Bromance
Une bromance est une amitié forte entre deux ou plusieurs hommes[1], avec un niveau émotionnel élevé et des démonstrations d'intimité fortes, sans composante sexuelle.
Origine
Dans l’histoire, les amitiés exclusives et les démonstrations d’affection entre hommes étaient fréquentes. Citons David et Jonathan dans la bible[2]. Dans la littérature française du Moyen Âge, il y a eu la relation entre Ami et Amile[3],[4],[5]. Selon l’historienne canadienne Louise Bienvenue, dans les années 1930, l’amitié masculine intime entre les jeunes hommes du Cours classique était fréquente, ainsi que l’expression de leurs affections pour leurs amis[6]. Cela était valorisée au sein de l’élite. Dans le début du XIXe siècle, aux États-Unis, l’amitié masculine intime avec contacts physiques était également courante, comme l’illustre les photos du livre Bosom Buddies: A Photo History of Male Affection[7]. Cela a continué ainsi, jusque dans les années 1950. En effet, dans la seconde moitié du XXe siècle, la compagnie masculine étroite est devenue plus taboue, en raison d'amalgames entre amitié masculine et homosexualité[8].
Étymologie
Le mot bromance est un mot-valise anglais composé de l'abréviation de brother (bro), voulant dire frère, et de romance qui signifie idylle en français[9], formé à l'exemple de nombreux autres mots-valises à partir de «bro», comme « brogrammer (en) » (programmeur bro), «broscience» (désinformation dans un milieu masculin, particulièrement dans le monde du bodybuilding[10]), «curlbro» (bro adepte des exercices curl de musculation)[11], le terme «bro» portant les connotations de sexisme associées à la culture Bro[12]. Il n'en existe pas de traduction ni d'intégration officielle en français actuellement et le mot est employé tel quel, au féminin[13],[14]. L'Office québécois de la langue française propose comme traduction officielle « amitié virile »[15].
David Carnie (en) est crédité pour avoir forgé le terme comme rédacteur en chef du magazine de skateboard Big Brother dans les années 1990, pour désigner spécifiquement le genre de relations qui se développent entre les skaters qui ont passé beaucoup de temps ensemble[16]. Le terme s'est popularisé à partir de 2005, lorsque le thème est venu plus au premier plan dans l'industrie cinématographique[16].
Caractéristiques
La bromance a été examinée à partir de points de vue tels que l'historiographie, l'analyse du discours, la recherche en sciences sociales et la théorie queer dans des magazines et des livres[17],[18]. L'émergence de la bromance au cours du XXIe siècle a été considérée comme un reflet de la façon dont la société a collectivement changé sa perception et l'intérêt pour le thème[17] ,[18].
Plusieurs caractéristiques de bromance ont été cités. La bromance transmet une relation homosociale mâle qui va beaucoup plus loin que les pratiques homosociales traditionnelles[17]. La proximité accrue va au-delà d'être de simples amis. Son émergence en tant que genre conceptuel distinctif et thème dans l'industrie du cinéma et de la télévision est considérée comme un reflet d'une «acceptation plus large des expressions culturelles non hétéronormative ainsi que la perspective d'une intimité de même sexe qui transcende les questions d'orientation sexuelle»[17]. Les circonstances culturelles contemporaines et des éléments spécifiques de la représentation de la bromance dans les films et la télévision démontrent une construction sociale différente[17].
Selon une étude américaine de 2012, la société a pris un intérêt collectif à un réexamen de certaines des contraintes traditionnelles sur l'amitié masculine, et potentiellement remodeler les constructions de genre, la sexualité et l'intimité[19].
La bromance fournit "un cas d'étude des contraintes d'exclusivité dans l'Amérique du XXIe siècle "[19]. Ceci est à la différence des connotations de l'amitié romantique, une terminologie de l'érudition historique du XXe siècle qui décrit les relations homosociales, qui était devenue moins fréquente dans la seconde moitié du XIXe siècle. À cette époque, l'intimité physique potentielle entre les amis de même sexe en était venu à être considéré avec anxiété[20]. D'une part, l'intérêt social dans le thème est venue avec l'industrie cinématographique, puis cela a influencé la société en général, en explorant les mentalités des peuples et en abordant l'acceptation des "autres types de relations" entre les personnes.
Le concept a également été considéré comme un reflet d'une plus grande "expressivité"[17]. L'expérience de l'amitié et de la masculinité, peut-être en raison de l'ouverture des styles d'éducation parentales des années 1970, reflètent une tendance vers une plus grande ouverture émotionnelle, avec une augmentation de l'expressivité[21]. Le sociologue Peter Nardi précise: "Il est devenu plus acceptable pour les hommes de montrer une certaine émotion, sans la peur d'être perçu comme gay "[22]. Les hommes se marient plus tard, le cas échéant, ce qui a un impact sur les amitiés masculines. Selon le recensement américain de 2010, l'âge moyen du premier mariage d'un homme est de 28, contre 23 en 1960 ; les hommes avec plus d'éducation attendent d'atteindre la trentaine avant de se marier.
Gestes d'affection
La bromance s'exprime notamment par une expression décomplexée des gestes d'affection. Ainsi dans certains pays, comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, il est normal pour deux amis de partager un câlin et des caresses[23],[24], ainsi qu'un baiser sur les lèvres[25],[26]. Selon des études britanniques de 2010[27] et 2014[28], des chercheurs Éric Anderson et Mark McCormack, les jeunes interviewés considèrent ces gestes comme un moyen légitime de démontrer de l'affection à un ami. Selon une autre étude britannique réalisée auprès de 30 hommes hétérosexuels étudiants en sport, et publiée dans le magazine scientifique Men and Masculinities en 2017, 29 hommes sur 30 avaient l’habitude de donner des câlins et des caresses dans un lit avec leur ami bromantique[8]. De plus, les jeunes étaient plus à l’aise (28 hommes sur 30) de partager leurs sentiments ou des secrets avec leur ami. Finalement, les données des chercheurs ont révélé que les jeunes hommes obtiennent plus d’épanouissement émotionnel dans une bromance avec un ami que dans une relation amoureuse avec une femme.
Utilisation du terme
Le terme bromance a servi à décrire des relations d'amitié comme celle liant les acteurs Chris Hemsworth et Tom Hiddleston[29], des relations d'entente et d'alliance entre deux pays[30] ou encore à qualifier l'association atypique de deux membres mâles de l'espèce des fossas[31].
Bromances célèbres
Le chanteur pop canadien Justin Bieber et le pilote automobile britannique Lewis Hamilton[33]. Chez les sportifs, l'exemple le plus marquant est celui des deux anciens joueurs de l'Olympique lyonnais, Alexandre Lacazette et Corentin Tolisso, ou encore Rafael da Silva et Sergi Darder[34]. Des amitiés marquées par de très fréquentes visites et rencontres publiées sur Instagram, voire des échanges de célébrations.
Dans la culture populaire
L'amitié de Sherlock Holmes et du Dr Watson a été souvent dépeinte comme une bromance dans les œuvres des années 2000 et 2010[35].
Dans les années 2010, la bromance serait un élément prenant de plus en plus de place dans les séries télévisées américaines[17],[36].
Historiquement, certains films ont intégré des concepts d'amitié masculine plus ou moins subtiles dans leur scénario[37]. C'est depuis 2005 que plusieurs films ayant pour thématique principale la bromance ont été produits. On parle alors d'une catégorie particulière : les « comédies bromantiques (en) »[38]. Citons notamment; Funny People (2009), I Love You, Man (2009), Very Bad Trip (2009), Stan et Ollie (2018).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Bromance » (voir la liste des auteurs).
- (en) Michael DeAngelis, Reading the Bromance: Homosocial Relationships in Film and Television, Wayne State University Press, (ISBN 978-0-8143-3899-5, lire en ligne)
- Martti Nissinen, Homoeroticism in the Biblical World: A Historical Perspective, Fortress Press, États-Unis, 2004, page 56
- Marine Gasc, Le bisou, racontemoilhistoire.com, France, 20 janvier 2016
- Yannick Carré, Le baiser sur la bouche au Moyen Age: rites, symboles, mentalités, à travers les textes et les images, XIe-XVe siècles, Le Léopard d'Or, 1992, page 357
- Joël Blanchard, Ami et Amile: chanson de geste, Édition Honoré Champion, France, 1985 (version originale publiée en 1200), page 20
- Stéphane Baillargeon, «Bromance», ou l’amitié forte entre deux hommes, ledevoir.com, Canada,
- Andrew Reiner, « The Power of Touch, Especially for Men », New York Times, (lire en ligne).
- (en) Amanda MacMillan, « Men Are More Satisfied By ‘Bromances’ Than Their Romantic Relationships, Study Says », Times, (lire en ligne).
- (en) « Définition de Bromance », sur New Oxford American Dictionary (consulté le )
- (en-US) « broscience », sur Dictionary.com (consulté le )
- Martin, « The rise of the portmanbro » [archive du ], Oxford Dictionaries, (consulté le )
- (en) Matthew J. X. Malady, « The Ubiquity of Bro Tells Us That the Word May Not Be Popular for Long », sur Slate Magazine, (consulté le )
- « Le yaoi et la bromance », sur Madmoizelle,
- Nora Hamzawi, Bethsabée Krivoshey, Laurence Vely, « Les nouveaux mots du dico glamour », sur Glamourparis.com,
- « Recommandation bromance », sur Office québecois de la langue française
- DeAngelis 2014, p. 1
- DeAngelis 2014
- Yalof Jennifer, "Contemporary Male Friendship: An Exploratory Study on Comradeship, Bromance and Casual Friendship", Massachusetts School of Professional Psychology, 2014, USA
- Chen, Elizabeth J., Texas Journal of Women and the Law, CAUGHT IN A BAD BROMANCE, Spring 2012, University of Texas Press, USA
- Faderman, Lillian, Surpassing the Love of Men: Romantic Friendship and Love Between Women from the Renaissance to the Present, 1981, 1998 edition, Harper Collins, USA
- John Elder et Thomas Morgan, theage.com.au, A fine bromance, Australie,12 octobre 2008
- Katherine Bindley, columbia.edu, Here's to 'bromance', USA, 3 mars 2008
- (en) Henry Alford, « The Bro Hug: Embracing a Change in Custom », The New York Times, 26 septembre 2014} (lire en ligne).
- Journal 7sur7.be, Les hommes aiment se faire des câlins, Belgique,
- Journal 7sur7.be, Nouvelle tendance: des bisous sur la bouche entre amis!, Belgique,
- Daily Mail Reporter, dailymail.co.uk, How men kissing each other on the lips in friendship is 'no longer taboo', UK,
- Eric Anderson, Adi Adams, Ian Rivers, Archives of Sexual Behavior, “I Kiss Them Because I Love Them”: The Emergence of Heterosexual Men Kissing in British Institutes of Education, UK, Octobre 2010, volume 41. 2, p. 421–430
- Eric Anderson, Mark McCormack, Journal Men and Masculinities, Cuddling and Spooning: Heteromasculinity and Homosocial Tactility among Student-athletes, UK,
- (en) « Chris Hemsworth and Tom Hiddleston develop Thor 2 bromance: ‘I love you, man!’ », sur Metro news,
- (en) Collin Horgan, « Australia and Canada: a conservative bromance »,
- (en) Sarah Zielinski, « The bromance of the fossas », sur Science News,
- CBC News, « Obama jokes about 'bromance' with Biden », (consulté le )
- (en) Kayleigh Giles, « Justin Bieber and Lewis Hamilton take their bromance to the next level as they fit in an action-packed break together ahead of the Canadian Grand Prix », dailymail.co.uk, (lire en ligne)
- Sport.fr., TOLISSO ET LACAZETTE, LA BROMANCE CONTINUE, France,
- (en) Sherlock Holmes: Boy story bromance, The Independent, .
- Wyzman R., Teen Wolf, Game of Thrones, The Flash : Les meilleures bromances de séries !, Melty,
- Time Staff, Top 10 Movie Bromances, Time Magazine,
- Sara Stewart, ‘Awkward’ is the latest evolution in bromantic comedy, New York Post,
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Michael DeAngelis, Reading the Bromance : Homosocial Relationships in Film and Television, Detroit, Mich., Wayne State University Press, , 320 p. (ISBN 978-0-8143-3898-8, lire en ligne)
Articles connexes
- Portail de la société
- Portail des années 2000
- Portail du genre