August Hirt

August Hirt, né le à Mannheim et mort le à Schluchsee, est un anatomiste, de nationalité allemande et suisse. Enseignant aux universités de Heidelberg, Greifswald et Francfort, il était professeur à la Reichsuniversität de Strasbourg. Hirt a effectué des expériences avec le gaz moutarde sur les détenus du camp de concentration de Natzweiler-Struthof et a joué un rôle dans l'assassinat de 86 déportés juifs du camp de concentration d'Auschwitz, qui devaient être utilisés pour constituer une collection de squelettes à l'Institut anatomique de Strasbourg. Il était Sturmbannführer-SS, membre de l'Institut d'anthropologie raciale « Ahnenerbe ».

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Biographie

Éducation et parcours académique

Hirt est le fils d'un homme d'affaires suisse. En 1914, alors lycéen, il se porte volontaire pour participer à la Première Guerre mondiale du côté allemand. En octobre 1916, il est blessé d'une balle dans la mâchoire supérieure. On lui remet la Croix de fer et il retourne à Mannheim en 1917.

Il va ensuite étudier la médecine à l'Université de Heidelberg. En 1921, il prend la citoyenneté allemande. En 1922, Hirt obtient son doctorat en médecine avec Der Grenzstrang des Sympathicus bei einigen Sauriern. Il travaille ensuite à l'Institut d'anatomie de l'Université de Heidelberg et, en 1925, il reçoit l'habilitation à enseigner grâce à une thèse sur le grain des nerfs rénaux. À partir de 1930, le professeur Hirt est associé à l'institut[1],[2],[3].

August Hirt rejoint en septembre 1932 l'Union de lutte pour la culture allemande[3]. Le , il adhère à la SS générale (SS-Nr. 100 414), et est promu Hauptsturmführer (capitaine) le , mais il n'est membre du NSDAP qu'à partir du , période d'adhésion des universitaires du Reich (Mitgliedsnr. 4012784). À compter du , il est membre de l'état-major personnel du RuSHA[4], l'organisme chargé d'attester la « pureté » idéologique et raciale des membres de la SS. Il passe Sturmbannführer (Major) en 1944.

À compter du , le Pr Hirt est agrégé et directeur de l'Institut d'anatomie de l'Université de Greifswald ; le , il obtient le même poste à l'Université de Francfort. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il est médecin-chef SS d'août 1939 jusqu'en avril 1941, période pendant laquelle il prend part à la bataille de France. Il devient ensuite directeur du nouvel Institut d'anatomie de la Reichsuniversität Straßburg[5] (université du Reich de Strasbourg).

Période à la Reichsuniversität Straßburg

Fin 1941, le professeur Hirt travaille sur un antidote au gaz de combat ypérite, connu sous le nom de gaz moutarde. Il connaît les douleurs causées par l’ypérite, y ayant été exposé, par une erreur de manipulation, à très faible dose fin 1941 : « C’est extrêmement douloureux »[6]. Cela ne l’empêche pas, en novembre 1942, de commencer à expérimenter sur l’homme au camp de concentration de Natzwiller-Struthof. Les doses qu’il utilise sont mortelles. Sur un premier groupe de quinze personnes, il teste son antidote sur dix d’entre elles, et laisse cinq « témoins » sans protection. Sept prisonniers meurent. Pour avoir un résultat statistiquement significatif, il recommence l’expérience sur 150 personnes dont près de quarante meurent selon les témoignages. On n’en sait pas plus sur ces expériences, tous les documents sur ses recherches furent brûlés avant la libération de Strasbourg[7].

Hirt est incontournable pour ceux qui veulent réaliser des expériences sur des prisonniers du camp du Struthof. Le 17 mars 1943, il organise une conférence devant ses confrères de la faculté de médecine de Strasbourg pour les inciter à rejoindre, comme lui, la SS et l’Ahnenerbe afin d’avoir accès à l’expérimentation humaine[8]. Les professeurs Haagen et Bickenbach, entre autres, profiteront de ces « facilités » offertes par Hirt et l’Ahnenerbe.

L'Ahnenerbe est, sous le Troisième Reich, une société organisant, entre autres, des « expériences médicales » sur des prisonniers, parmi lesquels de nombreux Juifs, de certains camps de concentration dont celui de Natzwiller-Struthof en Alsace où officie August Hirt. Il pratique également des expériences sur des cadavres, collectionnant également les crânes humains.

August Hirt a été marié[9] et a eu une fille et un garçon.

Collection de squelettes juifs

Le professeur Hirt est surtout connu pour avoir voulu compléter la collection de crânes de l'institut d'anatomie (dont le directeur est Hirt depuis 1941) avec des crânes de commissaires « judéo-bolcheviques ». Il s'occupe en effet à l'époque de recherches sur la race. Comme, selon lui, la « race » juive est sur le point d'être anéantie, il cherche à réunir, tant qu'il est encore temps, une collection de crânes de commissaires bolcheviks juifs. Hirt envoie d'ailleurs son projet à Heinrich Himmler, un projet intitulé Conservation des crânes de commissaires judéo-bolcheviques aux fins de recherches scientifiques à la Reichsuniversität Strassburg. Hirt écrit notamment dans ce projet : « Il existe d'importantes collections de crânes de presque toutes les races et tous les peuples. Il n'y a que des Juifs dont la science dispose de si peu de crânes, de telle façon qu'il n'est pas possible d'en tirer des conséquences significatives. La guerre à l'Est nous donne l'occasion de combler ce déficit. Nous avons la possibilité d'acquérir un document scientifique tangible en nous procurant les crânes des commissaires judéo-bolcheviques qui incarnent le sous-homme répugnant, mais caractéristique ».

Dans le cadre de ses études raciales, le professeur Hirt conçoit le projet d’une collection de squelettes juifs et c'est pour cette raison qu'il présente son plan de recherches à Himmler. Ce dernier approuve ce projet et Hirt peut commencer ses « expériences médicales ». C'est à ce stade que des hommes et des femmes sont « sélectionnés » en août 1943 au camp d'Auschwitz par son assistant, l'anthropologue SS Bruno Beger, avant d'être envoyés au camp de concentration de Natzweiler-Struthof, en Alsace. Divisés en quatre groupes, ils sont successivement gazés quelques jours après et leurs cadavres mis à sa disposition.

En septembre 1944, l’approche rapide des Alliés entraîne l'abandon du projet et Himmler ordonne l'élimination de toute trace de cette collection compromettante. En vain, les restes de quatre-vingt-six cadavres sont plus tard découverts et inhumés le dans le cimetière municipal de Strasbourg-Robertsau avant d'être transférés en 1951, dans le cimetière juif de Strasbourg-Cronenbourg.

Pendant un bombardement de Strasbourg, le , sa femme et son fils furent tués. Après la libération de Strasbourg à la fin , il s’enfuit avec sa fille à Tübingen dans le Sud de l’Allemagne où il resta jusqu'à l'occupation du Wurtemberg par les Alliés, alors il se réfugia chez des paysans en Forêt-Noire[10]. Le , il se tua d'un coup de feu à Schönenbach et fut enterré au cimetière de Grafenhausen[11].

En Suisse on le rechercha encore jusqu'à fin des années 1950 et à Metz un tribunal militaire français le condamna à mort par contumace le .

Le , des restes de ses victimes conservés dans un bocal et des éprouvettes et dont les chercheurs écartaient jusqu’ici l’existence, ont été découverts par le Dr Raphael Toledano (médecin, membre du conseil scientifique du Centre européen du résistant déporté (CERD)-Musée du Struthof) avec l'aide du Pr Jean-Sébastien Raul, dans le Musée de l’institut de médecine légale de Strasbourg. Cette découverte a été annoncée le samedi par la municipalité de Strasbourg dans un communiqué[12].

Notes et références

  1. Das Jahr 1930 wird von Klee (Auschwitz, S. 356)
  2. Benzenhöfer 2010, p. 23.
  3. Bauer 1996, p. 11.
  4. Kater 1998, p. 248.
  5. Wechsler 1991, p. 126-129.
  6. Janouin-Benanti 2016, p. 96.
  7. Janouin-Benanti 2016, p. 98-99
  8. Janouin-Benanti 2016, p. 100
  9. « Photo de Hirt et sa femme, Abschnitt 10.3.6. Expériences médicales »
  10. Lang 2004, p. 193.
  11. Lang 2004, p. 214.
  12. « Des restes de victimes d’un anatomiste nazi découverts à Strasbourg », Le Monde, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • (de) Ernst Klee : Auschwitz, die NS-Medizin und ihre Opfer. 3e édition. Fischer, Francfort-sur-le-Main 1997, (ISBN 3-10-039306-6).
  • (de) Michael H. Kater (de), Das „Ahnenerbe“ der SS 1935–1945. Ein Beitrag zur Kulturpolitik des Dritten Reiches, Oldenbourg, Munich, (ISBN 3-486-55858-7).
  • (de) Udo Benzenhöfer (de), « August Hirt – Verbrecherische Menschenversuche mit Giftgas und „terminale“ Anthropologie. », dans Udo Benzenhöfer, Mengele, Hirt, Holfelder, Berner, von Verschuer, Kranz: Frankfurter Universitätsmediziner der NS-Zeit, Münster, Verlag Klemm & Oelschläger, (ISBN 978-3-932577-97-0), p. 21–42.
  • Jean-Claude Pressac, L’Album du Struthof : étude du gazage au Struthof de 86 juifs destinés à la constitution d’une collection de squelettes, New York, The Beate Klarsfeld Foundation, 1985.
  • Patrick Wechsler, La Faculté de médecine de la « Reichsüniversität Strassburg » (1941-1945), Strasbourg, Université Louis Pasteur de Strasbourg, (lire en ligne), chap. 191
  • Édouard Conte et Cornelia Essner, La Quête de la race : Une anthropologie du nazisme, Paris, Hachette, coll. « Histoire des gens », , 451 p. (ISBN 978-2-010-17992-1)
  • (de) Hans-Joachim Lang, Die Namen der Nummern: Wie es gelang, die 86 Opfer eines NS-Verbrechens zu identifizieren, Hoffmann und Campe, (ISBN 978-3455094640)
  • (de) Hans-Joachim Lang, Die Frauen von Block 10. Medizinische Versuche in Auschwitz, Hambourg, Hoffmann & Campe, (ISBN 978-3-455-50222-0).
  • Raphael Toledano, Henri Henrypierre: de Lièpvre à Nuremberg, itinéraire d'un témoin des crimes du Struthof, Annuaire de la Société d'histoire du Val de Lièpvre, 2013, no 35, p. 87–110.
  • Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, , 3e éd., 302 p. (ISBN 979-10-95826-68-2)
  • (de) Bauer (de), « Die Universität Heidelberg und ihre medizinische Fakultät 1933–1945. Umbrüche und Kontinuitäten », dans 1999. Zeitschrift für Sozialgeschichte des 20. und 21. Jahrhunderts.,

Documentaires

Liens externes

Articles connexes

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