Adolphe d'Ennery

Adolphe Philippe d'Ennery[1] est un romancier et dramaturge français, né le à Paris où il est mort le .

Pour les articles homonymes, voir Dennery.

Biographie

Né Adolphe Philippe[2], dans une fratrie d'au moins cinq enfants [3], il est le fils naturel de Jacob Philippe et Guiton Dennery. Reconnu et légitimé au mariage de ses parents en 1812[4], il est autorisé par le tribunal civil de la Seine à ajouter à son patronyme celui de sa mère, sous la forme légèrement modifiée « d’Ennery », le [5].

Auteur extrêmement prolifique, d'Ennery écrivit, presque toujours en collaboration, plus de deux cents œuvres dramatiques entre 1831 et 1887. Sa pièce la plus populaire reste les Deux Orphelines, drame en 5 actes écrit avec Eugène Cormon et créé le au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Parmi ses autres œuvres, on peut citer La Grâce de Dieu[6] avec Gustave Lemoine (), Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1874) et Michel Strogoff (1880) avec Jules Verne, ainsi que de nombreux livrets d’opéras, parmi lesquels Si j'étais roi et Le Muletier de Tolède (musique d’Adolphe Adam), Le Premier Jour de bonheur (musique d’Auber), Le Tribut de Zamora (musique de Charles Gounod), Don César de Bazan avec Dumanoir et Le Cid (musique de Jules Massenet)[7].

Il réalisa la première mise en scène de Mercadet le faiseur, pièce réduite en 3 actes et remaniée d’Honoré de Balzac, créée à titre posthume au théâtre du Gymnase en [8]. Il se porta également candidat, en , à la reprise du Théâtre-Historique, créé par Alexandre Dumas, mais renonça face aux coûts de fonctionnement prohibitifs[9].

Adophe d'Ennery fut un des fondateurs de la station balnéaire de Cabourg, fondée en 1853, projet auquel il s’intéresse très tôt, attirant autour de lui de nombreuses personnalités du théâtre et des lettres. Son activité et sa renommée sont telles qu’il devient maire de la ville en 1855 et fonde la Société des Bains de Mer de Dives-Cabourg. Il réside dans sa villa l’Albatros, à Cabourg.

« D’Ennery a fait, comme on sait, plus de deux cents pièces qui toutes ont eu un très grand succès. Comme charpentier, il est de la force de Scribe et de Sedaine. D’Ennery, cela de parti pris, ne s’est jamais préoccupé de la forme littéraire. Il parle avant tout la langue hachée du théâtre. Nul ne sait mieux que lui amener une scène émouvante et en tirer tous les effets qu’elle comporte. Il excelle à trouver le mot qui doit faire frémir ou pleurer les âmes sensibles qui sont dans la salle. De là vient l’étonnement qu’on éprouve quand on cause avec lui. Il parle une tout autre langue ; alors il est fin, spirituel, original. Si on le questionne sur ce point, il vous répond qu’il se garderait bien d’être tel dans ses drames et dans ses féeries, parce que ce qui fait de l’effet dans un salon en causant n’en ferait aucun à la scène. C’est un malin qui d’ailleurs ne sait pas cacher sa malice, que son œil fripon dévoile tout de suite[10]. »

L’hôtel particulier du couple d’Ennery, 59 av. Foch à Paris.

Au terme de près de trente ans de vie commune, il épouse, le , Joséphine-Clémence Lecarpentier, veuve Desgranges, au domicile de cette dernière (en raison de son état de santé)[11]. L’écrivain Jules Verne faisait partie des témoins[11].

Clémence Desgranges avait commencé dès 1859 une collection d’art asiatique, qui, d’abord présentée chez les Desgranges, avant la séparation, rue de l’Échiquier, fut ensuite transférée dans l'hôtel particulier du 59, avenue du Bois-de-Boulogne, devenu le domicile du couple d’Ennery.

Poursuivie et enrichie au point d’atteindre plus de 6 000 objets, le couple d’Ennery envisage, dès , de donner à l’État la collection et l’hôtel particulier. Émile Guimet et Georges Clemenceau, exécuteur testamentaire du couple, sont chargés du dossier de la donation. La collection est aujourd’hui visible au musée d'Ennery, dépendance du musée Guimet[12].

Il était commandeur dans l'ordre national de la Légion d’honneur[13].

Une fin de vie difficile

Les derniers mois de la vie d'Adolphe d'Ennery sont une série d'épreuves ; contrairement à toute attente, son épouse Clémence meurt avant lui, en , et il hérite de tous ses biens en vertu d'une donation entre vifs signée avant leur mariage. Il est physiquement très affaibli par une succession d'attaques cérébrales.

D'une relation en 1838, avec l'actrice Constance-Louise Bachoué, il avait eu une fille naturelle, Constance-Eugénie[14] ; reclus dans sa chambre, il la reconnaît in extremis comme légitime et en fait sa légataire universelle[15].

Ses neveux et nièces[16] attaquent en justice cette reconnaissance et le testament de d'Ennery, ce qui retarda jusqu'en 1901 la validation du legs de la collection à l’État[17].

Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (25e division)[18].

Œuvres

  •  : Le Portefeuille ou Deux familles, drame en 5 actes, en collaboration avec Auguste Anicet-Bourgeois, Porte-Saint-Martin ()
  •  : La Grâce de Dieu ou la Nouvelle Fanchon, drame en 5 actes mêlé de chants, en collaboration avec Gustave Lemoine, Gaîté ()
  •  : La Citerne d'Albi. drame en 3 actes, en collaboration avec Gustave Lemoine. Gaîté ()
  •  : Don César de Bazan, drame en cinq actes mêlé de chant, en collaboration avec Dumanoir, Porte-Saint-Martin ()
  • 1844 : La Dame de Saint-Tropez, drame en cinq actes, en collaboration avec A. Anicet-Bourgeois, Porte-Saint-Martin ()

 : Marie-Jeanne ou la Femme du peuple, drame en 5 actes et 6 tableaux, en collaboration avec Julien de Mallian, Porte-Saint-Martin ()

Adaptations cinématographiques

Postérité

En 2015 fut fondée la Société des amis d'Adolphe d'Ennery dont l'objet est de faire connaître Adolphe d'Ennery, d'étudier son œuvre et de mettre en ligne une encyclopédie enrichie d'articles sur l'auteur et son œuvre.

Représentations

D'Ennery fut à plusieurs reprises le sujet de portraits ou de caricature. Claude Monet entre autres le caricatura en 1858[23].

Notes et références

  1. Philippe est le patronyme de naissance et non un deuxième prénom.
  2. « Nécrologie », Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature, no 5, , p. 77 (lire en ligne, consulté le ).
  3. Henri Chevalier-Marescq (dir.), « Le Testament d'Adolphe d'Ennery », Revue des Grands Procès, 1900.
  4. Gustave Chaix d’Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, t. 16, Évreux, C. Hérissey, , 480 p., 20 vol. ; in-8° (lire en ligne), p. 54-5.
  5. Attestation sur la base Léonore.
  6. La pièce inspira l’opéra de Gaetano Donizetti, Linda di Chamounix.
  7. Louis Bilodeau, « D'Ennery », Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, (lire en ligne, consulté le ).
  8. Mercure de France, t. 59, Paris, (lire en ligne), p. 120.
  9. Philippe Chauveau, Les Théâtres parisiens disparus (1402-1986), Paris, éd. de l’Amandier, , 586 p. (ISBN 978-2-907649-30-8, lire en ligne), p. 272.
  10. Gustave Claudin, Mes souvenirs : les Boulevards de 1840-1870, Paris, Calmann-Lévy, , 4e éd., 349 p. (lire en ligne), p. 242-3.
  11. « Registre des mariages du 16e arrondissement, acte 215 (19/31) », sur Archives en ligne de la Ville de Paris (consulté le ).
  12. Hélène Bayou, « Histoire du musée d’Ennery », sur Site officiel du Musée d'Ennery (consulté le ).
  13. « Adolphe Philippe d'Ennery », base Léonore, ministère français de la Culture
  14. L’acte de mariage de cette dernière, le 15 septembre 1864, porte en mention marginale la preuve de la filiation Bachoué/d'Ennery, par jugement du Tribunal de la Seine du 15 mai 1901. Cf. Registre des mariages du 6e arrondissement, acte 618 (20/31), Archives en ligne de la Ville de Paris.
  15. G. d’Heylli, Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, 15-31 janvier 1899, p. 12-17, lire en ligne sur Gallica
  16. Pierre Decourcelle, petit-neveu par alliance, Hippolyte Cerf, neveu, Hortense Janning, nièce née Philippe, et une nièce non identifiée.
  17. « Le Testament d'Adolphe d'Ennery », Revue des Grands Procès, 1900.
  18. 25e division Jules Moiroux, Le cimetière du Père Lachaise, Paris, S. Mercadier, (lire en ligne), p. 128.
  19. Paillasse sur Gallica
  20. La Case de l’oncle Tom sur worldcat.org.
  21. Diana sur Gallica
  22. Le Monde artiste, 11 février 1894
  23. Musée Marmottan, Adolphe Philippe d'Ennery, crayon noir, Legs Michel Monet, 1966.

Voir aussi

Bibliographie

  • Henri Chevalier-Marescq (dir.), « Le Testament d'Adolphe d'Ennery », Revue des grands procès, Paris, Chevalier-Marescq et Cie, t. 18, (lire en ligne).
  • Joël-Marie Fauquet (dir.) et Louis Bilodeau, « D'Ennery », Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, (ISBN 978-2-213-59316-6, lire en ligne, consulté le ).
  • Régis Confavreux, La Femme sans prénom, 2018.

Liens externes

  • Portail du théâtre
  • Portail de la littérature française
  • Portail de la France au XIXe siècle
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.