Chartreuse de Pavie

La chartreuse de Pavie (située dans la commune de Certosa di Pavia et lui donnant son nom italien) est un ancien monastère de moines-ermites chartreux. Situé à 8 km au nord de Pavie (Italie) et datant du XIVe siècle, c'est le monument le plus important du gothique tardif en Italie.

La chartreuse occupa une place particulière et originale en bordure du parc Visconti au nord du château de Pavie, parc dont il ne reste qu'une partie aujourd'hui, le parc de la Vernavola, au nord de Pavie, et qui n'est plus relié ni au château ni à la chartreuse.

Histoire

La chartreuse de Pavie fut construite par la volonté de Jean Galéas Visconti. Il répondait peut-être à un vœu de sa femme. Caterina Visconti. Le chroniqueur Bernardino Corio rapporte en effet dans son Histoire de Milan (1554) qu'en 1390, Caterina, qui vivait une grossesse difficile, « faisant un vœu sous forme de testament, ordonna que dans la ville de Pavie, où elle se rendait souvent, on construisit un monastère de chartreux pour douze frères, et au cas où elle mourrait en couches, elle pria son mari de bien vouloir exécuter cet ordre. » Gian Galeazzo Visconti choisit d'édifier la chartreuse aux confins nord du vaste parc Visconti (près de 22 km2), qui reliait le château Visconti aux bois de chasse des seigneurs de Lombardie. La chartreuse occupe ainsi une position stratégique, à mi-chemin entre Milan, la capitale du duché, et Pavie, la seconde ville du duché, où le duc avait grandi et où siégeait la cour.

Le chantier fut inauguré le , par la pose de la première pierre, mais les travaux furent interrompus en 1402 par la mort de Gian Galeazzo Visconti, et ne reprirent qu’en 1412, avec l’arrivée au pouvoir de Filippo Maria Visconti. Le nom de Giovanni Solari apparaît dans les archives dès 1428, mais c’est seulement en 1451 que Francesco Sforza le chargea officiellement de construire l’église. Il fut présent sur le chantier de la Chartreuse jusqu’en 1462. Son fils, Guiniforte Solari prit alors sa succession. En 1473, les travaux étaient pratiquement achevés. Il restait encore à exécuter la façade de l’église.

Le 1er mars 1474, la dépouille du fondateur est solennellement transportée dans le chœur de l'église[1].

Galéas Marie Sforza fait ériger la façade de la chartreuse à partir de 1474 sous la conduite de deux équipes de sculpteurs, l'une autour des frères Cristoforo et Antonio Mantegazza qui ont été choisis par ses soins, l'autre autour de Giovanni Antonio Amadeo qui a été choisi par les moines[1].

En 1494, Ludovico a la fierté de faire visiter la chartreuse au roi de France Charles VIII qui se montre très impressionné. L'église est finalement consacrée le 3 mars 1497[1].

Le chantier s'interrompt en 1500 avec la chute de Ludovico il Moro et la conquête du duché par le roi de France Louis XII[1].

Par contrat, les chartreux devaient consacrer une partie de leurs revenus pour continuer la construction de la chartreuse et, pour cette raison, elle comporte des œuvres d'art du XVe au XVIIIe siècle. En 1782, les chartreux furent expulsés par l'empereur Joseph II d'Autriche et les cisterciens leur succédèrent en 1784, et ensuite les carmélites en 1789. En 1810, le monastère fut fermé jusqu'au retour des chartreux en 1843. En 1866, l'État italien le réquisitionna comme monument national et les bénédictins l'occupèrent jusqu'en 1880.

Les moines qui l'occupent depuis les années 1960 sont des cisterciens.

Architecture

Détail de la façade.
Petit cloître.

L'église de la chartreuse est constituée d'une grande nef, de collatéraux bordés de chapelles, d'un profond transept qui se termine, comme le chœur, par un triforium voûté en cul-de-four. La tour-lanterne à la croisée du transept est magnifiquement décorée. L'édifice est doté de galeries naines et d’une façade dont la luxuriance des sculptures entre en complète contradiction avec les principes de sobriété de l'ordre, mais correspond aux besoins d'ostentation symbolique des fondateurs et de leur descendance[2]. La brique rouge des murs et les décorations en terracotta des arcatures contrastent harmonieusement avec la pierre blanche des galeries naines, de la tour de croisée et des frontons et avec le marbre des colonnes.

Plan

Le plan de l'église est gothique en croix latine, à une nef, deux bas-côtés et un transept, un chœur et une abside, le tout couvert de voûtes d'arêtes. Ce plan est inspiré, à échelle réduite, par les proportions du Dôme de Milan. Les voûtes hexapartites sont peintes alternativement de motifs géométriques et de ciels étoilés.

Les extrémités du transept et de la chapelle principale sont assez singulières, constituées de chapelles carrées fermées de trois côtés par des absides semi-circulaires, selon un plan trilobé d'inspiration classique.

Les travaux sont commencés par Bernardo da Venezia, puis, après quelques années d'arrêt, par Giovanni Solari et son fils Guiniforte qui y travaillent de 1428 à 1473. Ce dernier est aidé de son élève Giovanni Antonio Amadeo qui exécute des ouvrages en terre cuite dont des corniches. À la mort de son maître en 1481, il lui succède comme architecte en chef du chantier.

Façade

L'intérieur et le chœur.
Fresque de Bergognone : Gian Galeazzo présente le modèle de la chartreuse à la Madone, selon le premier projet.

La façade est continuée par Giovanni Antonio Amadeo en1481, et Cristoforo Mantegazza et son frère Antonio de 1473 jusqu'en 1499. Le , l'église est consacrée, mais elle n'est pas terminée, il en sera de même après les travaux de Cristoforo Lombardo de 1550 à 1560, qui en laisse le fronton absent.

De nombreux artistes la décorent jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, des sculpteurs, des peintres, des maîtres-verriers, des forgerons...

La façade, composée de simples éléments rectangulaires superposés, est couverte d'une décoration exubérante, typique de l'architecture lombarde. Parmi les sculpteurs qui l'ont réalisée, on compte Cristoforo Mantegazza et Giovanni Antonio Amadeo qui, après l'exécution des bas-reliefs sur le côté droit de la corne de la façade de 1473 à 1476, revint en 1492 diriger l'exécution de la façade jusqu'au deuxième ordre. Le couronnement fut achevé en collaboration avec Cristoforo Solari dit Le Gobbo.

Le portail, qui forme une sorte de pause au milieu du foisonnement de l'ornementation de marbre, est un travail de collaboration entre Amadeo et son élève Benedetto Briosco (1501). Il se caractérise par des colonnes jumelées et des bas-reliefs rapportant des scènes de l'histoire de la Chartreuse. Le premier projet de façade, plus sobre et de forme nettement gothique a été conçu par Boniforte Solari : il est visible dans une fresque de Ambrogio Borgognone, où Jean Galéas Visconti présente à la Vierge le modèle de la chartreuse.

Intérieur

L'église est dotée d'une nef et de deux bas-côtés, ouverts sur quatorze chapelles latérales, entièrement peintes à fresque. Le transept abrite les tombes de la famille ducale. Dans le croisillon sud, le mausolée de Gian Galeazzo Visconti, dessiné à la fin du XVe siècle par Giancristoforo Romano, est placé sous l'abside décorée d'une fresque d'Ambrogio Bergognone qui montre le duc en fondateur, accompagné de ses fils en train d'offrir la maquette de la chartreuse à la Vierge. Il fait face au cénotaphe de Ludovico et Béatrice d'Este sculpté par Cristoforo Solari en 1497. L'abside du transept nord s'orne d'une fresque du même peintre figurant le Couronnement de la Vierge avec Francesco Sforza et Ludovic il Moro agenouillés en donateurs[1]

De style gothique tardif, vers le chœur, les motifs sont de décoration Renaissance, et la grille en bronze est baroque.

Chœur
Transept
Sacristie
  • Médaillons des ducs de Milan
  • polyptyque avec 94 statuettes en ivoire de 66 scènes bibliques par Baldassare degli Embriachi (Florence, 1389 - ??) ayant nécessité 40 ans de travail.
Lavabo

Médaillons des duchesses de Milan

Chapelles

Petit cloître

  • Réfectoire des Chartreux :
    • Fresques des voûtes des Bergognone
    • Pupitre et fresque de la Madone de Zavatarri (1450)

Grand cloître

  • Médaillons en terracotta de Rinaldo de Stauris (1478), sur les 122 arcades.

Œuvres

Œuvres déplacées

La Vierge de la roseraie, peinte pour La Chartreuse par Bernardino Luini en 1525 (63 × 70 cm) est aujourd'hui à la Pinacothèque de Brera à Milan[3].

Notes et références

  1. Sophie Cassagnes-Brouquet, Bernard Doumerc, Les Condottières, Capitaines, princes et mécènes en Italie, XIIIe-XVIe siècle, Paris, Ellipses, , 551 p. (ISBN 978-2-7298-6345-6), (page 170)
  2. Kristina Krüger, Ordres et monastères, H.F. Ullmann, (ISBN 978-3-8480-0090-6), p. 152-153
  3. Jean Philippe Breuille, « De Leonard de Vinci à Raphaël », Le Monde de la Peinture, no 3,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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