Bernward Vesper

Bernward Vesper, né le à Francfort-sur-l'Oder et mort le à Hambourg, est un écrivain, militant politique et éditeur allemand.

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Après une éducation très stricte et pesante dans un domaine agricole, sous la férule de son père Will Vesper, ancien nazi non repenti, il fréquenta les milieux de l'extrême gauche radicale allemande des années 1960 et fut le compagnon de vie de Gudrun Ensslin, dont il eut un fils. Il est connu pour être l'auteur d'un long texte kaléidoscopique inachevé, Die Reise ('le Voyage'), où se mêlent éléments autobiographiques, considérations politiques, comptes rendus de séances sous drogue, coupures de journaux etc.

Biographie

Bernward Vesper naquit dans une clinique privée à Francfort-sur-l'Oder, comme sixième enfant du poète völkisch[1] Wilhelm Vesper, dit Will Vesper (1882–1962), et comme quatrième enfant de Rose Savrda, veuve Rimpau. Ludwig Arnold Rimpau – que Bernward Vesper du reste confond, dans son roman-essai Die Reise (titre fr. le Voyage), avec Hans Rimpau (1854–1919) – mourut en 1936 et légua à sa veuve un domaine agricole dans le village de Triangel, à la lisière sud de la lande de Lunebourg, dans l'arrondissement de Gifhorn, à 27 km env. (à vol d'oiseau) au nord de la ville de Brunswick, domaine (Gut Triangel) où par conséquent Will Vesper put s'installer avec sa famille, et sur lequel vivaient également deux filles de Rose Vespers issues de son premier mariage. De longs passages de son œuvre autobiographique Die Reise relatent son enfance, sa scolarité et sa jeunesse dans un Gifhorn des années 1950 qui n’avait d’idyllique que son apparence, et combien il a souffert de grandir dans un foyer parental autoritaire dans le village de Triangel.

Maison domaniale des Vesper à Triangel, en bordure de la lande de Lunebourg.

Il passa son bac au lycée Otto-Hahn (Otto-Hahn-Gymnasium) de Gifhorn en 1959, puis, de cette date à 1961, suivit une formation pratique des métiers de libraire et d'éditeur dans la maison d'édition Westermann à Brunswick. Il entama ensuite des études d'histoire, de philologie germanique et de sciences sociales à l'université de Tübingen, assistant notamment aux cours de Walter Jens et de Ralf Dahrendorf. Il y fit la rencontre de Gudrun Ensslin, dont il devint l'amant et le fiancé, et en compagnie de laquelle il échangea Tübingen pour la Freie Universität de Berlin. En 1962, il obtint une bourse d'études de la Studienstiftung des deutschen Volkes ('Fondation d'études du peuple allemand'), dans le dessein de rédiger une thèse sous la direction de Ralf Dahrendorf. En 1963, il fonda conjointement avec Gudrun Ensslin la petite maison d'édition Studio Neue Literatur, chez laquelle ne furent édités en tout et pour tout que deux livres, un recueil de poésie de l'écrivain espagnol Gerardo Diego, et un ouvrage composé par Vesper lui-même intitulé Gegen den Tod (Stimmen deutscher Schriftsteller gegen die Atombombe), litt. Contre la mort (Voix d'écrivains allemands contre la bombe atomique), avec des contributions notamment de Heinrich Böll, Bertolt Brecht, Max Brod, Hans Magnus Enzensberger, Walter Jens, Marie-Luise Kaschnitz, Anna Seghers, Arnold Zweig etc. Il est vrai que, parallèlement, il eut soin de faire publier – avec l'appui de Gudrun Ensslin, et cela jusqu'en 1964 – quelques écrits posthumes de son père, à l'égard de la figure duquel il eut longtemps une attitude ambivalente, et dont manifestement il peinait à se détacher[2].

En 1965, Vesper, de même que Gudrun Ensslin, trouva à s'employer à Berlin-Ouest dans le Wahlkontor deutscher Schriftsteller, comme rédacteur de discours pour le compte de Willy Brandt et de Karl Schiller, dans la perspective des élections fédérales de 1965, mais mit fin à sa collaboration en 1968, en guise de protestation contre l'état d'urgence qui avait alors été décrété en Allemagne. Cette même année, après les brochures Voltaire qu'il avait créées dès 1966, il fonda les éditions Voltaire ainsi que les manuels Voltaire (Voltaire-Handbücher, série de monographies sur Mao, Malcolm X etc.). Le , à Berlin-Charlottenburg, vint au monde son fils Felix, cependant que Gudrun Ensslin, après qu'elle eut fait la connaissance d'Andreas Baader, allait bientôt s'éloigner peu à peu de lui, puis le quitter tout à fait en , pour plonger avec Baader dans la clandestinité. Néanmoins, il témoigna peu de temps après en sa faveur lorsque Ensslin passe en procès pour les incendies criminels du au Kaufhaus[3] de Francfort-sur-le-Main et demanda au tribunal d’être clément.

En 1969, Vesper commença la composition de son roman-essai Die Reise (trad. fr. sous le titre le Voyage), que cependant il ne sera pas en mesure d'achever. Ce vaste assemblage de fragments, pour la plupart autobiographiques, dont la matière est constituée de souvenirs d'enfance et de jeunesse, en particulier ses rapports avec son père, ses propres convictions politiques radicales ainsi que ses expériences avec l'usage de drogues (haschisch, LSD, mescaline), ne fut publié qu'en 1977 et passe aujourd'hui pour être un portrait marquant de la génération de mai 68 en Allemagne et un important document d'époque.

En 1971, à la suite d'une crise psychotique, Bernward Vesper fut interné en clinique psychiatrique à Haar, près de Munich, puis, à l'intervention d'un sien ami, transféré au CHU de Hambourg-Eppendorf, où il s'ôta la vie le en avalant une surdose de somnifères.

Le roman-essai de Vesper a été porté à l'écran en 1986 par le metteur en scène suisse Markus Imhoof, sous le titre Die Reise ; Markus Boysen, Will Quadflieg, Corinna Kirchhoff et Claude-Oliver Rudolf y jouent les rôles principaux. La version radiophonique de "Die Reise" fut primé en 2003 par le Hörspielpreis der Akademie der Künste (Prix de la dramatique radiophonique de l'Académie allemande des Arts). En 2011 sortit le film d'Andres Veiel, intitulé Qui, à part nous (Wer wenn nicht wir), avec dans les rôles principaux August Diehl (incarnant Bernward Vesper), Lena Lauzemis (Ensslin) et Alexander Fehling (Baader), lequel film s'appuie sur la triple biographie Vesper, Ensslin, Baader de Gerd Koenen, parue en 2003.

Œuvres

  • Die Reise. Romanessay. Édition établie d'après le manuscrit inachevé et pourvue d'une chronologie d'édition par Jörg Schröder. März-Verlag. Francfort-sur-le-Main, 1977. Éd. au format de poche chez Rowohlt Taschenbuch-Verlag. Reinbek 1983. Traduction française par Hélène Belletto-Sussel sous le titre le Voyage. Roman essai, Hachette, Coll. Bibliothèque allemande, 1981. (ISBN 2-0100-6947-1).
  • Ergänzungen zu Die Reise. Romanessay. Aus der Ausgabe letzter Hand. (Compléments au Voyage) Édition établie d'après le manuscrit inachevé par Jörg Schröder. März-Verlag. Francfort-sur-le-Main, 1979.
  • Conjointement avec Gudrun Ensslin : Notstandsgesetze von Deiner Hand. Briefe. 1968-1969. (litt. : lois d'exception de Ta main. Lettres 1968-1969.) Édité par Caroline Harmsen, Ulrike Seyer et Johannes Ullmaier. Avec une postface de Felix Ensslin. Suhrkamp, Francfort-sur-le-Main, 2009.

Références bibliographiques

En français

  • Alban Lefranc, Des foules, des bouches, des armes, Melville, 2006. (ISBN 2-9153-4138-9)

En allemand

  • Peter Chavier: Berlinale: Die Liebesgeschichte über Bernward Vesper und Gudrun Ensslin. Dans : Aller-Zeitung, Gifhorn, AZ-Spezial : Berlinale. Film über Triangler, , p. 18.
  • Bernd Neumann: Die Wiedergeburt des Erzählens aus dem Geist der Autobiographie? Einige Anmerkungen zum neuen autobiographischen Roman am Beispiel von Hermann Kinders Der Schleiftrog und Bernward Vespers Die Reise. Dans : Basis. Jahrbuch für deutsche Gegenwartsliteratur. Volume 9. Verlag Peter Suhrkamp, Francfort-sur-le-Main 1979. Pages 91–121.
  • Georg Guntermann: Tagebuch einer Reise in das Innere des Autors. Versuch zu Bernward Vespers Romanessay Die Reise. In: Zeitschrift für deutsche Philologie. Volume 100. Cahier 2. 1981. Pages 232–253.
  • Frederick Alfred Lubich: Bernward Vespers Die Reise. Von der Hitler-Jugend zur RAF. Identitätssuche unter dem Fluch des Faschismus. Dans : German Studies Review. Volume 10. Numéro du , p. 69–94.
  • Horst Jesse: Die retrospektive Widerspiegelung der Identitätsentwicklung Jugendlicher. [Dargestellt] anhand autobiographischer Romane von Bernward Vesper, Christa Wolf und Thomas Bernhard. Unter dem Gesichtspunkt der Wechselbeziehung zwischen Identitätsentwicklung und der Entwicklung der Moralstufen nach Lawrence Kohlberg. Verlag Peter Lang, Francfort-sur-le-Main 2000.
  • Roman Luckscheiter: Der postmoderne Impuls. Die Krise der Literatur um 1968 und ihre Überwindung. Duncker & Humblot, Berlin 2001.
  • Ulrich Breuer: Sich erzählen. Sich (Bernward Vespers Die Reise) verstehen. Dans : Text und Welt. Publié par Christoph Parry. Domaine : Saxa. Volume hors série 8. Vaasa (Finlande) 2002 (232 pages). Pages 116–124.
  • Mathias Brandstädter: Nationale Idyllik im Windschatten. Anmerkungen zu Bernward Vesper. Dans : Kultur und Gespenster. Volume 1. Cahier 2. Hambourg 2006. Pages 26–32.
  • Stephan Resch: Provoziertes Schreiben. Drogen in der deutschsprachigen Literatur seit 1945. Domaine : Historisch-kritische Arbeiten zur deutschen Literatur. Volume 41. Verlag Peter Lang. Francfort-sur-le-Main 2007.
  • Sven Glawion: Aufbruch in die Vergangenheit. Bernward Vespers Die Reise (1977/1979). Dans : Nachbilder der RAF. Publié par Inge Stephan et Alexandra Tacke. Böhlau, Cologne 2008, p. 24–38.
  • Mathias Brandstädter: Folgeschäden. Kontext, narrative Strukturen und Verlaufsformen der Väterliteratur. 1960–2008. Bestimmung eines Genres. Königshausen & Neumann, Wurzbourg 2010.
  • Marina Karlheim: Schreiben über die Väter. Erinnerungstopographien. Eine Analyse. Tectum-Verlag, Marburg 2010.
  • Andrew Plowman: Bernward Vesper’s Die Reise. Politics and autobiography between the student movement and the act of self-invention German Autumn. The critical reception of Die Reise. Dans : German Studies Review. Volume 21. Numéro du , p. 507–524.
  • Gerd Koenen: Vesper, Ensslin, Baader. Urszenen des deutschen Terrorismus. Köln 2003.
  • Michael Kapellen: Doppelt leben. Bernward Vesper und Gudrun Ensslin. Die Tübinger Jahre. Klöpfer & Meyer, Tübingen 2005.
  • Henner Voss: Vor der Reise. Erinnerungen an Bernward Vesper. Edition Nautilus, Hambourg 2005.

Liens externes

Voir aussi

Notes et références

  1. Le mouvement völkisch désigne un conglomérat libre d’associations, de partis et de publications nationalistes et racistes allemands qui ont, à partir de la fin du XIXe siècle, exercé une influence sur le débat politique et culturel au sein de l’Allemagne et en Autriche-Hongrie.
  2. Ce qui portera d'aucuns à voir une certaine continuité entre nazisme des parents et contestation violente chez leurs enfants, et à se demander si la gauche radicale allemande ne faisait au fond que prolonger l'idéologie nazie ; en particulier, la lutte armée et l'antisionisme devraient ainsi s'interpréter comme une réincarnation du militarisme et de l'antisémitisme nazis. Voir p.ex. les déclarations du réalisateur de cinéma Andres Veiel dans le Spiegel du 9 août 2004.
  3. Chaîne de grands magasins, style « Nouvelles Galeries ».
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