Musique assistée par ordinateur

La musique assistée par ordinateur (MAO) regroupe l'ensemble des utilisations de l'informatique comme outil associé à la chaîne de création musicale depuis la composition musicale jusqu'à la diffusion des œuvres, en passant par la formation pédagogique au solfège et la pratique d'instruments.

Station MAO avec ordinateur, clavier maître, séquenceur et enceintes

La MAO fait son apparition auprès d'un public élargi dans les années 1970, lorsque les premières idées de synthétiseur associées à l'ordinateur, Synclavier et Fairlight, voient le jour. Elle se démocratise dans les années 1980 grâce à la généralisation de la micro-informatique (représentée par Commodore 64, Apple II et surtout Atari ST, premier ordinateur personnel, avec le CX5M de Yamaha, pouvant intégrer une interface MIDI). Aujourd'hui tous les ordinateurs sont livrés avec une carte son, et permettent donc potentiellement de composer, traiter et modifier le son. En revanche, des interfaces évoluées sont apparues (USB, Firewire, MLAN (en)…), qui permettent de communiquer avec tout type d'instruments ou appareils audio et de les piloter. L'augmentation constante de la puissance des ordinateurs favorise l'arrivée de logiciels offrant toujours plus de fonctionnalités, et dans le même temps apparaissent des logiciels libres ou gratuits qui répondent aux besoins les plus courants.

Internet participe également au développement de la MAO, par l'intermédiaire, par exemple, des sites qui proposent des formations musicales à distance, mettent à disposition des échantillons sonores ou diffusent sous forme électronique des partitions de musique tombées dans le domaine public, ainsi que grâce à tous les forums spécialisés sur la musique.

Origines

Les recherches sur la composition assistée par ordinateur remontent à 1955, et débouchèrent en 1956 sur le fameux quatuor à cordes dit « Illiac Suite », élaboré par Lejaren A. Hiller et Léonard M. Isaacson à l'Université d'Illinois.

Les postulats de base des travaux d'Hiller et Isaacson s'élaborèrent dans la mouvance des théories cybernétiques qui accordaient une grande confiance aux pouvoirs du calcul (intelligence artificielle). Ces auteurs élaborèrent un modèle mathématique d'analyse  construction musicale qui, en adaptant deux traités de contrepoint (en l'occurrence le traité de 1725 de Johann Joseph Fux, Gradus ad Parnassum, et celui de Palestrina), servait de base à une reconstruction. Hiller était un scientifique chimiste, pour lui la décomposition devait permettre la recomposition. Formaliser certaines règles d'écriture et entrer dans l'ordinateur des schémas compositionnels classiques suffirait à traduire les côtés émotionnels ou passionnels de la musique par des jeux de règles et d'interdits. Pour préserver un certain degré d'expression artistique, le programme simulait l'aspect auto-organisé en introduisant quelques aspects des théories sur la formalisation du hasard (des chaînes de Markov, formulation de certains processus stochastiques, et une méthode aléatoire de tirage des nombres dite de « Monte-Carlo »), très en vogue, elles aussi. Ce qui a fait dire à Hiller que « la musique est un compromis entre la monotonie et le chaos », mais sans jamais se poser le problème de savoir qui effectuait ce compromis.

En France, Pierre Barbaud poursuivit ces expériences et réalisa de nombreuses œuvres, grâce à du temps de calcul gracieusement alloué par la Compagnie des machines Bull, parfois en collaboration avec Janine Charbonnier et Roger Blanchard. Les pièces étaient d'abord calculées par ordinateur puis jouées par des instruments, entre autres :

  • la musique du film Imprévisibles nouveautés de Frédéric Rossif en 1960,
  • BULLA pour deux violons, alto et deux violoncelles, en 1962,
  • Cogitationes symbolicæ pour orchestre symphonique, en 1966,
  • la musique du film Les Pâtres du désordre de Nico Papatakis en 1966,
  • Credoc pour dix instruments au choix, en 1968,
  • French Gagaku pour orchestre à cordes, en 1968,
  • Mu Joken pour orchestre de chambre, en 1970,
  • Machinamentum firminiense pour trois fois six instruments identiques, en 1972.

À partir de 1975, elles furent composées et produites par ordinateur sous la forme d'une bande magnétique directement audible en concert (Saturnia Tellus, commande de l'ORTF en 1979). Ce projet de production automatique globale avait été théorisé par Pierre Barbaud dès 1960 dans l'article « Musique algorithmique », Esprit, , p. 92 et suivantes. Le compositeur a recueilli ces expériences dans l'ouvrage Initiation à la composition automatique (Dunod, Paris, 1965). D'autres compositeurs comme Michel Philippot ont travaillé dans le sens de la composition automatique.

L'arrivée puis la large diffusion des nouvelles technologies de l'information, notamment celles permettant une manipulation aisée de l'image et du son, accélère le développement de la MAO et donne naissance, à la fin des années 1990, à un outil indispensable dans la création phonographique, surtout depuis la généralisation du son numérique (le disque compact remplaçant le disque vinyle).

Couverture des besoins en matière musicale

Les logiciels destinés aux activités musicales répondent à un très large spectre d'utilisations, et couvrent pratiquement toute la chaîne de création musicale. Parmi les domaines dans lesquels intervient l'informatique, on trouve :

Les logiciels les plus courants intègrent des fonctionnalités qui recouvrent la notation musicale, l'enregistrement du son (y compris sa modification) et la restitution sonore. Certains sont capables de générer des arrangements, d'autres pilotent des instruments. Ces logiciels permettent d'accéder, avec peu de connaissances et de moyens, à des domaines musicaux auparavant réservés à des spécialistes (par exemple, l'écriture de partitions ou le travail de traitement du son), de même que les logiciels les plus pointus multiplient les possibilités des professionnels (bibliothèques de sons, gains de productivité dans la production musicale…). En combinant différents logiciels, il est ainsi possible de mener l'ensemble des activités de création musicales sur un seul ordinateur : composition, arrangement, exécution par des synthétiseurs et enregistrement de sources audio, mixage, jusqu'à la diffusion de l’œuvre (sur Internet, ou en passant par une gravure sur disque).

Pour l'utilisateur, les logiciels musicaux peuvent s'analyser sous deux angles[1] :

  • la complétude : plus simplement dit, il s'agit de la puissance et du nombre de fonctionnalités. Les besoins varient selon la finalité : par exemple, un orchestre professionnel aura plus d'exigences sur un logiciel de notation musicale qu'un groupe de rock amateur ;
  • la complexité : l'ergonomie et la facilité d'accès sont des critères importants pour celui qui utilise occasionnellement un logiciel, et moins importants pour celui qui l'utilise quotidiennement.

La combinaison de ces deux critères sert souvent d'argument (au moins en marketing) pour distinguer les logiciels professionnels des logiciels « grand public ».

Logiciels

Les logiciels de M.A.O. sont couramment répartis entre les catégories suivantes :

  • les séquenceurs se sont développés avec la norme MIDI, et permettent d'automatiser le jeu, le paramétrage de synthétiseurs, ainsi que le contrôle de tout appareil avec lequel il est relié virtuellement (VST) et physiquement (câblage audio, MIDI, IP, carte audio direct-to-disk (direct sur disque dur), multi-effet audio, table de mixage numérique, jeu de lumière, rampe d'effet pyrotechnique, etc.). Ils sont semblables à des lecteurs complexes de partitions électroniques incluant désormais les tempos, nuances, effets, audio, vidéo et des données de synchronisation. Ils sont au cœur de la composition de musiques dites « électroniques ». Tout comme les logiciels VST, les séquenceurs peuvent être pilotés par des surfaces de contrôle pour faciliter leur utilisation.
  • les Instruments de musique assisté par ordinateur assistent le musicien dans l'interprétation d'une partition, ou dans l'improvisation. Tout comme les instruments « classiques », l'IMAO donne la possibilité à l'instrumentiste de s'exprimer musicalement seul ou en groupe, en établissant un dialogue musical. L'ordinateur assiste l'utilisateur dans la gestion de la hauteur des notes, tous les autres paramètres musicaux restant à la charge de l'instrumentiste. L'IMAO permet à n'importe qui d'aborder l'interprétation musicale, voire l'improvisation, avec peu de connaissance musicale théorique.
  • les trackers ou soundtrackers, dont l'âge d'or se situe dans les années 1980 sur les ordinateurs Atari et Amiga, sont des séquenceurs utilisant des sons échantillonnés, garantissant ainsi une restitution identique du morceau, indépendamment du synthétiseur utilisé. Les limitations techniques obligeaient les artistes à faire preuve de beaucoup de créativité : réutilisation d'échantillons à des vitesses différentes, partiellement ou à l'envers, entrelacement des parties instrumentales sur un nombre inférieur de pistes (souvent quatre)...
  • les logiciels d'enregistrement audio (ou éditeurs de signal) vont du simple magnétophone numérique au studio multi-pistes intégré, avec console de mixage.
  • les logiciels de notation musicale (éditeurs de partitions, de tablatures, etc.), souvent couplés aux séquenceurs, permettent de produire des documents imprimés (partitions) pour exécution par des musiciens. Ils sont à la musique ce que le traitement de texte est à l'écriture.
  • les synthétiseurs logiciels, tirant parti des performances actuelles des ordinateurs, sont des programmes simulant numériquement des synthétiseurs existants ou totalement nouveaux directement sur l'ordinateur exécutant le séquenceur. Une norme d'interface se nomme VST.
  • les plug-ins d'effet, comme les synthétiseurs logiciels, sont d'apparition plus récents, car ils nécessitent des puissances de calcul importantes. Généralement associés aux logiciels d'enregistrement audio, ils permettent diverses modifications d'un signal audio numérisé, soit en modélisant un effet (analogique) existant, soit par des algorithmes originaux.
  • Les outils éducatifs. Sans remplacer un professeur, ils permettent d'apprendre seul. Historiquement, ils apparaissent très tôt sur les micro-ordinateurs équipés de capacités sonores (Commodore, Atari, Apple, Amstrad, etc.), avec des petits logiciels qui favorisent l'apprentissage du solfège et proposent des exercices musicaux (reconnaissance de note, d'œuvre musicale, etc.). Ils ont beaucoup progressé et se sont spécialisés, notamment par instrument ou par genre musical. Ils tendent à s'appuyer de plus en plus sur Internet (apprentissage personnalisé, mise à disposition d'exercices complémentaires, forums entre apprenants).

Parmi les logiciels qui manipulent le son, on distinguait ceux qui gèrent le son de synthèse (par exemple, le son stocké sur une carte son bon marché) de ceux qui manipulent des sons réels (comme les « magnétophones numériques » qui enregistrent des instruments analogiques). Le son d'origine analogique est beaucoup plus gourmand en ressources informatiques (traitement et stockage) que le son de synthèse, mais plus proche du son réel des instruments. Avec la multiplication des interfaces sonores, l'amélioration de la qualité des sons de synthèse et la puissance de traitement des ordinateurs récents, les deux types de son tendent à se combiner (exemple typique : le mixage des sons de synthèse d'une boîte à rythmes avec des instruments analogiques). La plupart des logiciels actuels permettent cette combinaison.

Note

  1. Ces deux critères sont fréquemment opposés (selon le préjugé qui voudrait que "puissance" implique "complexité") ; de fait, la puissance croissante des ordinateurs permet aux développeurs de proposer des produits toujours plus puissants dont l'ergonomie s'améliore.

Voir aussi

Articles connexes

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