Bugsy Siegel
Benjamin Hymen Siegelbaum[1] ( à Brooklyn – à Los Angeles) est un mafieux américain.
Bugsy Siegel est connu pour être un des gangsters les plus infâmes et les plus redoutés de son époque[2]. Il fait partie de la Yiddish Connection. Décrit comme beau et charismatique, il est devenu l'un des premiers gangsters célèbres à faire les premières pages des journaux[3]. Il est aussi connu pour avoir été un des pionniers dans le développement du Strip de Las Vegas[4]. Siegel est non seulement influent au sein de la mafia juive mais, comme son ami et associé dans le gangstérisme Meyer Lansky, il a une influence significative au sein de la mafia américaine et du Syndicat national du crime juif et italien. Son surnom Bugsy (qu'il valait mieux ne pas prononcer devant lui), signifiant « le dingue », faisait référence à son tempérament sanguin.
Bugsy Siegel est l'un des fondateurs et dirigeants de Murder, Inc.[5] et devient bootlegger pendant la prohibition. Après l'adoption du vingt-et-unième amendement abrogeant l'interdiction de la consommation et de la vente d'alcool en 1933, il se tourne vers le jeu. En 1936, il quitte New York pour la Californie[6]. Son rôle en tant que gangster (bien qu'il ait finalement dirigé ses propres opérations) est principalement celui d'homme de main et de tueur à gages, connu pour ses prouesses avec des fusils et pour sa propension à la violence. En 1939, Siegel est jugé pour le meurtre du gangster Harry Greenberg. Il est acquitté en 1942.
Bugsy Siegel se rend à Las Vegas, au Nevada, où il finance et gère certains des tout premiers casinos[6]. Il assiste ainsi l'investisseur du Flamingo Hôtel William R. Wilkerson après que celui-ci a manqué de fonds[7]. Siegel boucle financièrement le projet et supervise les dernières étapes de la construction du Flamingo, qui ouvre le 26 décembre 1946. Mais l'établissement, qui n'est pas complètement terminé, reçoit un mauvais accueil et doit rapidement être fermé. Il rouvre alors en mars 1947, une fois l'hôtel terminé. Mais Siegel n'a pas le temps d'en voir les fruits : trois mois plus tard, le 20 juin 1947, il est abattu au domicile de sa petite amie Virginia Hill, à Beverly Hills, en Californie.
Biographie
Jeunes années
Benjamin Hymen Siegelbaum, né le 28 février 1906 à New York[8], grandit dans le quartier pauvre et multiethnique de Williamsburg à Brooklyn[9],[10],[11]. Il est le deuxième d'une famille juive pauvre de 5 enfants. Sa famille a émigré de la région de Galicie, appartenant à l'époque à l'Empire Austro-Hongrois[1],[12],[13].
Ses parents Jennie (Riechenthal) et Max Siegel travaillent de manière constante pour de maigres salaires[14]. Enfant, Siegel quitte l'école et rejoint un gang sur Lafayette Street dans le Lower East Side de Manhattan. Il commet principalement des vols jusqu'à ce qu'il rencontre Moe Sedway, avec qui il développe une activité de racket de protection dans laquelle il menace d'incendier la marchandise des propriétaires de magasin de poussettes s'ils ne paient pas un dollar[15],[16]. À cette époque, Siegel a déjà un casier judiciaire datant de ses années d'adolescence, incluant vols avec arme, viol et meurtre[17].
Bugs and Meyer Mob
Durant son adolescence, il rencontre et se lie d'amitié avec Meyer Lansky[18]. Ce dernier forme déjà une petite mafia dont les activités sont le jeu et le vol de voitures. Lansky, qui a déjà dirigé une activité illicite avec Charles Luciano dit « Lucky », voit un besoin pour les jeunes juifs de Brooklyn de s'organiser comme les Italiens et les Irlandais. Il décide de créer un gang et la première personne qu'il recrute est Siegel[19].
Siegel s'implique dans le trafic d'alcool de contrebande dans plusieurs grandes métropoles de la côte Est. Il est aussi employé comme tueur pour la mafia, à qui Lansky loue ses services pour d'autres familles mafieuses[20]. À eux deux, ils forment le Bugs and Meyer gang qui est impliqué dans plusieurs opérations de contrebande d'alcool à New-York et dans le New-Jersey, réalisant ce que le Murder Inc. fera près d'une décennie plus tard. Le gang est très impliqué dans le détournement de cargaisons d'alcool des gangs rivaux[21]. Le Bugs et Meyer Gang est aussi responsable de l'assassinat et de l'élimination de plusieurs figures rivales du crime organisé[22].
Les membres du gang sont Abner Zwillman dit "Longie", Louis Buchalter dit "Lepke", Jake Meyer le frère de Lansky et Joseph Stacher dit "Doc", un membre de la bande qui rappela aux biographes de Lansky que Siegel était intrépide et sauvait la vie de ses amis lors des opérations de contrebandes d'alcool, ainsi qu'il le rapporta à Uri Dan : « Bugsy n'a jamais hésité lorsque le danger les menaçait. (...) Alors que nous essayions de déterminer quelle était la meilleure décision à prendre, Bugsy tirait déjà. En ce qui concerne l'action, il n'y avait personne de meilleur. Je n'ai jamais connu un homme ayant autant de cran. »[23]. Siegel est aussi un ami d'enfance d'Al Capone. Lorsque Capone fait l'objet d'un mandat d'arrêt pour meurtre, Siegel l'autorise à se cacher chez une tante[24].
Siegel expérimente l'opium durant sa jeunesse et sera plus tard impliqué dans le trafic de drogue[25]. À l'âge de 21 ans, il gagne beaucoup d'argent et en fait étalage. Il est alors perçu comme un bel homme aux yeux bleus[26], charismatique et sympathique[27]. Il achète un appartement à l'hôtel Waldorf Astoria et une maison Tudor à Scarsdale à New-York. Il porte des vêtements flashy et participe à la vie nocturne new-yorkaise[13],[28].
Du 13 mai au 16 mai 1929, Lansky et Siegel assistent à la conférence d'Atlantic City, représentant la Bugs and Meyer Mob[29]. Luciano et l'ancien parrain du Chicago Outfit Johnny Torrio dirigent la conférence au Ritz-Carlton Hôtel à Atlantic City, dans le New-Jersey. Lors de la conférence, les deux hommes discutent du futur du crime organisé et des futures structures des familles mafieuses. Siegel dit : « Les jeunes et les vieux ne se battront pas les uns contre les autres ».
La relation de Siegel et Meyer Lansky restera toujours privilégiée au sein du Syndicat du crime et on représente souvent leur association comme étant l'addition des muscles et de l'audace du premier, au cerveau et à la prudence du second. Leur gang compta dans ses rangs de futures célébrités du crime organisé, comme Lepke Buchalter, Dutch Schultz ou Abner « Longie » Zwillman qui devint l'un des principaux racketteur du New Jersey. Outre le racket, le gang était spécialisé dans le trafic d'alcool pendant la Prohibition aux États-Unis. Bugsy Siegel était également employé comme schlammer (briseur de grève), sauf quand les syndicats le payaient davantage que les patrons, et officiait de temps à autre comme tueur à gages.
Murder Incorporated
À la fin des années 1920, Lansky et Siegel ont des relations avec Luciano et Frank Costello, futurs parrains de la famille Genovese. Siegel, Albert Anastasia, Vito Genovese et Joe Adonis sont les quatre hommes qui vont abattre le parrain de la mafia de New-York, Joe Masseria, sur les ordres de Luciano le 15 avril 1931, mettant ainsi fin à la guerre de Castellammarese[30],[31]. Le 10 septembre de la même année, Luciano engage quatre hommes du gang de Lansky-Siegel (dont Siegel ferait partie selon certaines sources[32],[33]) pour assassiner Salvatore Maranzano dans son bureau de New-York, établissant l'ascension de Luciano au sommet de la mafia qui marque aussi le début du crime organisé moderne[34].
En 1931, suivant la mort de Maranzano, Luciano et Lansky forment le Syndicat National du crime[35], une organisation qui structure la mafia américaine[5],[36]. La Commission est établie pour diviser le pouvoir des familles mafieuses sur leurs territoires afin d'éviter les conflits et les guerres de gang[5]. Avec ses associés, Siegel forme alors le Murder Incorporated, la branche gérant les assassinats au sein du crime organisé. Après que Siegel et Lansky ont quitté l'organisation, la direction de Murder Inc. est cédée à Buchalter et Anastasia[37]. Siegel a œuvré au sein de l'organisation comme tueur[38]. La seule condamnation de Siegel inscrite à son casier judiciaire date du 28 février 1932, où il est arrêté pour jeux et vagabondage à partir d'un rouleau de factures. Il doit payer une amende de 100 $[4].
Durant cette époque, Siegel a un désaccord avec les frères Fabrizzo, associés de Waxey Gordon. Gordon avait engagé les frères Fabrizzo depuis sa prison après que Lansky et Siegel l'aient dénoncé aux impôts (Internal Revenue Services) pour fraude fiscale. Ce qui mène à l'incarcération de Gordon en 1933[22].
Siegel se met à la recherche des frères Fabrizzo, les tuant après qu'ils ont commis une tentative d'assassinat sur lui et Lansky[39]. Après la mort de deux de ses frères, Tony Fabrizzo commence à écrire ses mémoires et les donne à son avocat. Un des chapitres les plus longs est la section qui concerne la brigade nationale de tueurs à gages dirigée par Siegel. La mafia découvre les plans de Fabrizzo avant qu'il ne les mette à exécution[40]. En 1932, Siegel se fait enregistrer à l'hôpital et, plus tard dans la nuit, s'en échappe. Siegel et deux complices vont alors au domicile de Fabrizzo, l'attirent à l'extérieur en se faisant passer pour des policiers et l'abattent[41]. L'alibi de Siegel pour cette nuit est son enregistrement à l'hôpital[40]. En 1935, Siegel assiste à l'alliance de Luciano avec Dutch Schultz. Il est suspecté au même moment d'avoir tué des rivaux qui se livraient aux prêts à taux usuraire, Louis "Pretty" Amberg et Joseph C. Amberg[42],[43].
La Californie
Siegel apprend par ses associés qu'il est en danger. Son alibi de l'hôpital est remis en doute et ses ennemis veulent sa mort[44]. À la fin des années 1930, la mafia de la côte est envoie Siegel en Californie[15]. Depuis 1933, il a voyagé plusieurs fois sur la côte Ouest[45] et en Californie, où sa mission est de développer le racket dans le domaine du jeu avec le parrain de la famille de Los Angeles, Jack Dragna[46]. Une fois installé à Los Angeles, Siegel recrute le chef de gang Mickey Cohen comme lieutenant-chef[47]. Connaissant la réputation de Siegel pour la violence et le soutien de Lansky et Luciano, qui depuis sa prison lui envoie le mot « dans ton intérêt de coopérer », Dragna accepte un rôle de subalterne[48]. Siegel fait venir Esta et ses filles, Millicent et Barbara, de Californie. Pour sa déclaration de revenus, il affirme gagner sa vie grâce au jeu légal au Santa Anita Park près de Los Angeles[49]. À Los Angeles, il prend le contrôle de nombreux rackets[50] et utilise l'argent pris aux syndicats pour créer une route pour le trafic de stupéfiants depuis Mexico vers les États-Unis et favoriser l'expansion des circuits du réseau national d'information sur les paris du Chicago Outfit, la Trans America[51],[52].
En 1942, les opérations provenant du réseau du syndicat de bookmaking génèrent quotidiennement 500 000 $[50]. En 1946, à cause des problèmes avec Siegel, le Chicago Outfit prend le contrôle du Continental Press et donne le pourcentage provenant du réseau des courses à Dragna, ce qui rend furieux Siegel[52],[53]. Malgré ses problèmes avec les services du réseau, Siegel contrôle plusieurs casinos offshore[54] et un important réseau de prostitution[20]. Il maintient aussi des relations avec des politiciens, hommes d'affaires, avocats, comptables et lobbyistes qui agissent pour lui[55].
Hollywood
À Hollywood, Siegel fréquente la haute société et se lie d'amitié avec des stars de cinéma[3]. Il est connu pour fréquenter George Raft, Clark Gable, Gary Cooper et Cary Grant[56] aussi bien que les patrons de studio comme Louis B. Mayer and Jack L. Warner. Il est l'ami de l'actrice Jean Harlow, cette dernière est la belle-mère de sa fille Millicent. Siegel acquiert une belle villa à Beverly Hills[51], dans laquelle il offre de grandes fêtes très coûteuses. Il est admiré par de jeunes étoiles montantes comme Tony Curtis, Phil Silvers et Frank Sinatra.
Siegel a plusieurs relations avec des actrices incluant Dorothy DiFrasso, la femme d'un comte italien. Sa relation avec la comtesse le fait aller en Italie en 1938[57], où il rencontre Benito Mussolini. Siegel tente de lui vendre des armes. Il rencontre les leaders nazis Hermann Göring et Joseph Goebbels qu'il a immédiatement détestés et il proposera plus tard de les tuer[58],[59],[60]. Il renonce à ses projets à la suite des arguments de la comtesse qui était inquiète pour lui[56].
À Hollywood, Siegel travaille avec les syndicats pour créer des rackets illégaux[48]. Il met au point un plan pour racketter les studios de cinéma. Pour cela, il prend le contrôle des syndicats locaux (le Screen Extras Guild et le Los Angeles Teamsters) et lance des gréves pour forcer les studios à le payer. Après la paiement, les grèves cessent et le travail reprend[52]. Il emprunte également de l'argent à des célébrités et ne les rembourse pas, sachant pertinemment qu'elles n'oseraient jamais demander leur argent[61],[62]. Durant sa première année à Hollywood, il récupère ainsi plus de 400 000 $ de prêts auprès de ces stars de cinéma.
Meurtre de Greenberg et procès
Le 22 novembre 1939, Siegel, Whitey Krakower, Frankie Carbo et Albert Tannenbaum tuent Harry Greenberg dit "Big Grennie" à l'extérieur de son appartement. Greenberg avait menacé de devenir un informateur pour la police[63] et Louis Buchalter, patron du Murder Incorporated, a ordonné son assassinat[64]. Tannenbaum confesse le crime[65] et accepte de témoigner contre Siegel[66]. Siegel et Carbo étaient impliqués dans le meurtre de Greenberg et en septembre 1941, Siegel doit répondre à une accusation de meurtre devant le tribunal[67]. Krakower est assassiné avant la tenue du procès[68]. Le procès de Siegel gagne en notoriété lorsque le public apprend qu'il reçoit un traitement préférentiel en prison : il refuse de manger la nourriture de la prison et est autorisé à recevoir des visiteurs féminins. Il est aussi autorisé à sortir de la prison pour aller voir le dentiste[50],[69]. Siegel engage l'avocat Jerry Giesler pour le défendre. Après la mort des deux témoins-clef[50],[70], aucun autre témoignage ne vint s'ajouter. Le témoignage de Tannenbaum est rejeté[71]. En 1942, Siegel et Carbo sont acquittés pour manque de preuves[71], mais la réputation de Siegel est entachée. Durant le procès, les journaux révèlent son passé et révèlent son surnom "Bugs". Surnom qu'il déteste (terme argotique signifiant insecte, pris au sens de "fou" et qui est utilisé pour décrire un comportement erratique), il préfère être appelé "Ben" ou "Mr Siegel"[72]. Le 25 mai 1944, Siegel est arrêté pour bookmaking. Raft et Mack Gray témoignent en sa faveur et à la fin de 1944, Siegel est une fois encore acquitté[73].
Las Vegas
En 1945, Bugsy Siegel s'intéresse à Las Vegas, un village perdu dans le désert du Nevada. Il cherche à réinventer son image personnelle et à s'orienter vers des activités légales en s'associant à William R. Wilkerson, propriétaire du Flamingo Hotel[74]. Dans les années 1930, Siegel voyage dans le sud du Nevada avec le lieutenant de Lansky, Moe Sedway, pour explorer le développement de potentielles opérations. Ils trouvèrent des opportunités en procurant des services illicites aux équipes de construction du Boulder Dam. Lansky a délégué le contrôle des opérations au Nevada à Siegel, qui lui-même avait délégué à Sedway lorsqu'il quitte le Nevada pour Hollywood[75],[76].
Vers la moitié des années 1940, Siegel se ré-intéresse à Las Vegas alors que ses lieutenants travaillent avec des politiques pour légaliser les jeux et les paris à Los Angeles[77]. En mai 1946, il décide que l'accord avec Wilkerson doit cesser pour qu'il puisse contrôler le Flamingo[78]. Avec le Flamingo, Siegel est capable de fournir le jeu, les meilleures liqueurs et nourriture et les plus grandes stars du monde du spectacle à des prix raisonnables. Il estime que ces attractions n'attireront pas que les gros joueurs mais aussi des milliers de vacanciers capable de jouer 50$ ou 100$[54]. Wilkerson doit vendre toutes ses parts du Flamingo sous la menace de mort et va se cacher à Paris pour un temps[79]. Le Flamingo est géré par un syndicat[80].
Les débuts de Las Vegas
Siegel entame une frénésie dépensière. Il veut construire le meilleur bâtiment que l'argent puisse acheter durant cette période d'après-guerre caractérisée par la disette. Alors que les coûts explosent, ses chèques commencent à être refusés. En octobre 1946, les coûts de construction du Flamingo dépassent les 4 millions $[74]. En 1947, les coûts sont au-delà des 6 millions $ (soit l'équivalent de 60 millions $ de 2018)[81]. À la fin novembre de cette année, les travaux sont presque terminés[82].
Selon des témoignages ultérieurs fait par des observateurs locaux, « les bouffées de folie des grandeurs délirantes » établissent la marque de fabrique de plusieurs générations de dirigeants de casino[20]. Sa réputation d'homme violent n'aide en rien la situation. Après s'être vanté d'avoir personnellement tué des gens, il voit le regard paniqué de l'investisseur principal Del Webb et tente de le rassurer : « Del, ne t'inquiète pas, nous nous tuons seulement entre nous »[83]. D'autres associés font un portrait différent de Siegel. Pour eux, il était un personnage entier, non sans avoir un côté charitable, incluant ses dons pour le fonds du lutte contre le cancer Damon Runyon[20]. Lou Wierner Jr., l'avocat de Siegel à Las Vegas, le décrit comme « très aimé » et « bon avec les gens »[20].
Défiance et dévastation
Les problèmes avec le service du réseau Trans-America disparurent au Nevada et en Arizona, mais en Californie, Siegel refuse de signaler l'affaire[77]. Il annonce plus tard à ses collègues qu'il va diriger le syndicat californien lui-même et qu'il remboursera le prêt en temps et en heure. En dépit de la méfiance des parrains mafieux, ils se montrèrent patients envers lui parce que Siegel s'était toujours montré un homme de parole[84].
Le Flamingo ouvre le 26 décembre 1946, à ce moment seuls le casino, le lounge, le théâtre et le restaurant sont terminés[85]. Bien que les personnalités locales attendent l'ouverture, quelques célébrités font leur apparition, en provenance de Los Angeles malgré le mauvais temps. George Raft, June Haver, Vivian Blaine, Sonny Tufts, Brian Donlevy et Charles Coburn sont accueillis par le bruit du chantier en construction et pénètrent dans un hall d'entrée couvert par les bâches. L'air du désert chargé de sable fait que l'air conditionné tombe en panne régulièrement.
Pendant que les tables de jeu fonctionnent, les chambres luxueuses qui doivent servir à attirer les gens et les inciter à rester pour jouer ne sont pas prêtes. Alors que les nouvelles des pertes se font concrètes pour Siegel pendant la soirée, il commence à devenir furieux et verbalement violent, expulsant au moins une famille[86]. Après deux semaines, les tables de jeu du Flamingo affichent une perte de 275 000 $ et le casino s'arrête fin janvier 1947[87].
Après avoir obtenu une deuxième chance, Siegel fait tout son possible pour faire du Flamingo un succès en effectuant des rénovations et tentant d'obtenir une bonne presse. Il engage le futur journaliste Hank Greenspun en tant que publiciste. L'hôtel rouvre ses portes le 1er mars 1947, avec Lansky qui a fait le voyage[88], et commence à dégager des bénéfices[89],[90]. Cependant, au moment où les bénéfices commencent à rentrer, les chefs de la mafia qui lui ont fait un prêt sont fatigués d'attendre. Son exécution est décidée lors de la conférence de la Havane.
Mort
Dans la nuit du , alors que Siegel est assis avec son associé Allen Smiley dans la maison de sa maîtresse, Virginia Hill, à Beverly Hills, lisant le Los Angeles Times, un assaillant inconnu fait feu sur lui à travers la fenêtre avec une carabine M1 d'un calibre 30. Il est touché par plusieurs balles, dont deux tirs à la tête[20]. Personne n'est accusé de l'assassinat de Siegel et le crime demeure officiellement non résolu[4],[91].
Une des théories sur la mort de Siegel est due à ses dépenses excessives concernant la construction du Flamingo et d'un possible détournement de fonds de la mafia au profit de sa maîtresse, Virginia Hill, sur un compte numéroté en Suisse[92],[93]. En 1946, une réunion des cadres de la mafia a lieu à l'hôtel Nacional à la Havane à Cuba, c'est la conférence de la Havane. Luciano, pourtant exilé en Sicile, y assiste également. À l'issue de la conférence, plusieurs décisions ont été prises, dont celle de mettre un contrat sur la tête de Siegel[94]. Selon Stacher, même Lansky, à contre-cœur, a dû accepter la décision[95].
Une autre théorie est qu'il aurait été abattu de manière préventive par Mathew Pandza dit "Moose", l'amoureux de la femme de Sedway, Bee, qui serait aller voir son amant pour le prévenir que Siegel menaçait de tuer son mari. Selon cette version, Siegel aurait en effet été de plus en plus mécontent du contrôle que Sedway exerçait sur ses finances, à la demande expresse de la mafia[96]. L'ancien parrain de la famille de Philadelphie, Ralph Natale affirme pour sa part que Carbo serait responsable du meurtre de Siegel, sur la demande de Lansky[97].
Bien que des descriptions expliquent que l'on ait tiré dans l'œil de Siegel, il a en fait été frappé par deux tirs sur le côté droit de la tête. La scène de l'agression et les photographies post-mortem montrent qu'un tir a pénétré par la joue droite et est sorti du côté gauche de son cou, et que l'autre tir a touché le côté droit de son nez où il rencontré le cratère orbital droit. La pression exercée par la balle à travers le crâne de Siegel a éjecté l'œil gauche de son orbite. Le rapport du médecin légiste de Los Angeles (#37448) explique que la cause de la mort est due à une hémorragie cérébrale. Son certificat de décès (enregistrement #816192) affirme que la mort est un homicide causé par « des blessures par armes à feu au niveau de la tête »[98].
Bien que le tir n'ait pas exactement atteint l'œil de Siegel (le globe oculaire aurait été détruit dans ce cas), le style de l'assassinat par balle à travers l'œil devient célèbre dans la tradition mafieuse et dans les films. À tel point qu'on appelle ce coup "le Moe Green Special"[99], d'après le personnage de Moe Greene basé sur Siegel, et du fait qu'il soit assassiné de la même manière dans le Parrain. Siegel est quant à lui atteint par d'autres balles, incluant des tirs dans ses poumons[52]. Selon, Florabel Muir : « Quatre des neuf tirs tirés cette nuit ont détruit une statue de marbre blanc de Bacchus sur un grand piano et se sont logées dans le mur du fond. »
Le lendemain de la mort de Siegel, le Los Angeles Herald-Express montre une photographie en première page provenant de la morgue, exhibant le pied droit nu de Siegel avec une étiquette à l'orteil[100]. Bien que le meurtre de Siegel ait eu lieu à Berverly Hills, sa mort a propulsé Las Vegas sous les projecteurs nationaux et alors que des photographies de son corps sans vie sont publiées dans des journaux à travers tout le pays[51]. Le lendemain du meurtre de Siegel, David Berman et ses associés à Las Vegas, Sedway et Gus Greenbaum, entrent dans le Flamingo et reprennent l'exploitation de l'hôtel et du casino[101].
Vie privée
Le 28 janvier 1929, Siegel se marie avec Esta Krakower, son amour d'enfance. Ensemble, ils ont deux filles, Millicent Siegel (plus tard Millicent Rosen) et Barbara Siegel (plus tard Barbara Saperstein), née en 1936, décédée le 30 novembre 2018[102]. Siegel a une réputation d'homme à femmes et il multiplie les maîtresses. Son mariage prend fin en 1946. Sa femme déménage avec leurs enfants adolescents à New York. À la suite du divorce, il vécut une relation libre avec Virginia Hill, qui serait la raison de son divorce avec Esta. Sa fille aînée Millicent, née le 14 janvier 1931, décédée le 17 novembre 2017, mariée avec Jack Rosen, fils de l'associé mafieux Morris Rosen, a tenté sur la fin de sa vie de réhabiliter l'image de son père en travaillant avec le Mob Museum de Las Vegas. Elle fait valoir que son père était un visionnaire car il a fondé le Las Vegas moderne[103].
Mémorial
Dans la synagogue Bialystoker du Lower East Side de New York, Siegel est commémoré par une plaque Yahrtzeit (souvenir) qui marque sa date de décès afin que les personnes en deuil puissent dire le Kaddish pour l'anniversaire. La plaque de Siegel est inférieure à celle de Max Siegel, son père, décédé deux mois seulement avant son fils. Sur la propriété du Flamingo à Las Vegas, entre la piscine et la chapelle de mariage, se trouve une plaque commémorative dédiée à Siegel[104]. Siegel est enterré au Hollywood Forever Cemetery à Hollywood, en Californie[105].
Dans la culture populaire
Chanson
- Tom Waits lui consacre une chanson, parue en 1980 sur son album Heartattack and Vine
- Snoop Dogg fait référence à lui et à sa participation à l'essor de Las Vegas, dans la chanson 2 of Amerika's Most Wanted avec 2Pac
Chanteur
- Le rappeur français Stomy Bugsy s'appelle ainsi en référence à Bugsy Siegel.
Films
- 1972 : Ben « Bugsy » Siegel a inspiré le personnage de Moe Greene dans Le Parrain de Francis Ford Coppola.
- 1984 : James Woods a interprété le rôle de Max Bercovicz, inspiré de Bugsy Siegel, dans le film Il était une fois en Amérique de Sergio Leone.
- 1991 : Warren Beatty a interprété le rôle de Ben « Bugsy » Siegel dans le film Bugsy de Barry Levinson.
- 1991 : Richard Grieco joue le rôle de Bugsy Siegel dans Les Indomptés réalisé par Michael Karbelnikoff.
- 1991 : Armand Assante interpréte Bugsy Siegel dans La Chanteuse et le Milliardaire de Jerry Rees.
Jeux vidéo
Le personnage de Benny présent dans le jeu Fallout: New Vegas est fortement inspiré de Bugsy Siegel.
Bugsy Siegel apparaît également sous son véritable nom dans le jeu L.A. Noire.
Séries télévisées
- En 2013, Edward Burns interprète ce rôle dans la série de Frank Darabont Mob City. Pour cette série, le gangster aurait été abattu par un policier ripoux qu'il faisait chanter.
- En 2014, Michael Zegen joue le rôle du jeune Bugsy Siegel dans la série HBO : Boardwalk Empire.
Romans
- Tim Powers, Poker d'âmes, 1993
- James Lee Burke, Comment Bugsy Siegel est devenu un ami à moi, extraite du recueil Jésus prend la mer (paru en traduction française en 2010 aux éditions Payot & Rivages). Burke fait aussi référence à Siegel dans son roman L'Emblème du croisé, 2009.
- James Ellroy, Perfidia, 2015
Bande-dessinée
- Bugsy Siegel est l'un des personnages secondaires récurrents de la bande dessinée De silence et de sang (François Corteggiani, Marc Malès et Jean-Yves Mitton, éditions Glénat, 10 tomes).
- Une mention est faite sur Ben Siegel dans le premier tome de la bande dessinée Arcane majeur de Jean-Pierre Pécau.
- Bugsy Siegel est aussi mentionné dans l'album Dans la paume du diable de Mathieu Mariolle et Kyko Duarte, éditions Glénat.
- Dans les tomes 7 et 8 de la série Pin-Up, publié chez Dargaud, Bugsy Siegel est mentionné et sa fille Millicent apparaît (ces numéros constituent, avec le 9, le Cycle de Las Vegas).
Notes et références
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Annexes
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