Artisanat d'art

L’artisanat d'art est un groupe professionnel reconnu par la chambre de Métiers et de l’Artisanat. L’artisan en métier d’art, selon les termes du Décret n° 2017-861 du 9 mai 2017 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers, relève de la liste officielle de métiers d’art (liste des 217 métiers d’art[1]. Il ne s’agit pas d’un statut juridique à part entière ni d’une activité proprement dite, mais d’une reconnaissance professionnelle[2]. La chambre de Métiers et de l’Artisanat distingue l’artisan d’art du maître artisan en métiers d’art[2].
Le nom "d'artisanat d'art" est aussi donné en France à un mouvement de la fin du XXe siècle, de l'après mai 1968, qui réunit des artistes et des artisans contestataires issus des milieux urbains et intellectuels.

Pour les métiers de l'artisanat d'art, voir liste des métiers de l'artisanat d'art en France.

Origine et démarche

Le mouvement de l'artisanat d'art français, à la fin du XXe siècle, est un mouvement culturel et social, plus qu'un mouvement artistique comme l'Art nouveau français ou l'Arts & Crafts anglais de la seconde moitié du XIXe siècle. Pierre Rossel qualifie ce mouvement de Neo-artisanat[3], le reliant aux modes de productions capitalistes de cette fin de siècle.

Bien qu'il ressemble à ces deux courants en regroupant des artistes et des artisans d'art, il n'a pas réellement de cohérence esthétique ni de démarche artistique autre qu'une utilisation maximum de matériaux naturels. Il n'a pas de théoriciens ni de leader. L'artisanat d'art tente de mettre en place une conception nouvelle de la vie en société, une façon différente de fabriquer, un nouveau système marchand.

Dès 1970, de jeunes contestataires pacifistes prônent un retour à la terre[4] et un système de vie qui exclut le grand commerce et la consommation aveugle. Ces néo-ruraux[5] travaillent à créer des objets de la vie courante ou de décoration, esthétiques et utilisant les matières que leur offre la nature, le bois, la terre, la soie, le lin, la laine.

Ce mouvement, dont l'apogée dura une vingtaine d'années n'est pas à négliger d'un point de vue social. Comme l'Arts and Crafts, en réaction à la laideur des productions industrielles d'objets, l'artisanat d'art post-68 a généré une production artistique exceptionnelle, appliquée à tous les domaines de la décoration et de l'objet.

Il a été l'un des facteurs essentiels de la prise de conscience de l'écologie actuelle et de la remise en cause des systèmes de production et de consommation. Il a considérablement freiné le « tout industriel et technologique » de la vie courante alors accepté dans les années 1960.

Histoire

Déçus ou désireux de prolonger le mouvement libertaire de 1968, non politisés même si l'écologisme naissant avait des allures de contestation virulente avec le journal La Gueule ouverte, de nombreux jeunes, hippies, utopistes, mais aussi des artistes et des intellectuels prennent le chemin de la campagne.

Les villages, mais également les villes qui avaient gardé une configuration intra-muros, comme Cordes-sur-Ciel, Le Mans, Carcassonne, voient s'ouvrir des ateliers et des galeries d'artisanat d'art encore un peu maladroit, mais authentique : potiers, tisserand (souvent éleveurs), peintres sur soie, cuir, macramé, bougies, poupées, meubles peints, etc.

Au début des années 1950, une association de potiers-céramistes-sculpteurs avait créé, autour de Jacques Blin, le Syndicat des céramistes et ateliers d'Art de France[6]. L'association n'aurait jamais eu ce succès sans l'arrivée de ces nouveaux créateurs. Le Salon des Ateliers d'art de France ouvre ses portes au début des années 1970 au Parc des expositions de la porte de Versailles. Avec entre deux et trois cents exposants, le succès est immédiat.

Parallèlement, d'autres systèmes de vente tentent de se mettre en place, le "Marché sans marchand" en 1975 à Montreuil puis en 1976 à Sarcelles accueille mille exposants, et d'autres "salons d'artisanat d'Art" se créent au cœur d'institutions traditionnelles comme la Foire de Paris.

En province, chaque petite ville cherche à créer son exposition d'artisanat d'art. Dans l'Eure, une association d'artisans d'art expose pour une journée plusieurs fois par mois dans les villages. Les grandes villes créent des évènements plus importants comme le "Marché médiéval" de Chinon où plusieurs centaines d'artisans d'art costumés exposent leurs créations le temps d'un week-end en été. Toutes les fêtes se doivent d'avoir leurs "artisans". Une affiche fait le tour des journaux spécialisés en 1985 elle s'intitule "Artisans-tomates farcies" à Rigny (Loir et Cher). La promenade dominicale des français peut inclure la tournée des ateliers. Outre l'achat de pièces authentiques, le public s'intéresse à la manière de vivre particulière de ces artisans d'art, proche de la nature. De nombreuses communautés s'installent et leurs moyens de subsistance se basent sur le revenu de l'artisanat d'art.

Dès 1981 et l'arrivée de la Gauche au pouvoir, les cotisations minimum d'URSSAF multipliées par dix obligent de nombreux très petits ateliers à fermer. Ces marginaux vivent pratiquement en autarcie mais justifient malgré tout d'une profession, ils doivent s'inscrire au chômage. Le statut d'artiste-libre se complique, situé entre l'artisan inscrit à la Chambre de métiers et l'artiste du Ministère de la Culture. Le mouvement, peu structuré, puisqu'il s'agit d'un phénomène de société, s'essouffle.

Au début des années 1990, les artisans traditionnels, ébénistes, verriers et les petites entreprises d'artisanat, plombiers, boulangers, couvreurs, agacés par ces néo-artisans[7],[8], commencent à vouloir récupérer leur dénomination, alors que le "Salon" parisien, fort de trois-mille exposants, s'embourgeoise. Les statuts, la pression administrative et fiscale, l'intrusion de l'art contemporain divise les créateurs, le duel artiste-artisan refait surface. D'un côté les défenseurs d'un artisanat d'art où l'objet est la finalité, beaucoup de potiers, de tisserands, de créateurs de luminaires et de bijoux, de l'autre les partisans d'une création subjective, artistique, où l'on retrouve (surtout autour de la création de personnages), les sculpteurs et les artistes-peintres.

Le salon invite des exposants non créateurs et des importateurs, il devient le PAAS (Paris-Atelier d'Art-Show). En 1996, Il déménage du Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris pour Villepinte au Nord de la capitale et devient le Salon international de Décoration "Maison et Objets". Salon où ne subsiste en 2005 que deux minuscules allées d'authentiques créateurs épuisés. En province, beaucoup d'artisans d'art ferment les ateliers ou deviennent commerçants.

D'autres ateliers acquièrent une renommée internationale et s'assument en tant que créateurs et artistes.

Aujourd'hui subsistent encore de nombreux ateliers d'artisanat d'art, la démarche utopique a laissé la place au seul désir de créer des objets et des pièces uniques à la portée de tous. Le plaisir de faire soi-même s'est démocratisé et chacun peut s'adonner à la création décorative de loisirs.

Principales disciplines de l'artisanat d'art de cette période

La fabrication d'un tapis de la manufacture de la Savonnerie, Paris, 2018

Notes et références

  1. Legifrance, Arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art.
  2. Artisans d’art - Définition de l’activité, www.guichet-entreprises.fr, Ministère de l'Économie et des Finances.
  3. ROSSEL, Pierre. Histoire d’une fonction socio-économique, technique et culturelle : l’artisanat In : Demain l’artisanat ? [en ligne]. Genève : Graduate Institute Publications, 1986
  4. Chevalier Michel. Les phénomènes néo-ruraux. In: Espace géographique, tome 10, no 1, 1981. p. 33-47.
  5. Histoire des Cévennes: « Que sais-je ? » no 3342 Par Patrick Cabanel. §III
  6. Le site des Ateliers d'Art de France
  7. Barnley P. et Paillet P. Les Néo-Artisans, Paris, Éditions Stock, 1978, (collection « Vivre »), 236 pages
  8. Interview de Gilbert Sommier (Sema) par A. Le Guienne, oct. 2000

Bibliographie

  • Annie Schneider (photogr. Jérémie Bouillon), Le grand artisanat d'art français, Paris, La Martinière, , 230 p. (ISBN 978-2-7324-3283-0, notice BnF no FRBNF40056808)

Articles connexes

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