Congés payés en droit français
Cet article fait état des congés payés en droit français.
Historique
Les premiers congés payés ont été institués en France dès le par un décret de l'empereur Napoléon III, mais seulement au bénéfice des fonctionnaires.
L’idée de vacances payées naît dans les années 1920. En France, il existe des exemples d'initiatives à cette époque, notamment sous l'inspiration allemande. C'est ainsi qu'en Alsace, les deux-tiers des employés bénéficient déjà de congés payés en 1936[1].
L’expérience initiée au sein du journal L’Information (quotidien politique économique et financier parisien) le montre : son directeur technique, J.-J. Durand, syndiqué de longue date, obtient de l’administration du journal, dès 1922, l’octroi de vacances payées au personnel. Léon Blum, qui écrit alors des articles pour L’Information, découvre cette initiative qui l’intéresse vivement. C'est sans doute l'un des germes de cette révolution culturelle que fut la création des congés payés.
Les congés payés et la semaine de 40 heures n'étaient pas prévus dans le programme électoral du Front populaire[2].
Néanmoins, la victoire du Front populaire aux élections législatives du provoque un élan de revendications chez les travailleurs. Ils lancent un mouvement de grève et d'occupation d'usines à travers toute la France (les « grèves joyeuses ») , impliquant près de deux millions de travailleurs. Ces grèves, paralysant tout le pays, entraînent l'ouverture de négociations avec le patronat sous la tutelle du nouveau gouvernement. Elles aboutissent aux accords Matignon, créant notamment les conventions collectives.
Fixés à quinze jours à l'origine, les congés payés minimum obligatoires se sont allongés au XXe siècle par l'action législative.
Ils passent à trois semaines par une loi du , votée à l'unanimité sous le gouvernement Guy Mollet, puis promulguée le [3]
Le , André Bergeron, secrétaire général du syndicat Force ouvrière, obtient un accord avec le conseil national du patronat français pour passer à quatre semaines, généralisant ainsi la pratique instaurée par Renault en 1962[4]. Les gouvernements de Charles de Gaulle et Georges Pompidou rechignent à présenter un projet de loi, qui est voté à l'unanimité par l'assemblée . Cependant, à la suite des événements de « Mai 68 », la promulgation n'a lieu que le [3].
Le passage à cinq semaines est réalisée par une ordonnance du du Gouvernement Pierre Mauroy (2), considérée comme faisant partie des « Lois Auroux »[3].
En 1995, Force ouvrière lance l'idée d'une sixième semaine de congés payés[4]. Lors de la campagne de l'élection présidentielle de 2017, Marie-Noëlle Lienemann et Jean-Luc Mélenchon proposent l'inscription d'une sixième semaine[5]
Conséquences économiques et sociales
La généralisation des congés payés dans de nombreux pays industrialisés a fortement contribué à la montée de ce que l'on appelle le tourisme de masse. Destinés à améliorer les conditions de vie des salariés et à faciliter l'accès des masses populaires au tourisme, aux sports et de manière générale aux loisirs, les congés payés ont permis le développement soudain de tout un secteur économique, le tourisme de masse, même si cela a pu dans un premier temps renforcer l'inflation, les entreprises répercutant le coût des congés payés sur les prix.
L'existence des congés payés a également entraîné progressivement l'adoption d'une série de mesures sociales ou d'initiatives privées visant à les favoriser :
- généralisation des réductions annuelles sur les chemins de fer ;
- création d'un ministère du Tourisme ;
- création d'organisations culturelles populaires ;
- promotion des colonies de vacances par les entreprises ;
- développement des bains de mer.
En outre, il semble que les congés payés aient un impact positif sur la productivité du salarié : on soutient notamment l'existence d'une corrélation entre la qualité du travail et la possibilité de poser des congés régulièrement[6].
Ouverture du droit aux congés
En France, seuls les salariés bénéficient des congés payés. Les travailleurs non salariés et les professions indépendantes, qui n'ont ni patron ni salaire, n'ont donc logiquement pas de ressources quand ils ne travaillent pas.
Pour tous les bénéficiaires, les congés payés sont proportionnels au temps de travail réalisé pendant l'année de référence. Pour la plupart des salariés, cette année est la période comprise entre le de l'année précédente et le de l'année en cours. Par exemple, pour les congés 2009, l'année de référence est comprise entre le et le .
Pour d'autres salariés (ceux qui bénéficient d'une caisse de congés payés, EDF, etc.), l'année de référence court du au .
Dans un arrêt du , la Cour de Justice des Communautés Européennes a jugé que l’article 7§1 de la directive du concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail interdit à un État membre d’adopter une réglementation nationale prévoyant que les salariés ne commencent à acquérir un droit à congé annuel payé qu’à la condition d’avoir accompli une période minimale de travail ininterrompu auprès d’un même employeur.
On pouvait dès lors s’interroger sur la compatibilité de cette directive avec l’article L. 223-2 du Code du travail français qui subordonne le droit à congés payés à l’accomplissement d’un temps de travail effectif d’au moins un mois chez le même employeur.
Dans un arrêt du , la Cour de cassation met fin aux interrogations soulevées par la décision de la CJCE. La Haute Cour juge en effet que « la directive n° 93/104/CE du qui fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, ne s'oppose pas à ce que l'ouverture du droit à congés payés soit soumise à la condition de l'accomplissement d'un travail effectif durant la période de référence ».
Il en résulte que le salarié dont le contrat a été suspendu en raison d’un accident du travail et n’a accompli aucun travail effectif au cours de la période de référence ne bénéficie d’aucun droit à congé pour cette période. En effet, les périodes limitées à une durée d’un an pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne sont pas assimilées à du travail effectif pour le calcul du droit à congé payé[7].
Le droit au congé payé est déterminé en fonction des jours de travail effectif accomplis. Ainsi un salarié, même présent depuis plus d'un an, peut avoir moins que les cinq semaines légales.
Généralement, les périodes de suspension du contrat de travail ne sont pas assimilables à du travail effectif (absence pour maladie, absence pour convenance personnelle, congé parental d’éducation, congé sabbatique, congé pour création d'entreprise, etc.).
Toutefois, la loi (entre autres, l'article L. 223-4 du code du travail français) prévoit que certaines absences sont considérées comme du temps de travail effectif pour le calcul de la durée des congés acquis :
- congés pour maternité (le congé paternité et le congé d'adoption ne sont pas cités par les textes mais semblent devoir être assimilés au congé pour maternité) ;
- congés pour événements familiaux (naissance, mariage, décès, etc.) ;
- congés de formation professionnelle ;
- absences pour accident du travail et maladie professionnelle, dans la limite d’un an ;
- périodes de maintien ou de rappel sous les drapeaux et journée d'appel de préparation à la défense.
Les conventions collectives ou les accords d'entreprise peuvent aussi prévoir des dispositions plus favorables qui assimilent des temps de travail non effectif à du temps de travail effectif. C'est souvent le cas des arrêts maladies indemnisés par l'entreprise.
Durée du congé
Au préalable, il est important de définir 2 notions :
- jours ouvrables : ce sont les jours travaillables dans l'entreprise, généralement du lundi au samedi.
- jours ouvrés : ce sont les jours réels d'ouverture de l'entreprise, généralement du lundi au vendredi.
La durée légale du congé annuel en France est cinq semaines. Dans le système de calcul dit des « jours ouvrables », les jours de congés s'acquièrent à raison de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif dans la limite de 30 jours. La notion de mois de travail effectif correspond à 4 semaines de travail effectives ou assimilées, ou 26 jours ouvrables (6*52/12). (Un salarié ayant travaillé 48 semaines sur les 52 d'une année bénéficiera donc de ses 5 semaines de congés payés.) Le nombre de jours de congés calculé doit toujours être arrondi à l'unité supérieure.
Dans le système du décompte « des jours ouvrés », chaque salarié acquiert 2,0833 (25/12) jours de congés par mois de travail effectif dans la limite de 25 jours. La seule obligation pour ce type de décompte est qu'il ne soit pas plus défavorable aux salariés que le système des « jours ouvrables ».
L'entreprise fonctionne selon une de ces deux méthodes et l'applique à tous les salariés.
Exemple de décompte :
Le salarié s’absente une semaine :
- en jours ouvrables : 6 jours de congés payés lui sont décomptés ;
- en jours ouvrés : 5 jours de congés payés lui sont décomptés.
Les salariés à temps partiel bénéficient des mêmes droits à congé que les salariés à temps plein et le décompte se fait selon les mêmes modalités (principe des 5 semaines de congés et 30 jours ouvrables décomptés du premier jours ouvrables de congés jusqu'au dernier jour ouvrable précédent le retour). Si le décompte s'effectue sur les jours de travail alors le salarié a droit pour 4 jours de travail par semaine à 4 jours * 5 semaines soit 20 jours de congés.
Le salarié n'ayant pas épuisé son solde de jours de congés payés en perd le bénéfice au-delà de l'année de référence suivant celle justifiant les droits acquis : tout congé non pris à l'issue de cette année est perdu. Des exceptions existent et concernent :
- le salarié n'ayant pas eu la possibilité d'épuiser son droit à congé en raison de son employeur ou pour congé de maternité (voir jurisprudence européenne) ;
- le personnel originaire de départements ou de territoires d'outre-mer ou de pays étrangers, pour lequel des regroupements de période de congés sont possibles pour compenser l'éloignement.
Enfin l'employeur a toujours la possibilité d'accorder le report du solde des jours non pris. À noter à cet égard que le bulletin de paie faisant figurer le report est considéré comme une autorisation tacite de l'employeur (jurisprudence de la Cour de cassation du 30/03/1999, 97-41257).
Indemnisation du congé
Pour le calcul de l'indemnisation des congés payés, on utilise soit la règle du maintien du salaire, soit la règle du dixième. Des deux, on retient la plus favorable au salarié.
Dans cette dernière règle dite du dixième, il est retenu le montant des salaires perçus durant la période d'acquisition des congés. Seules les sommes perçues rémunérant du travail effectif sont retenues. Les primes de noël, de vacances, participation, etc. ne sont pas prises en compte. Les éléments de rémunération annuels sont également exclus (ex : 13e mois, sauf si cette gratification est constante, fixe et générale). Le montant obtenu est ensuite multiplié par 1/10 pour obtenir l'indemnisation correspondant au nombre de jours total acquis.
Exemple : un salarié perçoit 1 400 euros brut par mois et a travaillé durant toute la période de référence. Ce dernier bénéficie donc de 30 jours de congés.
Indemnité = (1 400 x 12) x 1/10 = 1 680 ⇒ soit 56 euros par jour ouvrable de congé (1 680 / 30 jours)
Le code du travail français précise que le salarié prenant des congés payés doit percevoir une indemnisation au moins égale à ce qu'il aurait perçu s'il avait travaillé. C'est ce qu'on appelle la règle du maintien de salaire. Le montant de ce que le salarié aurait dû percevoir se calcule en prenant pour référence le salaire de la période précédent le départ en congé (dans la pratique, les entreprises retiennent souvent le mois de la prise effective de congé).
Il y a donc lieu de faire les 2 calculs et de retenir la méthode la plus avantageuse pour le salarié. La même méthode doit être retenue pour l'ensemble des congés relatifs à une période ; savoir quelle est la plus avantageuse n'est généralement possible qu'au moment du solde des congés. Pour ces raisons, il est usuellement pratiqué la méthode du maintien de salaire puis une régularisation lors du solde.
La méthode du dixième est en principe plus avantageuse pour le salarié sauf en cas d'augmentation significative.
Au niveau du bulletin de salaire, l'absence pour congés payés est déduite du salaire, l'indemnité est ajoutée. Pour simplifier les bulletins de salaire, il est admis par l'administration que l'entreprise ne fasse pas apparaître l'absence et l'indemnité lorsque la règle du maintien est appliquée. Cette tolérance n'est permise que s'il est fait mention de l'application de la règle du maintien.
Le bulletin de salaire doit comporter le nombre de jours de congés payés pris par le salarié et le nombre de jours qu'il lui reste à prendre.
Si un salarié quitte l'entreprise avant d'avoir pris tous ses congés payés (démission, licenciement, etc.), ceux-ci lui sont versés sous forme d'une indemnité appelée indemnité compensatrice pour congés non pris.
Notes références
- Antoine de Baecque, « Et Blum créa les « vacances payées » », sur Libération, (consulté le )
- « Il était une fois les congés payés » (consulté le )
- Michel Noblecourt, « Il était une fois les congés payés », sur Le Monde, (consulté le ).
- Isabelle Mandraud, « SPECIAL MAI 1968. Quatre semaines de vacances pour tous. La «pratique Renault» est enfin étendue à tous les salariés. », sur liberation.fr, (consulté le ).
- Paméla Rougerie, « Grand débat : et si on ajoutait une semaine de congés payés ? », sur leparisien.fr, (consulté le ).
- Jean-Philippe Bloch, Les congés : le souffle de la vie sociale, Eres, Paris, 2007
- Cass. soc., 7 mars 2007, no 05-46.025, M. Rodrigues c/ Caisse des congés payés du bâtiment de Seine-et-Marne
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