Collecte de fossiles

La collecte de fossiles (parfois appelée, dans un vocabulaire non scientifique, chasse aux fossiles) est le fait de prélever des fossiles à des fins d'étude scientifique, de loisir ou dans un but lucratif. La collecte par des amateurs a précédé la paléontologie moderne et perdure encore de nos jours. Les fossiles présentent un intérêt scientifique, mais aussi commercial. Une partie de la vente de fossiles relève du trafic illégal.

La collecte des dents de requin fossilisées est un moyen facile de commencer une collection de fossiles. On les trouve souvent en abondance sur les plages. Les dents présentées ici ont été recueillies à Castle Hayne, en Caroline du Nord, et proviennent des couches éocènes et crétacées.

Aspects juridiques et éthiques

Un rayon de soleil sur une ammonite fossile

Des associations et clubs de géologie encadrent des "chasses aux fossiles" dans le respect de la loi.

La collecte de fossiles dans les parcs nationaux est interdite[1].

Une autorisation doit être demandée au propriétaire du terrain pour une collecte dans une propriété privée[2], dans une carrière[3], dans un territoire domanial communal, où le maire en France peut engager des poursuites même en l'absence d'un arrêté municipal concernant les fossiles[4]. En pratique la collecte est parfois tolérée dans les territoires communaux à condition qu'elle soit raisonnable ; la vente est interdite[5].

Certains sites fossilifères qui présentent un intérêt scientifique font l'objet en France d'une protection législative renforcée ; chaque préfet en établit une liste départementale un (décret du 28 décembre 2015 relatif à la protection des sites géologiques)[6].

En Suisse, le sous-sol appartient aux cantons ; le collectionneur est tenu de signaler la découverte d'un fossile ayant un intérêt scientifique[7].

La chasse aux fossiles peut poser problème d'un point de vue éthique : un fossile qui a une valeur scientifique doit pouvoir être décrit puis conservé correctement, ce qui suppose l'identification de l'emplacement du fossile, de son orientation, de son association éventuelle avec d'autres fossiles ; son stockage requiert également des techniques spécifiques. « Dans le cas de trouvailles exceptionnelles, les collectionneurs sont fortement encouragés à laisser les spécimens en l’état, de manière à ce que les chercheurs puissent procéder à des analyses »[1] et prendre note des modalités de la découverte.

Les étudiants du College of Wooster collectent des fossiles dans le cadre de leur cours de paléontologie sur les invertébrés. Le terrain est ici un affleurement de calcaires et de schistes de l'Ordovicien sur une route dans le sud-est de l'Indiana.

Localisation des fossiles

Zones d'affleurement

Les fossiles affleurent dans les zones où les roches sédimentaires sont érodées : les zones montagneuses exposées, les berges et les lits des rivières, les falaises marines lavées par les vagues et les estrans. Les lits de lacs naturels asséchés[8] et les grottes[9] contiennent souvent de fortes concentrations de fossiles. Les lieux de travaux comme les carrières et les tranchées creusées dans la roche sont également propices à la collecte. Les opérations d'extraction du charbon donnent souvent d'excellentes plantes fossiles ; les meilleurs spécimens ne se trouvent pas dans le charbon lui-même mais dans les dépôts de roches sédimentaires associés. Tous ces lieux ne sont pas sans danger pour les collectionneurs amateurs, notamment les falaises et les zones exposées aux marées.

Il arrive que des organismes soient momifiés et fossilisés dans l'ambre, dans la glace, ou dans des zones désertiques (déserts très secs, comme celui de Taklamakan)[10].

Types de roches

Les fossiles se trouvent souvent dans les roches sédimentaires à strates différenciées présentant une succession de matériaux déposés[11]. La conservation peut avoir lieu dans des roches détritiques, à grain fin, moyen et grossier. Si des fossiles peuvent se trouver dans tous les types de grains, les spécimens les mieux préservés sont contenus dans les roches à grain fin[12]. Les roches non détritiques, comme certains calcaires et le charbon, peuvent également conserver des fossiles.

Dans les dépôts de phosphate, les squelettes de carbonate de calcium - ceux des coraux, des crustacés, des mollusques - peuvent se transformer en apatite (phosphate) sans modification de la morphologie externe.

De nombreux micro-organismes sans carapace minérale comme les algues se minéralisent (et se fossilisent donc). Dans le cas bien connu du coprolithe phosphaté (excrément fossilisé), la matière organique est remplacée par de l'apatite qui conserve la forme exacte de la matière fécale. La phosphatisation des parties molles est également fréquente chez de nombreux arthropodes (parmi lesquels des crustacés comme les copépodes).

Fagus sylvatica pliocenica (Ayrens, Cantal, France), étage Plaisancien, environ 3 millions d'années

Les fossiles ne se trouvent pas dans les zones de roches ignées (sauf dans certains lits entre les coulées de lave). Dans les roches qui ont subi un métamorphisme, les fossiles sont généralement tellement déformés qu'ils sont difficiles à reconnaître ou ont été complètement détruits[13].

Après l'enfouissement, divers facteurs peuvent mettre en danger le fossile : l'altération chimique change la composition minérale du fossile, mais généralement pas son apparence ; la lithification fausse son apparence[12],[14]

Techniques d'extraction

Dégagement

Les techniques utilisées pour collecter les fossiles varient selon le sédiment ou la roche dans laquelle se trouvent les fossiles. Dans les roches dures (grès, calcaires et marnes indurées) les instruments sont ceux du géologue : un marteau, une variété de burins et un maillet sont utilisés pour fendre les roches où sont contenus des fossiles[15]. Comme la roche est déposée en couches, celles-ci peuvent être séparées pour révéler des fossiles. La sécurité impose de porter pour ce genre d'opérations des casques, des lunettes , des bottes àembout d'acier et des gants de protection.

Pour les sédiments mous et les dépôts non consolidés, tels que les sables, les limons et les argiles, on utilise une bêche, une truelle à lame plate et des brosses rigides. Des tamis avec des mailles de différentes tailles peuvent servir à séparer les fossiles des sables et des graviers, cependant le tamisage, technique grossière de collecte, risque détruire les fossiles fragiles. Le tamisage humide consiste à faire passer de l'eau à travers un tamis pour éliminer le limon et le sable.

Préparation d'un spécimen du dinosaure Nasutoceratops

Consolidation

Certains fossiles sont très friables et nécessitent une réparation au fur et à mesure de leur extraction. Cela suppose d'introduire dans les fissures du spécimen une solution adhésive qui fixe les fragments entre eux. Parmi les résines dissoutes utilisées à l'époque moderne[15], le butyral de polyvinyl est considéré comme un bon agent consolidant[16]. Les fossiles ne sont généralement pas extraits entièrement de la roche environnante (la matrice) sur le terrain mais transportés à l'intérieur du large bloc de roche encaissante qui les contenait et qui les protège durant le transfert[15]. Des bandes de toile de jute trempées dans du plâtre, le coton, les petites boîtes et le papier d'aluminium sont fréquemment utilisés pour protéger les fossiles transportés[15].

Si un fossile doit être laissé in situ, un plâtre peut être réalisé (plâtre de Paris ou latex). Le moulage ne préserve pas tous les détails, mais il est peu coûteux, plus facile à transporter, cause moins de dommages à l'environnement et laisse le fossile en place, ce qui permet au public d'en profiter. Les fossiles conservés uniquement sous forme d'impressions dans les couches sablonneuses, tels que les fossiles de l'Ediacarien, sont également généralement documentés au moyen d'un moulage, qui révèle les détails plus clairement que la roche elle-même.

Moulage en plâtre du squelette fossile d'un Tarbosaurus Tarbosaurus au Musée d'Histoire naturelle de Münster. L'original est conservé au Musée Orlov de paléontologie de Moscou

Nettoyage

Une brosse rigide peut suffire au dépoussiérage et au nettoyage des petites fossiles. Un ciseau élimine la gangue enserrant les plus gros fossiles, mais risque d'endommager l'objet. Les instruments dentaires permettent de retirer de petites quantités de roche du fossile. L'eau courante peut provoquer l'éclatement des fossiles fragiles.

Description scientifique

Une connaissance de l'emplacement précis d'un fossile est essentielle pour que le fossile ait une valeur scientifique. Les détails des strates rocheuses voisines, l'emplacement de la découverte et l'identification d'autres matériaux fossiles associés à l'objet collecté aident les scientifiques à replacer le fossile dans son contexte temporel, géographique, écologique[17]. Des journaux de données, des photographies et des croquis peuvent accompagner des notes de terrain détaillées pour aider à situer un affleurement fossilifère. Les fossiles individuels sont idéalement catalogués avec un numéro de localité et un numéro de spécimen unique. Cela permet de rechercher facilement une collection et de localiser les spécimens. Le catalogage des collections est presque universel dans les grandes institutions comme les musées.

Commerce des fossiles

Des squelettes de Tarbosaurus et Saurolophus ont été introduits en contrebande aux États-Unis, puis retournés en Mongolie, au Central Museum of Mongolian Dinosaurs

Certains spécimens importants d'un point de vue scientifique ont été vendus à des collectionneurs privés, ce qui prive les spécialistes de ces objets d'étude irremblaçables[18],[19],[20],[21]. De nombreuses célébrités collectionnent des fossiles et alimentent ces opérations de vente lucratives. Le commerce des fossiles est illégal lorsqu'il s'agit de fossiles volés ; les media ont attiré l'attention notamment sur ce type de trafic en Chine[22].

La Society of Vertebrate Paleontology (SVP), une association internationale de paléontologues vertébrés professionnels et amateurs, estime que les fossiles scientifiquement importants quel que soit le lieu d'extraction devraient être conservés à perpétuité dans des institutions publiques, musées ou instituts de recherche, où ils peuvent bénéficier à la communauté scientifique dans son ensemble ainsi qu'aux générations futures[23].

Selon le règlement d'éthique Society of Vertebrate Paleontology (SVP), "le troc, la vente ou l'achat de fossiles de vertébrés scientifiquement significatifs n'est pas toléré, à moins que les fossiles ne soient ne soient confiés à une institution publique." [24]

Eric Scott, conservateur de la paléontologie pour le musée du comté de San Bernardino, soutient que les particuliers et les collectionneurs amateurs sans but lucratif peuvent participer à la récupération autorisée de fossiles vertébrés importants, et que la préservation d'importants fossiles ne suppose pas nécessairement la vente de ces fossiles. [25]

Une partie du commerce des fossiles n'est pas destinée à la collecte mais à l'utilisation de certains fossiles en médecine traditionnelle principalement en Asie de l'Est mais aussi en Europe et ailleurs[26].

Sociétés et clubs

De nombreuses associations et sociétés paléontologiques comme, en France, la Fédération Française Amateur de Minéralogie et de Paléontologie, la confédération Géopolis, la Société de Minéralogie et Paléontologie Dijonnaise, réunissent des collectionneurs de fossiles. Il y a un certain chevauchement entre la collecte de fossiles, la collecte de minéraux et la géologie amateur.

Collectionneurs de fossiles célèbres

Mary Anning, une célèbre collectionneuse et vendeuse de fossiles

Traditionnellement les collectionneurs étaient des amateurs passionnés par les sciences ou des scientifiques. De nos jours, des collectionneurs fortunés acquièrent des fossiles considérés comme des objets esthétiques dans des ventes aux enchères, suscitant les protestations des paléontologues[27]. Ont été ainsi médiatisées les acquisitions de spécimens par les acteurs Leonardo Di Caprio[28], ou Nicolas Cage[29], ou par des hommes d'affaires tels que le Français Kléber Rossillon[30]. Les maisons de vente Christie's et Aguttes[29] comptent parmi les organisateurs de ces ventes controversées[31].

Voir également

Lectures complémentaires

  • Adrienne Mayor, The First Fossil Hunters: Paleontology in Greek and Roman Times (Princeton University Press 2000) - (ISBN 0-691-08977-9)
  • Adrienne Mayor, Fossil Legends of the First Americans (Princeton University Press 2005) - (ISBN 0-691-11345-9)
  • Frank A. Garcia, Donald Stuart Miller,Discovering Fossils: How to Find and Identify Remains of the Prehistoric Past, Stackpole Books, 1998.
  • O.R. Green, "Mechanical Methods of Preparing Fossil Specimens". In: A Manual of Practical Laboratory and Field Techniques in Palaeobiology, Chapman and Hall, 2001.

Liens externes

Références

  1. « Do's and don'ts for fossil hunters » [archive du ], American Museum of Natural History (consulté le )
  2. Centre France, « Loisirs - Lieux, saison, règles : tout ce qu'il faut savoir sur les recherches de fossiles dans la Nièvre », sur www.lejdc.fr, (consulté le )
  3. « Note sommaire des principales dispositions légales en matière de minéralogie et de paléontologie en France métropolitaine », sur www.geopolis.fr
  4. « Une collecte de fossiles dans le village », sur www.midilibre.fr
  5. « Liste départementale des sites d’intérêtgéologique dans les Yvelines »
  6. « Le massif jurassien est un paradis pour les chasseurs de fossiles », sur Terre & Nature (consulté le )
  7. « Dinnertime at Cuddie Springs: hunting and butchering megafauna? » [archive du ], Judith Furby, School of Archaeology, The University of Sydney, NSW 2006 (consulté le )
  8. « Development of the Naracoorte Caves » [archive du ], South Australian Parks Web (consulté le )
  9. « Fossiles : mais quelles sont ces traces ? - PARLONS SCIENCES - Museum », sur www.museum.toulouse.fr (consulté le )
  10. « Where to look for fossils », San Diego Natural History Museum (consulté le )
  11. Joanna Potts, Guide to Fossils, London, Phillips, , 31–34pp p. (ISBN 0-540-08374-7)
  12. « Stratigraphy Fossil-Bearing Rocks », The Rochester Academy of Science (consulté le )
  13. « How to look for fossils », San Diego Natural History Museum (consulté le )
  14. « Fouilles et recherches du Museum d'Histoire Naturelle d'Aix-en-Provence - France », sur www.museum-aix-en-provence.org (consulté le )
  15. « LES TECHNIQUES D'EXTRACTION ET DE TRAITEMENT DES OSSEMENTS DE VERTEBRES FOSSILES », sur paleobios.tripod.com (consulté le )
  16. « Discover what you have », San Diego Natural History Museum (consulté le )
  17. « Fossil theft: One of our dinosaurs is missing »,
  18. Simons, « Fossil Wars », National Geographic, The National Geographic Society
  19. Willis, Paul, Clark, Tim et Dennis, Carina, « Fossil Trade », Catalyst,
  20. Farrar, « Cretaceous crimes that fuel the fossil trade », Times Higher Education, (consulté le )
  21. « Fossil trade puts China's natural history at risk » [archive du ]
  22. « Statement regarding the sale of vertebrate fossils online » [archive du ]
  23. « Statement regarding the sale of vertebrate fossils online » [archive du ], The Society of Vertebrate Paleontology (consulté le )
  24. Scott, E., « Is Selling Vertebrate Fossils Bad For Science? », PALAIOS, vol. 20, no 6, , p. 515–517 (DOI 10.2110/palo.2005.S06)
  25. van der Geer et Dermitzakis, « Fossils in pharmacy: from "snake eggs" to "Saint’s bones"; an overview », Hellenic Journal of Geosciences, vol. 45, , p. 323–332 (lire en ligne)
  26. Dans l'intimité des collectionneurs de fossiles
  27. Leonardo Di Caprio, collecting dinosaur bones trend
  28. slate.fr
  29. Art contemporain : et pourquoi pas un dinosaure dans son salon ?
  30. Une collection d'animaux préhistoriques mise aux enchères chez Christie's
  31. « Goethe et les animaux fossiles », Recherches germaniques [En ligne], HS 10 | 2015, mis en ligne le 05 février 2019, consulté le 17 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/rg/868 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rg.868
  32. « Bernard Palissy, défenseur du savoir artisanal »
  33. Éric Buffetaut, Des fossiles et des hommes, Robert Laffont,1991.
  34. COHEN, Claudine. Stratégies de la preuve dans les Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes de Cuvier In : Le Muséum au premier siècle de son histoire [en ligne]. Paris : Publications scientifiques du Muséum, 1997 (généré le 17 mai 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/mnhn/1765>. (ISBN 9782856538456). DOI : https://doi.org/10.4000/books.mnhn.1765
  35. Arnaud Brignon, données historiques sur les premiers dinosaures trouvés en France
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