Banque industrielle de Chine

La Banque industrielle de Chine (BIC) est une ancienne banque franco-chinoise, qui a fait faillite en 1921 après avoir échoué à obtenir des autorités françaises un plan de sauvetage. Ses difficultés financières voient s'affronter frontalement le ministère des Finances et celui des Affaires étrangères, et sont l'occasion pour la presse et les ligues d'extrême-droite de mettre en évidence les liens tumultueux qui unissent alors la haute fonction publique et la haute banque.

Banque industrielle de Chine

Action de la Banque industrielle de Chine en date du 7 mai 1920[2].

Création 1913 à Paris et Shanghai
Disparition 1922
Fondateurs André Berthelot
Forme juridique Société anonyme
Siège social Paris
 France
Actionnaires Gouvernement chinois, banques françaises, petits porteurs
Activité Banque

Société suivante Banque franco-chinoise pour le commerce et l'industrie

Histoire

Fondation

André Berthelot, fondateur de la Banque industrielle de Chine.

La Banque industrielle de Chine est créée en 1913 par André Berthelot, avec l'appui du Quai d'Orsay. Son bureau chinois est établi à Shanghai et son bureau européen à Paris. Cette banque visait à établir une coopération durable entre la Chine et la France, et à renforcer le poids de la Chine dans ses négociations avec ses créanciers. Elle devait faire concurrence au consortium de banques anglaises, allemandes, japonaises, russes mais aussi françaises qui contrôlait les finances de la dynastie Qing[3].

La BIC s'inspire du modèle d'organisation anglais en Chine[4].

Le drapeau à cinq couleurs, symbole du gouvernement de Beiyang et du régime républicain.

Soutenant dès ses débuts le régime républicain chinois, elle obtient de lui d'importantes concessions de travaux publics et de chemins de fer, en échange de quoi le gouvernement chinois dispose d'une part importante du capital. La banque connaît un franc succès au commencement, mais dès la fin des années 1910, les événements politiques en Chine (Restauration impériale chinoise de 1915-1916, époque des seigneurs de la guerre) la contraignirent à rapatrier les fonds. Ses équipes souffraient d'un certain manque d'expérience et la banque n'avait pas une envergure internationale. Surtout, elle était concurrencée par un nouveau consortium bancaire formé à New York en 1919 par les financiers des puissances victorieuses, et qui était gêné dans ses entreprises par les liens entre la BIC et le gouvernement chinois[3].

Série de billets imprimée par la Banque industrielle de Chine.

La banque prend le contrôle de la Société financière des caoutchoucs en 1919, et acquiert ainsi des cultures d'hévéas et de palmiers à huile. Jusqu'en 1920, elle réussit à donner un retour sur investissement annuel à ses clients de 14%, bien qu'elle soit victime des soulèvements populaires chinois des années 1910. Elle se livre à une intense spéculation[5].

Difficultés et scandale politique

En 1920, elle menace de faire faillite si le gouvernement n'intervient pas, les fonds prêtés par la banque n'étant pas remboursés en raison d'une crise politique en Chine. Les contribuables français et les sociétés françaises qui ont investi dans cette banque risquent de ne pas pouvoir récupérer leur argent à cause de la situation politique dans le pays[6].

André Berthelot demande au gouvernement, et plus précisément à Aristide Briand, d'intervenir pour aider à sauvegarder les intérêts de ses clients investisseurs français en Chine. Le Quai d'Orsay, qui a participé à la création de cette banque, est divisé sur ce point, la banque étant concurrente avec une autre banque française, la Banque d'Indochine, qui est étroitement liée à Paul Doumer et qui compte de nombreux anciens hauts fonctionnaires au sein de son conseil d'administration. Le Quai d'Orsay appelle tout de même les banques françaises à soutenir la BIC, mais celles-ci se contentent de réaliser ses valeurs les plus rentables[3]. En Chine, la diplomatie française affirme que la banque tiendra ses engagements, mais malgré les efforts financiers consentis, les avoirs de la BIC sont dispersés et les titres perdent peu à peu toute leur valeur.

Philippe Berthelot, le frère d'André Berthelot, diplomate influent au Quai d'Orsay, tente de convaincre le gouvernement de l'urgence d'un plan de sauvetage. Alors très influentes, les ligues d'extrême-droite, dont l'Action française, instrumentalisent l'affaire pour mettre en évidence la connivence entre les milieux financiers et les cercles politiques. Berthelot était le fils d'un ancien ministre dreyfusard et athée. Paul Doumer cherche à utiliser le scandale pour obtenir la démission de Philippe Berthelot et d'Aristide Briand, mais le Sénat se range avec ces derniers.

Si la grande presse soutient les Berthelot, l'arrivée de Raymond Poincaré, populaire auprès de l'extrême-droite, à la présidence du Conseil, pousse le Quai d'Orsay, qui était originellement pour un plan de relance, à changer d'avis. Devant la détermination de la place de Paris à ne pas soutenir la BIC, la diplomatie française renonce partiellement à son projet de diriger l'épargne des Français vers la Chine. Un véritable scandale éclate en raison des liens incestueux entre les fonctionnaires, les coloniaux et la haute banque. Pour renforcer l'indignation, les deniers de l'Etat ont été avancés, à la fondation de la BIC, sans l'aval du Parlement, et la France n'a pas honoré ses engagements vis-à-vis de la Chine[3]. André Berthelot doit donc fermer la banque en 1922. De même, Philippe Berthelot, partisan du plan de sauvetage, devait originellement être exclu de la fonction publique pour dix ans mais faute d'éléments à sa charge, il obtient sa réintégration dès 1925.

Reprise

Paradoxalement, la campagne orchestrée par la presse d'extrême-droite a eu pour conséquence de renforcer de la légitimité des Berthelot, qui ont su gérer cette crise difficile. André Berthelot dépose le bilan de la Banque industrielle de Chine, et grâce à l'accord de ses investisseurs et au soutien du gouvernement chinois, les actifs de la banque sont transférés sans encombre vers la Banque franco-chinoise pour le commerce et l'industrie.

Notes et références

  1. Alex Witula: Le Più Belle Azioni D'Epoca, p. 288; (ISBN 978-88-95848-10-5)
  2. Alex Witula: Le Più Belle Azioni D'Epoca, p. 288; (ISBN 978-88-95848-10-5)
  3. Jean-Marie Thiveaud, « Crises et scandales financiers en France sous la Troisième République », Revue d'économie financière, vol. 41, no 3, , p. 25–53 (DOI 10.3406/ecofi.1997.2330, lire en ligne, consulté le )
  4. Nobutaka Shinonaga, « La formation de la Banque Industrielle de Chine », Le Mouvement social, no 155, , p. 39–65 (ISSN 0027-2671, DOI 10.2307/3778833, lire en ligne, consulté le )
  5. Fernand Maroni, « La banque des distingués frères Berthelot : expédients, voracité, spéculation forcenée, chute », sur entreprises-coloniales.fr, (consulté le )
  6. Jean-Noël Jeanneney, « Finances, Presses et Politiques », Revue Historique, no 513,

Annexes

Bibliographie

  • Nobutaka Shinonaga, La formation de la Banque industrielle de Chine et son écroulement. Un défi des frères Berthelot, 1988
  • Patrice Morlat, Le krach de la Banque industrielle de Chine, 1912-1928
  • The Living Age, 1922
  • Charles Ewart Darwent, Shanghai: A Handbook for Travellers and Residents..., 1920

Articles connexes

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