Abbaye de Vauluisant
L'abbaye de Vauluisant, (en latin : vallis lucens) sise à proximité de Courgenay dans l'Yonne (France) est un ancien monastère de moines cisterciens, fondé en 1127 par des moines de Preuilly (Égligny).
Abbaye de Vauluisant | |
Portail de l'abbaye de Vauluisant | |
Diocèse | Sens |
---|---|
Patronage | Notre-Dame |
Numéro d'ordre (selon Janauschek) | XXXIV (34)[1] |
Fondation | 1129 |
Début construction | 1127 |
Fin construction | XVIIIe siècle |
Dissolution | 1791 |
Abbaye-mère | Preuilly |
Lignée de | Cîteaux |
Abbayes-filles | Abbaye de Varennes |
Congrégation | Ordre cistercien |
Période ou style | Architecture gothique |
Protection | Classé MH (1951) Inscrit MH (1930, 1951, 1994)[2] |
Coordonnées | 48° 15′ 52″ nord, 3° 32′ 14″ est [3] |
Pays | France |
Région | Comté de Champagne |
Région actuelle | Bourgogne-Franche-Comté |
Département | Yonne |
Commune | Courgenay |
Fondée en 1129 au plus tard par les moines de Preuilly, elle se développe rapidement. Les guerres de Religion puis les lourdes taxes royales la ruinent aux XVIe et XVIIe siècles ; la réforme de l'Étroite Observance se met en place à Vauluisant et le monastère est entièrement rénové.
La Révolution ferme l'abbaye définitivement. Les bâtiments sont partiellement détruits ; ceux qui sont conservés sont protégés à partir de 1930 au titre des monuments historiques.
Historique
La fondation
Une première fondation semble être l’œuvre des moines de Pontigny, abbaye fondée en 1114, sise au croisement des comtés d'Auxerre, de Tonnerre, de Joigny et de Troyes (dans ce dernier cas via Saint-Florentin). Elle se produit durant une phase incroyablement active de fondations monastiques sous la poussée des Cisterciens, rendant difficile le financement, le pilotage et la direction des jeunes fondations. Or en 1125, le contexte politique local change du tout au tout. Le pacifiste comte de Troyes qui dominait la vallée de la Vanne jusqu'à Foissy abdique, cédant ses comtés à son neveu belliciste comte de Blois qui régente Provins, le Braytois. L'ordre des Cisterciens décide alors de confier la responsabilité de Vauluisant à sa cinquième fille : l'abbaye de Preuilly, familière du comte de Blois. La famille de Trainel, qui a permis la fondation comme étant proche de Pontigny par sa seigneurie de Venisy, réoriente sa piété vers Preuilly[4].
L'abbaye est fondée en 1127 par un groupe de moines cisterciens[5] du monastère de Preuilly, aujourd'hui en Seine-et-Marne, venus s'installer, sur les conseils de saint Bernard de Clairvaux, entre la forêt d'Othe et la forêt de Lancy, dans la vallée de L'Alain, aux confins du domaine royal et du comté de Champagne. Ils nomment le lieu « val luisant » (vallis lucens), puis Vauluisant.
L'abbaye de Vauluisant se situe entre Provins, Troyes (deux villes de foires champenoises) et Sens (métropole ecclésiastique), trois villes où les moines avaient un hôtel. Au XIIe siècle, l'abbaye voisine avec un grand chemin arrivant de Provins par Trainel et se rendant à Troyes par Mauny (Bagneaux). Un chemin arrive directement de Sens par La Charmée. Au XIIIe siècle, Nogent ayant finalement incorporé le domaine comtal champenois, le grand chemin périclite et est à peine remplacé par un nouveau, reliant Nogent à Villeneuve-l'Archevêque.
Rapidement, une communauté nombreuse se forme, et une première église abbatiale est consacrée en 1144. Une nouvelle église est élevée à la charnière des XIIe et XIIIe siècles, puis son chœur est rebâti quelques décennies plus tard. Lieu de ferveur, l'abbaye est également le centre d'une exploitation agricole efficace. Cet âge d'or dure deux siècles.
Dans un premier temps, les moines commencent par coloniser la moitié Sud du finage de Courgenay. En effet au Nord, les chevaliers et seigneurs leur font barrage, avant de céder la place au début du XIVe siècle. Dès lors, l'emprise foncière des moines touche l'ensemble de Courgenay, une grande partie de Lailly, et des domaines plus éloignés. Mais l'abbaye est plusieurs fois détruite et pillée pendant la guerre de Cent Ans, et ce n'est qu'à partir du milieu du XVe siècle, avec le rétablissement de l'autorité royale sous le règne de Charles VII, que des travaux de remise en état sont entrepris.
Filiation et dépendances
Vauluisant est fille de l'abbaye de Preuilly et possède de nombreuses granges dont celle de Touchebœuf.
La prospérité et les convoitises
L'abbaye retrouve la prospérité sous l'abbatiat d'Antoine Pierre. Le dernier abbé régulier est contraint de s'effacer, en échange d'une crosse épiscopale, pour permettre la nomination de l'archevêque de Sens au titre de la commende. Au XVIe siècle, outre les travaux de restauration, l'abbaye se développe et se transforme avec la construction de nouveaux bâtiments renaissance, la création d'un parc, un colombier, un moulin, une chapelle et des logis des hôtes, dans lesquels François Ier vint plusieurs fois. Une remarquable mise au Tombeau est sculptée par le Maître de Chaource; elle se trouve aujourd'hui à l'église Notre-Dame de Villeneuve-l'Archevêque. Mais la prospérité de l'abbaye attire les convoitises : le cardinal de Coligny intrigue pour évincer l'abbé élu par la communauté et obtenir le bénéfice de Vauluisant. Avec le régime de la commende vient le déclin, autant spirituel que financier.
Pour financer l'armée qui leur manque pour maîtriser la rébellion protestante, les Valois, dont le Trésor est désespérément vide depuis les défaites de Pavie et de Saint-Quentin, imposent à l'Église des contributions considérables. Faute de trésorerie, chaque institution (archevêché, évêché, chapitre, abbaye) est contrainte de vendre à titre emphytéotique (donc avec faculté de rachat dans un délai d'un siècle). Les moines de Vauluisant se défont de nombreuses granges (par exemple la Singerie dite la Pierre aux Sièges, la Perthe, etc.). Lors des guerres de Religion du XVIe siècle, l'abbaye est à nouveau endommagée avec l'arrivée en 1562 d'une troupe armée qui détruit partiellement l'église, puis des pillages multiples entre 1571 et 1576.
Les bernardines
En 1636, le cardinal de Richelieu impose la réforme monastique (retour à la stricte observance des règles, reconstruction des bâtiments conventuels) et les anciens religieux quittent Vauluisant pour laisser la place à un petit groupe de cisterciens réformés. L'abbaye est alors en mauvais état, mais les moines réformés entreprennent un vaste chantier de restauration grâce aux fonds qu'ils tirent de la vente de bois. Le monastère retrouve alors une part de sa splendeur passée et devient, pour un temps, le noviciat des cisterciens de la Stricte observance.
|
À partir du règne de Louis XIII, les moines entament une politique de rachat de toutes les fermes qu'ils ont été contraints de céder durant les guerres civiles dites de Religion. Ils se heurtent à la résistance des descendants des acquéreurs, mais leur persévérance est couronnée de succès. Dans un second temps, les moines réhabilitent leur patrimoine immobilier. L'abbaye est dans un état neuf et impeccable en 1790 quand ils seront chassés par la législation interdisant les vœux religieux.
Un chevalier, blason de Trainel Erard de Trainel Jean Hanneteau, marchand… …et son épouse Nicolas de Chalons XVIe abbé de Vauluisant.
Les cisterciens quittent l'abbaye à la Révolution et elle devient un chantier de démolition.
Des éléments de l'abbaye sont dispersés dans tous les environs. Une plaque tombale médiévale est conservée dans une grange de l'abbaye. La mise au Tombeau est à présent reléguée dans l'église paroissiale de Villeneuve-l'Archevêque. Des clés de voûte sont noyées dans des murs d'exploitations agricoles du voisinage. Une partie des objets remarquables ont été relevés pour François Roger de Gaignières et se trouvent à la BNF.
Après la Révolution
L'ancien monastère est acquis sous la Restauration par un officier ancien combattant de l'Empire, le baron Campy, puis il est acheté en 1835 par Léopold Javal, un homme d'affaires qui en fait sa résidence secondaire et qui développe une vaste exploitation agricole. Dès 1847, il y fait organiser des concours agricoles annuels, d'abord de fauchage et labourage, puis en 1862 y fait adjoindre un concours de ferrage[6].
Après la Seconde Guerre mondiale, le domaine est transmis à la famille Gamby qui en est toujours propriétaire et qui a entrepris de vastes travaux de restauration (l’aile François Ier, la chapelle Sainte-Madeleine, le colombier, etc.). L'abbaye, animée par une association de bénévoles, se visite tous les dimanches après-midi d'avril à octobre.
Protection
Classés au titre des monuments historiques depuis le et bénéficiant de trois inscriptions au titre des monuments historiques en 1930, 1951 et 1994[2] les vestiges de l'abbaye relèvent aujourd'hui du domaine privé.
Notes et références
- (la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, , 491 p. (lire en ligne), p. 109.
- « Notice n°PA00113657 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- « Vauluisant », sur http://www.cistercensi.info, Ordre cistercien (consulté le ).
- Étienne Meunier, « La vallée de la Vanne à l'époque médiévale. », Au courant de la Vanne, n° 20, , p. 89
- Bataille 1992, p. 35.
- Un paysan-factotum : Edmé-François Pailleret (1832-1908), fermier à Vauluisant. Des histoires sur l'Yonne - Livre 2. Tiré de Études Villeneuviennes, Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie du Canton de Villeneuve sur Yonne, no 26, Association "Les Amis du Vieux Villeneuve sur Yonne", 1998.
Annexe
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Ouvrages
- Alain Bataille, Pascal Dibie, Jean-Pierre Fontaine, Jean-Charles Guillaume, Jean-Paul Moreau, Ferdinand Pavy, Line Skorka, Gérard Taverdet et Marcel Vigreux (préf. Henri de Raincourt), Yonne., Paris, Editions Bonneton, (ISBN 2-86253-124-3).
- Frédéric Barbut, La route de abbayes en Bourgogne, Rennes, Éditions Ouest-France, coll. « Itinéraires de découvertes », (ISBN 2-7373-2599-4), p. 16, 17.
Articles
- Joséphine Rouillard, « Les Cisterciens et l'eau : L'exemple de l'abbaye de Vauluisant aux XIIe et XIIIe siècles », Hypothèses, Publications de la Sorbonne, , p. 77-82 (DOI 10.3917/hyp.971.0077, lire en ligne, consulté le ).
- Denis Cailleaux, « Vauluisant », dans T. Kinder dir. Les Cisterciens dans l'Yonne, Ed. de l'Association des Amis de Pontigny, 1999, p. 103-115.
- Denis Cailleaux, « Prospections électriques à l’abbaye de Vauluisant », Dossiers d’Archéologie, no 340, juillet-, p. 10-15.
Lien externe
- Portail de l'Ordre cistercien
- Portail de l’architecture chrétienne
- Portail de l’Yonne
- Portail des monuments historiques français