ART112
ART112, fondé en Poitou-Charentes en 1983, est un collectif de quatre plasticiens activistes[1],[2] « artistoïdes anonymes »[3] qui réalise des œuvres éphémères dans l'espace urbain[4], sans détérioration et sans autorisation, le plus souvent par des installations, des happenings ou des sculptures abandonnées sur place[5],[6].
Forme juridique |
association loi de 1901 (1985-1997) association de fait (1998-) |
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Zone d’influence | France |
Fondation | 1984 |
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Structure | collectif d'artistes |
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Volontaires | quatre |
Slogan | « Pas de partenaires, pas de mécènes, pas de dons, pas de subventions. Pas d’annonces, pas de convocations, pas de rencontres, pas d’échanges. Pas d’avenir, pas d’illusions, pas de reconnaissance. Inattendu, arbitraire, sans autorisation ni détérioration. » |
Site web | http://www.art112ism.org/ |
Origines
Le collectif est issu de la rencontre de trois lycéens à Cognac[7]. De 1979 à 1983, le groupe, informel et anonyme, édite un journal, Antiphrase, puis se réoriente vers des happenings de rue.
En , il se déclare comme association de 1901, avec comme objet la « sauvegarde du délire, de l'antigrisaille » dans le but de commettre « des actes stupides et superflus ». Il se définit comme un « groupe d’action, mais aussi d’opinion » d'« artistoïdes » plasticiens[6].
Refusant toute étiquette et toute appartenance[8], indépendant des contraintes techniques ou financières, le collectif dit vouloir tester « jusqu’où peut-on aller », en vérifiant si les interdits ont du sens. Ce qui est important, ce n'est pas l’œuvre en elle-même, mais le geste libertaire[9] et les réactions qu'il suscite : « Une façon de crier pendant qu’il est encore temps pour que la parole reste libre »[10].
Démarche
Par ses détournements du mobilier urbain[11] et ses installations provisoires, justes assorties d'un titre thématique, ce qu'il appelle des « attentats à l’humeur publique »[2],[12], le collectif affiche comme objectif de « faire réagir les passants en les poussant à la réflexion » et de recourir à l'art pour, « à la limite de la légalité et du politiquement correct », dénoncer la violence du monde[13]. Il revendique son autonomie, en refusant toute subvention, tout don ou toute forme de récupération commerciale[6]. Les photos de leurs happenings sont assorties d'une licence libre[14].
La première installation provisoire, Morts nés a lieu en 1984, à l’occasion du Festival du film policier de Cognac[15]. Ils dessinent 22 cadavres à la craie sur le sol, et invitent (sans succès) le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre[7]. Le collectif met fin à l'association officielle en 1997, et continue ses installations, effectuées de nuit ou masqués sous uniforme les rendant reconnaissables en tant que groupe bien qu'individuellement anonymes, et sans autorisations préalables. Les prises de décisions se font au consensus[6].
Sous l'intitulé « Les cellulaires », ART112 expose, en 1997 à la Galerie Zographia de Bordeaux, un parcours narratif et symbolique où le spectateur découvre des panneaux évoquant la liberté, la mort, l'enfermement[16]. En , au cinéma Utopia de la même ville, le collectif installe ses « Attentats à l’humeur publique », une « expo détonante » selon le journal Sud Ouest[17].
« Nous ne sommes pas un groupe anarchiste, utopiste, éducateur ou professionnel de la politique. Nous nous contentons de déposer des actes sur la voie publique. Si le thème de l'anarchie était abordé, cela serait sous un angle philosophique. »[18]
Quelques actions
En une trentaine d'années, ce collectif a produit une centaine (112) d'installations provisoires, « de Cognac à Poitiers, de Bordeaux à Ronce-les-Bains, de Paris à Angers »[19]. Parmi celles-ci :
- , une valise est scotchée à hauteur d’homme sur un poteau dans le centre-ville de Toulouse, ce qui provoque l'évacuation du quartier, l'intervention d'un artificier et vaut aux auteurs une convocation au commissariat de police pour s'expliquer[7].
- , « Ouverture de la chasse », un drapeau Kanak flotte sur un village d'irréductibles en Grande Champagne[20].
- , veille de la Toussaint, installation de peintures devant le cénotaphe de Francisco de Goya à Bordeaux[21].
- , les colonnes de Buren à Paris sont surmontées de mines de crayons et rebaptisées « champs de mines ».
- , dans les ruines du massacre d'Oradour-sur-Glane, dépôt de roses artificielles dédiées aux victimes : « une minute de silence, 60 secondes, 60 roses »[7].
- , une sculpture géante appelle à la grève générale à La Rochelle lors d'une manifestation syndicale[22],[23].
- , des silhouettes de couleurs sont alignées face à la gare de Limoges : « Noir : charter. Maghrébin : Karsher. Jaune : par cher. Blanc : se taire »[24].
- à Saintes, représentation d'un pan du mur de la barrière de séparation israélienne[2].
- , « Silence, consomme ! » affirme un panneau géant à l'entrée de Jarnac, dénonçant la publicité et la consommation à outrance[15].
- à Bordeaux, « Salauds de pauvres », une manière de dénoncer la disparition de la classe ouvrière : des bleus de travail sont alignés sur une corde à linge devant le lion de la Place Stalingrad[25].
- à Bordeaux, un gigantesque trousseau de clés est déposé Place du Parlement, symbolisant les portes verrouillées pour les sans-papiers dans les centres de rétention administrative[26],[27].
- , érection d'un podium aux religions devant le calvaire de Thouars[28]. Le « podium », qui est orné des symboles des trois grands monothéismes, fait l'objet sur le site du collectif de l'explication suivante : « Le podium, , Thouars. Calvaire. Sur un podium, l'intelligence n'a marqué qu'une seule fois un poing. En 1968 ! Sinon, chaque marche montée est une descente. Mort aux idoles, poil au culte ! », par allusion aux revendications de Tommie Smith et John Carlos lors des jeux olympiques d'été de 1968 de Mexico. Il est confisqué par la mairie, qui, en l'absence d'informations sur les auteurs et leurs intentions, indique être ouvert à la discussion mais ne pas souhaiter « laisser libre cours à d'éventuelles provocations »[18].
- En , à Cognac, Saintes et Rochefort, des missiles sont exposés en marge de la journée internationale pour l'abolition des armes nucléaires et contre la prolifération nucléaire[21],[29].
Publications
Sources
- Sud Ouest, La Nouvelle République du Centre-Ouest, Le Berry républicain, Charente libre, Le Populaire du Centre, Le Monde libertaire.
- André Bernard, Art112 - Plasticiens de l’instant, Réfractions, n°28, printemps 2012, pp. 143-159.
Iconographie
- Rond-point à Rochefort, sculpture héphémère qui symbolise le « 1 % culturel » ().
Articles connexes
Liens externes
- La société n’est pas un cadeau à Châtellerault sur centre-de-cri.com.
Notes et références
- André Bernard, Pierre Sommermeyer, Désobéissances libertaires : manières d'agir et autres façons de faire, Nada, 2014, page 34.
- Didier Faucart, Au pied du mur, Sud Ouest (Saintes), mardi 9 mai 2006, page 2-6.
- Naëlle Le Moal, Les artistoïdes anonymes aux Tanneurs, La Nouvelle République du Centre-Ouest (Indre-et-Loire), 30 août 2011.
- Classe journalisme du collège Descartes de Châtellerault, Les artistoïdes d'Art 112 : ces Picasso du futur, La Nouvelle République du Centre-Ouest, 18 mai 2011, lire en ligne
- Le rond-point de la Légion-d'Honneur décoré, Sud Ouest, 19 mars 2010, lire en ligne.
- Entretiens avec André Bernard, Art112 - Plasticiens de l’instant, Réfractions, n°28, printemps 2012, pp. 143-159
- Olivier Sarazin, Le collectif Art 112 a encore frappé, Sud Ouest, 6 août 2014, lire en ligne.
- Denys Frétier, Les « artistoïdes » ont frappé, La Nouvelle République du Centre-Ouest (Vienne), 29 décembre 2010.
- Marie-Claude Auristégui, Le rond-point de la Légion-d’Honneur décoré, Sud Ouest (Rochefort), 18 mars 2010.
- André Bernard, Art112 - Plasticiens de l’instant, Réfractions, n°28, printemps 2012, pp. 143-159.
- Géraldine Pons, Opération porte fermée, Sud Ouest (Bordeaux), lundi 20 janvier 1997.
- Olivier Sarazin, Un étrange satellite sur un chêne centenaire, Sud Ouest (Cognac), 27 octobre 2005.
- Xavier Léoty, Le Président se fait tailler un costume, Sud Ouest (La Rochelle), 20 août 2007.
- ART112 sur artlibre.org
- Pilippe Ménard, L'art de surprendre, Sud Ouest (Charente), mardi 26 décembre 2006, page 1.
- Rodolphe Escher, Derrière les grilles, Sud Ouest (Bordeaux), vendredi 24 janvier 1997.
- Catherine Darfay, Quand l'art contemporain s'installe sur le trottoir, Sud Ouest (Bordeaux), jeudi 26 août 2004.
- Frédéric Michel, C'était de l'art, pas de l'anar, La Nouvelle République du Centre-Ouest, 3 mai 2012, lire en ligne.
- Christelle Marilleau, Art 112 a choisi Vierzon pour signer sa 109e création, Le Berry républicain, 4 novembre 2012, lire en ligne.
- Jean-Jacques Nicomette, La Kanaky fait carrière, Charente libre, mardi 22 septembre 1987, page 6.
- Julie Koch, Les "artistoïdes" éditent leurs 112 coups d’éclat, Charente libre, 12 mai 2015, lire en ligne.
- Daniel Vidal, Journée d'action du 3 juin. A quand la dernière ?, Le Monde libertaire, n°1324, 12-18 juin 2003, page 4.
- François Martin, Grève générale, Alternative Libertaire, juin 2003, voir en ligne.
- Démonstration du glissement de vocabulaire, Le Populaire du Centre (Limoges), lundi 9 janvier 2006.
- Alexandre Sioc'Han de Kersabiec, La photo du jour, Sud Ouest (Bordeaux), jeudi 9 juillet 2009.
- Sandra Lorenzo, Les clés du centre de rétention, Sud Ouest (Bordeaux), 18 décembre 2011, lire en ligne.
- Cercle libertaire Jean-Barrué, Bordeaux contre les centres de rétention administrative, Le Monde libertaire, n°1656, 19-25 janvier 2012, lire en ligne.
- Frédéric Michel, L'art « anar » fait irruption à Thouars, La Nouvelle République du Centre-Ouest, 11 avril 2012, lire en ligne.
- Alexandre Guérin, Frappe chirurgicale des agitateurs de Art112 en plein centre ville, Charente libre, mercredi 6 août 2014, page 11.
- Brenn (1959-), notice d'autorité BNF, lire en ligne.
- Del C-sqi (1959-), notice d'autorité BNF, lire en ligne.
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