Biens communs
La notion biens communs, est un concept polysémique. En économie, il désigne les biens publics impurs, des ressources, matérielles ou non, qui sont rivales et non exclusives, car ils peuvent être dégradés par leur consommation[1]. En référence à la forme historique des biens communaux la notion de communs renvoie également à une forme de propriété collective et aux mouvements qui cherchent à lutter contre la privatisation de certaines ressources ou enclosures.
Les res communis en droit romain
Dans le droit romain un bien commun (res communis) serait une chose inappropriable par essence, tels que l'air, l'eau courante, la mer et le rivage de la mer. Cependant un bien réputé inappropriable peut par la suite être approprié, par exemple une autoroute ou un pont. Une ressource au fond des océans est inappropriable jusqu'au jour où la technologie permet de l'approprier. Un bien commun n'est pas un bien public. En droit romain, les biens publics (res publicae) appartiennent à l'État. En droit américain (Doctrine de la fiducie publique), des biens publics peuvent être mis sous la garde de l'État mais non sous sa propriété[2].
Les biens communaux, les communs comme régime de propriété en Angleterre et en Europe
Au Moyen Âge, dans le cadre du régime féodal, les biens banaux (ou biens communaux) sont des biens gérés en commun par les occupants du domaine seigneurial. La notion recouvre aussi bien des équipements (ex : le four banal) que des droits d'usage (ex. : le droit de pacage sur les terrains banaux). Elle a été théorisée très tôt par la Common Law britannique, dont le nom est dérive d'ailleurs de ce concept philosophique. La Grande Charte accompagnée de la Charte des Forêts, signée par le roi anglais Jean sans Terre en 1215, assure ainsi un accès partagé aux ressources naturelles[3]. À la fin du Moyen Âge, le domaine d'application de la propriété privée se développe. Les lois sur l'enclosure des pâturages en Angleterre ou sur le vol de bois en Prusse participent de cette logique contraire à la communalité des biens[4]. Depuis la fin du XXe siècle, l'approche médiévale des biens communs est reprise car elle apparaît comme une voie de sortie à la crise structurelle des sociétés contemporaines, notamment en ce qui concerne la gestion durable des ressources naturelles et le partage des connaissances. Les travaux d'Elinor Ostrom, prix Nobel d'économie, ont mis en lumière la façon dont des communautés dans le monde entier s'organisent pour gérer durablement des ressources naturelles, en opposition avec les travaux de Garrett Hardin[5]. La limite de ses travaux sont qu'ils ne portent que sur de petites communautés, quelques dizaines de milliers de personnes au maximum. Sollicitées pour faciliter la négociation sur le climat, ses propositions n'ont pas déplacé les lignes dans ce domaine.
Le commun féodal
En Angleterre l'existence d'un droit coutumier concernant les forêts est déjà attesté par le Code d'Oxford du roi Knut II de Danemark (995-1035)[6]. Les forêts appartenaient à leur propriétaire mais faisaient l'objet d'un usage collectif par les commoneurs[7]. Les droits accordés variaient selon les endroits mais avaient en commun de permettre aux pauvres de pourvoir aux premières nécessités de la vie. Selon les endroits, le bois d'œuvre revenait au seigneur, mais le reste du bois (particulièrement celui tombé au sol) aux commoneurs, l'autorisation était donnée de couper du bois pour réparer sa maison ou fabriquer des charrues et des barrières, le bétail et les cochons pouvaient se nourrir dans la forêt ou dans les herbages[8], etc.
La remise en cause du commun
Le concept central de la coutume féodale n'est pas celui de la propriété mais celui d'obligations réciproques[9]. Ce qui permit aux rois d'Angleterre, à partir du XIe siècle, de s'approprier une partie des forêts de barons pour la chasse ou pour leur usage et leur loisir personnel au détriment des barons et des commoneurs. Les moyens de subsistance des commoneurs furent menacés et des luttes sociales âpres et prolongées en résultèrent[10]. Par deux fois entre le XIIe siècle et le XIIIe siècle, les barons s'insurgèrent contre la royauté et leurs droits anciens furent rétablis. La Magna Carta et la Charte des Forêts, mettent fin à ces rébellions et explicitent les droits coutumiers. En 1225, la Charte des Forêts accorde les droits traditionnels des commoneurs même sur les terres et les forêts royales[11].
Dans la féodalité, la terre relevait de règles juridiques et coutumières. Au XVIIe siècle, avec la montée du capitalisme, l’interdiction de clôturer les terres agricoles inscrite dans la Magna Carta fut contestée au Parlement[12]. Les riches gentilshommes campagnards et des négociants fortunés multiplièrent les enclosures, la terre clôturée valant deux à trois fois celle qui ne l’était pas. La position du Parlement, opposé aux enclosures, n’empêcha plus leurs pratiques. L’intérêt privé prévalait contre la justice. La violence ou l’intimidation étaient courantes. Les pauvres à qui l’on volait leur part de communaux émigrèrent en ville se transformant en une masse de mendiants et de voleurs. Les villages étaient abandonnés, les villes dévastées. L’ordre social en fut bouleversé[13].
Les communs comme mode de gestion collective
Le droit des communs est resté longtemps ignoré. Il s'agit essentiellement d'un droit coutumier. Selon David Bollier il remonte au moins à l'Égypte ancienne et à l'Empire romain. Il est très présent dans l'Europe du Moyen Âge[14].
Le bien commun est défini comme relevant d'une appropriation, d'un usage et d'une exploitation collectifs. Renvoyant à une gouvernance communautaire, les biens communs correspondent à des objets aussi divers que les rivières, le savoir ou le logiciel libre. Ils supposent ainsi qu'un ensemble d'acteurs s'accorde sur les conditions d'accès à la ressource, en organise la maintenance et la préserve.
Les biens communs en économie
Les biens communs se distinguent d'un bien collectif (non rival) par leur rivalité forte, et d'un bien privé (excluable) par leur faible excluabilité.
Excluabilité forte | Excluabilité faible | |
---|---|---|
Rivalité forte | bien privé | bien commun |
Rivalité faible | bien de club | bien collectif * |
* pour désigner un bien à la fois non-rival et non-excluable (ex : un phare, un air pur...), les économistes français parlent de préférence de "bien collectif", par opposition au bien "privé". Cependant, l'anglicisme "bien public" (public goods) est parfois utilisé en France. Cependant un "bien public" désigne aussi (et surtout) un bien produit et fourni par la puissance publique (ex : éducation publique, banc public...). Or, un bien "public" dans ce deuxième sens n'est pas nécessairement un bien "collectif" : par exemple, un banc public est bien mis à disposition des usagers par les pouvoirs publics, mais il est rival : l'usage du banc par quelques individus empêche tous les autres d'en profiter. C'est donc un bien commun (quant à son usage) public (quant à sa production)[15].
Les communs comme ressources naturelles
La « tragédie des biens communs » de Garett Hardin
Pour Garrett Hardin un bien commun ne peut qu’être dégradé dans le temps. Il illustre cet axiome dans la notion de « tragédie des biens communs » en prenant l’exemple d’un pâturage ouvert. Il écrit :
« On peut s'attendre à ce que chaque éleveur essaie de mettre le plus de bétail possible sur les terrains communaux. »
À un certain moment le pâturage est saturé. Néanmoins « en tant qu'être rationnel chaque éleveur cherche à maximiser ses gains » et continue à ajouter un animal. Le pâturage est finalement surexploité. Il devient de moins en moins fertile, ce qui entraîne la « ruine de tous »[16]. Cette incapacité de l’individu à prendre en compte l’intérêt collectif et à collaborer est corroborée en psychologie expérimentale par le jeu du dilemme du prisonnier. Lors d’une conférence, en 1832, William Forster Lloyd était parvenu à la même conclusion en se basant sur un scénario fictif concernant une caisse commune d’argent[17].
Traiter un bien commun comme un bien privé conduit à sa destruction, comme l'a souligné Garrett Hardin[18]. Dès lors se pose la question de sa régulation.
Les travaux d’Elinor Ostrom : l'auto-gestion des biens communs
Pour Elinor Ostrom, un bien commun est un bien géré par les appropriateurs eux-mêmes[19].
Elinor Ostrom s’est intéressée aux institutions fondées sur la coopération. Elle a vu des terres communales en Éthiopie, des collecteurs de caoutchouc en Amazonie et des pêcheurs aux Philippines[20]. Ont été particulièrement étudiés les prairies et forêts de haute montagne (Törbel en Suisse, villages de Hirano, Nagaique et Yamanaka au Japon), les systèmes d’irrigation (Valence, Murcie et Orihuela, Alicante en Espagne) et les communautés d’irrigation (Philippines)[21]. Dans tous ces cas l’utilisation collective et auto-organisée des ressources remonte à plus de 100 ans, voire, pour le plus ancien, à 1,000 ans[22].
L’élaboration d’un commun
Selon Ostrom l’élaboration d’un commun durable à long terme concernant une ressource limitée relève toujours d’une même démarche. Les appropriateurs, c’est-à-dire les usagers du bien commun, se trouvent en interdépendance. Ils se connaissent. Prendre leurs décisions de façon indépendante a deux inconvénients. D’une part les résultats obtenus seront inférieurs à ceux qui seraient procurés dans le cadre d’une stratégie coordonnée. D’autre part la ressource elle-même pourrait finalement être détruite. Afin de recueillir des bénéfices conjoints permanents ils décident de s’organiser. Cette construction du commun n’assure pas seulement l’efficacité productive. Elle développe également des comportements différents et des subjectivités nouvelles[23]. Des normes comportementales et des mécanismes sociaux se mettent en place. Il s’établit un climat de confiance et un sens de la communauté[24].
Les règles
Les règles, fixées par les appropriateurs eux-mêmes, limitent leurs actions.
« Elles spécifient, par exemple, combien d’unités de ressources un individu peut s’approprier, quand, où et comment elles peuvent être appropriées ainsi que les contributions en termes de main d’œuvre, de matériel ou d’argent… Les unités de ressource seront (alors) allouées de manière plus prévisible et efficace… et le système de ressource lui-même sera maintenu dans le temps[25]. »
La reconnaissance institutionnelle
Les appropriateurs sont les seuls habilités à fixer les règles et les sanctions et à les appliquer. Cependant leurs institutions doivent ne pas être remises en cause par les autorités gouvernementales. Une reconnaissance minimale de la légitimité de ces règles doit donc être fournie par les autorités centrales.
Des institutions imbriquées
Les biens communs peuvent être organisés en différents niveaux d'institutions imbriqués ce qui implique une organisation plus complexe. Ils peuvent par exemple chevaucher sur plusieurs juridictions publiques locales ou régionales. Ainsi dans le cas de systèmes d’irrigation avec dérivations multiples, chaque dérivation représente en soi un système. Pour garantir une durabilité longue les mêmes règles doivent être appliquées aux différents niveaux. Le consensus est la règle dominante pour prendre des décisions à tous les échelons de l’organisation. Les représentants d’un niveau à un niveau supérieur doivent être choisis non par un vote majoritaire mais par consensus.
L’efficacité
Les institutions qui perdurent sur de nombreuses générations doivent leur longévité à un niveau élevé du climat de confiance, aux règles particulières parfaitement adaptées au commun et à la flexibilité de ces règles. Les bonnes règles opérationnelles ne se trouvent pas au premier essai. Plusieurs tentatives sont nécessaires. Cet apprentissage collaboratif est un processus incrémentiel qui accroît le niveau de confiance et autotransforme les appropriateurs. Les individus internalisent les normes qu’ils émettent avec les autres. Des mécanismes sociaux se mettent en place. Les personnes qui violent les règles risquent un blâme social. Chaque commun a ses règles particulières. Ainsi les communs suisses dans les alpages ont des règles différentes d’un pâturage à l’autre. Les règles évoluent selon la conjoncture. Dans les pâturages elles ne sont pas les mêmes une année de sécheresse ou une année pluvieuse. La spécificité des règles et leur flexibilité expliquent la solidité du commun et sa durabilité.
La réfutation de la « tragédie des biens communs »
Selon Elinor Ostrom et David Bollier, le modèle de Garett Hardin concernant les pâturages surexploités, de même que le dilemme du prisonnier, ne répondent pas à la définition d'un bien commun. Les individus ne communiquent pas entre eux. Ils n'ont pas de relations préalables, ni d'histoire ou de culture partagées. Ils ne nouent pas des liens de confiance, ne partagent pas leurs savoirs et n'ont pas de futur commun. Dans le scénario fictif de Hardin,
« le pâturage n'a pas de vraie délimitation, pas de règles de gestion, pas de sanction pour prévenir la surexploitation et pas de communauté d'usagers définie. Bref, ce n'est pas un commun[26]. »
Garrett Hardin, comme Lloyd, opère une confusion entre gratuité, libre accès et propriété commune[27].
Biens communs environnementaux
Pour Geneviève Azam[28] et Costanza, l’action délétère de l’homme sur la nature et sur ses ressources exige des mesures de sauvegarde. Le capital naturel, les services écosystémiques, les ressources, les capacités de la Terre à absorber les déchets, etc. doivent être considérés comme des biens communs et gérés comme des communs, dans le souci des droits de tous les peuples et des générations futures. Les pays anglo-saxons utilisent couramment la fiducie pour sauvegarder, sans les privatiser, des biens communs environnementaux tels que des terres, des forêts, des aires protégées, des aquifères[29]. La fiducie pose des conditions strictes à l’usage de ces biens dont elle a acquis la propriété.
Les biens communs et le numérique
Biens communs immatériels
Les biens communs immatériels, également appelés biens communs de la connaissance ou biens communs informationnels, se caractérisent par leur non-rivalité, c'est-à-dire que leur utilisation ne les épuise pas ou n'en prive pas les autres utilisateurs. Au contraire, leur diffusion et leur propagation sont source de création. Selon les distinctions conceptuelles, encore répandues, établies par Paul Samuelson, qui ne traite pas de la question de la gouvernance[30], rien ne les distinguerait d'un bien public. Ils s'en différencient néanmoins par une production et une gestion communautaire.
Le logiciel libre ou les données ouvertes sous licence copyleft figurent parmi les « biens communs » informationnels. Mais on peut aussi considérer que la connaissance ou le savoir en général relèvent des biens communs dans la mesure où nul ne peut légitimement s'en emparer pour en priver autrui. Les ressources éducatives libres ou les encyclopédies sous licence creative commons entrecroisent les deux perspectives.
Un nombre croissant d'acteurs (intellectuels, enseignants-chercheurs, acteurs politiques et associatifs) considère qu'il importe de prendre des mesures (sur le plan culturel, juridique et politique) pour préserver les biens communs de la connaissance contre les effets d'une privatisation ou d'une fermeture abusive de l'information.
La question des arbitrages entre propriété et biens communs concerne aussi le maintien de la diversité culturelle. Les possibilités de partage et d'appropriation des produits de la culture par les usagers conditionnent en effet les processus d'identification et de transmission.es communs dans la pensée francophone
Les communs comme mouvement social contre la privatisation et la marchandisation
Le succès contemporain des biens communs s'explique par le nouveau souffle qu'ils apportent à l'opposition au néolibéralisme, leur plasticité et leur capacité à intégrer des initiatives isolées et marginales, comme les monnaies alternatives et les mouvements de droits d'accès aux médicaments génériques. L'essor des réseaux, et en particulier d'Internet, en facilite la gestion et le développement, tout en en créant de nouveaux. Le principe même de la neutralité du net, le refus de discriminer l'accès au réseau, assimile le web à un bien commun[31].
Les communs cristallisent de nombreux enjeux juridiques, politiques, intellectuels et économiques dans la mesure où ils proposent une alternative au modèle marchand et génèrent de nouveaux espaces de diffusion de la connaissance[32].
Un bien commun n'implique pas la suppression de la propriété privée. Des utilisateurs peuvent vouloir créer un bien commun et pour cela, en acquérir les droits de propriété. De même, un bien commun ne s'oppose pas au marché. Le bien commun est seulement soustrait du marché pour être réservé à un usage commun[33].
Second mouvement des enclosures
Selon l'économiste Geneviève Azam et le juriste James Boyle[34], il existerait un second mouvement des enclosures. De la même manière que les champs et les pâturages sont passés dans le domaine privé à partir du XVIe siècle, la connaissance est devenue une propriété intellectuelle à partir des années 1980 [35]. Geneviève Azam donne l'exemple du brevet : avant les années 1980 le brevet récompensait une invention et le génie humain, or depuis ce second mouvement le droit de propriété se porte sur les découvertes sans preuve d'invention, d'où les brevets sur des bactéries et donc sur le vivant. Les brevets sont aujourd'hui des moyens de protection du processus de découverte donc de la connaissance[36].
Biens communs et mutation sociétale
La généralisation des biens communs tend à élargir la circulation des idées en opposition à l'appropriation privée, générant une situation conflictuelle. Philippe Aigrain affirme ainsi que ce sont deux conceptions du monde qui s'affrontent, l'une reposant sur la coopération et la diversité des acteurs, l'autre reposant sur des multinationales monopolistiques. L'extension du domaine de la brevetabilité à des plantes traditionnelles cultivées depuis longtemps et les résistances qui en découlent illustre cette évolution[37].
Une économie collaborative
Dans une interview accordée à Futuribles[38], Jeremy Rifkin évalue les conséquences du développement de l’Internet, de la numérisation de l’énergie renouvelable, de la logistique automatisée et numérisée et des interconnexions des objets. Il en déduit une extrême productivité qui aboutira à des coûts marginaux nuls. Le système économique en serait modifié. Une économie collaborative pourra fonctionner par des relations en réseau où les grandes entreprises seront remplacées par des communaux collaboratifs (collaborative commons)[39],[40].
Un paradigme coopératif
David Bollier souligne que :
« de nombreux scientifiques commencent aujourd’hui à envisager la vie et l’évolution à travers un prisme métaphysique très différent : la vie y est conçue comme un système d’agents coopératifs qui s’efforcent en permanence de nouer des relations significatives et d’échanger des dons. La concurrence existe toujours, certes, mais entremêlée à des formes profondes de coopération[41]. »
Ce paradigme est celui en œuvre dans les biens communs. Le Système d’intensification du riz est un réseau international de paysans qui s’assistent mutuellement pour sauvegarder les variétés biologiques du riz et améliorer leur rendement[42]. La Biobanking and Biomolecular Resources Research Infrastructure (BBMRI) à Graz (Autriche) coordonne les immenses collections d’échantillons de tissus humains, de sang, d’urine, etc. de neuf pays européens[43].
Un statut légal
Pour Elinor Ostrom, la gestion d’un bien commun par une communauté peut être plus efficace que la gestion par l’État[44]. Concernant les biens environnementaux l’État n’est pas forcément le mieux placé pour assurer leur sauvegarde. David Bollier estime que l’État devrait considérer les communs comme servant le bien public et comme une alternative pratique à l’État et au marché. Il demande la reconnaissance par l’État d’une gouvernance écologique fondée sur les communs. La relation qualitative exprimée dans les communs justifie leur encouragement par l’État et des aides financières[45]. En Italie le gouvernement Prodi avait chargé la Commission Rodotà en 2007 d’introduire la notion de biens communs dans Code civil[46].
Les penseurs francophone des communs
Dardot et Laval
Pour Dardot et Laval[47], un bien commun serait un bien qui ne doit pas être approprié pour des raisons éthiques ou sociétales. Aucune chose n'est commune par nature. Une chose est rendue commune par des pratiques collectives[48]. Un bien commun nécessite une gestion et des institutions.
Pour Dardot et Laval un droit commun mondial doit être institué[49].
Synthèse des définitions
NOTION | N° | DÉFINITION | EXEMPLE | DISCIPLINE | AUTEUR.E | |
Biens
Communs |
Biens communs (par nature) | 1 | Biens non-exclusifs et rivaux, sujets à des dilemmes sociaux (notamment la sur-exploitation) | Les arbres d'une forêt | Économie | E. Ostrom, P.Samuelson |
Biens communs (par nature) | 2 | Choses communes à l'usage de tous les hommes et exclues de la propriété privée. | L'air | Droit, Histoire | Cornu | |
Biens communs (institués) | 3 | Choses instituées comme étant nécessaires à l'exercice des droits fondamentaux, au libre développement de la personne et des générations futures et dont l'accès à tous doit être assurée par la loi | Les zones environnementales protégées. | Droit | Commission Rodotà | |
Biens commun numériques | 4 | Ressources numériques (système ou unité) accessibles par tous, parfois sous certaines conditions. Similaire à la définition n°3 | Photos sous licence Creative Commons | Droit et Economie | L. Lessig, P. Aigrain | |
Communs | Communs | 5 | Toute ressource (système et unités) en accès partagé gérée de manière auto-organisée par une communauté en vue de garantir l'intégrité de la ressource dans le temps. | Système d'irrigation (système) et l'eau (unité) | Sciences-politiques, Économie | C. Hess, E. Oström |
Communs numériques | 6 | Ressources numériques (système et unité) au régime de propriété partagé, dont la gouvernance est participative et qui sert à son enrichissement. Similaire à la définition n°5 | Wikipedia | Droit , Économie | E. Oström, C. Hess, B. Coriat, Y. Benkler | |
Commun | Commun commoning | 7 | Le principe politique de la praxis instituante d'autogouvernement | Coopératives | Philosophie Politique, Économique politique | D. Bollier, M. Bauwens, P. Dardot & Laval, P. Linebaugh |
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Marie Cornu, Fabienne Orsi, Judith Rochfeld (sous la direction de), Dictionnaire des biens communs, Paris, PUF, 2017, (ISBN 978-2130654117)
- Philippe Aigrain, Cause commune : l'information entre bien commun et propriété, Éditions Fayard, 2005 (version électronique éditée par PublieNet, version téléchargeable sous licence Creative Commons)
- Peter Barnes (en), Capitalism 3.0: A Guide to Reclaiming the Commons, Berrett-Koehler, 2006 (ISBN 9781576753613)
- Peter Barnes, Who Owns the Sky?: Our Common Assets And The Future Of Capitalism, Island Press, 2001 (ISBN 978-1559638555)
- David Bollier (trad. de l'anglais), La Renaissance des communs : pour une société de coopération et de partage, Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, , 191 p. (ISBN 978-2-84377-182-8, lire en ligne)
- Benjamin Coriat (dir.), Le Retour des communs. La crise de l'idéologie propriétaire, Les Liens qui libèrent, 2015
- Pierre Dardot et Christian Laval, Commun : essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, , 592 p. (ISBN 978-2-7071-6938-9)
- François Flahault, « Où est passé le bien commun ? », Éditions Mille et une nuits, janvier 2011 (ISBN 978-2-75550-594-8)
- Anto Gavric, Grzegorz W. Sienkiewicz, État et bien commun : perspectives historiques et enjeux éthico-politiques, colloque en hommage à Roger Berthouzoz
- Fabien Locher, « Les pâturages de la Guerre froide : Garrett Hardin et la « tragédie des communs » », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. 2013, no 1, , p. 7-36. (résumé, lire en ligne [PDF])
- Fabien Locher, « Third World Pastures. The Historical Roots of the Commons Paradigm (1965-1990) », Quaderni Storici, vol. 2016/1, 2016, p. 303-333. (lire en ligne [PDF]) (article historique basé notamment sur les archives d'Elinor Ostrom).
- Toni Negri, Commonwealth[50], (en collaboration avec Michael Hardt), 2009
- Roger Nifle, Le Sens du bien commun. Pour une compréhension renouvelée des communautés humaines, Paris, Temps Présent, juin 2011
- Elinor Ostrom (trad. de l'anglais), Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles/Paris, De Boek, , 301 p. (ISBN 978-2-8041-6141-5)
- Riccardo Petrella, Le Bien commun : éloge de la solidarité, Éditions Labor, 1996.
- Giovanna Ricoveri, « Un passé toujours présent Une vision d'ensemble », Écologie & politique, 1/2007, (no 34), p. 105-118
- Pierre Thomé, « À la recherche des possibles: interactions entre biens communs et économie sociale et solidaire », ADDES, Par, 2013
- Emmanuel Vergès, « Biens communs et espaces communs à l'ère du numérique », La pensée de midi, 1/2006 (no 17), p. 140-143
- Antona, M., & Bousquet, F. "Une troisième voie entre l’État et le marché: Échanges avec Elinor Ostrom". Editions Quae, 2017
- Revues :
- Numéro 32 de la Revue française d'histoire des idées politiques, 2010/2, 224 pages (ISSN 1266-7862), consacré à « Pouvoir d’un seul et bien commun (VIe-XVIes) »
- Passerelle dph no 02, Les biens communs, modèle de gestion des ressources naturelles, Ritimo, Paris, mai 2010
- Revue Etopia, Actes du colloque : Les biens communs, comment (co)gérer ce qui est à tous ?, novembre 2012
Notions
- Altruisme réciproque
- Bien public
- Biens publics à l’échelle mondiale
- Bien commun
- Bien tutélaire
- Bien privatif
- Bien de club
- Bien immatériel
- Biens anti-rivaux
- Communs
- Droit coutumier
- Droit naturel
- Écologie sociale
- Entrepreneuriat social
- Gagnant-gagnant, Donnant-donnant, Perdant-perdant
- Localisme
- Négociation raisonnée
- Projet d'intérêt général
- Service public
- Société civile
- Patrimoine culturel
- Patrimoine naturel
- Tiers-lieu
- Mouvement des biens communs
- Tragédie des biens communs
Biens particuliers
- Res communis, Common law
- Droits de la nature, Écocide
- Charte mondiale de la nature, Naturalité (environnement)
- Droit de l'eau, Droit international de l'eau, Acqua Bene Comune Napoli (it)
- Droit de l'espace, Droit de la mer
- Biens communaux, Tragédie des biens communs
- Matériel libre, Biens anti-rivaux
- Hackerspace, Makerspace : Fab lab, TechShop, RepRap, Repair Café
- Open Source Ecology
- Économie collaborative, Financement participatif, Mutualisation des services
- Cotravail, Travail collaboratif, Apprentissage collaboratif
- Plate-forme collaborative, Portail collaboratif
- Production communautaire, Processus collaboratif pair à pair
- Famille d'entreprises Grameen
- Georgisme
Personnes
- Gracchus Babeuf (1760-1797)
- Yochai Benkler (1964-)
- James Boyle (universitaire) (en) (1959-)
- Étienne Cabet (1788-1856)
- Léon Duguit (1859-1928)
- Charles Gide (1847-1932)
- Garrett Hardin (1915-2003)
- Michael Hardt (1960-)
- Maurice Hauriou (1856-1929)
- Michael Heller (juriste) (en) (?-)
- Wesley Newcomb Hohfeld (1879-1918)
- Tony Honoré (en) (1921-)
- Rudolf von Jhering (1818-1892)
- Louis Josserand (1868-1941)
- John Locke (1632-1704)
- Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785)
- Karl Marx (1818-1883)
- Étienne-Gabriel Morelly (1717-1782)
- Toni Negri (1933-)
- Elinor Ostrom (1933-2012)
- Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865)
Liens externes
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Bien commun » (voir la liste des auteurs).
- Trade, Societies and sustainable develpment SUSTRA Network ; Biens publics mondiaux ; « Policy Brief Paper » Basé sur les conclusions du séminaire Sustra Global public goods and trade qui s'est tenu les 13-14 mai 2002, à l'ENSA de Montpellier. (Lilre en ligne)
- Bollier 2014, p. 97.
- (en) Peter Linebaugh, Magna Carta Manifesto : Liberties and Commons for All, University of California Press, 2008. Introduction traduite en français par Laurent Vannini dans Libres savoirs, C&F éditions, 2011
- Jean-Marie Harribey « Le bien commun est une construction sociale. Apports et limites d'Elinor Ostrom », L'Économie politique 1/2011 (no 49), p. 98-112.
- Selon cet auteur, le partage d'une ressource périssable conduit au risque de sa surexploitation, si bien que la propriété privée se trouve être plus profitable pour sa gestion, et finalement pour la communauté.
- Dardot et Laval 2014, p. 298.
- David Bollier utilise ce terme pour désigner les usagers d'un bien commun, Ostrom utilise celui d'appropriateur et Jeremy Rifkin celui de communier
- Dardot et Laval 2014, p. 303 à 308.
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