Château et ville close de Champtoceaux

Le château et la ville close de Champtoceaux sont un ensemble fortifié situé à Champtoceaux, en France[1].

Ne doit pas être confondu avec Château de Champtocé.

Le site est inscrit au titre des monuments historiques en 2009[1].

Localisation

Le château est situé dans le département français de Maine-et-Loire, sur la commune de Champtoceaux. Il est installé sur un éperon s'élevant à 70 mètres au-dessus de la Loire et couvre une vingtaine d'hectares.

Historique

Situé à la frontière entre l’Anjou, le Poitou et la Bretagne, la puissante forteresse de Champtoceaux (ou Châteauceaux) est un site stratégique pendant tout le Moyen-Age et change de mains au gré des batailles et des alliances. Elle se situe dans la Marche de Bretagne et fait parie de l’important système défensif qui borde l’ancienne frontière du Duché de l’Atlantique à la Manche, avec les places fortes d’Oudon et d’Ancenis toutes proches. Elle se trouve au centre des principaux conflits de l'époque et voit dans et sous ses murs défiler Jean Sans Terre, Philippe Auguste, Henri II d'Angleterre et Saint Louis.

VIe siècle : première mention du Castrum de Champtoceaux par Grégoire de Tours dans son Historia Francorum, mais son occupation est bien plus ancienne (pierres polies et taillées retrouvées sur le site).

Selon des chroniqueurs Eginhard[2] et Frédégaire[3], Pepin le Bref y aurait séjourné.

Xe siècle : Eble Manzer, comte de Poitiers, cède Champtoceaux aux Normands qui occupent l’embouchure de la Loire[4].

938 : Alain Barbetorte est reconnu «Brittonum dux » après avoir chassé les Normands de la région nantaise. Guillaume Tête d’Etoupe,fils d’Eble Manzer, lui donne Champtoceaux en viager[5].

986 : Renaud de Thuringe, vicomte d’Anjou, demande l’autorisation à Guérech, comte de Nantes, d’élever une forteresse à Champtoceaux sur les ruines du castrum. Celui-ci la lui refuse, mais Renaud de Thuringe passe outre avec le soutien de Foulques Nerra[6].

1040-1044 : Geoffroy de Champtoceaux donne l’église Saint-Jean-Baptise à l’abbaye de Marmoutier qui en fait un prieuré, dotation confirmée par le comte d’Anjou, Geoffroy Martel, preuve que Champtoceaux est sorti de la sphère d’influence des comtes de Nantes[7].

Au XIIe siècle, Champtoceaux passe dans les mains des Crespin, famille d’origine normande liée à la cour d’Angleterre. La forteresse va se trouver mêlée aux luttes entre Plantagenêts et Capétiens.

1141 : révolte des vassaux en Anjou et Normandie contre Geoffroy Plantagenet qui assiège et prend Champtoceaux, selon les Annales de Saint Aubin et de Saint Serge.

1172 : Révolte de trois des fils d’Henri II Plantagenêt contre leur père, soutenus pas les Angevins et les Nantais. Champtoceaux est assiégé par Maurice de Craon, sénéchal d’Henri II, qui prend la forteresse et la détruit[8]. La forteresse est reconstruite par Geoffroy Crespin.

XIIIe siècle : édification du Moulin-Pendu sur la Loire, en contrebas du site fortifié.

1203 : Philippe-Auguste s’empare des possessions continentales de Jean sans Terre pour le punir du meurtre de son neveu Arthur Ier de Bretagne. Champtoceaux passe dans les mains françaises[9].

 : Jean Sans Terre débarque à La Rochelle pour reconquérir ses terres. Thibaud Crespin, seigneur de Champtoceaux, se joint à lui. Champtoceaux est repris par Jean sans Terre qui ne peut s’y maintenir. En 1214, selon de chroniqueur Guillaume le Breton, Jean sans Terre reprend Champtoceaux, mais la ville est reprise par le roi de France la même année. Jean sans Terre abandonne et Tibaut Crespin jure fidélité au roi de France.

1224 : Thibaud Crespin se comporte en véritable brigand, pillant, rançonnant les marchands qui passent sur la Loire au pied de sa forteresse. Il se révolte avec les barons poitevins contre le roi Louis VIII. Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, allié du roi, assiège Champtoceaux. Thibaud Crespin se rend le et s’exile en Angleterre. Le roi donne la ville au duc en remerciement. Possession des ducs de Bretagne, elle est reste néanmoins dans le comté d’Anjou[10], mais les habitants sont exempts de la gabelle, privilège qu’ils conserveront jusqu’à la Révolution. Pierre Mauclerc renforce les défenses de la place forte.

1229 : Profitant de la jeunesse du roi de France Louis IX, qui n'a que quinze ans, Pierre Mauclerc prête hommage au roi d’Angleterre Henri III et s’allie à lui pour reprendre les provinces confisquées aux Plantagenêts. Selon la chronique de Guillaume de Nangis, Louis IX prend la tête de ses armées[11]. Il met le siège devant Champtoceaux, qui capitule. Mais Pierre Mauclerc reprend la ville dès le ban de l’armée française levé. En 1234, nouvelle campagne du roi de France et nouvelle reddition de la place forte.

La Guerre de Succession de Bretagne (1341-1364) voit les familles Monfort (soutenue par les Anglais) et Penthièvre (soutenue par les Français) se disputer la couronne ducale. En 1341, le parti français s'empare de la forteresse. La ville change plusieurs fois de main durant le conflit.

1367 : Selon les dispositions du Traité de Guérande qui met fin à la Guerre de Succession de Bretagne, le comte d’Anjou remet la place forte à Jean IV, duc de Bretagne, fils de Jean de Montfort.

1373 : Jean IV doit fuir en Angleterre à la suite d'un soulèvement général. Charles V en profite pour faire entrer ses troupes dans le Duché sous le commandement de Bertrand du Guesclin. Les places fortes du duché, dont Champtoceaux, s'ouvrent devant lui.

1377 : Champtoceaux est rendu au comte d’Anjou.

1380 : Le second Traité de Guérande rend la ville au duc de Bretagne.

1390 : Champtoceaux est vendu à Olivier de Clisson.

1420 : le duc Jean V ainsi que son frère le comte d'Étampes sont invités à Champtoceaux par Marguerite de Clisson, comtesse douairière de Penthièvre pour y fêter la Saint Valentin et sceller enfin la réconciliation entre les Penthièvre et les Montfort[12]. L'inimitié entre les deux familles est ancienne (Guerre de Succession de Bretagne). Malgré le Traité de Guérande, qui a fixé les règles de succession, la famille de Penthièvre n’a pas renoncé à ses prétentions sur le duché. Les deux fils aînés de Marguerite de Clisson servent dans l'armée du Dauphin, (futur Charles VII). Jean V ayant rallié les Bourguignons[13], le dauphin aurait promis la couronne ducale aux Penthièvre s'ils s'emparaient du duc[14],[15]. Le , Jean V est fait prisonnier par Olivier et Charles de Blois, fils de la comtesse. Il emprisonné dans le second donjon du château, dit Tour du Diable, et menacé de mort.

Mais la réaction en Bretagne est forte : le duché fait corps autour de la duchesse Jeanne de France. L'armée bretonne, soutenue par des troupes anglaises, réduit les places fortes des Penthièvre puis assiège Champtoceaux fin mai, soumettant la ville à un tir d'artillerie incessant. Le duc, déplacé à Clisson, est relâché le et la forteresse se rend. Le Parlement de Bretagne ordonne la confiscation de tous les biens de la famille de Penthièvre, lesquels sont annexés aux domaine ducal. Jean V ordonne la destruction de la ville fortifiée «jusqu’à la pleine terre», maisons, églises et murailles. Les habitants ont trois jours pour quitter les lieux. L'entreprise de démolition dure 10 ans.

La ville est déplacée au sud-est, au pied de l’ancien site fortifié qui reste globalement inoccupé. Le prieuré Saint Jean-Baptiste est relevé et demeure jusqu’à la Révolution. Le château de la Colinière (XIXe siècle) est construit au nord de la basse-cour. L’ancienne place forte forme le parc du château. Le châtelet d'entrée ouest est reconstruit de façon peu convaincante en style néo-gothique.

Dans les années 1820, William Turner réalise plusieurs dessins et aquarelles représentant le site de Champtoceaux et le Moulin-Pendu lors de son voyage sur la Loire[16],[17].

Description

La particularité du site de Champtoceaux est d'avoir préservé les restes d'une ville close et d'un château médiévaux, "gelés" après sa destruction en 1420, avec très peu d'occupations et reconstructions ultérieures de nature à en perturber les vestiges archéologiques. L'ancienne ville close et les ruines du château occupent une superficie d'une vingtaine d'hectares (pour comparaison, la Cité de Carcassone a une superficie de 11 ha).

Le site bordé au Nord par la Loire et au Sud par le ruisseau du Voinard. Selon les descriptions anciennes, celui-ci devait alimenter un étang qui bordait la forteresse au sud. C'est un site facile à défendre : seul l'est du plateau est dépourvu de défenses naturelles. De ce côté, il se prolonge en pente douce vers le site de la ville actuelle, alors que les autres côtés présentent un fort escarpement (jusqu'à 70 mètres de déclivité), le flanc nord étant le plus abrupt. Un fossé important avait été creusé au pied des murailles à l'est, au sud et sud-ouest.

Le sommet de la colline est divisé en trois enclos entourés de remparts (2300 mètres environ de murailles et 14 tours). A l'est, le bourg castral occupe environ 9,5 hectares. A son extrémité ouest, il est séparé par un double fossé de la bayle ou basse-cour (1,2 ha). Après un nouveau fossé, l'ouest de l'éperon est occupé par le château (1,33 ha).

L'ensemble, fortement ruiné, est noyé sous la végétation et ne conserve aucune trace de ses couronnements défensifs, ce qui rend la datation des vestiges difficile.

Le château

Le château communique avec la bayle par un châtelet d'entrée à deux tours situé à l'angle nord-est. Une pile de support de pont se trouve encore au milieu du fossé. Le rempart est conservé jusqu'à 2 m de haut sur la face nord. Il est réduit aux arases sur les autres côtés.

Deux mottes se trouvent dans le périmètre défensif du château. La plus importante, au nord-est, porte les vestiges d'une forte tour et des traces de remparts. La seconde, à l'extrémité ouest de l'éperon, est séparée du reste du château par un fossé et porte les fondations d'un donjon.

On trouve également les vestiges de la chapelle castrale Saint-Pierre, de deux bâtiments, un à l'est et un au sud, d'un escalier menant au donjon et d'une citerne. Il existe un souterrain ouvrant à la surface par deux fontis et dont l'importance n'a pu être déterminé au vu des risques d'éboulement[18].

Le Bayle

La basse-cour est en pente et plus basse que le plateau occupé autrefois par la ville, dont elle est séparée par un double fossé dont le talus central porte des restes de maçonnerie. Il reste la base des deux tours du châtelet d'entrée vers la ville, au nord.

Le bourg castral

La porte donnant côté ville est l'élément le plus visible de la forteresse, mais ne lui rend pas justice : elle ne conserve rien de ses dispositions d'origine en dehors de ses fondations, ayant été reconstruit de façon totalement fantaisiste et peu crédible[19].

Sur les cadastres anciens, un chemin existait sur le flanc sud-ouest de la colline, correspondant peut-être à une autre porte d'accès au bourg ou à la bayle.

Sur les faces est et sud, le rempart est conservé jusqu'à 5 mètres de haut. Il est plus difficile à discerner sur la face nord.

Une motte entourée d'un fossé partiellement comblé se dresse à l'ouest du plateau, près du fossé de la bayle.

Le Château de la Colinière a été édifié au XVIIe siècle et remanié au XIXe siècle avec l'ajout d'un pavillon central portant un belvédère[20].

Près du château, il existe une cavité voûtée sur une quinzaine de mètres, qui se prolonge par trois petites chambres[18].

Situé au nord-est de l'esplanade, l'ancien prieuré Saint Jean-Baptiste, relevé après le siège de 1420, présente d'importants vestiges semblant dater de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe.

On sait qu'il existait également une église paroissiale vouée à Sainte-Madeleine que l'abbé Boutin situait entre la motte et le fossé de la bayle sur son plan de 1913.

Annexes

Bibliographie

  • Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire et de l'ancienne province d'Anjou : A-C, t. 1, Angers, H. Siraudeau et Cie, , 2e éd. (notice BnF no FRBNF33141105, lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

Références

  1. « Anciens chateau et " ville close " », notice no PA49000077, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Eginhard, Annales Francorum, Œuvres complètes d’Eginhard, Teulet, , p 148
  3. Frédégaire, Fredegarii scholastici continuations, Hannovre, Krush, , p 191
  4. Alfred Richard, Histoire des comtes de Poitou, T. 1, Picard, , p 61
  5. René Merlet, La chronique de Nantes, Picard, , p96
  6. René Merlet, La chronique de Nantes, Picard, , p 123
  7. Edmond Martène, Histoire de l'abbaye de Marmoutiers, de Dom Edmond Martène, publiée par M. l'abbé C. Chevalier, Tours, Guilland-Verger et Georget-Joubert
  8. Louis Halphen, Recueil d'annales angevines et vendômoises, Picard, , p 38
  9. Léopold Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, Paris, Durand, , p 228
  10. Pierre-Hyacinthe Morice de Beaubois, dit Dom Morice, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne
  11. Guillaume de Nangis, Vies de Saint Louis et de ses frères, Philippe le Hardi et Robert
  12. Pierre le Baud, Histoire de la Bretagne
  13. Gaston du Fresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, Librairie de la Société Bibliographique,
  14. Pierre Le Baud, Histoire de Bretagne
  15. Alain Bouchart, Grandes chroniques de Bretagne,
  16. « Tate, Joseph Mallord William Turner, Champtoceaux from the North-West. »
  17. « Tate, Joseph Mallord William Turner, Champtoceaux, Loire Valley. »
  18. « Atlas des cavités souterraines–Région sud de la Loire et est du département du Maine et Loire–Dossier no 42.11.49.109 »
  19. « Château féodal et ruine médiévale : Forteresse médiévale de CHAMPTOCEAUX »
  20. « Champtoceaux Au château de la Colinière, on rénove dans l’amour de l’art », sur courrierdelouest.fr
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