Chalutier

Un chalutier est un bateau de pêche qui doit son nom au chalut, filet qu'il utilise (avec la drague, le chalut fait partie des arts traînants. Ils endommagent les fonds marins et contribuent à la surpêche).

Petit chalutier côtier du Croisic très compact
Chalutier hauturier, équipé pour la pêche sur le plateau continental ou en haute mer

Le premier chalutier à vapeur breton, le Kerino, des "Chalutiers de l'Ouest", fut mis en service en 1899 à Lorient. L'équipage voulut vendre sa pêche à des mareyeurs concarnois, mais il ne put la débarquer et dut repartir à la mer sous les menaces et les huées des marins locaux[1].

Le chalutage a été fortement développé au XXe siècle, essentiellement après la Seconde Guerre mondiale et avec le soutien des États et d'instituts tels qu'Ifremer en France, devenant la technique de pêche la plus utilisée dans le monde, comptant pour plus de la moitié des captures mondiales[2]. Des chaluts équipent les bateaux-usines comme les bateaux plus traditionnels de pêche artisanale. Dans les années 1960 le chalut pélagique est devenu courant et les Russes inventent un nouveau type de chalut travaillant à 850 m et plus profondément encore. Dans les années 1980-1990 les records de profondeurs sont pulvérisés et des chaluts commencent dans plusieurs régions du monde à rapidement surexploiter les poissons des grands fonds marins (qui ne se reproduisent que lentement).

Typologie de navires

Ifremer retient la typologie suivante[2]

  • chalutiers de « petite pêche » (6 à 12 mètres) ;
  • chalutiers de pêche côtière (12 à 19 mètres) ;
  • chalutiers hauturiers (20 à 33 mètres) ;
  • chalutiers industriels (33 à 55 mètres) ;
  • chalutiers-congélateurs (supérieur à 50 mètres).

En 2020, le plus grand chalutier du monde est long de 228 mètres avec 49 000 tjb et une capacité de stockage de 14 000 tonnes de poisson. Depuis 2019, son nom est Vladivosktok 2000 (en). Il s'agit d'un ancien pétrolier transformé en 2008.[3].

Le chalut

Chalut étalé sur le quai, derrière le portique d'un petit chalutier

Le chalut est le filet traîné par le chalutier. Il a une forme caractéristique en entonnoir, prolongé à l'ouverture par des ailes pour en élargir la portée. Il peut être tracté par un seul ou par deux navires (on parle alors de « chalutage en bœuf », expression évoquant les bœufs qui tiraient la charrue). Le chalut est traîné par des câbles d'acier appelés « funes ». Il est fermé à son extrémité (le « cul du chalut ») par un cordage dit « raban de cul ». Un système combiné de panneaux, de chaînes (lest) et de lièges ou flotteurs plus techniques (dans le cas de la pêche dans les grands fonds) permet de maintenir béante son ouverture et d'en régler la forme et la profondeur. La dimension des mailles varie des ailes jusqu'au « cul de chalut ». Elle a été réglementée pour mieux sauvegarder les juvéniles.

Les indications du sondeur permettent de maintenir le filet entre la surface et le fond et de le positionner face à un banc de poissons grâce au sonar. Le sondeur sert à connaître la profondeur sous le bateau, la qualité des fonds et éventuellement à détecter les bancs de poissons. Il ne sert en aucun cas à maintenir le chalut à une certaine profondeur. Par contre, le sondeur de corde de dos, netsonde, permet de connaître la distance du chalut du fond et de la surface. À ce moment on agit sur la longueur de câbles (funes) filée afin d'ajuster le niveau du chalut par rapport à celui du banc de poissons. On peut également agir sur la vitesse du navire dans le même but. Le chalutier peut traîner son chalut entre deux eaux (chalutage pélagique) ou sur le fond (chalutage de fond).

Types de chalut

Chalut pélagique

Le chalut pélagique permet de pêcher les poissons de pleine eau, c'est-à-dire entre la surface et le fond, sans être en contact avec lui. Les chaluts pélagiques sont surtout employés pour la capture des poissons « bleus » (sardines, anchois, maquereaux, thons). Les merlus et cabillauds sont des gadidés vivant plutôt sur les fonds, et donc capturés par des chaluts de fonds.

Il peut y avoir confusion avec des chaluts dits « Naberan » qui sont des chaluts bœufs de fond à très grande ouverture. Ces chaluts sont de grandes dimensions avec une grande ouverture afin de capturer le plus de poissons possible.

Chalut de fond

Benthique

Comme son nom l'indique, ce chalut est positionné à proximité du fond. Les espèces ciblées sont dites « benthiques » (par exemple : cabillaud, lieu noir, merlan, églefin...).

Il y a trois façons de tenir un chalut ouvert lorsqu'il pêche.

  1. Avec une poutre fixée sur deux patins : chalut à perche. Le haut du filet (le dos) est fixé sur une poutre de bois ou de métal. Le bas du filet, lesté d'une chaîne, est fixé en bas des patins et traîne sur le fond. L'ouverture du chalut n'est pas très grande : largeur 3 à 6 m, hauteur selon la hauteur des patins. C’est le type le plus ancien, encore utilisé par les crevettiers, qui peuvent en traîner plusieurs à lafois, et dans quelques autres pêches (poissons plats type sole en Hollande par exemple). On peut en voir au port de Dunkerque, par exemple, ainsi qu'en Guyane, etc. Une seule fune suffit pour tirer un tel chalut.
  2. Avec des panneaux. De chaque côté du filet (sur les « ailes »), on fixe une large plaque de bois ou de métal qui va travailler à la façon d'un cerf-volant, mais « à l'envers », c’est-à-dire que lorsque le bateau avance, la pression de l'eau va le faire descendre. Il faut régler soigneusement l'incidence des panneaux pour qu'ils s'écartent bien, descendent bien ensemble, effleurent le fond sans s'enterrer ni au contraire soulever le chalut. Le dos du chalut est soulevé par des flotteurs, le bas est lesté par une chaîne que l'on munit de rouleaux si le fond est rocheux, pierreux, etc.
  3. Entre deux bateaux. (voir section suivante).

Des chaluts permettent depuis les années 1980 une pêche des poissons d'eaux profondes : grenadiers (divers genres et espèces de poissons de la famille Coryphaenoides), lingue bleue, lingue blanche, sabres (diverses espèces appartenant au genre Trichiurus).

Chalut-bœuf

Le chalut-bœuf (Pair trawling pour les anglophones) est traîné par deux bateaux sister-ships ou aux caractéristiques très proches . La manœuvre en est plus délicate, mais permet d'avoir de très gros chaluts dont la gueule est bien plus largement ouverte. Les chalutiers embarquent alternativement les prises. Ils sont par exemple utilisés par les pêcheurs de la Turballe et de Saint-Jean-de-Luz en France ou dans les pays scandinaves. C'est le mode de pêche qui capture le plus de cétacés en Manche où il est utilisé pour la pêche au bar.

Seul le Royaume-Uni a assuré un suivi indépendant, sur plusieurs années, des prises de cétacés par chalut en bœuf, démontrant un niveau des prises accessoires dépassant les seuils critiques pour le chalutage pélagique en bœuf en Manche. Lors de la saison 2003/2004, 169 dauphins communs ont ainsi été tués dans les chaluts (bœufs) anglais de cette zone (pour un total estimé de 439 dauphins pris pour tout le Royaume-Uni cette année-là). La France assurant environ 5/6 de cette pêche, une extrapolation des taux de prises anglais donnerait un total d'environ 2 600 animaux tués en un an en France. Sur ces bases, le gouvernement britannique a demandé en 2004 la fermeture de cette pêche (en mesures d'urgence de la PCE). Cette demande a été refusée par l'Union européenne (UE)[4].

Ce chalutage est particulièrement efficace sur les espèces démersales. Dans les eaux, où le bruit d'un seul navire peut disperser les poissons, deux navires avançant de concert tendent à rabattre le poisson dans l'axe du filet, permettant des captures souvent considérablement supérieures à celles atteintes par le chalutage de fond. Le chalutage en bœuf ciblant le cabillaud au large de la côte de la Nouvelle-Angleterre ont rapporté en moyenne par navire de pêche, des captures de trois à six fois plus élevées qu'avec des chaluts simples[5].

Système de pêche

Schéma de principe du chalut de fond
La poche est hissée, avant d'être ouverte pour tri et préparation du poisson, qui arrive généralement mort sur le pont du fait de la forte variation de pression depuis le fond

Le filet est tracté par le navire (on dit faire « un trait ») de quelques minutes à quelques heures conformément à la stratégie du patron ou du capitaine de pêche, (selon la taille du bateau), puis remonté et hissé sur le pont. Un trait moyen de chalut dure 3 heures, à une vitesse de 2 à 4 nœuds. La « poche » est élinguée puis levée, le nœud de raban qui ferme le « cul » du chalut est défait et les prises se répandent sur le parc. Le filet une fois vidé est remis à l'eau rapidement pour un autre trait, l'équipage se charge alors du tri, de l'éviscération, du lavage et de la mise en glace. À bord des chalutiers industriels, les prises sont descendues dans l'entrepont qui renferme « l'usine ». Elles sont étêtées, éviscérées, lavées, mises en filets, enfin congelées et stockées. L'équipage s'aide de machines du type Baader (machine à éviscérer) pour la préparation du poisson. Les déchets frais sont rejetés directement à la mer.

Les bateaux

Les chalutiers classiques

Les chalutiers classiques pratiquaient la pêche latérale. C'est à dire qu'ils filaient (mettaient à l'eau) et viraient (remontaient à bord) leur chalut sur un côté, les funes passant par des poulies suspendues à deux potences, une à l'avant, l'autre à l'arrière.
Les superstructures se situaient à l'arrière du bateau. Au centre se trouvait la zone de travail et la cale à poisson, entre le gaillard d'avant et la passerelle sous laquelle le treuil était installé transversalement. La coque était renforcée au niveau des panneaux (ou planches) par des "fermes". Lorsque la bateau n'était pas en pêche, les panneaux étaient arrimés entre les potences et le pavois
Ce travail du chalut était plus pénible et dangereux qu'en pêchant par l'arrière.
L'équipage de ces chalutiers était d'ailleurs plus nombreux que celui d'un chalutier pêche arrière de taille équivalente. L'équipage d'un chalutiers de 38 mètres vers 1960 se composait de 18 marins, pont et machine.
Les "classiques" ont navigué jusqu'au début des années 70, où ils ont été remplacés progressivement par les chalutiers de pêche arrière, jusqu'à leur disparition.

Les chalutiers pêche à l'arrière

Les chalutiers péchant par l'arrière mettent à l'eau et virent leur chalut au cul du bateau. Ces manœuvres sont plus faciles qu'à bord des chalutiers classiques et nécessitent un équipage moins nombreux, Douze marins, pont et machine à bord d'un chalutier de 38 mètres, tous les apparaux de manœuvre (enrouleur de chalut, vire-caliornes, treuil de bras...) étant aujourd'hui hydrauliques ou électriques. De plus l'équipage est davantage en sécurité et mieux protégé.
Ces chalutiers ont remplacé les chalutiers classiques à partir des années 60.
Les chalutiers pêche à l'arrière sont les bateaux les plus utilisés dans la pêche et majoritaires dans les ports de pêche. On distingue les unités de pêche artisanale appartenant à un patron-armateur, et les unités de grande pêche ou de pêche industrielle qui appartiennent à un armateur ou à une compagnie d'armement.

Les chalutiers artisanaux

Les chalutiers artisanaux sont la plupart du temps spécialisés dans les espèces nobles de captures comme le colin, la daurade, la lotte, la sole ou la langoustine. En baie de Somme, on chalute la crevette grise. La campagne commence au mois de juin de l'aube jusqu'au milieu de l'après-midi. En Bretagne, la langoustine fait vivre la flottille la plus importante de France. Au Pays basque, l'anchois occupe une grande partie des chalutiers.

Les chalutiers de grande pêche

Ils effectuent des campagnes de plusieurs mois. Ces bateaux sont de véritables usines aménagées pour pêcher, traiter et surgeler le poisson. Le chalut de fond permet de capturer de 500 kg à plusieurs tonnes à chaque remontée du chalut. Comme pour toutes les activités de chalutage au large, le travail se déroule jour et nuit avec une remontée du chalut toutes les deux à cinq heures. Après des décennies de surexploitation des ressources à Terre-Neuve et l'extension des eaux territoriales des États côtiers, la grande pêche française a quitté ses secteurs privilégiés depuis 1992.

Les chalutiers surgélateurs sont apparus en France au début des années 1980 et disposent d'une usine à la pointe de la technologie conforme aux normes sanitaires en matière de denrées alimentaires. Ces chalutiers mesurent plus de 50 mètres et sont spécialisés dans la pêche au merlan, au cabillaud, à l'églefin et au lieu noir. Une fois pêchés, les poissons sont éviscérés, nettoyés, coupés en filets, mis en boîtes, surgelés à −40 °C et enfin entreposés dans des cales frigorifiques. En une journée, jusque quarante tonnes de poissons sont traitées et donnent environ 15 tonnes de produits finis.

Les chalutiers hauturiers

Ils pêchent le lieu noir en Mer du Nord, le maquereau et le chinchard en Manche, la sole, le merlu et la daurade dans l'ouest de la Bretagne et l'ouest de l'Irlande. Les poissons sont conservés dans la glace puis débarqués et vendus à la criée.

Les dangers du métier

Le principal danger est « la croche » : le chalut butte contre un obstacle : rocher, épave, conteneur coulé. Le filet va se déchirer, les funes peuvent être très tendues et se rompre, le navire peut gîter exagérément, voire chavirer. Autre danger pour l'équipage : les panneaux sont très lourds et peuvent blesser[6]. Il arrive aussi qu'à la mise à l'eau, le filet entraîne un homme à la mer.

Exceptionnellement un sous-marin peut se prendre dans le chalut ou l'accrocher et entraîner le chalutier vers le fond. Ce genre d'accident est l'une des hypothèses de travail pouvant expliquer le naufrage du chalutier breton Bugaled Breizh de Loctudy.

Enfin le chalut peut avoir pêché des macrodéchets toxiques ou dangereux et en particulier un voire plusieurs engin explosif mines ou voire des munitions immergées. Il existe de nombreux dépôts de munitions immergées ou munitions perdues à la mer depuis le début du XXe siècle. Ces munitions sont dispersés et fragilisés par les chaluts.
Depuis les années 1990, plusieurs pêcheurs en mer Baltique ont été brûlés par de l'ypérite en rejetant à la mer des munitions non-explosées datant de la Première Guerre mondiale trouvées dans leurs filets. Plusieurs centaines de sites, au large de l'Europe sont ainsi pollués par des séquelles de guerre. Sur nombre d'entre eux (et en particulier sur le Paardenmarkt en Belgique, la pêche est strictement interdite, mais les interdictions ne sont pas toujours respectées et lors des tempêtes ou tsunamis de forts courants marins peuvent localement faire rouler des obus ou torpilles sur le fond et les rendre accessibles.

Histoire du chalut

Dans sa monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle, Pline l'Ancien évoque déjà l'existence du targula[Où ?], une sorte de filet de pêche qui était traîné sur le fond marin. En Europe, les premières références au chalutage apparaissent au XVIIIe siècle : Duhamel de Monceau décrit les chaluts et critique leur impact sur le milieu. Le chalutage semble être né de l'évolution de la technique de la senne de plage et de la drague.[réf. nécessaire]

Alors que les pêcheurs de La Rochelle utilisent depuis des générations des filets appelés dreige ou drague, ces derniers leur valent la visite d'un inspecteur des pêches en 1727, notamment en raison du fait que l'usage de la drague a été interdit en avril 1726 par le roi Louis XV en raison des ravages qu'elle occasionnait sur la reproduction des poissons. Les filets n'ont cependant rien à voir avec la drague destructrice du même nom, et dont l'usage est prohibé, et le , le roi en autorise donc l'usage, à la condition que le filet porte le nom de « rets traversier » ou « chalut ». Les chaluts ressemblant aux chaluts actuels sont quant à eux représentés à partir de 1772. Jusque dans les années 1960, le chalut était filé puis viré par le côté à bord des chalutiers dits "classiques" qui n'existent plus. Ils sont remplacés par des chalutiers dits de "pêche arrière".[réf. nécessaire]

Impacts environnementaux

Chalutier en réparation (Treffiagat).

Une technique (trop) efficace

Le chalut a fortement contribué à la raréfaction de la ressource par surexploitation, en effet ces derniers assurent 50 % des captures mondiales[7]. L'Organisation des Nations unies (ONU), la Food and agriculture organization (FAO) et le monde scientifique ont depuis les années 1990 maintes fois alerté au sujet de cette surexploitation. Cette situation ne s'améliore pas au niveau mondial[8], depuis 2011 plus de 80 % des stocks de poissons sont pêchés au maximum ou au-delà de leur capacité. Ces appels ne semblent que rarement ou tardivement entendus des pays qui contribuent le plus à la surpêche[9],[10], d'autant plus quand ils concernent des zones dans les eaux internationales. Faute d'accord sur les conditions d'exploitation et les modalités du contrôle de cette pêche les initiatives individuelles sont difficiles à concrétiser : la Nouvelle-Zélande qui voit ses stocks de poisson s'effondrer depuis 20 ans, a pris l'initiative d'une réunion internationale visant à créer une organisation régionale d'administration des pêches, à Renaca (Chili). En 2007, cette ORAP regroupant 26 pays a décidé de mettre en place un moratoire sur la pêche au chalut de fond (à partir du ) en haute mer, et uniquement dans le Pacifique sud. Malheureusement, la Russie, dont une flotte de pêche opère dans la zone, a refusé de respecter cette interdiction[11]. Une étude faite dans les années 1990 à l'ouest de l'Angleterre sur des poissons vivant en profondeur en bordure du plateau continental montre que la réduction de leur biomasse à la suite de la pêche au chalut se fait très rapidement (en quelques années), mais d'une manière plus ou moins marquée selon d'espèce (dans ce cas par exemple l'hoplostèthe orange (Hoplostethus atlanticus) semble avoir plus rapidement et fortement décliné que le grenadier de roche coryphaenoides rupestris[12]

Sélectivité et prises accessoire

Si cette technique est très efficace pour capturer de grandes quantités d'organismes marins, sa sélectivité est variable, mais en général médiocre[13], surtout pour les chaluts de fond. Ce fort taux de capture non ciblé pose un grave problème de gestion : les pêcheurs sont tentés de rejeter les espèces dont le quota est déjà atteint ou la taille trop faible et de conserver celles dont le quota n'est pas encore atteint ou la taille suffisante. Étant donnée la mortalité quasi totale après un trait de chalut ces prises ne peuvent être comptabilisées en contrôlant les poissons débarqués, entrainant une sous-évaluation chronique de la pression de pêche. Pour obtenir des données plus fiables l'embarquement d'observateurs des pêches indépendants sur les navires est la seule solution efficace. Ces dernières années le programme d'observateurs embarqués Obsmer[14] en France a enfin permis de collecter des chiffres fiables: les plus grands navires (supérieurs à 18 m) rejettent une fraction importante (de 20 à 36 %), les chalutiers plus petits rejettent jusqu'à 50 % de la biomasse capturée, certains métiers du chalutage s'alignent avec les palangriers pour les fractions rejetées les plus faibles (inférieures à 5 %), comme les chalutiers à lieu noir ou espèce démersale en Ouest Écosse et mer du Nord, et les chalutiers pélagiques bœuf ciblant les thons en Atlantique, ou les dorades et bars en Manche et sud mer du Nord. Cette dernière pêche pose d'autres problèmes[15] : les bars capturés au chalut pélagique en hiver sont effet regroupés pour la reproduction, ces prises massives, parfois plusieurs dizaines de tonnes en un coup de filet, effondrent le cours du poisson qui finit alors en farine (prix de retrait) et pourrait rapidement provoquer une surexploitation de l'espèce[16]. Les chalutiers d'espèces profondes rejettent 20 % de leur capture. L'UE a fixé un objet de 5 % de capture accessoire, ce que certains pêcheurs français jugent irréaliste[17]. Les caractéristiques des chaluts sont strictement encadrées par la réglementation communautaire, qui rend obligatoire, le cas échéant, des dispositifs sélectifs spécifiques (ex: panneaux de mailles carrées, grilles rigides) pour épargner des espèces ou des tailles spécifiques d'organismes marins. Pour autant l'efficacité de ces dispositifs n'est pas parfaite[18] et imposer leur usage est difficile[19], notamment quand il affecte le rendement économique des bateaux[20].

Destruction des habitats sous-marins

Au-delà de la biomasse capturée, le chalut de fond est aussi responsable de blessures ou mortalités sur de nombreuses espèces de fond, et d'une dégradation répétée du fond marin lui-même[21] : de nombreuses études mettent en évidence les dommages physiques et écologiques causés sur les habitats des fonds marins. Les structures biogéniques et géologiques comme les coraux, les éponges, les tubes de vers, les récifs de bivalves, les champs de rochers, les récifs, fournissent aux espèces benthiques des refuges et augmentent leur taux de survie.
Le chalutage du fond dégrade ou détruit ces structures complexes, réduisant massivement la biomasse benthique, au détriment de la pêche elle-même. Ces changements sont pour partie irréversibles à court et moyen terme car ces récifs mettent plusieurs milliers d'années à se former et se peupler. C'est ainsi que les bancs récifaux d'huitre plate (Ostrea edulis L.) qui existaient encore au 19e siècle dans les eaux tempérées de la Mer du Nord notamment devant la côte belge sur des fonds sablo-vaseux sur « un cordon ininterrompu de bancs naturels qui s'étendaient depuis la surface jusqu'à 50 m de profondeur, le long des côtes européennes occidentales depuis la Norvège jusque la France »[22] ont totalement disparu en quelques décennies[22].

En outre les pêcheurs savent que les cadavre et animaux blessés par un premier passage attire d'autres poissons (ou mammifères marins) qui viennent s'en nourrir. Un second passage est souvent plus fructueux mais contribue encore plus à l'épuisement des stocks : des expériences faites dans le Golfe du Saint-Laurent ont montré qu'une heure après le passage d'une drague à coquille, la concentration en poissons sur les traces augmentait de 3 à 30 fois[23].

Le chalut de fond remet en outre en suspension des sédiments entretenant une turbidité défavorable à certains organismes fragiles. L'effet de ces sédiments remis en suspension est à l'origine de la disparition progressive des récifs de coraux d'eau froide en Suède[24]. Certains pêcheurs estiment ne pas avoir plus d'impacts qu'un agriculteur entretenant son champ avec le labour, or cette technique terrestre est elle aussi remise en cause pour des raisons assez proches des critiques du chalut, c'est d'ailleurs un des rares point d'accord entre écologistes [25] et certaines entreprises multinationales[26]. Aujourd'hui il est difficile de nier l'impact négatif du chalutage sur les fonds marins et leur richesse biologique. Les équipements de pêche perdus ou abandonnés par les chalutiers représentent 70% des déchets plastiques flottant à la surface des mers[27].

Le cas particulier des eaux profondes

Voir l'article dédié: Pêche en eaux profondes

Une technique à proscrire dans le cadre de la pêche durable ?

Des organisations non gouvernementales (ONG) environnementales dont Greenpeace et WWF alertent et appellent à l'écosociocertification de la pêche avec des labels tels que le Marine Stewardship Council (MSC), et à une bonne gestion de la ressource halieutique pour éviter d’entrainer la pêche dans une situation de tragédie des communs. Une bonne partie des pêcheries labellisées MSC sont des pêcheries chalutières, qui seraient bien encadrées, bien gérées et aux impacts maîtrisés (ex : lieu noir Ouest Écosse et mer du Nord). De nombreuses évolutions ont marqué l'utilisation du chalut de fond en Europe, avec de constantes augmentations des maillages, des mesures de sélectivité, mais aussi des zones interdites à toute pêche démersale (toutes techniques confondues). Néanmoins ce tableau rassurant est fortement contesté, la durabilité réelle des poissons vendus sous ces labels[28] est remise en cause par certains scientifiques qui contestent l'utilisation même du chalut de fond et s'étonnent de la labellisation de pêcherie pourtant en net déclin par rapport aux données historiques.

Galerie

Voir aussi

Bibliographie

  • Alain Guellaff, Le dernier voyage du Victor Pleven : dans les eaux de Terre-Neuve, Louviers, France, L'Ancre de marine, , 140 p. (ISBN 978-2-841-41195-5, lire en ligne)
  • Jean Tesson, Le chalutier "Téméraire" : 55 hommes à bord : scènes de la vie quotidienne à bord des derniers chalutiers à vapeur terre-neuvas, Louviers, Ancre de marine, , 191 p. (ISBN 978-2-841-41183-2, lire en ligne)
  • Anita Conti et Laurent Girault-Conti, Racleurs d'océans, Paris, Payot, coll. « Voyageurs / Petite bibliothèque » (no 339), (ISBN 978-2-228-89591-0)

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Auguste Dupouy, "Pêcheurs bretons", 1920, réédition Le Signor et Puget, Le Guilvinec, 1978.
  2. IFREMER, Pour une pêche durable
  3. (en) « World's Largest Fish Factory Ship Arrested », sur www.maritime-executive.com/, (consulté le ).
  4. Rapport « Cetacean bycatch and pelagic trawling » (téléchargeable)
  5. (en) John C. Sainsbury, Commercial fishing methods : an introduction to vessels and gears, Oxford Cambridge, Mass., USA, Fishing News Books, , 3e éd., 359 p. (ISBN 978-0-85238-217-2 et 0-852-38217-0, OCLC 33047268)
  6. Vidéo de l'IMP Lorient - La Manœuvre de l'engin de pêche à bord des chalutiers
  7. « Chalutier - Pour une pêche durable »
  8. Christopher Costello, Daniel Ovando, Ray Hilborn, Steven D. Gaines, Olivier Deschenes et Sarah E. Lester, « Status and Solutions for the World’s Unassessed Fisheries », sciencemag.org, vol. 338, no 6106, , p. 517–520 (PMID 23019613, DOI 10.1126/science.1223389, lire en ligne)
  9. Berkowitz H (2014). Le problème de la surpêche et sa gestion. le Libellio, 37.
  10. Giuliani, G., De Bono, A., Kluser, S., & Peduzzi, P. (2004). La surpêche, principale menace pesant sur l'écologie maritime mondiale. Bulletin d'alerte environnementale, 4, 1-4.
  11. « Le Figaro - Actualité en direct et informations en continu », sur lefigaro.fr
  12. Lorance P (1998) Structure du peuplement ichtyologique du talus continental à l'ouest des îles Britanniques et impact de la pêche. Cybium, 22(4), 309-331.
  13. http://archimer.ifremer.fr/doc/00109/21976/19586.pdf
  14. http://www.agriculture.gouv.fr.zopeclasse1.cedre.nexen.net/sections/magazine/dossiers/peche-durable-mer/obsmer-observer-pour
  15. « LE BAR, Espèce en danger ? »
  16. http://archimer.ifremer.fr/doc/2009/rapport-7303.pdf
  17. « Quand la pêche à la langoustine vire au casse-tête »,
  18. http://www.bibliomer.com/documents/notices/2010-5106.pdf
  19. http://www.bibliomer.com/documents/notices/2010-5173.pdf
  20. http://www.adfg.alaska.gov/static/home/library/PDFs/afrb/acklv8n1_all.pdf
  21. http://mcbi.marine-conservation.org/publications/pub_pdfs/DSCC_RedHerrings.pdf
  22. Leloup E, L Van Meel, Polk P, Halewyck R & Gryson A (1960) Recherches sur l'ostréiculture dans le bassin de chasse d'ostende en 1960| Ministère de l'Agriculture |Commission T.W.O.Z | Groupe de travail Ostréiculture
  23. Dugauquier J-P (1984). Le chalutage à perche rapport technique ISTPM, no 10 Institut scientifique et technique des pêches maritimes, archivé par Ifremer.
  24. (en) « Sweden’s only coral reef at risk of dying », sur www.sciencedaily.com, (consulté le )
  25. « Environnement »
  26. « http://www.no-tillfarmer.com/pages/Spre/News-Precision-Planting-To-Be-Acquired-By-Monsanto.php »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  27. « Les déchets de la pêche commerciale », sur Le Figaro,
  28. Yves Miserey, « Les écolabels ne garantiraient pas contre la surpêche », sur Le Figaro,
  29. « chalutiers et thoniers du port de Sète », sur chalutiers-thoniers-sete.e-monsite.com (consulté le )
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