Clofoctol

Le clofoctol (CFT) est un médicament synthétique antibiotique et bactériostatique, autrefois utilisé dans le traitement d'infections des voies respiratoires, de la bouche[3] ou de la sphère ORL, à bactéries Gram-positives[2].

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Clofoctol
Identification
Nom systématique 2-[(2,4-dichlorophényl)méthyl]-4-(2,4,4-triméthylpentan-2-yl)phénol
Synonymes

octofène

No CAS 37693-01-9
No ECHA 100.048.739
Code ATC J01XX03
PubChem 2799
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C21H26Cl2O
Masse molaire[1] 365,337 ± 0,023 g/mol
C 69,04 %, H 7,17 %, Cl 19,41 %, O 4,38 %,
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité 98 %[2]
Métabolisme Hépatique (glucurono-conjugaison)[2]
Excrétion

biliaire[2]

Considérations thérapeutiques
Voie d’administration rectale (suppositoire)[2]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Il a été commercialisé sous forme de suppositoire en France jusqu'en 2005 sous le nom commercial Octofene produit par le groupe Fournier[4] et en Italie sous le nom Gramplus[5],[6].

Il semble modérément efficace pour ses anciens usage, mais connait un regain d'intérêt car des études récentes laissent penser qu'il est actif contre au moins deux types de cancers[7] et un essai clinique est en cours pour tester son efficacité contre les formes graves de la Covid-19[8].

Historique

Les autorités sanitaires décident, en 2005, le retrait du suppositoire Octofène, qui rapportait à Fournier « 5 millions d'euros de chiffre d'affaires[9] », « pour faible service médical rendu ». Cet antibiotique n'a plus été considéré comme utile, « du fait que les rhino-pharyngites pouvaient guérir d'elles-mêmes »[10]. Néanmoins le produit reste disponible dans certains pays d'Europe.

Biochimie, mécanisme d'action

Cette molécule cible deux protéines importantes[7] :

  1. le complexe protéine kinase CD7/Dbf4 (qui joue un rôle important dans la régulation des mécanismes complexes de la division cellulaire)[11] ;
  2. le « domaine de choc froid » de la protéine de liaison à l'ARN mitochondrial contenant E1 (protéine dénommée CSDE1 ou UNR). En biologie moléculaire, le « domaine de choc froid » (CSD) est un domaine protéique d'environ 70 acides aminés situé dans les protéines de liaison à l'ADN des procaryotes et eucaryotes[12],[13],[14]. Cette protéine semble impliquée dans certains cancers (mélanomes) et leurs métastases [15], et une partie de ce domaine est très similaire au motif de liaison à l'ARN RNP-1[16].

Ces interactions expliquent l'activité antitumorale du Clofoctol[7] ; les modélisations de la liaison du Clofoctol aux protéines sont une base structurelle qui permettra peut-être la construction de composés anticancéreux plus puissants[7].

Indications

Infections

Le clofoctol est efficace dans le traitement de Streptococcus pneumoniae, principale cause mondiale de pneumonie bactérienne dans le monde, ainsi que du Staphylocoque doré. Le clofoctol inhibe la synthèse de la paroi cellulaire bactérienne et induit la perméabilité membranaire. Il inhibe la traduction des protéines et altère la croissance tumorale[17].

Maladies pulmonaires

Le clofoctol pénètre dans les tissus pulmonaires humains[18] et n'est fonctionnel que contre les bactéries à Gram positif[19].

Cancérologie

Le Clofoctol s'est aussi montré actif contre deux types de cancers le cancer de la prostate et le neurogliome, et il pourrait peut-être aussi traiter le cancer du poumon[7].

Repositionnement de la molécule

Depuis de nombreuses années, l’Institut Pasteur de Lille (IPL) possède un laboratoire de recherche de niveau de sécurité P3 robotisé, dédié aux coronavirus[20], en l'agence de presse AEF info, révèle que l'Institut étudie les effets in vitro[21] du clofoctol sur le virus du SARS-CoV-2[22].

Dans le cadre du projet de repositionnement de médicament, dirigé par le Professeur Benoit Deprez[23], 5 000 molécules des pharmacothèques d'Apteeus, entreprise spécialisée dans le repositionnement de médicament[24], ont été « passées au crible » pour voir si l'une d'elles pourrait être efficace contre la Covid-19[25], « une soixantaine de molécules semblaient bloquer la propagation du virus »[26], c'est ainsi que le clofoctol a été remarqué : « Pris aux premiers symptômes de la maladie, ce médicament réduit la charge virale du porteur de la maladie, évite la contagion. Pris plus tard, il contrecarre ses formes graves[27]. »

« Cette molécule a une action sur les deux portes d’entrée du virus dans les cellules humaines, contrairement à l’hydroxychloroquine. De plus, il n’est pas nécessaire d’augmenter sa concentration pour qu’elle soit efficace, contrairement au Remdésivir. Pris aux premiers symptômes de la maladie, ce médicament réduit la charge virale…, évite la contagion. Pris plus tard, il contrecarre ses formes graves. Son action est bien celle d’un antiviral et non celle d’un anti-inflammatoire »[28].

Xavier Nassif, le directeur du l’IPL souligne que notre l'« essai étudiant le rôle du clofoctol chez l’homme en tant qu’inhibiteur de la réplication du SARS-Cov2 est le premier chez l’homme »[29].

Le directeur scientifique de l’IPL, Benoît Déprez[30], avec le concours de la start-up lilloise Apteeus et de son président cofondateur Terence Beghyn, pharmacien et docteur en chimie[31], prévoit, pour , des essais sur l’homme « en double aveugle, contre placebo, dans lequel ni les médecins ni les patients ne savent s’ils emploient le médicament ou un placebo qui ne contient pas le principe actif[32]. » Le médicament pourrait être commercialisé au printemps 2021 : « On fait le design de cet essai, ensuite on va demander les autorisations nécessaires, mais ça va prendre un certain temps. » « On se demande aussi à qui cette molécule va être destinée, aux gens très peu malades, aux porteurs asymptomatiques pour qu'ils sécrètent moins longtemps le virus, ou encore aux gens très malades. Si on fait les essais cliniques rapidement, on vise la fin de l'hiver 2021. »

Désintérêt des autorités

Cette découverte est présentée, dès mai 2020, à Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, venue sur le campus de la fondation Pasteur Lille, et, au début d'août 2020, au premier ministre Jean Castex, en visite au centre de dépistage de l’institut, mais "les autorités n’ont pas eu « de réactions » déplore Benoît Déprez". Aussi fin septembre, l’IPF choisit de dévoiler au grand public sa découverte "pour pousser les autorités et d’éventuels mécènes à financer ce projet"[33]. Ainsi Le milliardaire Bernard Arnault, originaire de Lille, promet un financement à hauteur de 5 millions d’euros pour un essai clinique versus placebo, et la région Hauts-de-France a débloqué 780 000  pour un essai chez le macaque[34].

En , le Capnet (Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques), à qui l’IPL a demandé fin janvier d’accéder à une étude clinique de phase III, oppose un refus et demande de repasser en phase II, ce qui va retarder les délais prévus, ce que Terence Beghyn ne comprend pas : « On nous demande de repasser en phase 2 et de mesurer la tolérance du produit et son acceptabilité alors que tout cela est déjà très documenté »[35]. « Visiblement, ce comité ne comprend pas ce qu’est un repositionnement », explique Terence Beghyn[36].

Projet Thérapide

En , après un premier refus, le label « priorité nationale de recherche » est décerné au projet Thérapide[23]. Le , l’Institut Pasteur annonce le début des tests de la molécule contre le Covid-19 sur l’homme « dès la fin du mois »[37]. Il n'obtient cependant le feu vert de l’Agence nationale de sécurité du médicament que mi-[38].

L’essai clinique devait être mené à partir du , sur un panel de 684 patients[26] volontaires de plus de 50 ans, avec au moins un symptôme et non vacciné, un groupe de patients est traité par placebo, l’autre par clofoctol, pendant cinq jours, en aveugle des deux côtés. Au bout de plusieurs mois d’essais, en cas de résultats positifs, l’Institut Pasteur de Lille pourrait déposer une demande d'AMM du clofoctol[39]. Malheureusement, en septembre 2021, l'essai « ne commence que maintenant », explique le Professeur Xavier Nassif, directeur général de l'Institut. « Le recrutement des volontaires a en effet été compliqué par les vacances d'été, par les progrès de la vaccination et le profil très précis recherché »[40], « le recrutement de patients non vaccinés dans une population de 80 % de vaccinés risque de prendre du temps, rendant l'essai très difficile »[41]. Le recrutement, limité pour le moment aux Hauts de France, sera bientôt ouvert aux Antilles.

« Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle contre placebo. Les patients inclus doivent être âgés de plus de 50 ans et ne pas avoir été vaccinés. De préférence, leur test positif doit dater de moins de 3 jours et bien sûr, ces patients doivent accepter de rentrer dans une étude pendant une vingtaine de jours. Le traitement sera administré sous forme de suppositoire deux fois par jour pendant 5 jours. Les critères de jugement sont : la saturation en oxygène, les hospitalisations et la clinique bien sûr »[42].

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (it) « Gramplus » [archive du ], Studio Medico Torrino, (consulté le )
  3. (en) Buogo A., « Antimicrobial activity of "clofoctol" on microorganisms of the human oral cavity », G Ital Chemioter, vol. 30, nos 2-3, , p. 101-17. (PMID 6677544)
  4. « Octofene 200 mg suppositoire boîte de 8 », sur sante.lefigaro.fr (consulté le )
  5. (it) « Gramplus - supposta (Clofoctolo) », sur www.codifa.it (consulté le )
  6. https://fr.energymedresearch.com/38086-gramplus--clofoctol
  7. (en) Christian Bailly et Gérard Vergoten, « A new horizon for the old antibacterial drug clofoctol », sur Drug Discovery Today, (DOI 10.1016/j.drudis.2021.02.004, consulté le ), p. 1302–1310
  8. « L'institut Pasteur de Lille annonce le début de l'essai de son suppositoire anti-Covid », sur Le HuffPost, (consulté le )
  9. https://www.lesechos.fr/2006/02/apres-lachat-de-fournier-solvay-supprime-400-emplois-en-france-561318
  10. https://www.topsante.com/medecine/maladies-infectieuses/zoonoses/octofene-covid-institut-pasteur-638735
  11. (en) Manuel Stucki, Igor Stagljar, Zophonias O. Jonsson et Ulrich Hübscher, « A coordinated interplay: Proteins with multiple functions in DNA replication, DNA repair, cell cycle/ checkpoint control, and transcription », Progress in Nucleic Acid Research and Molecular Biology, Elsevier, vol. 65, , p. 261–298 (ISBN 978-0-12-540065-7, DOI 10.1016/s0079-6603(00)65007-9, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) David Landsman, « RNP-1, an RNA-binding motif is conserved in the DNA-binding cold shock domain », Nucleic Acids Research, vol. 20, no 11, , p. 2861–2864 (ISSN 0305-1048 et 1362-4962, DOI 10.1093/nar/20.11.2861, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Graeme Wistow, « Cold shock and DNA binding », Nature, vol. 344, no 6269, , p. 823–824 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/344823c0, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Pamela G. Jones et Masayori Inouye, « The cold-shock response ? a hot topic », Molecular Microbiology, vol. 11, no 5, , p. 811–818 (ISSN 0950-382X et 1365-2958, DOI 10.1111/j.1365-2958.1994.tb00359.x, lire en ligne, consulté le )
  15. (en) « UNR/CSDE1 Drives a Post-transcriptional Program to Promote Melanoma Invasion and Metastasis », Cancer Cell, vol. 30, no 5, , p. 694–707 (ISSN 1535-6108, DOI 10.1016/j.ccell.2016.10.004, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) David Landsman, « RNP-1, an RNA-binding motif is conserved in the DNA-binding cold shock domain », Nucleic Acids Research, vol. 20, no 11, , p. 2861-2864 (ISSN 0305-1048 et 1362-4962, DOI 10.1093/nar/20.11.2861, lire en ligne, consulté le ).
  17. https://www.cliniquemutualisteamberieu.fr/lantibiotique-clofoctol-montre-un-potentiel-contre-le-sras-cov-2
  18. (en) « A pharmacokinetic study of clofoctol in human plasma and lung tissue by using a microbiological assay », Drugs Exp Clin Res, vol. 14, no 1, , p. 39–43 (PMID 3391105)
  19. « [Clofoctol binding by the bacteria (author's transl)] », J Pharmacol, vol. 11, no 4, , p. 411–25 (PMID 6782374)
  20. https://www.hautsdefrance.fr/covid-19-institut-pasteur-therapide/
  21. https://www.jim.fr/e-docs/clofoctol_la_mysterieuse_molecule_anti_covid_de_pasteur_lille__184810/document_actu_pro.phtml?reagir=1#article-reactions
  22. « Pasteur Lille obtient 5 M€ de LVMH pour repositionner un ancien médicament, l’Octofene, sur le traitement du Covid », AEF info, (consulté le )
  23. https://www.lavoixdunord.fr/979711/article/2021-04-10/institut-pasteur-de-lille-un-projet-de-medicament-contre-le-covid-labellise
  24. « Dans leur travail, les chercheurs ont développé un écran à haut contenu (HCS) en utilisant une bibliothèque de médicaments appelée Apteeus (TEELibrary®), qui comprenait une collection complète de 1 942 médicaments approuvés. La méthode HCS a été utilisée pour cribler et identifier des molécules qui présentent une activité antivirale contre le SRAS-CoV-2 ».
  25. https://www.mediacites.fr/breve/lille/2021/04/13/ou-en-est-le-clofoctol-le-medicament-potentiel-contre-la-covid-repere-par-linstitut-pasteur-de-lille/
  26. https://lejournal.cnrs.fr/articles/traitements-contre-le-covid-19-les-scientifiques-affutent-leurs-armes
  27. « Covid-19. Une molécule contre le virus bientôt testée sur des grands singes par l’Institut Pasteur de Lille », ouest-france.fr, 9 octobre 2020
  28. https://www.caducee.net/actualite-medicale/15528/clofoctol-vs-covid-19-l-institut-pasteur-de-lille-annonce-le-recrutement-de-son-premier-patient-dans-son-essai-clinique-de-phase-2-3-therapide.html
  29. https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/la_piste_clofoctol._interview_du_pr_xavier_nassif_189116/document_actu_pro.phtml
  30. https://www.univ-lille.fr/actualites/detail-actualite/?tx_news_pi1%5Bnews%5D=1199&tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Baction%5D=detail&cHash=23c6ec66cf53dc2efe336a9fb4876b12
  31. https://www.parismatch.com/Actu/Sante/Covid-19-le-grand-espoir-d-un-traitement-1725730
  32. « Covid-19. Le traitement de l’Institut Pasteur de Lille pourrait être testé sur l’Homme dès février », ouest-france.fr, 7 janvier 2021
  33. https://www.jim.fr/e-docs/clofoctol_la_mysterieuse_molecule_anti_covid_de_pasteur_lille__184810/document_actu_pro.phtml
  34. Institut Pasteur de Lille- France, « Covid-19 : ils nous soutiennent », sur www.pasteur-lille.fr, (consulté le )
  35. « Le comité Capnet freine-t-il la recherche contre la Covid-19 ? », JIM.fr, (lire en ligne, consulté le )
  36. https://www.sortiraparis.com/actualites/coronavirus/articles/230336-covid-le-point-sur-le-clofoctol-le-traitement-de-l-institut-pasteur-en-phase-d-e
  37. Yves Arsenal, « Lille : l'Institut pasteur prêt à tester son antiviral contre le covid-19 sur l'Homme dès fin avril », sur france3-regions.francetvinfo.fr, (consulté le )
  38. « EXCLUSIF. L’Institut Pasteur de Lille peut officiellement tester son traitement contre le Covid-19 », sur LA VDN, (consulté le )
  39. https://www.la-croix.com/France/A-Lille-lessai-clinique-medicament-anti-Covid-lance-2021-07-05-1201164831
  40. https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-l-institut-pasteur-de-lille-lance-l-essai-clinique-d-un-possible-traitement-le-clofoctol_4762307.html
  41. https://www.topsante.com/medecine/maladies-infectieuses/zoonoses/octofene-suppositoire-traitement-covid-pasteur-clofoctol-638735
  42. https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/la_piste_clofoctol._interview_du_pr_xavier_nassif_189116/document_actu_pro.phtml

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