Christophe de Lycie

Christophe de Lycie, plus connu comme saint Christophe, est un saint du christianisme ; il est considéré comme le patron des voyageurs.

Pour les articles homonymes, voir Saint Christophe (homonymie).

Christophe
Saint catholique

Saint Christophe peint par Claude Bassot (1607).
Saint auxiliateur, martyr
Naissance inconnue
Décès vers 250 apr. J.-C. 
en Lycie
Vénéré à Cathédrale Saint-Jacques de Šibenik
Fête 9 mai en Orient et en Occident le 25 juillet, 21 août en France
Saint patron Des voyageurs, des automobilistes, des soldats, de l'armée, du train

Christophe dérive des mots grecs Khristos (Christ) et phorein (porter), c'est-à-dire celui qui porte le Christ, en allusion à un géant légendaire initialement nommé « Réprouvé » qui aurait aidé l'enfant Jésus à traverser une rivière. Encore au XVIe siècle, avant le concile de Trente, il passait pour mettre à l'abri des maladies quiconque voyait sa statue. C'est d'ailleurs pour cette vertu que l'on voit son portrait sur les murs extérieurs de certaines églises à l'appui du traditionnel dicton « Regarde Christophe et va-t-en rassuré »[1].

Saint Christophe est fêté en Orient le 9 mai[2], en Occident le 25 juillet, selon le martyrologe romain[3],[4], et le 21 août dans le calendrier français[5].

Origine

Hans-Friedrich Rosenfeld, dans un essai exhaustif[6], avance que la légende proviendrait d’un récit gnostique, où l’on parle d’un monstre anthropophage à tête de chien qui, par le baptême, prend le nom de Christianus ou Christophorus. Les versions orientales qui sont les plus anciennes partagent avec les versions occidentales le martyre du saint et son projet de se mettre au service du maître le plus puissant. En Occident, le motif de la tête de chien tend à disparaître, et apparaît le motif du « porte-Christ », dont l'action se déroule lors d’une traversée de l’eau de la ténèbre hivernale, selon Jean Haudry, rapprochant le miracle du saint aux épreuves qualifiantes des héros païens des légendes de Grettir ou de Beowulf[7].

La fusion de la mythologie païenne et de la légende chrétienne explique probablement la popularité du saint dans tout l’Occident à la fin du Moyen Âge et les réticences des clergés anglais et allemands à son égard. Rosenfeld affirme que le peuple reconnaissait en lui « un de ses géants familiers »[7].

Georges Dumézil dans Mythe et épopée écrit que le Mahabharata, rédigé vers le quatrième siècle mais reposant sur des légendes bien antérieures, mentionne un géant semblable qui fait de la même façon traverser le Gange à un enfant roi[source insuffisante].

Le personnage légendaire

Statue de Saint Christophe au Jardin Massey de Tarbes.

Selon une tradition répandue, connue de sources variées et popularisée par la Légende dorée de Jacques de Voragine, il était un Chananéen, Réprouvé, d'allure terrible tant il était imposant. Il eut l'idée de se mettre au service du plus grand prince du monde et se présenta donc à un roi très puissant. Un jour, un jongleur évoqua le diable devant le roi très chrétien, qui se signa aussitôt. Réprouvé, fort étonné, demanda au roi le sens de ce geste. Celui-ci avoua, après bien des hésitations, sa peur devant le diable. Réprouvé, qui ne concevait de se mettre au service que du plus puissant, quitta donc le roi pour trouver le diable.

Dans le désert, il s'approcha d'un groupe de soldats, parmi lesquels s'en trouvait un particulièrement féroce, qui lui demanda où il allait. Lorsque Réprouvé répondit, le soldat lui dit : « Je suis celui que tu cherches ». Marchant ensemble, il fut étonné de voir le diable s'enfuir devant une croix. Réprouvé, qui l'avait suivi, lui demanda la raison de sa peur. Après bien des hésitations, le diable avoua craindre la croix. À ces mots, Réprouvé le quitta et partit à la recherche du Christ pour se mettre à son service.

Il finit par rencontrer un ermite qui lui expliqua les principes de la foi en Jésus-Christ. Il lui dit :

« Ce roi désirera que tu jeûnes souvent ».
« Cela m’est impossible », répondit le géant. L’ermite ajouta :
« Ce roi désirera que tu lui adresses de nombreuses prières ». Le géant répondit qu’il ne savait ce que cela était et que, donc, il ne pouvait pas davantage se soumettre à cette exigence. L’ermite lui dit alors :
« Tu iras te poster à tel fleuve tumultueux et tu aideras les gens à le traverser ».

Réprouvé accepta. Il se construisit une petite maison au bord du fleuve et chaque jour, aidé d'une perche, il faisait traverser les voyageurs. Un jour, longtemps après, il entendit la voix d'un petit enfant qui lui demandait de le faire traverser. Il sortit mais ne vit personne. Rentré chez lui, il entendit une seconde fois l'appel de l’enfant. Dehors il ne trouva personne. Ce n'est qu'au troisième appel que le géant vit le petit enfant qui attendait sur la berge. Il le prit sur ses épaules et commença donc la traversée. Mais, à mesure qu'ils progressaient, l'enfant devenait de plus en plus lourd et le fleuve de plus en plus menaçant, tant et si bien qu'il eut le plus grand mal à rejoindre la berge opposée. Une fois l'enfant déposé, il lui dit :

« Enfant, tu m'as exposé à un grand danger, et tu m'as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourd à porter. » L'enfant lui répondit :
« Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi, auquel tu as en cela rendu service ; et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre vis-à-vis de ta petite maison, et le matin tu verras qu'il a fleuri et porté des fruits. »

L’enfant disparut miraculeusement. Christophe fit ce que l’enfant lui avait dit et trouva le matin des feuilles et des dattes sur le bâton.

Bas-relief de Saint-Christophe, près d'un passage de fleuve.

Christophe partit alors pour Samoa, en Lycie où, ne comprenant pas la langue, il tomba en prières afin que Dieu l'éclaire — ce qu’il obtint. Il alla à la rencontre des chrétiens qui, dans la ville, essayaient de convertir la population. Un des juges de la ville y trouva l’occasion de le frapper au visage. Il ficha son bâton dans le sol avec l’espoir d’un nouveau miracle… qui eut lieu en effet : ainsi huit mille hommes devinrent croyants. Le roi de la région, exaspéré, envoya deux cents soldats pour l'arrêter. Mais, sitôt qu'ils le virent en prière, ils hésitèrent. Le roi envoya à nouveau deux cents autres hommes qui à leur tour prièrent avec Christophe. Les ayant convertis, il accepta de les suivre chez le roi. Le roi eut grand peur en le voyant mais lui demanda son nom. Christophe répondit :

« Auparavant l'on m'appelait Réprouvé mais aujourd’hui je me nomme Christophe ». Le roi lui fit remarquer le choix peu judicieux : pourquoi prendre le nom de quelqu'un mort humilié sur une croix ? pourquoi ne pas se rallier à ces dieux ? Christophe lui répondit :
« C'est à bon droit que tu t'appelles d'Agnus[8], parce que tu es la mort du monde, l'associé du diable ; et tes dieux sont l’ouvrage de la main des hommes ». Le roi lui proposa un marché : soit il le sacrifiait à ses dieux, soit le roi le suppliciait. Christophe refusa et fut jeté en prison. Le roi y envoya deux prostituées afin qu’elles le séduisent — Nicée et Aquilinie. Christophe en prière ne céda pas à leurs caresses et lorsqu’elles virent son visage éclatant demandèrent à être converties. Le roi entra dans une grande colère et leur ordonna de sacrifier. Elles acceptèrent à la condition que les places soient nettoyées et que tous les habitants soient au temple. Quand il fut fait ainsi et devant chacun, elles dénouèrent leur ceinture, les passèrent au cou des idoles et les firent tomber. Sur ordre du roi, elles furent suppliciées avant qu'il ne s'en prenne à Christophe lui-même qui résista à toutes les tortures. Le roi finit par le faire attacher à un arbre et lança quatre cents flèches sur lui qui toutes restèrent suspendues sauf une qui, suite aux injures du roi lancées à Christophe, se détourna et vint se planter dans son œil. Christophe lui dit :
« C’est demain que je serai sacrifié. Tu prendras mon sang et tu en feras de la boue. Tu poseras cette boue sur ton œil qui guérira ». Christophe fut ainsi décapité. Le roi suivit ses conseils et appliqua la boue qui aussitôt guérit son œil. Alors le roi crut et porta un édit qui interdisait à quiconque de blasphémer le nom de Dieu et de celui de son serviteur, Christophe.

Iconographie

Représentation cynocéphale de saint Christophe.

Saint Christophe est communément représenté par un homme traversant un cours d'eau et portant un enfant sur l'épaule, l'enfant figure le Christ. C'est seulement au XIIe siècle que remontent les plus anciennes représentations du saint portant le Christ : celle située dans la chapelle de sainte Catherine à Hocheppan (de) dans le Tyrol du Sud est datée de 1131[1]. L'image est semble-t-il antérieure aux textes qui présenteront sa légende[1].

L'abbatiale de Wissembourg possède une remarquable fresque de saint Christophe de 11 mètres, la plus grande fresque en pied de France. Elle est visible sur un des murs du transept.

Fresque de saint Christophe, dans l'abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Wissembourg.

L'iconographie de certaines icônes du christianisme oriental le représente, selon la tradition de l'Église orientale attestée dès le Ve siècle, tel un homme à tête de chien avec à la main un crucifix : Χριστοφόρος (Christophóros). Il est aussi associé, dans une autre légende, à une tribu des Kynoprosopoi (« Visages-de-Chiens »).

Adaptation de la légende

Ce portage du Christ  symboliquement qualifié de fonction phorique par Michel Tournier  a fait l'objet d'une relecture par l'auteur dans son roman le Roi des Aulnes.

Saint Christophe est un des géants processionnels, mannequins d'osier ou de bois promenés dans les cortèges des fêtes traditionnelles du nord de la France et de la Belgique.

Dévotion populaire

Dans de nombreuses paroisses de France et de Belgique, il est de tradition de faire un pèlerinage et de bénir les véhicules des différents usagers de la route le jour de la Saint Christophe. Ainsi le pèlerinage de Tourcoing, en existence depuis 1938, qui rassemble chaque année plusieurs centaines de véhicules[9] ou celui de Bas-Warneton, en Belgique, qui en rassemble quelques dizaines[10]. A cette occasion, le prêtre asperge d'eau bénite les véhicules qui se présentent devant lui.

Certains automobilistes collent dans leurs voitures de petites plaques circulaires à l'effigie du saint pour se prémunir des accidents de la route. Cette pratique serait attestée dès 1908[11].

Notes et références

  1. Rigaux 1996.
  2. Saints pour le 6 mai du calendrier ecclésiastique orthodoxe.
  3. Saint Christophe sur Nominis.
  4. (it)San Cristofoiro sur Santi Beati.
  5. Le Jour du Seigneur, Christophe, site consulté le 16 août 2015.
  6. Der hl. Christophorus, Göttingen, 1937.
  7. Jean Haudry, « Saint Christophe, saint Julien l'Hospitalier… », Études indo-européennes, 1985.
  8. Damné ou danger ? ou plutôt dague, poignard ?
  9. « Pèlerinage Saint Christophe », sur tourcoing.fr (consulté le )
  10. Franck, « Bas-Warneton: 58ème édition de la bénédiction des véhicules et des usagers de la route », sur comineswarneton-actu.com, (consulté le )
  11. Michel Lagrée, « Le clergé catholique devant le développement de l’automobile (vers 1900 -vers 1960) », "L'automobile : Son monde et ses réseaux", Presse Universitaire de Rennes., (lire en ligne)

Bibliographie

  • (de) Yvonne Bittmann-Steyn, Standort und Funktion von Christophorusfiguren im Mittelalter., Heidelberg, 2003 [lire en ligne].
  • (de) Hans-Friedrich Rosenfeld, Der heilige Christophorus, seine Verehrung und seine Legende: eine Untersuchung zur Kultgeographie und Legendenbildung des Mittelalters, Harrassowitz, 1937, 552 pages.
  • (de) Michael Schneider, Die Christophorus-Legende in Ost und West. Das Leben aus dem Glauben und seine bildhafte Darstellung in der frühchristlichen und abendländischen Tradition. Koinonia-Oriens, Köln 2005 (ISBN 3-936835-23-3).
  • Dominique Rigaux, « Une image pour la route. L'iconographie de saint Christophe dans les régions alpines (XIIe – XVe siècles) », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, vol. 26, no 1, , p. 235-266 (lire en ligne).

Annexes

Liens externes

Articles connexes

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