Auguste de Prusse

Frédéric Guillaume Henri Auguste de Prusse, né le à Berlin (quartier de Friedrichsfelde) (marche de Brandebourg) et mort le à Bromberg (province de Posnanie), est un général prussien, dernier fils d'Auguste-Ferdinand de Prusse et de Anne-Élisabeth-Louise de Brandebourg-Schwedt. Il est aussi le neveu de Frédéric II de Prusse.

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Une carrière militaire marquée par le traumatisme de la défaite de 1806

Prisonnier de guerre à l’issue de la campagne de Saxe

Ce prince, issu d’une branche cadette de la Maison de Hohenzollern, suit naturellement une carrière militaire. Il entre dans un régiment d'infanterie de l'armée prussienne dès l'âge de dix-huit ans. À ce titre, il participe en , à la campagne de Saxe que le roi Frédéric-Guillaume III de Prusse engage contre la France[1]. Il est alors un jeune officier de 27 ans qui a comme aide de camp un jeune et brillant capitaine, Carl von Clausewitz, recommandé par le colonel von Scharnhorst.

Blessé le lors de la bataille d'Auerstaedt, le Prince Auguste commande néanmoins l’arrière-garde de la colonne commandée par le prince de Holenhole pendant son repli, mais, séparé de son corps d’armée par l’attaque de Murat à Prenzlow, le [2], il est finalement pris et conduit à Berlin auprès de Napoléon lui-même. Lors de cette campagne de Saxe de 1806, le Prince Auguste perd son frère aîné, le prince Louis Ferdinand mort au combat le à la Bataille de Saalfeld, sort qu’il considère comme plus enviable que celui de prisonnier. Lui, comme Clauzewitz, resteront profondément marqués par la honte et le traumatisme de la capitulation de Prenzlow et par les défaites de leur armée.

Le Prince Auguste lui-même dans une lettre adressée à Madame Récamier raconte sa capture, déplore la « lâcheté » de Holenhole qui s’était rendu et fait le récit de son entrevue avec Napoléon[3]. Un témoin français rapporte également cette entrevue et en donne sa version : Plus tard, il est vrai, quelques propos indiscrets de ce jeune prince sur les événements de la campagne mécontentèrent vivement Napoléon. Il trouvait que le prince Auguste n'avait pas des antécédents militaires assez caractérisés pour se permettre des critiques acerbes contre ses supérieurs comme s'il eut été sûr de mieux faire à leur place. « Tout ce qu'on sait de lui, écrivait Napoléon, c'est qu'il a été trouvé dans un marais (à Prenzlau).»[4]. Envoyé en France comme prisonnier d’État et interné à Soissons, il jouit cependant d’une certaine liberté et il a l’autorisation de venir en séjours passagers à Paris où il fréquente les salons des personnalités de l'opposition à Napoléon.

Au service de l’armée prussienne

Après la défaite de son pays et la signature du traité de Tilsitt, il est autorisé à rentrer à Berlin à l’automne 1807 ainsi que Clauzewitz, son compagnon de captivité et aide de camp lui aussi capturé à Auerstardt. En , il est promu général de brigade par le roi Frédéric-Guillaume III et en collaboration avec le général von Scharnhorst, il s’attache à perfectionner l’artillerie et le génie dans l’armée prussienne.

Quand la Prusse se retourne à nouveau contre la France en 1813, le Prince Auguste, est présent sur les principaux champs de bataille: à Dresde (26 et ) lors de la défaite contre l'armée de Napoléon, à Kulm () où il contribue à la victoire contre le général Vandamme et lors de la "grande bataille des nations" à Leipzig (16 et ) où les alliés infligent à Napoléon sa première grande défaite.

Au moment de l'invasion du Nord de la France au début de l'année 1814, il est avec les troupes prussiennes et alliées quand elles franchissent le Rhin et il affronte les troupes françaises en à Champaubert et Vauchamps où Napoléon refoule ses attaquants mais ne peut éviter leur victoire finale. Le Prince Auguste fait partie de la délégation prussienne au Congrès de Vienne durant l'hiver 1814-1815 mais le retour de l'Ile d'Elbe de Napoléon lui fait rejoindre l'armée prussienne commandée par Blucher près de Namur. Au lendemain de la bataille de Waterloo (), à la tête du 2d corps d'armée de Blucher, il est chargé d'assiéger les forteresses françaises d'abord de la Sambre (Maubeuge et Landrecies qui tombent les 12 et le ) puis de celles situées entre Sambre et Meuse ( Marienbourg se rend le et Philippeville le aux mêmes conditions que le Prince Auguste avait imposées à Landrecies, c'est-à-dire renvoi des gardes nationaux dans leurs foyers, passage libre d'une partie de la troupe avec deux canons pour se rendre du côté de la Loire, les officiers gardant leur épée, les sous-officiers leur sabre.

Rentré à Berlin une fois la paix revenue, il est nommé général en chef de l’artillerie par le roi Frédéric-Guillaume III, il exerce cette fonction avec une ponctualité minutieuse. Au retour d’une inspection de la construction d’une forteresse à Könisgberg, alors qu’il travaille avec ses aides de camp et leur dicte des lettres, il meurt le d’une crise d’apoplexie.

Les moments les plus heureux et les plus malheureux de ma vie, une passion pour Juliette Récamier

La rencontre et l’idylle du château de Coppet

La notoriété du Prince Auguste de Prusse lui est cependant acquise par un fait de vie privée. Pendant sa captivité en France et lors des séjours qui lui sont autorisés à Paris, il est présenté à Mme de Staël qui l’invite avec Clausewitz au château de Coppet au cours de l’été 1807. C’est là qu’il rencontre Juliette Récamier, venue se reposer auprès de son amie pour un séjour de cinq mois. Une série d’événements malheureux (procès du Général Moreau, faillite de son mari, décès de sa mère) viennent d’ébranler la santé de la célèbre Juliette Récamier et les médecins lui ont suggéré un changement d’air.

Le Prince Auguste est alors âgé de 28 ans et un sentiment très vif nait entre eux deux au point qu’ils échangent une promesse écrite de mariage et que Juliette rédige une lettre à son mari, lui demandant de consentir à leur divorce et à la rupture de liens « que la religion catholique elle-même proclame nuls ». La réponse de Jacques Récamier est un refus exprimé sur un ton très paternel. En proie à une grande confusion de sentiments, Juliette Récamier rentre à Paris, tente de se suicider puis rompt définitivement en 1808 ses éphémères « fiançailles » avec le prince, déclarant ne pas vouloir abandonner son mari qui venait de faire faillite mais lui avait donné une situation brillante et fortunée.

Une amitié durable et un mécénat commun

La rupture avec Juliette Récamier ne met pas fin à leur relation poursuivie par échanges épistolaires jusqu'à la mort du Prince Auguste et ponctuée de quelques rencontres. Malgré une vie sentimentale agitée[5], le Prince Auguste garde jusqu’à la fin de sa vie un sentiment vif pour sa belle amie. Dans une lettre du , il avoue : « Il ne me sera pas si facile qu’à vous de changer en une relation d’amitié celle qui était entre nous, et je doute même que le temps puisse le faire. »[6] De son côté, Juliette Récamier conserve comme toujours une attitude ambigüe, le laissant espérer « une issue heureuse qui ne viendra jamais ».

Mais le Prince Auguste et Juliette n’échangent pas que des lettres : selon une coutume répandue, ils s’offrent et s’envoient leurs portraits. C’est l’occasion de commandes aux artistes en vogue qu’ils fréquentent et veulent protéger. Fruit de leur mécénat commun, Corinne au cap Misène, est demandé en 1818 à François Gérard pour rendre hommage et célébrer leur amitié à Mme de Staël au lendemain de son décès. Le tableau est finalement offert par Auguste de Prusse à Juliette et il est la toile de fond de son appartement de l’Abbaye-aux-Bois. Aux demandes répétées du Prince d’avoir un portrait d’elle, Juliette Récamier lui fait expédier, au lendemain de leur rupture une miniature peinte par Isabey[7] d’après le grand portrait fait par Gérard ; quand elle reçoit Corinne au cap Misène, elle se décide même à lui donner le grand portrait de Gérard après en avoir fait faire une copie réduite par Minardi. Il est expédié à Berlin et le Prince en accuse réception le et le place dans son cabinet comme en témoigne la toile de Franz Krüger le représentant en uniforme de général dans le cabinet de ses appartements privés. Une disposition testamentaire du Prince lègue entre autres choses ce portrait à Juliette selon sa promesse de le lui rendre.

Les dernières lettres du Prince à Juliette Récamier datées du et du [8] lui redisent « sa tendre amitié », lui recommandent le sculpteur Wichmann et la préviennent : « Si je venais à mourir, vos portraits vous seront remis avec un souvenir de ma part, toutes vos lettres seront brûlées sans être lues par personne, et l’anneau que vous m’avez donné me suivra dans ma tombe. J’ose vous prier de prendre des arrangements pour que les lettres confidentielles que je vous ai écrites ne tombent pas entre les mains de personnes qui me sont étrangères. »

Catafalque de Prince Auguste dans le Berliner Dom

Le , le décès du prince Auguste de Prusse est annoncé à Juliette Récamier par Alexandre de Humbolt, le grand explorateur et géographe, ami personnel du prince. Dans son évocation du disparu, il trace ce portrait : « il accueillait dans sa maison toutes les classes de la société, surtout les artistes et les hommes de lettres. Possédant une grande fortune[9], […], il a été noble et généreux dans les grandes occasions…. »[10]

Sources et bibliographie

  • Carl von Clausewitz, Notes sur la Prusse dans sa grande catastrophe, 1806, Librairie Militaire R. Chapelot, 1903 - 187 pages. L’ouvrage contient une annexe dont le titre est " Le bataillon du prince Auguste à Prenzlau ".
  • Amélie Lenormant, Souvenirs et correspondance tirés des papiers de madame Récamier, t. Ier, Paris, Michel Lévy frères, (lire en ligne)
  • Amélie Lenormant, Madame Récamier et les amis de sa jeunesse, Paris, Lévy, 1872.
  • Édouard Herriot, Madame Récamier et ses amis, Paris, Plon-Nourrit, 1909.
  • P.-E. Buron, Le cœur et l’esprit de Madame Récamier, d’après sa correspondance et ses correspondants, Atimco, Combourg, 1981. Dans cet ouvrage, l’auteur rassemble des textes souvent inédits issus des archives personnelles de Juliette Récamier et actuellement au Département des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France (NAF 14067 à NAF 14106). Les lettres écrites par le Prince Auguste de Prusse à Juliette Récamier font partie de cet ensemble.
  • Juliette Récamier, muse et mécène, catalogue d'exposition, musée des beaux-arts de Lyon, 2009.

Notes et références

  1. La mainmise de l’empereur français sur toute une partie de l’Allemagne par la formation de la Confédération du Rhin en juillet 1806, heurta les ambitions personnelles de Frédéric-Guillaume III et l’incita à rompre avec la France et à s’engager dans la Quatrième Coalition.
  2. Mis en difficulté, et ignorant les effectifs réels de son adversaire, Holenhole demande rapidement l'ouverture de pourparlers et se résout à la reddition. Murat, qui n’avait que 10 000 hommes, lui aurait déclaré auparavant : « Voyez, je vous cerne avec 100 000 hommes. Si vous ne vous rendez pas, je vous fais sabrer jusqu'au dernier. » Fier de son audace, il écrivait le soir même à Napoléon "Le prince de Holenhole est en mon pouvoir ainsi que son corps d'armée, 16 000 hommes d'infanterie, 6 régiments de cavalerie, 60 pièces de canon, 60 drapeaux; les princes Auguste-Ferdinand, Hohenlohe, Tauenzien et plusieurs autres officiers généraux sont le résultat de cette brillante journée".
  3. Lettre du Prince Auguste à Madame Récamier, voir p. 97-98 dans P.-E. Buron, ouvrage cité
  4. Les Français en Prusse (1807 - 1808) histoire-empire.org
  5. Le Prince Auguste a eu 11 enfants illégitimes mais il veilla à leur éducation « remplissant scrupuleusement ses devoirs de père de famille ». Les quatre aînés de Caroline Wichmann qui deviendra baronne von Waldenburg, et les sept autres de A. Arend devenue baronne von Prillwitz.
  6. Voir p. 142 dans P.-E. Buron, ouvrage cité.
  7. Une miniature représentant le prince Auguste a également été faite par Isabey.
  8. Voir p. 334-335 dans P.-E. Buron, ouvrage cité.
  9. Le Prince Auguste était l'un des plus riches propriétaires de Prusse; à sa mort ses biens reviennent à la Couronne puisqu'il ne laisse aucun héritier légitime.
  10. Voir p. 336 dans P.-E. Buron, ouvrage cité.

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