Apollon et Daphné (Le Bernin)

Apollon et Daphné est une sculpture du Bernin (1622-1625) conservée à la Galerie Borghèse à Rome.

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Histoire de l'œuvre

C'est pour la villa du cardinal Scipion Borghèse, neveu de Paul V, que Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin réalise le groupe à sujet mythologique d' Apollon et Daphné. Cette œuvre n'est pas isolée puisqu'elle fait partie d'un groupe de quatre statues : Énée et Anchise fuyant Troie (1619-1620), Pluton et Proserpine (1621-1622), Apollon et Daphné (1622-1625), et David (1623-1624).

Description de l'œuvre

Il s'agit d'une sculpture faite de marbre entre les années 1622-1625, d’une hauteur de 243 cm conservée à la Galerie Borghèse à Rome. Le commanditaire de l’œuvre est le cardinal Scipione Caffarelli-Borghese. Elle fait partie d’un groupe de quatre statues. Le Bernin, à l'âge de vingt-quatre ans, commence cette œuvre en 1622 et la finit en 1625. À l'origine, elle se trouvait sur une base plus étroite et plus basse contre le mur, près de l'escalier. En conséquence, toute personne entrant dans la salle, voyait Apollon de dos à la poursuite de la nymphe qui commençait sa métamorphose pour échapper à son agresseur divin.

Selon Ovide, la main d'Apollon pouvait toujours sentir battre son cœur. La présence de ce mythe païen dans la villa du cardinal serait « justifiée  » par un petit couplet moral composé en latin par le cardinal Maffeo Barberini, futur pape Urbain VIII et gravé sur le cartouche de la base. Il dit : « Celui qui aime à poursuivre les formes fugaces du plaisir ne trouve que feuilles et fruits amers sous sa main. »

Mythe

Apollon et Daphné, d'après Gian Lorenzo Bernini par Jean-Étienne Liotard, 1736

C’est un sujet mythologique qui met en œuvre le dieu Apollon et la nymphe Daphné. Le mythe provient des métamorphoses d’Ovide. Daphné est une nymphe, fille du Dieu fleuve Pénée. Pour se venger d'Apollon, qui s'est moqué de lui, Éros, dieu de l'amour (appelé aussi Cupidon) décoche simultanément deux flèches, une en or sur le dieu lui-même, qui le rend fou amoureux de la belle Daphné, l'autre en plomb sur la nymphe, qui lui inspire le dégoût de l'amour. On peut voir notamment un intérêt pour la mythologie grecque mais aussi une volonté et même une ambition d'atteindre la perfection des corps des sculptures de la période hellénistique. Cela se traduit par une grande étude du détail, du mouvement et de l'instant.

« Le trait qui excite l'amour est doré; la pointe en est aiguë et brillante : le trait qui repousse l'amour n'est armé que de plomb, et sa pointe est émoussée. » Alors qu'Apollon la poursuit, celle-ci, épuisée, demande à son père, le dieu fleuve Pénée, de lui venir en aide. Il métamorphose donc sa fille en laurier.

Analyse

C’est un thème assez souvent représenté en peinture, mais beaucoup moins en sculpture: en mosaïque dans l'antiquité puis beaucoup en peinture ensuite, le sculpture fait figure d'exception.[réf. souhaitée]. La composition de l’œuvre est hélicoïdale. C’est une idée que Le Bernin utilise souvent dans ses œuvres. Il alterne les surfaces rugueuses, polies, et ciselées. L’œuvre est faite pour avoir plusieurs points de vue. Le spectateur peut tourner autour et il y est même invité car sinon il ne peut pas voir l’œuvre en entier. De plus toute l’œuvre est traitée avec le même souci du détail, aucune partie n'est laissée brute.

Apollon dispose d’une draperie avec énormément de détails sur les plis très profonds. Le rendu est très réaliste sur les chairs. La très fine musculature d’Apollon est légèrement et admirablement marquée. La posture des corps amplifie le côté dramatique de la scène. La torsion des corps est réelle. Apollon qui poursuit la nymphe, est sur le point de l'étreindre et de la posséder. La jambe gauche du dieu est en l’air, ce qui donne la sensation de son élan précipité. De plus le drapé n’est pas collé au corps. Il donne ainsi l’impression de flotter, entraîné par la course du dieu. La nymphe, dans un dernier effort pour échapper à l'étreinte, se jette en avant comme pour se rapprocher du ciel. L'ultime saut du désespoir est perceptible par la torsion de tout son corps, les deux bras haut levés et déjà gagnés par la métamorphose en bois et en feuilles de laurier, mélange de chair et de bois génialement concrétisé par l'art du Bernin.

Le traitement des visages montre Daphné effrayée, son visage révélant son angoisse. Tandis qu’Apollon, poussé par le désir amoureux, a l’air à la fois surpris et ravi. La branche de laurier qui pousse du corps de Daphné et qui vient s'interposer juste devant les cuisses du dieu. De fines ciselures sur la coiffure d’Apollon imitent une vraie chevelure. Des boucles finement ciselées sont faites de petites torsades. Le traitement de la coiffure de la nymphe est légèrement différent. L’artiste alterne un ciselé fin, avec une sorte de non finition renforçant l’effet réaliste de la chevelure.

Sur les parties qui commencent à se métamorphoser, les doigts de pieds se transforment en racine, l’écorce commence à envelopper la jeune nymphe, ses doigts des mains deviennent des branches de laurier et sa chevelure se transforme peu à peu. La femme laisse place au végétal, à l’arbre. On constate cette évolution du corps de la nymphe en même temps que l’étonnement d’Apollon.

Influences

L’Extase de sainte Thérèse dans la chapelle Cornaro

Le Bernin est un peintre et un architecte mais il reste avant tout un sculpteur. Ses œuvres s’inscrivent dans le courant baroque qui met en exergue les expressions des visages, le rendu des chairs, l’impression des mouvements de scène qui sont figées à leur point culminant. Il sera considéré par ses contemporains comme le plus grand sculpteur de son siècle. L’extase de Sainte Thérése et le groupe des quatre statues restent ses œuvres les plus connues. Même après sa mort il continuera d’influencer nombre de ses contemporains grâce à ses élèves Giuliano Finelli [1601-1657], Antonio Raggi [1624-1686] , Ercole Ferrata [1610-1686] qui contribueront à diffuser à la fin du XVIIe siècle et au début du siècle suivant le style « berninesque », ce qui ne manquera pas d'influencer de grands sculpteurs, tels que Pigalle et Canova.

Sources

  • Ovide, Métamorphoses, I, v. 452 − 567
  • Pausanias, Description de la Grèce, VIII, 20, 1-4
  • Institut d’art et d’archéologie, Le Bernin et l’Europe : du baroque triomphant à l’âge romantique, Paris, 2002.
  • André Bacchi, Bernini and the birth of Baroque portrait sculpture, Londres, 2008.
  • Anna Coliva, Bernini scultore : la tecnica esecutiva, Rome, 2002.
  • Bernardini, Gian Lorenzo Bernini : regista del Barocco, Rome, 1999.
  • Rudolf Wittkower, Bernin : Le sculpteur du baroque romain, éd. Phaidon, 2001.
  • Chantal Grell, Le Bernin et l’Europe : du baroque triomphant à l’âge romantique, Paris, 2002.
  • Franco Borsi, Le Bernin, Paris, 1984.
  • Bruce Boucher, La sculpture baroque Italienne, Paris, 1999.
  • John Pope-Hennessy, Italian High Renaissance and Baroque Sculpture, Rome, 1970.
  • Audioguide de la Villa Borghese

Articles connexes

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