Chonomor et Chonobre.

Pour l'année 550, il mentionne Conomor (Chonomoris), le montrant comme protecteur de Macliau (Macliauus), frère du comte des Bretons Chanao. Macliau fuit les persécutions de Chanao, ce dernier ayant déjà assassiné trois autres de ses frères. Conomor monte un subterfuge et le prince menacé est mis sous un tumulus avec un soupirail pour lui permettre de respirer. Chanao vient constater l'existence de la tombe et y donne une fête. Par la suite, Macliau se serait enfui à Vannes, aurait été nommé évêque, puis aurait apostasié et repris son épouse[8].

En 560, Chonobre (Chonoober) aurait à nouveau accueilli un prince, mais cette fois, il s'agit de Chramn, fils de son ennemi, le roi Clotaire Ier. Celui-ci amène une armée, capture son fils et le fait étrangler. Chonobre est tué au combat.

Dans la Vie de Saint Samson

Dans la Vita Samsonis, rédigée au VIIe siècle, Conomor (Commorus) a pris le pouvoir sur la Domnonée, avec l'appui du roi Childebert. Le comte a fait tuer Jonas, le chef légitime de la Domnonée, et cherche à en faire de même avec le fils de Jonas, Judual. Samson de Dol intercède auprès de Childebert en faveur de Judual, et ce dernier, après avoir lever une armée, renverse Conomor[9], vers 558.

Dans la tradition bretonne

On trouve le nom de Conomor dans plusieurs Vitae de saints, celles de Mélar et Malo, notamment)[10].

Un roi sanguinaire

Châtiment de Conomor sur un vitrail de l'église Saint-Gildas d'Auray.

En Bretagne armoricaine, Conomor est beaucoup plus maltraité par la légende, car, dans la tradition orale, il est Conomor le Maudit[11]. Il est une sorte de Barbe-Bleue qui tue ses épouses successives dès qu'elles ont un enfant (il est d'ailleurs probable que sa vie ait inspiré Charles Perrault). Sa dernière épouse, sainte Tréphine (nom d'une sainte sicilienne), fille de Waroc'h Ier (sœur de Canao Ier et Macliau), ayant accouché de saint Trémeur (Trec'h meur = grand vainqueur), il décapite celui-ci. Saint Gildas remet la tête en place et l'enfant va voir son père pour l'éprouver. À cette vue celui-ci est frappé d'épouvante et meurt de la vengeance divine. Dans la Vita de saint Gildas, c'est celui-ci qui est l'artisan du châtiment en provoquant l'écroulement sur Conomor des murailles de son château par le jet d'une poignée de terre.

Cependant, il apparaît comme roi de Domnonée péninsulaire et c'est dans sa ville de Carhaix que Thomas d'Angleterre place le mariage de Tristan avec Iseult aux Blanches Mains, fille du duc de Bretagne, et c'est là qu'il fait mourir son héros, peut-être donc dans un fief de son oncle Marc Conomor. Mais, on peut aussi penser au Carhays d'outre-Manche.

De nombreux endroits stratégiques sont réputés avoir été des lieux de séjour de Conomor, en particulier, Castel-Finans, au bord du Blavet à l'est de Carhaix et près de Saint-Aignan (Morbihan), où saint Gildas l'aurait poursuivi et châtié. À Tréglamus, près du Menez Bré, où on trouve des retranchements lui étant attribués. À l'ouest de Lanmeur, dans un ancien fort osisme appelé Castel-Beuzit ou La Boissière près de Ruvarc ou Run Marc'h. Près de Quimperlé et de Clohars-Carnoët où les vestiges d'un château (château de Carnoët), sur les bords de la rive droite de la Laïta, subsistent. Près du Moustoir en Saint-Goazec, où se voient les ruines du Castel Commor. Enfin, à Montafilant (Côtes-d'Armor), près de la vieille cité gallo-romaine de Corseul, ce qui lui permettait de contrôler les vallées de la Rance et de l'Arguenon[6].

Une fragile hypothèse assimile Conomor et Caninus[réf. nécessaire] (lat. canes = bre. con = chien) que saint Gildas fustige dans le De Excidio et Conquestu Britanniae comme indigne d'être le descendant d'Aurelius Ambrosianus[réf. nécessaire] et le parent de Saint Pol Aurélien[réf. nécessaire] que son hagiographe Bili désigne comme domnonéen, donc comme ayant fait des fondations d'abbaye loin du Léon, par exemple à Lamballe qui porte son nom.

Dans la tradition cornique

Les traces de Conomor baignent dans deux légendes différentes de chaque côté de la Manche, or il a pu être en être le roi ou tout au moins un prince engagé avec ses égaux post-arthuriens[Interprétation personnelle ?] et peut-être le Roi des Francs Childebert Ier dans une alliance navale et militaire dirigée contre les pirates irlandais, pictes et scandinaves[réf. nécessaire], les Anglo-saxons étant moins dangereux depuis la victoire du Mont-Badon vers 500, attribuée à Arthur.

La légende

En Cornouailles britannique, proche du Devon qui est la Dumnonia-Domnonée insulaire, a été trouvée près de Fowey une stèle avec une inscription du VIe siècle[12] portant les noms de Conomor et de Tristan qui rattache peut-être Conomor à l'histoire de Tristan et de son oncle, le roi Marc'h. Elle est toujours visible à Castel-Dore, près d'un lieu-dit Carhays[13] : Drustanus hic jacit cunomori filius [cum domina Ousilla] (Ci-gît Tristan, fils de Conomor, avec son épouse Essylt, cette dernière inscription ayant été effacée depuis le XVIe siècle). On en fait parfois un praefectus classis (préfet de la flotte = amiral) de Childebert Ier.

Selon les historiens britanniques, Castel-Dore était la capitale des princes de Cornouailles, placée sur l'isthme Padstow-Fowey par lequel passa saint Samson en route pour Saint-Malo. Conomor pourrait avoir donc été à la fois un prince de Grande-Bretagne, membre de l'aristocratie celte romanisée, le protecteur venu sur place de l'émigration en Armorique et l'allié de Childebert dans la protection militaire des côtes de la Manche.

Conomor pourrait donc avoir été un des hommes les plus importants du VIe siècle, lié aux puissances établies des deux côtés de la Manche, puis s'étant révolté contre Clotaire Ier en soutenant Chramn, le fils de celui-ci. Ceci lui aurait valu la vindicte de l'Église et, d'abord, de saint Gildas, puis de saint Samson et expliquerait les aspects noirs de sa légende.

La Vita de saint Paul-Aurélien, écrite en 884 par Gurmonoc, prêtre et moine de l'abbaye de Landévennec, parle d'un Marc Conomor, associé au roi Marc'h. Cela lance l'idée que Conomor aurait été roi, à la fois de la Cornouailles située dans l'actuelle Angleterre, et de la Cornouaille bretonne.

Annexes

Articles connexes

Références

  1. "Le complexe de Konomor" in Ethnopsychiatrie en Bretagne, Philippe Carrer, éditions Coop Breizh, 2011
  2. Cognomorus et sainte Triphine, Anatole Le Braz, 1904
  3. Yvon Mauffret, Gildas de Rhuys, moine celtique, Beauchesne, coll. « Figures d'hier et d'aujourd'hui », (ISBN 2-7010-0359-8, lire en ligne), p. 83
  4. Bernard Rio, Bretagne secrète de A à Z, Editions du Rocher, , 272 p. (ISBN 978-2-268-00425-9, lire en ligne)
  5. Patrice Marquand, CRBC Rennes - Centre de recherche bretonne et celtique, «Neptune Hippius et le roi Marc'h aux oreilles de cheval, dieux d'eau armoricains  sur archives-ouvertes.fr
  6. marc Patay Lejean, « Princes et rois de Bretagne : Conomor », sur Agence Bretagne Presse (consulté le )
  7. Pierre Riché, « Grégoire de Tours et l'Armorique », Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, vol. 13, no 1, , p. 23–26 (lire en ligne, consulté le )
  8. « Prise de Vannes et du pays Vannetais par les Bretons en 578 », sur Becedia, (consulté le )
  9. Chédeville, André Guillotel, Hubert., La Bretagne des saints et des rois : Ve - Xe siècle, Ouest-France, (ISBN 2-85882-613-7 et 978-2-85882-613-1, OCLC 260173399, lire en ligne), p. 75
  10. Valéry RAYDON, « Parution : », sur Agence Bretagne Presse (consulté le )
  11. Arthur de La Borderie, "Histoire de Bretagne"
  12. Venceslas Kruta, « Cunomorus », in Les Celtes, histoire et dictionnaire, Paris, Robbert Laffont, collection « Bouquins », 2000
  13. Louis Lemoine, « Autour du scriptorium de Landévennec », dans Corona Monastica, Presses universitaires de Rennes (ISBN 978-2-7535-0028-0, lire en ligne), p. 155–164

Bibliographie

  • (en) Peter Bartrum, A Welsh classical dictionary: people in history and legend up to about A.D. 1000, Aberystwyth, National Library of Wales, , p. 160-161 CONMOR.
  • Léon Fleuriot, Les origines de la Bretagne, Paris, Payot, (ISBN 2228127108).
  • Goulven Péron, Marcus Conomorus et la pierre de Fowey / L’étrange serment du comte Conomore, Cahier du Poher, n°36 et n°38, 2012
  • Goulven Péron, Conomor et Meliau : des mythes insulaires à la littérature hagiographique, Hagiographie bretonne et mythologie celtique, éd. EC, 2016
  • Christian Y. M. Kerboul, Les Royaumes brittoniques au très haut Moyen Âge, Coop Breizh, Éd. du Pontig,
  • Jean-Christophe Cassard, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, PUR, 1998
  • Gilles Rihouay, Konomor, Barbe-bleue breton, Éd. Keltia Graphic, 29540 Spézet, 2001
  • Christiane Kerboul-Vilhon, Conomor : entre histoire et légende, Spézet, Keltia Graphic, , 140 p. (ISBN 2-913953-73-5 et 978-2-913953-73-4)
  • Marcel Gozzi et Isabelle Thieblemont. La Laïta. Liv'Éditions 2014. Pages 145 et 146.
  • Merdrignac, Bernard. « Présence et représentations de la Domnonée et de la Cornouaille de part et d'autre de la Manche. D'après les Vies de saints et les listes généalogiques médiévales », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, vol. 117-4, no. 4, 2010, pp. 83-119.
  • André Chédeville & Hubert Guillotel, La Bretagne des Saints et des rois Ve-Xe siècle, Rennes, Ouest-France Université, (ISBN 2858826137), p.392
  • (en) John Morris, The age of Arthur
  • (en) Nora Chadwick, The colonization of Brittany … p 279
  • Lemoine Louis. Le scriptorium de Landévennec et les représentations de saint Marc. In: Mélanges François Kerlouégan. Besançon : Université de Franche-Comté, 1994. pp. 363-380. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 515)
  • Jean Julg, Les évêques dans l'histoire de la France : des origines à nos jours, Éditions Pierre Téqui, 2004, p. 25-26.




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