Chasséen
Le Chasséen est une culture préhistorique du Néolithique moyen II qui s'est développé entre environ 4350 et 3300 av. J.-C. en France et dans le nord de l'Italie. Le Chasséen est identifiable notamment à travers une production lithique et céramique caractéristique, ainsi que par une structuration paléo-économique faisant la distinction entre producteurs et consommateurs.
Lieu éponyme | Chassey-le-Camp en Saône-et-Loire |
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Auteur | J. Déchelette (1912); J. Arnal (1956); D. Binder (1991) |
Répartition géographique | France |
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Période | Néolithique moyen II |
Chronologie |
Pôle Chasséen ancien de -4350 à -4000 av. J.-C. Pôle Chasséen récent de -4000 à 3650 av. J.-C. Étape tardo-chasséenne à partir de -3650 av. J.-C, jusqu'au Néolithique final à partir de -3300 av. J.-C. |
Type humain associé | Homo sapiens |
Tendance climatique | Réchauffement sub-boréal : climat doux (3 °C à 4 °C de plus qu’à notre époque en moyenne annuelle) |
Objets typiques
lames et lamelles, burin chanfrein, céramique, lames polies, billes polies, statuettes
Étendue
Le Chasséen tire son nom du site de Chassey-le-Camp en Saône-et-Loire[n 1], lieu où ses éléments ont été décrits pour la première fois par J. Déchelette en 1912[1] où la céramique joue le rôle de fossile directeur. Repris par J. Arnal en 1950 pour désigner l'ensemble des productions de ce que l'on appelait alors le Néolithique occidental avec entre autres Windmill Hill à Avebury, en Angleterre, Almeria en Espagne, Michelsberg en Allemagne, Lagozza (it) en Italie ou Cortaillod en Suisse[2]. Rapidement, cette définition trop englobante est révisée par R. Riquet qui ne retient l'étiquette chasséenne que pour les productions du Néolithique moyen français[3].
On distingue alors un Chasséen méridional, essentiellement de la Provence au Languedoc et dans les marges nord-occidentales de l'Italie et un Chasséen septentrional dans la plupart des régions centrales et septentrionales de la France.
La culture chasséenne semble apparaître en Ligurie, puis s'étend en Provence, dans la vallée du Rhône, les Alpes, le Massif central, la Bourgogne. Elle atteint le Bassin parisien, l'Aquitaine et l'Ouest, recouvrant presque la totalité du territoire français actuel. Cette expansion ne procède pas par remplacements de groupes locaux mais par influence des cultures régionales.
À partir de -3650 av. J.-C, différents chercheurs évoquent une "dislocation" du technocomplexe chasséen, tandis que d'autres avancent un phénomène plus graduel d'éclatement des pratiques caractéristiques. Ces deux théories sont plus ou moins valables en fonction des variabilités intra et extra régionales, ainsi qu'en fonction des différents statuts de sites, qui ne répondent pas tous de la même manière aux changements de la seconde moitié du IVe millénaire. Dans l'ensemble, l'exploitation des silex bédouliens semble baisser, au profit des silex lacustres oligocènes du bassin d'Apt-Forcalquier, destinés à la production de grandes lames (jusqu'à 35 cm). Le débitage par pression est toujours attesté et la pression au levier s'intensifie, toujours aux côtés d'un traitement thermique des nuclei.
Productions
L'un des traits caractéristiques du Chasséen se manifeste par la présence dans les industries lithiques d'une forte proportion de lames et de lamelles régulières principalement issues de silex barrémo-bédouliens du Vaucluse et de silex oligocènes des bassins d'Apt-Forcalquier (vallée du Largue). Les analyses tracéologiques démontrent que certains outils ont été utilisés comme lames de faucilles, ou destinés à des activités de travail de l'os, du bois, de végétaux tendres, etc.
Avant 4000 ans av. J.-C, ces supports sont débités par pression à partir de nuclei non chauffés. Après 4000 ans av. J.-C, les produits ont été détachés par pression, notamment au levier, à la suite d'un traitement thermique contrôlé des nuclei. Les lamelles en obsidienne, plus rares, sont majoritairement d'origine Sarde. Les lames polies (ex : haches, herminettes, brunissoirs) sont façonnées à partir de roches tenaces, la majeure partie en éclogite du Mont Viso, ou en omphacitite[n 2], jadéitite[n 3], sépentinite, métagabbro, etc. Ses productions sont associées à du macro-outillage de traitement des productions céréalières et des ressources végétales (meules, molette, pilons, etc.).
La céramique chasséenne se compose de vases à sillons sous pseudo-cols carénés, de vases à barrettes ondulées, de coupelles à décor interne de sillons, d'assiettes décorées et de vases à épaules.
Pour les phases anciennes du Chasséen, les décors se composent de motifs géométriques (chevrons, triangles, quadrilatères rayés ou quadrillés), scalariformes, bandes, guirlandes finement incisées à cru dans la pâte sèche[6]. Tandis que pour les phases récentes du Chasséen, les productions céramiques sont plus épurées, souvent dépourvues de décors.
Les groupes chasséens pratiquaient l'agriculture et l'élevage de caprinés et de bovidés. Ils se caractérisent par une structuration géographique forte de leur économie, basée sur l'échange. Les matières premières (obsidienne de Sardaigne et des îles Lipari, silex barrémo-bédouliens du Vaucluse, silex italiens (Maiolica), éclogites des Alpes, cristal de quartz, cinérites du Rouergue) exploitées pour la fabrication des outils de pierre, sont transformées à proximité du lieu d'extraction puis exportées sous forme de produits finis (lames polies, grandes lames) ou semi-finis (nuclei destinés à être débités par pression sur les sites consommateurs[7]), jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres, notamment jusqu'en Catalogne dans des contextes sepulcros de fossa). La métallurgie semble pratiquée, mais elle reste assez marginale. Elle est attestée par des signes d'extraction de minerai de cuivre et de chalcopyrite dans des contextes chasséens récents en Ligurie dans la première moitié du IVe millénaire (vers 3600). Des nodules de minerai de cuivre ont également été découvert dans un contexte du Chasséen ancien sur le site de Giribaldi à Nice. Ces éléments renvoient alors a un processus de chalcolithisation déjà amorcé au Ve millénaire dans le nord de l'Italie et le SE de la France.
L'architecture domestique est mal connue, rares étant les traces de bâtiment. Les exemples attestés sont construits sur poteaux mais la brique crue a également pu être mise en évidence. Les plus grands sites sont des enceintes délimitées par des fossés et pouvant couvrir plusieurs dizaines d'hectares. Les grottes et abris servent le plus souvent de bergeries, comme en attestent les dépôts de fumiers de troupeaux qui s'y accumulent (abri de Pertus II, Font Juvénal, grotte d'Antonnaire, Arene Candide, etc.).
- Exemple de procédé pour le débitage par pression à la béquille.
(expérimentateur : J. Pelegrin). Exemple de décors en chevrons sur céramique.
L'un des éléments emblématiques de la période est constitué par de grands foyers de pierres chauffées, rectangulaires ou circulaires. Ce type de structure apparaît dès le Mésolithique et se maintient jusqu'à l'Antiquité, mais a d'abord été remarqué et décrit sur des sites chasséens. Les vestiges correspondants avaient d'abord été interprétés comme des fonds de cabane.
Notes et références
Notes
- Où, le 16 juin 2018, a été inauguré le Centre d'interprétation archéologique de Chassey-le-Camp (CIACC), espace de 68 m² présentant de nombreux objets et artéfacts authentiques provenant du musée Denon de Chalon-sur-Saône et du musée Rolin d’Autun. Trois vitrines y mettent en valeur le Néolithique moyen et final, et plus particulièrement le Chasséen, les deux autres étant consacrées aux âges du Bronze et du Fer, à l’époque gallo-romaine ainsi qu’à la période mérovingienne. Plusieurs panneaux présentent le site de Chassey : le Chasséen et ses origines, des clichés montrant les fouilles et divers personnages, l’occupation du site (de la Protohistoire à l’époque mérovingienne).
- L’omphacitite est une roche métamorphique formée à haute température et haute pression, et contenant plus de 75% d'omphacite[4].
- Il existe « deux types de jadéitites : les pyroxénites où le minéral jadéite est dominant, démontré par l’analyse de laboratoire (surtout RX), que nous appelons jadéitites vraies, et les pyroxénites dont l’observation à l’œil nu donne à penser que la jadéite y est dominante. L’origine des jadéitites est liée à la géographie des méta-ophiolites alpines des faciès schiste bleu et éclogitique »[5]
Références
- (1969) Jean-Paul Thévenot, « Éléments chasséens de la céramique de Chassey », Revue Archéologique de l'Est et du Centre-Est, vol. 20, nos 1-2, , p. 7-95.
- (1953) J. Arnal, « La structure du Néolithique français d'après les récentes stratigraphies », Zephyrus, vol. 4, , p. 311-344 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
- (1959) Raymond Riquet, « Chassey où es-tu ? », Bulletin de la Société Préhistorique Française, vol. 56, nos 5-6, , p. 364-374 (lire en ligne [sur persee], consulté le ).
- (en) « Omphacitite », sur mindat.org (consulté le ).
- « 2.2 - Les jadéitites », sur theses.univ-lyon2.fr (consulté le ).
- Jean Guilaine, La France d'avant la France, Paris, Hachette, , 349 p. (ISBN 978-2-01-011134-1), p. 108-111
- Vanessa Léa, « Centres de production et diffusion des silex bédouliens au Chasséen », Gallia préhistoire, no 46, , p. 231-250 (lire en ligne [sur persee], consulté le ).
Bibliographie
- [Beeching et al. 1991] Alain Beeching (dir.), Didier Binder, Jean-Claude Blanchet et al., Identité du Chasséen (Actes du colloque international de Nemours, mai 1989), Nemours, Association pour la promotion de la recherche archéologique en Ile-de-France (APRAIF), coll. « Mémoires du Musée de Préhistoire d'Île-de-France » (no 4), (ISBN 2-906160-07-5, présentation en ligne).
- [Binder 1991] Didier Binder, « Facteurs de variabilité des outillages lithiques chasséens dans le sud-est de la France », dans Alain Beeching, Didier Binder, Jean-Claude Blanchet, Claude Constantin, J. Dubouloz, Roger Martinez, D. Mordant, Jean-Paul Thévenot et Jean Vaquer (dir.), Identité du Chasséen, Nemours, Association pour la promotion de la recherche archéologique en Ile-de-France (APRAIF), (lire en ligne), p. 261–272.
- Binder, D., 2004. Un chantier archéologique à la loupe : Villa Giribaldi : Nice : [catalogue d’exposition 23 octobre 2004 - 4 janvier 2005], Nice Musées (éd.), Nice, 79 p.
- [Binder 2015] Didier Binder, « Transferts et interculturalités en Méditerranée nord-occidentale (VIe-IVe millénaires cal. BCE) », dans N. Naudinot, L. Meignen, D. Binder et G. Querré (dir.), Les systèmes de mobilité de la Préhistoire au Moyen-Âge (Actes des XXXVe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes), Antibes, Librairie Archéologique. APDCA (éd.), CEPAM, , p. 369–386.
- [Léa et al. 2007] Vanessa Léa, Didier Binder, François Briois et Jean Vaquer, « “Le Chasséen méridional à lamelle” d’Arnal : évolution de notre perception des industries lithiques », dans J. Evin (dir.), Aux conceptions d’aujourd’hui (Congrès du centenaire : Un siècle de construction du discours scientifique en Préhistoire, suppl. 3), , p. 263–275.
- Lepère, C., 2009. Identités et transferts culturels ans le domaine circumalpin : l’exemple des productions céramiques du chasséen provençal, Thèse (dir. Binder. D), Aix-Marseille 1, Aix-en-Provence, 451 p.
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