André Schaeffner

André Schaeffner, né à Paris le et mort dans la même ville le , est un anthropologue et ethnomusicologue français. Jusqu'à sa retraite du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 1965, où il était maître de recherches, il a dirigé le département d'ethnomusicologie du Musée de l'Homme (anciennement Musée d'ethnographie du Trocadéro), qu'il avait fondé en 1929 à la demande de Georges Henri Rivière, et à la tête duquel succédera Gilbert Rouget[1].

Biographie

Élève de Salomon Reinach à l'École du Louvre, de Vincent d'Indy à la Schola cantorum, puis de Marcel Mauss à l'École pratique des hautes études (EPHE), ses premiers travaux portent sur les influences réciproques des traditions musicales allemande, française, italienne et russe au XIXe siècle, sur l'histoire et la facture du clavecin ainsi que sur les racines africaines du jazz, musique dont il sera l'un des tout premiers observateurs et analystes européens[2].

En 1929-1930, il devient l'un des principaux chroniqueurs de la revue Documents, créée par Georges Bataille et Carl Einstein. En 1931, il se joint, avec Michel Leiris dont il demeurera l'un des plus proches amis, à l'équipe scientifique de la Mission Dakar-Djibouti dirigée par Marcel Griaule, puis de la Mission Sahara-Soudan[3], et étudie la musique des Dogons[4]. En 1937, avec son ami et collègue Anatole Lewitsky qui deviendra l'un des principaux membres du Réseau du musée de l'Homme[5], il conçoit la salle des arts et techniques du musée de l'Homme, où s'exprime son souci d'« introduire le corps dans le musée »[6].

Après la Seconde Guerre mondiale, Schaeffner effectue plusieurs missions ethnographiques en Afrique de l'Ouest, en compagnie de son épouse depuis 1937, Denise Paulme, en particulier chez les Kissi et les Baga de Guinée, puis chez les Bété de Côte d'Ivoire. Au cours de ces missions, il recueille des matériaux pour constituer une histoire et sociologie de la musique africaine, et pour améliorer les modes de présentation (et de représentation) muséographiques de ce qu'il appelait la « matière sonore ».

Il a précisé la terminologie organologique française, et proposé une nouvelle classification des instruments de musique dont il n'a jamais cessé d'affiner les divisions et arborescences. Elle est devenue l'outil de classement et d'analyse de référence en ethnomusicologie, ce dont témoigne son ouvrage sur l'origine des instruments de musique, plusieurs fois réédité. Il est l'un des premiers à appliquer les méthodes de l'ethnomusicologie à l'étude de musiques dites savantes, prenant en compte les contextes de référence, de performance et de réception des œuvres qu'il a notamment mis en pratique en se penchant sur celles de Debussy et de Stravinsky[7].

Publications (sélection)

  • Le Jazz, Paris, Éditions Jean-Michel Place, coll. « Les Cahiers de Gradhiva », 1988 (réédition de l'ouvrage de même titre publié à Paris en 1926 avec la collaboration d'André Cœuroy, augmenté d'une préface de Frank Ténot et de deux postfaces, l'une de Lucien Malson, l'autre de Jacques B. Hess).
  • Stravinsky, Paris, Rieder, 1931.
  • (éd.) Dictionnaire de la Musique de Hugo Riemann, Paris, Payot, 1931.
  • Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l'histoire de la musique instrumentale, Paris, Payot, 1936 (rééd. 1968, 1980 et 1990 aux Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, en ligne.
  • Les Kissi. Une société noire et ses instruments de musique, Paris, Hermann, 1951.
  • (éd.) Lettres de Friedrich Nietzsche à Peter Gast, Paris, Christian Bourgois, 1981 (1re édition : Monaco, Éditions du Rocher, 1957).
  • « Genèse des instruments de musique », dans Roland Manuel (dir.), Histoire de la musique, t. 1, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Encyclopédie de la Pléiade », , 2236 p. (ISBN 2070104036, OCLC 852916, notice BnF no FRBNF33042676), p. 76–117.
  • Le Sistre et le hochet. Musique, théâtre et danse dans les sociétés africaines, Paris, Hermann, 1990.
  • Essais de musicologie et autres fantaisies, Paris, Le Sycomore, 1980 (rééd. posthume sous le titre Variations sur la musique, Paris, Fayard, 1998).
  • Correspondance avec Pierre Boulez, 1954-1970, Paris, Fayard, 1998.

Notes et références

  1. Voir Gilbert Rouget, « Le Département d'ethnomusicologie du Musée de l'Homme. Maison mère de la discipline en France et dispositif en péril », dans L'Homme, no 171-172, 2004, p. 513-524.
  2. Voir Jean Jamin, « André Schaeffner (1895-1980) », Objets et Mondes, no 20 (3), 1980, p. 131-135 ; « André Schaeffner », in Pierre Bonte et Michel Izard (eds.), Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF, 1991, ainsi que long article que lui a consacré Olivier Roueff, « L'ethnologie musicale selon André Schaeffner, entre musée et performance », dans Revue d'histoire des sciences humaines, no 14, 2006, p. 71-100.
  3. Éric Jolly, Démasquer la société dogon : Sahara-Soudan (janvier-avril 1935), Paris, Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines, , 130 p. (lire en ligne) ; voir également Debaora Lifchitz & Denise Paulme, Lettres de Sanga, Paris, CNRS Éditions, 2015, édition de Marianne Lemaire qui relate, à travers la correspondance notamment adressée par Denise Paulme à André Schaeffner, l'histoire de la mission Paulme-Lifchitz qui a succédé à la mission Sahara-Soudan.
  4. Voir André Schaeffner, « Introduction à Musique et danses funéraires chez les Dogons de Sanga », suivi de « Schaeffner aux tambours », par Bernard Lortat-Jacob, dans L'Homme, no 177-178, p. 207-250, ainsi que Brice Gérard, « De l'ethnographie à l'ethnomusicologie. Les notes de terrain d'André Schaeffner au début des années 1930 », dans L'Homme, no 191, 2009, p. 139-174 (cf. thèse intitulée ???, EHESS, 2013, sur la fondation de l'ethnomusicologie en France)
  5. Anatole Lewitsky est arrêté par la Gestapo, puis fusillé au Mont Valérien en février 1942.
  6. Voir Denis Hollier, « La valeur d'usage de l'impossible », préface à la réimpression de la revue Documents, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1991.
  7. Sur l'apport scientifique d'André Schaeffner, voir notamment le volume d'hommage que lui a consacré la Revue de musicologie en 1982, Les Fantaisies du voyageur. XXXIII variations Schaeffner, t. 68, fasc. 1-2, ainsi que l'article d'Anne Boissière, « André Schaeffner et les origines corporelles de l’instrument de musique », Methodos, no 11, 2011 (URL : http://methodos.revues.org/2481).

Annexes

Bibliographie

  • Brice Gérard, Histoire de l'ethnomusicologie en France (1929-1961), EHESS, Paris, 2013, 421 p. (thèse)
  • Jean Jamin, « André Schaeffner (1895-1980) », in Objets et mondes (revue du Musée de l'Homme, t. 20, fasc. 3, automne 1980, p. 131-135
  • Gilbert Rouget et François Lesure, Qui étiez-vous André Schaeffner ?, Librairie Fischbacher, Paris, 1982, tiré à part de la Revue de musicologie, 1982, numéro spécial André Schaeffer, p. 4-15

Articles connexes

Liens externes

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