Art opératif

L'art opératif[1] est la théorie et pratique de la préparation et de la conduite, au niveau du théâtre d'opérations, des actions menées par les grandes formations (corps d'armée, armée et groupe d'armées) des différentes armées.

L'Opération Desert Storm, un grand exemple d'art opératif.

Il vise sur un théâtre donné, à attaquer les forces ennemies en venant d'une direction et à un moment auxquels l'ennemi ne s'attend pas.

Théorisation

Ce concept militaire est théorisé par l'allemand Moltke l'Ancien[réf. nécessaire] ; Moltke ne comprenait pas pourquoi, malgré la victoire décisive de Sedan en 1870, les Français ne capitulent pas et continuent même à mobiliser de nouvelles armées.

Dans les années 1920 et 1930, les théoriciens militaires soviétiques, membres de l'État-Major général de l'Armée rouge ou professeurs de l'Académie militaire, utilisent le concept du niveau opérationnel entre le niveau tactique et le niveau stratégique. Dès 1924, une faculté de l'Académie est consacrée à l'étude et l'enseignement de la conduite des opérations[2]. Les limites de l'échelon opératif sont définies par Mikhaïl Toukhatchevski dans ses publications de 1926[3].

À partir de cette conception, les auteurs soviétiques développèrent plusieurs théories, notamment celle des opérations successives (dans les années 1920), celle des opérations en profondeur (dans les années 1930), de l'offensive d'artillerie (1943) et de l'offensive aérienne (1943)[4], qui furent un socle essentiel permettant la victoire soviétique sur l'Armée allemande lors de la Seconde Guerre mondiale. Le concept a été largement adopté depuis par d'autres forces armées, notamment par l'Armée américaine.

Caractéristiques principales

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Cet échelon conceptuel s'intercale entre la stratégie, positionnée à la plus haute sphère de l’État et mise en place par le politique (gestion de l’armée dans son ensemble, de l’économie, de la diplomatie…), et la tactique, qui se limitait à la gestion des combats par les chefs militaires, qui sont ici combinés comme les maillons d’une chaine dans l’espace et dans le temps pour atteindre l’objectif opératif.

Grands exemples

Reddition d'Ulm en 1805

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La reddition du Feldmarschall-Leutnant Karl Mack à Ulm (le 20 octobre 1805) est une illustration de l'art opératif car il s'agit d'une « victoire sans bataille ». Ce résultat a été obtenu en amont de l'échelon tactique, qui est celui du combat. Dans ce cas exemplaire, l'art opératif se divise en quatre domaines-clés - mobilité, logistique, information et moral - qui ont des conséquences indirectes sur la force de frappe autrichienne. Ces quatre « domaines de supériorité » s'influencent mutuellement.

La supériorité de mouvement : la vélocité - exceptionnelle pour l'époque - de la Grande Armée lui permet de rapidement déborder et encercler l'armée autrichienne de Mack. Accessoirement, la vélocité permet aussi de créer un surnombre offensif en un point précis du théâtre d'opération. On va voir que cette vélocité a aussi des conséquences logiques dans tous les autres domaines.

La supériorité logistique : par sa mobilité, Napoléon intercepte les lignes logistiques adverses pour « couper les vivres » à Mack. Certes, les Autrichiens peuvent toujours se battre (et ils le feront) en comptant sur leurs propres réserves mais, à plus long terme, ils sont matériellement condamnés.

La supériorité intellectuelle : déjà très pointilleux sur la confidentialité de ses opérations, Napoléon prive Mack d'informations fiables sur les Français car ces renseignements deviennent rapidement caducs : les corps d'armée français changent en effet de positions beaucoup trop rapidement. Tout cela entretient dans l'esprit de l'état-major autrichien un « brouillard de la guerre » qui est, par ailleurs, accentué par la campagne d'intoxication d'un agent infiltré, Schulmeister. En outre, le fait d'avoir un nombre croissant de routes coupées par son adversaire laisse à l'Autrichien moins d'options intellectuelles - ou de liberté de mouvement - que n'en dispose Napoléon.

La supériorité morale : elle est la conséquence de tous les éléments précités. Savoir que l'on s'est fait couper les vivres a un effet démoralisant. Savoir que l'adversaire en sait plus sur vous que vous n'en savez sur lui a également un effet moralement déplorable. Enfin, savoir qu'il est impossible d'échapper à l'adversaire sans avoir à combattre en « forçant le passage » (réduction de la liberté de mouvement), a le même effet moral. Tout cela, in fine, réduit la pugnacité et la volonté de se battre.

En résumé, Napoléon utilise sa vélocité pour obtenir sur son adversaire la supériorité logistique et l'ascendant intellectuel afin de le placer en état d'infériorité morale, et ainsi annihiler sans combat sa force de frappe.

Le stratégiste américain Herbert Rosinski fait cependant remarquer qu'une telle « victoire sans bataille », comme celle de Napoléon à Ulm ou de Jules César dans la campagne de Lerida, est très exceptionnelle dans les conditions anciennes de la guerre : le plus souvent, même un mouvement opérationnel audacieux comme celui de Marlborough en 1704, déplaçant son théâtre d'opération des Pays-Bas à la Bavière, ne dispense pas de livrer une ou plusieurs batailles. En outre, jusqu'aux progrès des moyens de communication rapides au XIXe siècle, il était rarement possible de coordonner des mouvements d'armée sur de grandes distances[5].

Opérations soviétiques de 1944-1945

Théoriciens d'avant-guerre : Mikhaïl Toukhatchevski et Vladimir Triandafillov.

Mise en application par l'Armée rouge : l'opération Bagration, l'offensive Lvov-Sandomir, l'offensive Vistule-Oder et l'invasion soviétique de la Mandchourie.

Notes et références

  1. ou encore « opératique ».
  2. David M. Glantz 1991, p. 21-22.
  3. David M. Glantz 1991, p. 22.
  4. David M. Glantz 1991, p. 12.
  5. Herbert Rosinski, « Frontières conceptuelles entre stratégie, opérations et tactique dans l'art de la guerre », Naval War College.

Voir aussi

Bibliographie

  • (ru) Aleksandr Aleksadrovich Strokov et Evgenij Andreevich Razin, История военного искусства [« Histoire de l'art militaire »], Saint-Pétersbourg, Poligon, (1re éd. 1966), 710 p., trois volumes (ISBN 978-5-85391-008-9).
  • (en) David M. Glantz, Soviet Military Operational Art : in pursuit of deep battle, Londres & Portland, F. Cass, , 295 p. (ISBN 978-0-7146-4077-8).
  • (en) The Evolution of Soviet operational art, 1927-1991 : the documentary basis (trad. Harold S. Orenstein, préf. David M. Glantz), Londres & Portland, Frank Cass, , 376 p., 2 volumes (ISBN 978-0-7146-4548-3).
  • Jean-Louis Swiners et Jean-Michel Briet (préf. Philippe Guilhaume), « Plan-contre-plan en 40 », dans Warketing ! : une autre vision de la stratégie, Paris, ESF, coll. « Managers classe affaires », , 239 p. (ISBN 2-7101-1028-8), p. 222-223, lire en ligne sur Gallica.
  • Jacques Sapir, « Le discours stratégique soviétique : élaboration et pertinence d'un langage stratégique », Mots, les langages du politique, no 51, , p. 22-40 (lire en ligne).
  • (en) Michael D. Krause (dir.) et R. Cody Phillips (dir.), Historical Perspectives of the Operational Art, Washington DC, Center of Military History, US Army, , 505 p. (lire en ligne).

Liens externes

Articles connexes

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