Alphonse II d'Este

Alphonse II d'Este (né à Ferrare le , mort à Ferrare le ) est le cinquième duc de Ferrare, Modène et Reggio, il régne de 1559 à sa mort. C'est à sa mort, sans héritier direct, que Ferrare échappe à la maison D'Este et tombe dans l'escarcelle du Saint-Siège. Ses successeurs se replient alors sur Modène, Reggio d'Émilie et Carpi, possessions qui leur sont garanties par l'Empire.

Biographie

Fils d'Hercule II d'Este et de Renée de France, en 1552, à l'insu de son père, il quitte Ferrare pour se rendre à la cour de France, où il est accueilli par Henri II, aux côtés duquel il combat en Flandres.

Premier mariage

Après une courte carrière militaire émaillée de quelques succès, en 1558, il est marié à Lucrèce de Médicis (1558-1561) la fille de Cosme, alors âgée de 14 ans. Reparti en France pour y réclamer des dettes[1], il se trouve parmi les premiers à porter secours au roi Henri II lorsque celui-ci est mortellement blessé lors d'un tournoi amical. C'est encore en France qu'il apprend la mort de son père, Hercule II, survenue à Ferrare, le .

Rentré lentement à Ferrare par Marseille, Livourne, Florence et Modène, il est élu par les corporations, les nobles et les citoyens convoqués par le giudice dei Savi (premier magistrat de la cité et survivance purement formelle des institutions municipales) et peut ainsi faire une entrée triomphale en ville le .

Il fait libérer Giulio d'Este, qui vient de passer 53 années en prison pour avoir conspiré contre Alphonse Ier.

Pour complaire au pape Pie IV, Alphonse II demande à sa mère, Renée de France, dont les attaches protestantes demeurent toujours très actives, de rentrer en France (), mais ne montre en revanche aucun empressement à pourchasser les hérétiques.

Le , quand son épouse le rejoint à Ferrare, Alphonse fait organiser des fêtes grandioses qui surpassent tout ce que la cour D'Este a pu produire précédemment. Quand, en 1561, le prince Jules est élevé au cardinalat, deux tournois spectaculaires et fastueux marquent l'événement[2]. Les carnavals de Ferrare rivalisent à l'époque avec ceux de Venise et la ville accueille troupes de théâtre, littérateurs, peintres, architectes, musiciens, chanteurs et poètes, comme Le Tasse, que le duc fait enfermer à l'hôpital sainte Anne pour éviter qu'il ne quitte sa cour pour celle de Florence[3].

L'embellissement de la ville se poursuit, avec la construction de la Palazzina sur la Giovecca, dernière des delizie érigée par la maison D'Este à Ferrare. Alphonse ordonne, pour meubler sa bibliothèque, de rechercher pour lui un exemplaire de chaque livre produit depuis l'invention de l'imprimerie. 340 personnes assurent alors le service du duc, dont 60 gentilshommes, 20 pages, 40 chanteurs pour la chapelle ducale. Ses écuries hébergent 400 des meilleurs chevaux et son escorte compte 100 hallebardiers et 100 cavaliers.

Second mariage

Quand Lucrèce meurt, en 1561, sans lui avoir donné d'héritier, Alphonse envisage immédiatement un nouveau mariage. Après avoir bataillé auprès de la cour impériale (d'abord Henri II, puis Ferdinand Ier, puis Maximilien II) pour contrer l'ascension des Médicis, ex-belle famille dont la mort de son épouse l'a soudainement éloigné, il reçoit de l'Empereur la main de sa sœur Barbara d'Autriche (1565-1572), tandis que Francesco de Médicis se voit adroitement attribuer sa cadette Giovanna. Les noces, fastueuses, sont célébrées à Ferrare le et cette alliance oblige Alphonse, l'année suivante, à se ranger, avec 4 200 hommes et à grand frais, aux côtés de l'Empereur qui s'apprête à affronter Soliman en Hongrie[4].

Le , le pape Pie V publie la bulle Prohibitio alienandi et infeudandi civitates et loca Sanctae Romanae Ecclesiae, qui interdit aux enfants illégitimes, sans aucune équivoque, l'investiture de fiefs appartenant à l'Église. Sachant de longue date qu'Alphonse ne peut avoir d'enfant, des suites d'une maladie infantile ou d'une chute de cheval[5], et que son parent le plus proche, César, se trouve précisément être dans cette situation, le Saint-Siège prépare ainsi la question de la succession.

La situation économique détériorée par les énormes dépenses de la cour ducale, reportées sur la population à coup d'impôts, d'emprunts forcés et d'expédients, fragilise la maison D'Este. En 1570, un tremblement de terre vient accroître la misère du peuple, dont les plus déshérités affluent déjà depuis quelques années en ville[6].

À la mort de la duchesse Barbara (), Alphonse, déstabilisé par les revirements de la cour impériale[7], à la recherche de nouvelles investitures prestigieuses[8] et obsédé par sa succession, se met en quête d'une troisième épouse. La haine des Médicis, qui, en 1576, se sont vu conférer le titre de grands ducs, réunit alors les Gonzague, les Savoie, les Farnèse et la maison d'Este, qui se lient par de nouvelles alliances matrimoniales.

Troisième mariage

Alphonse se retrouve ainsi à épouser, en , Marguerite de Mantoue (1564-1618), fille de Guillaume, troisième mariage qui reste, comme les deux premiers, sans enfant. Après avoir renoncé à marier son frère Jules pour assurer indirectement sa descendance, Alphonse tente de complaire à la Papauté, dans le but d'obtenir un arrangement concernant sa succession. Mais ses intrigues échouent et ses espoirs sont déçus : il finit, après avoir un temps considéré la lignée d'un descendant du frère d'Alphonse I, Sigismondo, en la personne de Filippo d'Este, marquis de San Martino in Rio, par fixer définitivement son choix sur César[9], malgré l'interdit papal frappant les bâtards et leur progéniture.

À la mort d'Alphonse II, le , le litige entre la papauté et la maison d'Este se conclut par la dévolution de Ferrare au Saint-Siège.

Entretemps, après avoir usé la patience de l'Empereur, la famille a obtenu l'investiture impériale sur Modène, Reggio et Carpi (), bases arrière vers lesquelles elle se retire, quittant à tout jamais Ferrare[10].

Alphonse II est enterré à Ferrare au monastère du Corpus Domini.

Postérité

Le poème My Last Duchess

Robert Browning, l'auteur de My Last Duchess, en 1865.

Le mariage malheureux de Lucrèce de Médicis avec Alphonse II, au caractère froid, égoïste, et possessif[11], et le remariage de celui-ci quelques années après avec Barbara d'Autriche, fille de l'empereur Ferdinand Ier, a inspiré à Robert Browning son monologue dramatique intitulé My Last Duchess (Ma dernière duchesse)[11].

Louis S. Friedland, dans une étude parue en 1936, a montré que la substance du poème est tirée de l'histoire réelle des négociations entre Alphonse II d'Este et Nikolaus Madruz, l'envoyé du comte de Tyrol, en vue du remariage du duc[12].

La Jérusalem délivrée

Alphonse II d'Este est protecteur du poète italien Le Tasse. Le poème de ce dernier La Jérusalem délivrée lui est dédié[13].

Sources

Notes et références

  1. Trois millions de livres tournois dont il ne verra jamais que des promesses de remboursement.
  2. Tournois mis en scène et baptisés respectivement Castello di Gorgoferusa et Monte di Feronia.
  3. Il sera relâché le à la demande de Vincenzo Gonzaga, frère de la troisième duchesse, à laquelle le poète avait dédié de nombreux travaux.
  4. La mort de Soliman met fin à la campagne.
  5. Car Alfonso II passe pour être devenu incapable de procréer à la suite d'un accident lors d'une joute en France, [...] Se disse allora que Alfonso fosse fatto impotente a generare da una ferrita riportata ai genitali in un torneo in Francia, selon Gaetano Pieraccini 1924, p. 96, volume 2.
  6. La duchesse fonde, à cette occasion le Conservatorio delle orfane, une institution d'assistance pour les orphelines.
  7. On lui dénie le titre de duc d'Empire de première classe, qu'il avait obtenu à grand peine quelques années plus tôt.
  8. Il est candidat, tour à tour, au trône de Pologne et à celui de Jérusalem.
  9. Il le confirme par testament le .
  10. Alfonso II D'Este, Ducà di Ferrara Romolo Quazza, Dizionario Biografico degli Italiani - Volume 2 (1960).
  11. Robert Browning, John Woolford, Daniel Karlin 1991, p. 157-158
  12. « Representative Poetry Online: My Last Duchess », sur rpo.library.utoronto.ca (consulté le )
  13. Ô magnanime Alphonse, ô mon asile et mon port, Chant I, 4, p. 40, La Jérusalem délivrée, Le Tasse, GF Flammarion, note de bas de page 1 par Françoise Graziani

Bibliographie

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