Association des oulémas musulmans algériens

L'Association des oulémas musulmans algériens (en arabe : جمعيّة العلماء المسلمين الجزائريّين, Jam‘iyyat al-‘Ulamā’ al-Muslimīn al-Jazā’iriyyīn) est une association religieuse algérienne créée en 1933 pendant la colonisation française.

Sur le plan religieux, ils s'inspiraient de Mohammed Abdou, imam hanéfite égyptien et de son disciple Rachid Rida, qui recommandait le retour aux préceptes religieux des théologiens syriens du XIVe siècle.

Sur le plan politique ils ont été influencés par l'émir Chekib Arslan, et le Destour tunisien. Le mot d'ordre du mouvement était « L'islam est notre religion, l'arabe est notre langue et l'Algérie est notre pays. »

Création

De gauche à droite, Abdelhamid Ben Badis (18891940) et Tayeb el-Oqbi (18891960).

Elle est créée le à Constantine et regroupe tous les oulémas d'Algérie, même maraboutiques, mais l'influence réelle vient de ceux formés dans les pays du Moyen-Orient et à Tunis. Le groupe devient influent avec l'apparition de son véritable chef, le cheikh Abdelhamid Ben Badis, lui-même disciple de Hamdène Lounissi (qui finit par quitter l'Algérie pour La Mecque) et de l'imam malékite originaire de Tlemcen cheikh Abdelkader El Medjaoui (1848 - 1914).

Ben Badis est accompagné d'autres cheikhs, le cheikh El-Okbi qui a passé vingt-cinq ans au Hedjaz, à Médine et à La Mecque, et le cheikh Mohamed Bachir El Ibrahimi qui passe plusieurs années en Égypte et en Syrie ainsi que le poète Mohamed Laid Al Khalifa.

Programme

Leur programme est à la fois religieux et culturel. Au point de vue religieux, ils ont voulu ramener l'islam algérien à sa pureté originelle telle qu'ils le voyaient, en luttant contre les superstitions et les innovations.

Au point de vue culturel, ils se sont consacrés à restaurer la communauté islamique, en rapprochant sunnites et chiites autour des points de vue sunnites, arabophones et berbérophones, pour créer un seul bloc de musulmans algériens.

Éducation

Ils dispensaient une éducation aux enfants algériens, leur méthode pédagogique est conçue, d'après Charles-André Julien, selon le canon moyen-oriental et panarabe. Ils dispensaient des cours d'enseignement de la langue arabe, des cours de vulgarisation de l'histoire nationale algérienne, de religion, de grammaire, de mathématiques, etc. Ces écoles étaient mixtes en un temps où les « écoles de la République » ne l'étaient pas. Les étudiants devaient assimiler l'esprit critique de la science contemporaine afin qu'ils puissent selon Ben Badis « assimiler tout le modernisme et toute la culture de notre époque au moyen de la langue arabe. » La plus importante école religieuse créée, fut celle de Constantine. Sous les auspices de Ben Badis, elle reçut environ trois cents enfants. Dans les écoles des grandes villes, les oulémas donnaient des cours de théologie, de philosophie, de droit, de littérature et d'histoire. Le but suprême devait être de créer à Alger une grande université, sur le modèle de la Zitouna de Tunis, qui serait un centre de rayonnement de la culture arabe.

Politique

Sur le plan politique, les oulémas représentent la tendance arabo-islamique dans le mouvement national algérien dont elle constitue l'une des principales composantes. Les oulémas sont partis en croisade contre les marabouts et les zaouïas. Cette croisade avait démarré en 1914 à la suite de la publication, par cheikh Abdelkader El Medjaoui de son ouvrage Elloumm' fi nothom el bidè', ouvrage inspiré d'une poésie du moufti malékite de Constantine Mouloud Ben El Mouhoub. À cette époque, deux clans se sont affrontés par le biais de la presse: d'une part, les détracteurs de cheikh El Medjaoui et d'autre part, ceux qui le soutenaient dans les réflexions développées dans cet ouvrage. Selon le penseur algérien Malek Bennabi et l'historien américain Alan Christellow, Abdelkader El Medjaoui, auteur de nombreux ouvrages, est l'un des premiers maillons de la chaîne des oulémas qui ont initié le mouvement islahiste[Quoi ?] en Algérie dès 1877.

Après la création de l'association, le mouvement pratiquait peu d'alliances avec les partis politiques algériens et, comme pour le Destour et l'Action marocaine, ne manquait jamais de rappeler l'individualité de l'Algérie qu'on ne peut confondre avec la France. Les mesures d'assimilation sont rejetées par les oulémas, Ben Badis exprima sa vision de la nation algérienne en 1936, dans le quotidien Al-Chihâb (Le Météore) :

« Nous avons cherché dans l'histoire et dans le présent et nous avons constaté que la nation algérienne musulmane s'est formée et existe, comme se sont formées toutes les nations de la terre. Cette nation a son histoire illustrée par les plus hauts faits ; elle a son unité religieuse et linguistique ; elle a sa culture, ses traditions et ses caractéristiques, bonnes ou mauvaises comme c'est le cas de toute nation sur terre. Nous disons ensuite que cette nation algérienne n'est pas la France, ne peut être la France et ne veut pas être la France. Il est impossible qu'elle soit la France, même si elle veut l'assimilation. Elle a son territoire déterminé qui est l'Algérie avec ses limites actuelles[1]. »

Ben Badis, dans son texte dont le titre est Mon opinion au sujet de Mustafa Kemal Atatürk et de sa révolution kémaliste[2], soutient la laïcité et la révolution, contre le khalifisme. Ben Badis et Messali Hadj étaient en désaccord politiquement, car Messali est plus proche de Kamal à cause de la lutte anti-impérialiste et les relations avec la Russie. Messali devient conservateur sous prétexte de ne pas laisser aux Oulémas le monopole de la religion[3].

Les relations avec le PPA-MTLD sont tendues, l'AOMA reprochait la politisation des élèves de ses instituts qui sont en contact avec le PPA-MTLD, plusieurs élèves sont exclus des instituts à cause de leurs militantisme[4].

Relations avec les autorités coloniales françaises

Le Conseil d'administration de l'association (fin des années 1950). De gauche à droite, assis : Naïmi Naïm, Cheikh Abbas Bencheikh el Hocine, Ahmed Taoufik El Madani, Larbi Tebessi, Mohamed Bachir El Ibrahimi, Mohamed Khireddine, Abdellatif Soltani, Ahmed Bouchmel. Debout : un inconnu, un inconnu, Baaziz Benomar, Ahmed Hammani, Aboubakr Laghouati, Djilali El Farissi, Abdelkader El Maghribi, Ahmed Sahnoune, Hamza Boukoucha, un inconnu.

Les oulémas prenaient une place de plus en plus importante dans la vie politique et religieuse algérienne, ce qui inquiétait au plus haut point les autorités coloniales françaises[5]. Leur enseignement religieux menaçait les mokkadems des confréries soufies, les cheikhs des zaouïas maraboutiques.

Pour combattre l'influence des oulémas, le gouvernement décide en 1930 d'instituer dans chaque département des comités consultatifs du culte. La circulaire Michel ordonne aux autorités locales de surveiller de très près les communistes et les oulémas. Par cette circulaire, les oulémas ne peuvent plus prêcher dans les mosquées, mais ceci ne diminuera pas le prestige des oulémas. Cette interdiction de prêche s'adressait surtout au cheikh El-Okbi qui bénéficiait d'un grand prestige, il sera accusé, par l'administration coloniale, d'avoir commandité l'assassinat du mufti Bendali.

Les autorités coloniales considèrent l'association comme étant proche du wahhabisme. Tayeb al-Oqbi entretenait des liens avec Rachid Rida, qui a synthétisé l'idéologie des Frères musulmans avec la théologie saoudienne[6].

Controverses

Après la prise du pouvoir en Afghanistan par les taliban, Abderrazak Guesssoum, président de l’association, considère que le fait que les taliban ont annoncé qu’il n’y aura pas de représailles est suffisant pour les qualifier de « soldats de Dieu » et de leur souhaiter « la bienvenue ». Il n’hésite pas à faire un parallèle entre la conquête du pouvoir par les taliban en Afghanistan, et la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Il est allé jusqu’à comparer les talibans aux héros de la révolution algérienne : Amirouche, Ben M’hidi, Ben Boulaid et Abane[7].

Galerie

Notes et références

  1. Charles-André Julien, L'Afrique du Nord en marche, p. 104
  2. (ar) texte d'Ibn Badis
  3. L'Algérie en crise: crise économique et changements politiques Par Abderrahim Lamchichi, p. 74
  4. Courreye, Charlotte, « L’Association des Oulémas Musulmans Algériens et la construction de l’État algérien indépendant : fondation, héritages, appropriations et antagonismes (1931-1991) » [livre], sur http://www.theses.fr/, Sorbonne Paris Cité, (consulté le ).
  5. Littérature et histoire coloniale : actes du colloque de Nantes, 6 décembre 2003 Par Jacques Weber. Publié par Indes savantes, 2005. (ISBN 2-84654-087-X). Page 267
  6. Samir Amghar, « Le salafisme en France : de la révolution islamique à la révolution conservatrice », sur Cairn.info (consulté le ).
  7. « MSP, Oulémas : ces Algériens qui applaudissent les Talibans », sur tsa-algerie.com, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail des religions et croyances
  • Portail de l’Algérie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.