Bataille de Doiran (1918)

La troisième bataille de Doiran (ou Dojran) est une bataille qui a opposé, entre le 18 et le , les forces grecques et britanniques aux troupes du royaume de Bulgarie, près du lac Doiran, dans le cadre de la Première Guerre mondiale et des combats du front macédonien. Les troupes bulgares repoussent les attaques alliées mais finissent par se replier à la suite de leurs défaites sur d'autres secteurs.

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Bataille de Doiran (1918)

Informations générales
Date 18-
Lieu lac Doiran
Issue Victoire tactique bulgare
Victoire stratégique anglo-grecque
Rupture du front de Macédoine.
Belligérants
Royaume de Bulgarie Royaume-Uni
Royaume de Grèce
Commandants
Vladimir Vazov (en) George Milne
Forces en présence
35 000 hommes75 000 hommes
Pertes
4946 000

Première Guerre mondiale

Coordonnées 41° 09′ nord, 22° 43′ est
Géolocalisation sur la carte : Grèce

Le Front bulgare à l'automne 1918

Les motivations bulgares en 1918

Le royaume de Bulgarie est sorti déçu des clauses de la paix de Bucarest. Dans ce contexte, l'armée bulgare, sous équipée et sous alimentée, est l'objet de tendances pacifistes et ses effectifs sont amoindris par les désertions qui la gangrènent[1].

Antécédents

Carte topographique moderne

Alors que les troupes serbes et françaises attaquent la Bulgarie en Macédoine par la vallée du Vardar, Grecs et Britanniques font de même en Thrace. Sous le commandement de George Milne, ces derniers doivent prendre d’assaut les positions bulgares situées sur les collines à l'ouest du lac Doiran.

À l’automne 1918, cette attaque est la troisième que les Alliés lancent dans la région de Doiran. En 1916, une première offensive anglo-française a déjà été repoussée et, en 1917, une autre attaque, menée cette fois par les seuls Britanniques, a également échoué à prendre la ville. De fait, la région est bien fortifiée et les positions bulgares ont été renforcées par des ingénieurs en 1916-1917. De plus, le relief difficile de la région est favorable à la défense bulgare ; mais, comme l'avoue Hertling, alors chancelier du Reich, au mois d’août, les Puissances centrales ne sont pas en mesure de reconstituer leur réserves, réduites à la portion congrue[2].

Les opérations militaires

Artillerie britannique à Doiran.
Miliitaires bulgares.

Préparation

Dès le mois d’août, des projets de rupture du front d'Orient sont préparés, Franchet d'Espérey se fixe alors comme objectif la gare de Gradsko, point nodal des communications bulgares[3].

Préparant son offensive avec soin, parfaitement renseigné par les reconnaissances aériennes, il est parfaitement conscient de la nature linéaire du dispositif germano-bulgare que ses unités doivent affronter : une fois la « croûte » cassée[N 1], une guerre de mouvement est censée permettre la dislocation de ce dispositif peu profond. Le choix des unités chargées de l'exploitation est alors primordial, et les unités serbes sont chargées de la mener au mieux[4].

Les concentrations sont opérées de manière à éviter la confrontation directe entre les unités serbes et les unités bulgares, les armées serbes participant au choc opéré sur des unités bulgares affaiblies[5].

La préparation militaire de Franchet d'Esperey se double d'une préparation diplomatique auprès des alliés de la France; la Grande-Bretagne et l'Italie sont consultées sur la conduite des opérations et le commandant du Front d'Orient obtient, le 10 septembre, un accord pour lancer les opérations quand il le souhaite[3]. Cette préparation n'est pas ignorée par les services de renseignement des puissances centrales, notamment l'Evidenzbureau[5].

Dès cette phase, les opérations alliées dans la région sont conçues comme une opération de diversion, destinée à empêcher le transfert d'unités germano-bulgares vers d'autres portions du front, là où doit s'exécuter la manœuvre principale, la région d'Uskub[6].

Opérations

Dès le premier jour, les unités majoritairement françaises et serbes lancent des assauts conformément aux objectifs qui leur sont désignés[3].

Le premier assaut allié sur les collines de Doiran est mené par la XXIIe et la XXVIe divisions britanniques ainsi que par la division crétoise. Alors que ces troupes gravissent les collines, elles sont soumises à un feu nourri venu des lignes bulgares, sont repoussées et subissent de lourdes pertes. Les Alliés prennent ensuite d’assaut le Pip Ridge mais les Bulgares retranchés dans les fortifications de la colline abattent un grand nombre d’hommes et seuls 20 à 30 % d’entre eux atteignent finalement les tranchées. Malgré cela, les Alliés parviennent à prendre les deux premières tranchées bulgares. Dans le même temps, un régiment grec est refoulé sur la droite. Le régiment des South Wales Borderers atteint la colline de Grand Couronné et attaque la défense bulgare. Bien que six fois moins nombreux, les Bulgares continuent néanmoins à se battre avec acharnement[6].

La rupture est cependant rapidement obtenue, Gratdsko est atteinte le 24 septembre, tronçonnant l'armée bulgare en deux, lui donnant les moyens de rapidement contrôler Uskub, puis, de là, de menacer à brève échéance soit le Danube, soit la Thrace turque[7].

Pertes humaines

Cimetière britannique à Polykastro des batailles de Doiran.

Durant les combats, les Alliés perdent 6 000 soldats tandis que les Bulgares ne comptent que 494 victimes[8]. Les Alliés croyaient en effet que les positions bulgares seraient détruites par l'intense préparation d'artillerie effectuée dans la nuit du 16 septembre ; mais les fortifications résistèrent au bombardement et les Bulgares ne subirent que des pertes légères (9 morts et 40 blessés). Ils purent donc riposter efficacement lors de l'attaque, causant de nombreuses victimes.

Retraite bulgare

À la fin du premier jour de combats, les Alliés n’ont gagné qu’une petite portion de terrain grâce à l’action des forces grecques.

Le jour suivant, la 65e brigade attaque Pip Ridge mais l’assaut aboutit à un nouvel échec et coûte la vie à la moitié des soldats alliés impliqués. Les assaillants attaquent alors la ville de Doiran et quelques-unes des collines qui l’entourent. Cependant, les Bulgares sont peu affectés par la perte de la ville, qui n’abritait que quelques troupes de garnison, et ils l’abandonnent pour mieux se retrancher derrière leurs fortifications. Le commandement bulgare tente ainsi de reconstituer un front plus au Nord, mais le 22, le front est irrémédiablement rompu, obligeant le Reich et la double monarchie à acheminer en urgence des renforts sur le front des Balkans, afin d'étayer un front à reconstituer[5].

En dépit de ces succès très limités, l'attaque a rempli son rôle de diversion. En effet, elle empêche des transferts de troupes en direction de la vallée du Vardar, et empêche la compréhension globale de l'offensive par les stratèges des puissances centrales[9].

La victoire des Français et des Serbes face aux Austro-Allemands et aux Bulgares en Macédoine modifie toutefois le rapport de force stratégique en Thrace, entre les unités ottomanes et les forces alliées. De fait, lorsque les conseillers allemands apprennent les pointes d'unités alliés dans la vallée du Vardar et leur avancée en direction de Doiran, ils ordonnent aux Bulgares de battre en retraite[9].

Conséquences

Le front rompu, les troupes franco-serbes marchent sur la Macédoine, sur Uskub, menaçant les communications de l'armée, entraînant la demande d'armistice bulgare[10], dont les clauses sont à peine discutées par les représentants du pays vaincu[11], aboutissant à la signature, le lendemain, d'un armistice à Thessalonique. Les puissances centrales tentent néanmoins d'acheminer des renforts, afin de garantir le maintien de la Bulgarie au sein de l'alliance organisée par le Reich, mais, devant la rapidité de l'avance alliée, les militaires germano-austro-hongrois ne peuvent que constater leur impuissance[11].

La demande d'armistice bulgare est certes la principale des conséquences, mais le changement de nature de la guerre en Albanie oblige le commandant austro-hongrois des troupes des puissances centrales en Albanie à modifier ses plans : en effet, durant le mois de septembre 1918, Karl von Pflanzer-Baltin, isolé en Albanie et en pleine préparation de son offensive contre Valona, trouve ses unités mises à mal par la percée franco-serbe et doit renoncer à ses projets offensifs, afin d'organiser une retraite rapide des unités placées sous son commandement[12]. De plus, la défection bulgare pousse les responsables allemands, Paul von Hindenburg et Erich Ludendorff à exiger du cabinet du Reich, le principal État soutien des puissances centrales, l'ouverture de négociations d'armistice entre le Reich et les Alliés[13].

La conclusion de cet armistice, ses clauses, oblige les puissances centrales à tenter de reconstituer un front en Serbie, mais, devant la rapidité de l'avance franco-serbe et la menace directe qui pèse sur Constantinople depuis la défection bulgare, l'Empire ottoman se voit lui aussi obligé de demander l'ouverture de négociations d'armistice dès le 8 octobre[14].

Notes et références

Notes

  1. Selon l'expression de Franchet d'Espérey

Références

  1. Renouvin 1934, p. 606.
  2. Fischer 1970, p. 627.
  3. Renouvin 1934, p. 599.
  4. Schiavon 2014, p. 333.
  5. Schiavon 2011, p. 228.
  6. Schiavon 2014, p. 334.
  7. Renouvin 1934, p. 600.
  8. Kurapovna 2009, p. 29–30.
  9. Schiavon 2014, p. 335.
  10. Renouvin 1934, p. 607.
  11. Renouvin 1934, p. 608.
  12. Schiavon 2011, p. 230.
  13. Fischer 1970, p. 632.
  14. Renouvin 1934, p. 630.

Bibliographie

  • Fritz Fischer (trad. Geneviève Migeon et Henri Thiès), Les Buts de guerre de l’Allemagne impériale (1914-1918) [« Griff nach der Weltmacht »], Paris, Éditions de Trévise, , 654 p. (notice BnF no FRBNF35255571)
  • Marcia Kurapovna, Shadows on the Mountain : The Allies, the Resistance, and the Rivalries That Doomed WWII Yugoslavia, John Wiley and Sons, . 
  • Pierre Renouvin, La crise européenne et la Première Guerre mondiale, Paris, Presses universitaires de France, , 779 p.
  • Max Schiavon, L'Autriche-Hongrie la Première Guerre mondiale : La fin d'un empire, Paris, Éditions SOTECA, 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », , 298 p. (ISBN 978-2-916385-59-4)
  • Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, Taillandier, , 378 p. (ISBN 979-10-210-0672-0)

Voir aussi

Liens internes

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