État fusionnel
Un état fusionnel est un concept de psychanalyse décrivant un état psychique où la perception des limites de ce qui est « soi-même » est confuse, voire confondue avec des éléments extérieurs, auquel cas on parle de relation d'objet, cet état décrit souvent un rapport fusionnel entre un enfant et sa mère dans la toute petite enfance, un lien symbiotique ne laissant pas accès au tiers (symboliquement ou réellement au père) qui a des conséquences sur la personnalité future de l'enfant. L'état fusionnel renvoie :
- aux premiers stades de développement de l'enfant, jusqu’à 6 mois environ ;
- à l'état maternel nécessaire à la même période, et qui doit s'estomper au fur et à mesure que l'enfant grandit ;
- au phénomène normal qui résulte des traces psychiques de ce passage, moteur des mécanismes grégaires de cohésion sociale ;
- à certains liens affectifs plus intenses, dit aussi amour fusionnel, fait d'une part de régression à ce stade et qui peut être plus ou moins pathologique ;
- et enfin a des pathologies psychologiques et psychiatriques de refus de toute séparation, d'intolérance à la frustration, de troubles de la personnalité, à l'homosexualité masculine, ou encore à certains cas d'autisme (ou à plusieurs de ces éléments chez une seule et même personne).
Pour les articles homonymes, voir Fusion.
Théories des états fusionnels
Le principe d'état fusionnel est un outil théorique issu de la psychanalyse qui permet à la plupart des disciplines de la psychologie d’analyser le développement de la psyché humaine relativement à la distinction des limites de son être, du moi (conscient) ou du soi suivant les écoles.
Dans un état fusionnel, le Moi aurait des difficultés à se construire de façon réelle et solide, la personnalité resterait fragile et entraînerait des difficultés. Le sujet se vivrait comme fusionné à un autre (et notamment à sa mère), de façon inconsciente, dans un certain déni de la réalité. Une grande peur de la défusion (pourtant présente tôt dans un développement normal) peut être observée de façon plus ou moins inconsciente ou symbolique.
La sortie de l'état fusionnel
La sortie de l'état fusionnel initial du bébé a été théorisée par Donald Winnicott comme se faisant à l'aide du doudou appelé alors objet transitionnel. On distingue très schématiquement les étapes suivantes :
- L'état indifférencié et l'expérimentation du manque en alternance avec la satisfaction,
- La pensée en l'absence grâce à la présence d'un objet qui évoque le ressentie positif,
- La distinction et la sublimation globale de cette présence à travers la connaissance ou la culture.
Le plaisir de la présence satisfaisante vécu comme une illusion de soi complet ainsi que le manque et l'absence vécus comme une illusion de soi incomplet sont remplacés par la capacité à distinguer à ressentir les choses en leur absence et donc à les penser. Winnicott décrit donc ce mécanisme de sortie de l'état fusionnel comme la voie d'accès à la curiosité.
Genèse des théories sur différenciation psychique
L'idée est donc communément acceptée qu'à la naissance l'enfant est encore inapte à faire la distinction entre ce qui est lui et ce qui est l'autre.
Cette conception des choses date de la première moitié du XXe siècle et est pour beaucoup liée à l’école kleinienne de psychanalyse, Mélanie Klein étant pionnière en matière de théorisation de la psyché remontant jusqu'aux tout premiers âges de la vie, les théories ayant été élaborées en remontant dans les âges.
Mais c'est Michael Fordham, jungien proche de cette école, qui couronne en quelque sorte ces recherches en développant à partir de 1947 un concept pour définir l'état originel. Il le nomme soi primaire en référence à l'archétype du soi décrit par Jung, et le décrit comme une homéostasie, un état psycho-sensori-moteur indifférencié.
Il théorise aussi la sortie de cet état par dé-intégration et ré-intégration des éléments externes, mais c'est un ami proche, le kleinien Donald Winnicott, qui fait référence en la matière. Père de l'idée ayant fait école d'objet transitionnel, il théorise ainsi l'origine de la représentation, et le juste équilibre entre présence et absence de la mère, il parle de mère suffisamment bonne, sous entendu ni trop ni trop peu, qui permet l’apprentissage de la distinction sans angoisse. Il propose ainsi un accès simple au concept typiquement psychanalytique de la relation d'objet et utilise tout aussi bien le mot soi, self en anglais, symbole des principes jungiens, pour théoriser la suite du développement avec notamment la mise en place d'un vrai self et d'un faux self.
Mais c'est bien Mélanie Klein qui reste la clé de voûte de ces théorisations, grâce à la description du principe pathologique qui consiste à ressentir comme faisant partie de soi un élément extérieur au corps. Elle le décrit dans le rapport du bébé au sein, à une représentation psychique du sein perçu comme sien, comme son objet. Issue des théories freudiennes qui distinguent la « libido d'objet » de la « libido narcissique » à partir de 1914, la distinction d'une relation d'objet, d'un rapport un élément indifférencié du soi, est associé par Klein en cas de perte à une position dépressive.
La crainte de cette dépression, du deuil d'un élément assimilé au soi qui peut mener à la mélancolie, peut entraîner des mécanismes de défense et aboutir à des positions psychiques qui permettent d'éviter le développement normal qui consiste en l'acceptation de cette distinction. Celle qui précède la position dépressive est la position schizo-paranoïde particulièrement étudiée par Klein à partir de 1946.
Agencements pathologique
Les blocages dans ce mécanisme de distinction sont alors une clé de la compréhension de divers types de pathologies.
Schématiquement, la sortie de l'état fusionnel peut être difficile et associée à un risque de dépression. Pour s'en prémunir, le psychotique se vivrait comme étant toujours fusionné, son esprit créant des possibilités de le croire aux dépens de la réalité. Le névrosé aurait dépassé cet état fusionnel mais en aurait gardé des séquelles de souffrance, pouvant s'exprimer notamment dans la symbolique sexuelle. Et entre les deux Jean Bergeret décrit un état limite où l'état fusionnel est partiellement entretenu en contrôlant l'objet pour lutter contre l'angoisse de perte, ce qui définit le trouble de la personnalité borderline[1][source insuffisante].
Symptômes | Angoisse | Relation d’objet | Défenses | |
---|---|---|---|---|
Psychose | Dépersonnalisation, délire | Morcellement | Fusionnelle | Déni, dédoublement du Moi |
État limite | Dépression | perte d’objet | Anaclitique | Dédoublement des images, forclusion |
Névrose | Obsession, hystérie | Castration | Génital | Refoulement |