Numérique

On dit numérique une information qui se présente sous forme de nombres associés à une indication de la grandeur physique à laquelle ils s'appliquent, permettant les calculs, les statistiques, la vérification des modèles mathématiques. Numérique s'oppose en ce sens à « analogique » et « algébrique ».

On a pris l'habitude de désigner comme numériques les données informatiques. Elles sont traitées par les ordinateurs, développés depuis la seconde moitié du XXe siècle à partir de machines à calculer programmables. Par synecdoque, on appelle numérique tout ce qui fait appel à des systèmes électroniques construits sur des fonctions logiques, auxquelles se réduisent les calculs arithmétiques.

La culture numérique désigne, par extension, les relations sociales dans les circonstances où dominent les médias reposant sur ces systèmes.

Sens propre

On dit « numérique » une information qui se présente sous forme de nombres associés à une indication de la grandeur physique à laquelle ils s'appliquent, permettant les calculs, les statistiques, la vérification des modèles mathématiques. Le calcul numérique se fait sur ces nombres, par opposition au calcul algébrique, qui se fait sur des variables désignées par un symbole[1].

Exemple :

Les données numériques sur la taille du paragraphe ci-dessus sont :

  • phrases = 2
  • mots = 59
  • caractères = 391
  • ponctuation = 7

Le membre de gauche de chacune des équations désigne la grandeur dont il est question, le nombre indique la mesure correspondante. Ces données vont permettre l'étude par comparaison avec d'autres objets de la même classe.

Les ordinateurs ont évolué à partir de machines à calculer programmables. Ils traitent par l'arithmétique et la logique des données dans laquelle la part des nombres représentant des grandeurs n'a cessé de décroître, au profit de ceux qui pointent vers des symboles et des algorithmes. Les programmeurs sont ainsi passés du calcul numérique au traitement de texte, le développant plus tard avec la correction orthographique et aujourd'hui avec la traduction automatique.

Simultanément, le secteur des télécommunications a développé la conversion des signaux électriques en suites de nombres, dans le but d'améliorer l'efficacité des transmissions. La théorie de l'information associée à cette transformation indique que tout message peut être codé sous forme numérique.

Après sa conversion en données numériques, les ordinateurs peuvent traiter l'information qui décrit les supports de ces messages.

L'électronique numérique a ainsi rejoint l'informatique pour traiter une quantité croissante de documents. L'adjectif « numérique » distingue le son numérique, la photographie numérique, la vidéo numérique et le cinéma numérique de leurs versions plus anciennes fonctionnant avec des procédés analogiques[2].

« Numérique » et « digital »

Ordinateur IBM 305 RAMAC (1956).

L'adjectif « numérique » vient du latin « numerus » (« nombre », « multitude ») et signifie « représentation par nombres ». On oppose ainsi le calcul numérique (l'arithmétique) au calcul littéral (par lettres, ou algèbre) et au calcul analogique. Devenu substantif, « numérique » désigne maintenant les technologies de l'information et de la communication, et « numérisation », le basculement des spécialités vers ces technologies. Cet usage est spécifique au français, la plupart des autres langues utilisent le mot « digital »[3].

Le terme anglais « digital » vient du latin « digitus » qui signifie « doigt » ; en anglais « digit » désigne un chiffre (0 à 9). Appliqué à un ordinateur, il est attesté en anglais depuis 1945[4],[5]. En 1964, l'Histoire générale des sciences présente « l'histoire des machines dites numériques ou digitales »[6]. Digital, en anglais, est spécifique au traitement informatique, sans l'ambiguïté que numérique a en français entre son usage mathématique et statistique et son application aux ordinateurs.

Soumis aux modes, aux variations, aux stratégies de communication, le français hésite entre « numérique » et « digital »[7]. Digital est en français premièrement ce qui se rapporte aux doigts. Bien que les terminologies officielles française[8],[9] et québécoise[10] préfèrent numérique, l'usage de digital en français se perpétue comme synonyme[11]. Le contexte guide en cas d'ambiguïté. Sauf trait d'humour, « empreinte digitale » n'est pas synonyme de « empreinte numérique ».

Définition des données numériques

Prise dans son sens strict, une donnée numérique n'est pas nécessairement informatique :

Numérisation du profil d'une route :

Le profil d'une route est un objet à deux dimensions, la distance à l'origine, et l'altitude.

  1. Échantillonnage spatial : on divise la longueur de la route en segments (de 100 m par exemple) ;
  2. On mesure (ou calcule) l'altitude à l'extrémité de chaque segment ;
  3. Quantification : on arrondit cette altitude à une valeur, par exemple au quart de mètre près ;
  4. Encodage : on transforme la valeur arrondie en un signe permettant de la retrouver (par exemple, le nombre de quarts de mètre depuis le niveau de la mer).
Représentation analogique du profil.

Les valeurs recueillies et organisées dans un tableau sont des données numériques, même si elles sont inscrites dans un tableau sur une feuille de papier ; la représentation analogique du profil de la route est le dessin de la suite de segments inclinés.

Les ordinateurs ne peuvent traiter que des données numériques. Ils facilitent la compilation et les calculs sur ces données pour obtenir une description plus synthétique :

  1. On calcule la dénivelée pour chaque segment (différence d'altitude entre ses extrémités) ;
  2. On quantifie cette valeur (au mètre près) ;
  3. On fusionne les segments consécutifs dont la dénivelée quantifiée est égale ;
  4. On produit une suite de couples de nombres (longueur, dénivelée) qui, avec l'altitude de l'origine, décrit le profil de la route.

Dans le contexte de l'informatique et des dispositifs d'électronique numérique, numérique (en anglais digital) prend un sens précis. Une donnée numérique est une suite de caractères et de nombres qui constituent une représentation discrète d'un objet[12].

La représentation numérique de l'information utilise, pour représenter les caractères, c'est-à-dire des signes conventionnels comme les chiffres, les lettres, les codes d'opérations, etc.), des nombres entiers positifs qu'on peut comprendre comme numéro d'index dans une table de correspondance. Les nombres, quant à eux, sont représentés par des codes dans des formats définis à l'avance comme entier, virgule flottante, etc. Les logiciels indiquent aux machines la façon dont elles doivent traiter ces différents types de données, qui sont dans tous les cas des séquences de chiffres binaires.

La numérisation

Le substantif numérisation peut désigner :

  • la description d'un document physique par un fichier numérique ;
  • la conversion d'un signal électrique analogique en un flux numérique ;
  • l'entreprise de conversion des fonds documentaires datant des époques technologique précédentes.

Elle comporte deux activités parallèles : l'échantillonnage (en anglais sampling) et la quantification.

Numérique au sens d'informatique

Informatisation de la société

Un ordinateur Macintosh classic

L'industrialisation des processeurs et de l'ordinateur entre 1980 et 2000 a transformé profondément certaines technologies et services. On a pu parler de « révolution numérique », au sens où le calcul numérique s'oppose au traitement analogique de l'information. On a ainsi la télévision numérique, la radio numérique, la téléphonie numérique, le cinéma numérique[13], la photographie numérique, le son numérique, etc.

Le mot « numérique » est « en train de devenir un mot passe-partout qui sert à définir un ensemble de pratiques qui caractérisent notre quotidien et dont nous avons peut-être encore du mal à saisir la spécificité[2] ». Gérard Berry, constatant que le mot « numérique » a supplanté le mot « informatique » dans le discours politique et dans les médias, estime que pourtant « on ne peut comprendre le monde numérique dans sa totalité sans comprendre suffisamment ce qu’est son cœur informatique[14] ».

L'utilisation de techniques numériques a déterminé des changements au-delà de l'aspect technique annoncé depuis les années 1970[15]. Depuis la fin des années 1990, les humanités numériques ont étudié les transformations culturelles qu'a engendrées le développement du World Wide Web. Milad Doueihi parle, dans ce sens, de « culture numérique », pour mettre l'accent sur la transformation de la vision du monde que produit la diffusion des technologies numériques[16].

Il n'apparaît pas cependant que cette transformation ait un rapport avec la nature numérique des informations que traitent les divers appareils. Les utilisateurs s'en soucient peu en général. La baisse du coût de la production et de la diffusion des produits culturels, catastrophique pour les industries qui en vivaient, ainsi que l'incorporation à des produits manufacturés des compétences techniques qui étaient associées à ces activités, constituent les racines du changement. La culture numérique se caractérise ainsi par la production de produits culturels par des personnes aux compétences et aux occupations les plus variées, qui viennent remplacer ceux autrefois nécessairement conçus et produits par des spécialistes[17]. Dans le même temps, la circulation massive d'informations lisibles par des machines stimule le contrôle de ces échanges, et indirectement des personnes qui les utilisent, par les grandes organisations étatiques et privées, capables d'extraire de ces immenses flux de données des indices pertinents de leur comportement[18].

Plaçant le numérique dans la continuité historique des avancées techniques, Stéphane Vial propose de parler du « système technique numérique » dont il identifie trois « versants » : l’électronique (versant physique), l’informatique (versant logique des algorithmes) et les réseaux (versant réticulaire des connexions)[19][réf. incomplète].

Conséquences sociales

La « gouvernementalité numérique » est l'application du concept de gouvernementalité de Michel Foucault aux modes de contrôle social qui font appel aux ordinateurs et aux réseaux numériques. Trois formes d'intervention participent à la gouvernementalité dans le contexte des réseaux numériques : l'incitation par un système d’intéressement ou de sanction, la contrainte au respect d'une norme d'expression et de publication, l'encadrement par définition de normes d’action indépendantes des compétences ou de l’équipement de ceux dont les conduites sont encadrées[20].

L'« aménagement numérique » concerne l'aménagement du territoire sur le plan de l'équipement numérique, notamment au niveau du déploiement de réseaux de communications électroniques, des offres de services, et de l'équipement des populations. Selon une étude consacrée aux collectivités territoriales et aux technologies de l'information et de la communication (TIC), l’irrigation des territoires en infrastructure très haut débit constitue un projet prioritaire pour les décideurs des collectivités[21]. Les technologies du numérique sont perçues comme un atout pour l'attractivité des territoires que ce soit sur le plan de l’aménagement et du développement économique ou de la relation citoyen.

L'empreinte numérique

L'expression « empreinte numérique » est une métonymie qui se réfère à des sens différents du mot « empreinte » selon le domaine.

En gestion de documents électroniques, « empreinte numérique » se réfère aux empreintes digitales dans l'anthropométrie judiciaire et désigne un identificateur permettant de vérifier rapidement l'intégrité d'un fichier obtenu en hachant la totalité de ses données, synonyme familier de condensat en cryptologie[22].

Dans les médias, « empreinte numérique » se réfère aux empreintes de pas sur le sol, et désigne l'ensemble des traces laissées volontairement ou non par un usager dans les serveurs, moteurs de recherche, systèmes de sauvegarde, messageries, et tous les services de l'internet en général[22].

Dans son sens lié à la communication par des moyens électroniques, où la limite entre le domaine public et le domaine privé est indéfinie, l'empreinte numérique est un objet stratégique diffus lié à la réputation numérique, que les personnes et sociétés émettrices peuvent chercher à maîtriser, et d'autres à acquérir et exploiter par des procédés d'exploration de données[23]. « L’importance de l’empreinte numérique va se renforcer avec la virtualisation des échanges », écrit Daniel Bretonès en 2009[24].

Impact environnemental

Les promoteurs des technologies de l'information et de la communication soutiennent que les flux d'information, qu'ils disent « dématérialisés », réduisent l'impact des activités humaines sur l'environnement, en diminuant les ponctions sur les ressources naturelles par une meilleure organisation de la production et de la consommation. Les critiques de l'usage des techniques numériques estiment que la réduction est illusoire, et que cette perception se fonde sur la discrétion des consommations numériques, opposée à la visibilité des moyens de transmission matériels, comme dans le cas d'un courriel remplaçant un courrier. La plus grande disponibilité de la ressource entraîne par un effet rebond l'augmentation de la consommation, réduisant ou annulant le gain. L'impact environnemental des activités humaines ne semble pas fortement lié à une technologie particulière.

La consommation d'électricité des appareils numériques, diffuse chez les utilisateurs et dans les réseaux de télécommunications, concentrée dans les centres de données, atteint 2 % de la consommation énergétique totale. Si les technologies numériques sont auxiliaires dans la production de l'électricité par des ressources renouvelables, il n'y a pas de signe que cet aspect positif soit aujourd'hui dominant.

La fabrication des appareils consomme des ressources et de l'énergie. Leur obsolescence rapide crée une quantité de déchets qu'il faut prendre en compte dans le bilan environnemental des technologies.

L'économie numérique représente plus de 4 % de la consommation d'énergie primaire au niveau mondial, et cette consommation augmente de 9 % chaque année. La fabrication des terminaux et des infrastructures de réseaux en est la cause principale[25].

D'après Sébastien Broca, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, les industriels n'ont pas intérêt « à ce que leurs utilisateurs adoptent des comportements écologiques. Leur prospérité future nécessite que chacun s’habitue à allumer la lumière en parlant à une enceinte connectée, plutôt qu’en appuyant sur un bête interrupteur. Or le coût écologique de ces deux opérations est loin d’être équivalent. La première nécessite un appareil électronique sophistiqué muni d’un assistant vocal dont le développement a consommé énormément de matières premières, d’énergie et de travail[25]. »

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

information numérique
culture dite numérique

Liens externes

Notes et références

  1. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Numérique » (sens A) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  2. Vitali-Rosati 2014.
  3. Alexandre Moatti, « Le numérique rattrapé par le digital », Le débat, (lire en ligne).
  4. (en) J. Eckert & alii, « Digital », Oxford English Dictionary, (4), 1945 : « Description of the ENIAC and comments on electronic digital computing machines ».
  5. (en) D.R. Hartree, Nature, 500/2, 12 octobre 1946 : « [Computers] of the other class handle numbers directly in the digital form… The American usage is 'analogue' and 'digital' machines. »
  6. Histoire générale des sciences, t.3, vol.2, 1964, p. 105 apud Trésor informatisé de la langue française : numérique.
  7. Moatti 2016.
  8. « digital », sur FranceTerme.
  9. « Digital », sur Académie française.
  10. « numérique », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française.
  11. Définitions lexicographiques et étymologiques de « digital » (sens onglet 2) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  12. Commission électrotechnique internationale : Electropedia 101-12-07 : numérique, dépendant de Electropedia 10-12-06 : discret ; Richard Taillet, Loïc Villain et Pascal Febvre, Dictionnaire de physique, Bruxelles, De Boeck, , p. 474.
  13. Philippe Binant, Éléments d'histoire du cinéma numérique, Paris, CST, (lire en ligne).
  14. Berry 2017, p. 24.
  15. Simon Nora et Alain Minc ont rendu leur Rapport sur l'information de la société en 1977.
  16. Milad Doueihi, La grande conversion numérique, Paris, Seuil, .
  17. Olivier Donnat, « Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique : Éléments de synthèse 1997-2008 », Culture études, no 5, , p. 1-12 (www.cairn.info/revue-culture-etudes-2009-5-page-1.htm).
  18. Dominique Cardon, La démocratie Internet : Promesses et limites, Paris, Seuil, .
  19. Stéphane Vial, L'être et l'écran : comment le numérique change la perception, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-13-079612-1).
  20. Guillaume Sire, Romain Badouars et Clément Mabi, « Inciter, contraindre, encadrer : trois logiques de gouvernementalité numérique », sur frenchjournalformediaresearch.com (consulté le ).
  21. Les chantiers TIC (Technologies d'informations et de communication) prioritaires des administrations françaises, Knowledge Center de MARKESS International
  22. « Le jargon français » (consulté le )
  23. Louise Merzeau, « Du signe à la trace : l’information sur mesure », Hermès, La Revue, no 53, , p. 21-29 (lire en ligne).
  24. Daniel Bretonès, « La Rédaction », Vie & sciences de l'entreprise, no 181, , p. 5-6 (lire en ligne).
  25. Sébastien Broca, « Le numérique carbure au charbon », Le Monde diplomatique, (consulté le ), p. 3.
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