Émile Fourcault

Émile Fourcault, né à Saint-Josse-ten-Noode le et mort à Lodelinsart le , est un ingénieur belge typique du développement industriel du sillon industriel de la Belgique au XIXe siècle. Il étudie d'abord au lycée de Metz avant d'intégrer l'École spéciale des mines et des arts et manufactures de Liège, aujourd'hui intégrée à l'université de Liège, où il décroche un diplôme d'ingénieur en 1885.

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Biographie

Émile Fourcault est issu de la grande bourgeoisie industrielle carolorégienne. Son père dirigeait l’Association des maîtres de verreries belges. Il devient lui-même directeur des Verreries de Dampremy, fondées en 1836 par son grand-père Jules Frison. Riche et passionné par les révolutions technologiques, il est l'homme providentiel grâce auquel le Pays de Charleroi va devenir le berceau de la fabrication mécanique du verre.

En plus de diriger la verrerie de Dampremy, Fourcault est aussi un homme public : alors qu'il a à peine 23 ans, il organise la répression lors des grèves et des émeutes de 1886. Dix ans plus tard, il devient le plus jeune président de l'Association des Maîtres de Verreries de Charleroi.

Fourcault est aussi un homme de conviction qui croit tout d'abord à la force de l'enseignement, à l'étude, pour faire progresser la classe ouvrière. Pour lui, il est nécessaire que les jeunes verriers aient reçu une instruction, que leur art ne soit pas uniquement le résultat d'une étude empirique. Il croit aussi à la science, au progrès, aux bienfaits de la mécanisation pour la Société.

Il est l'inventeur, avec Émile Gobbe, de l'étirage du verre à vitre. Avant lui, pour obtenir du verre à vitre, le souffleur de verre soufflait un ballon  appelé « canon » ou « manchon  » qui était ouvert et recuit.

Dépôt d'un brevet

Dessin original de la planche III du brevet de 1903.
Précédé Fourcault avec détail de la débiteuse.

Avec les données techniques de l'ingénieur Émile Gobbe  qui poursuit en laboratoire des recherches sur la fabrication mécanique du verre  les premières expériences industrielles de la fabrication du verre plat sont menées en 1901 à la Verrerie de Tilly dans le Brabant wallon, dont Fourcault est d'ailleurs un des administrateurs. Elles se poursuivent ensuite à la verrerie familiale de Dampremy (Charleroi).

Un premier brevet concernant l'étirage mécanique du verre est déposé le . Le Ministère de l'industrie et du travail enregistre un autre brevet pour un appareil servant à étirer et à recuire le verre en feuilles continues, le .

Mais Émile Fourcault rencontre de nombreuses difficultés, dont l'une (non des moindres) est le manque cruel de soutien des autres maîtres verriers. C'est grâce au soutien logistique de son beau-frère Georges Despret, directeur de la Manufacture des glaces à Jeumont que les expériences se poursuivent. Celui-ci convainc la Convention internationale des Glaceries d'apporter les capitaux nécessaires.

En 1906, Fourcault peut se vanter devant la Chambre syndicale des inventeurs de Bruxelles qu'il a enfin réussi à étirer des feuilles de verre d'un mètre de large et d'une épaisseur uniforme, pouvant varier entre deux et huit millimètres. Fourcault construit alors un nouveau four avec une étireuse à Dampremy.

Malgré les résultats prometteurs, l'Association des Maîtres de Verreries ne se montre guère enthousiaste. On lui reproche la production d'un verre de mauvaise qualité, qui ne correspond pas à la renommée mondiale du verre de Charleroi. Pourtant, Émile Fourcault est convaincu de la nécessité d'industrialiser la fabrication du verre à vitres. Dans l'édition de l'Écho de l'Industrie de Charleroi du , il exhorte les maîtres des verreries belges à « sortir de la profonde ornière où ils se trouvent enlisés, de s'orienter résolument dans la voie d'un progrès nécessaire à leur existence. »[1]

Réussite industrielle

C'est finalement grâce à des financements extérieurs, en provenance d'Autriche et d'Allemagne que la première verrerie mécanique S.A.des Verreries de Dampremy voit le jour en 1912 et pour y parvenir, l'entreprise débute la production avec huit machines étireuses. Sa production, dont la qualité s'améliore peu à peu, attire l'attention du patronat verrier qui s'intéresse de plus en plus à l'étirage mécanique du verre à vitres, au détriment du soufflage mécanique[1].

Compromission durant la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale, ici comme dans la sidérurgie, va stopper tout l'effort industriel wallon et va placer en léthargie la diffusion du procédé de fabrication mécanique du verre à vitre. Mais un administrateur autrichien de Dampremy persuade le gouverneur allemand de la Belgique occupée Moritz von Bissing de permettre les approvisionnements nécessaires à la poursuite de la production. Fourcault accepte malgré l'équivoque politique de le faire sous l'occupation allemande.

On va reprocher à Fourcault d'avoir collaboré avec l'ennemi, alors qu'il semble que travailler avec l'occupant a été pour lui la seule option envisageable pour permettre d'assurer la survie de l'industrie verrière, en Belgique. La verrerie wallonne profitera de son invention et pourra continuer à soutenir la concurrence des États-Unis, qui ont eux aussi adopté un procédé analogue de fabrication[1]. Quand la guerre est finie, la production de son usine est arrêtée. Fourcault meurt un an plus tard.

Le procédé Fourcault

Le procédé mis au point par Émile Fourcault et Émile Gobbe consiste en un flotteur en terre réfractaire qui surnage dans le verre en fusion (pour rappel, la température de fusion du verre se situe autour de 1 400 °C, alors que la terre réfractaire ou « terre à feu » commence à se déformer autour de 1 500 °C). Le fond de ce flotteur, appelé débiteuse, est percé d'une fente dont les lèvres sont en-dessous du niveau du verre en fusion contenu dans le four à bassin. En vertu du principe des vases communicants, la masse vitrifiée déborde au-dessus des lèvres.

Alors, une amorce métallique descend verticalement dans la fente et se soude au verre surgi à travers la débiteuse. Par l'action de rouleaux accouplés, on remonte l'amorce métallique qui entraîne dans son sillage le verre ainsi émergé et, en proportionnant la vitesse de traction à celle du débit de la source du bassin, on arrive à former un ruban de verre cohérent. Le verre monte dans une sorte de cheminée composée d'une suite de compartiments dont les températures sont régulièrement décroissantes, grâce au rayonnement de tubes refroidisseurs à circulation d'eau. Après un parcours de 8 à 10 mètres, la feuille de verre sort du plancher de recette et peut être découpée aux dimensions voulues. Le débiteur Fourcault est cependant source de stries d'étirage. Ce défaut est corrigé par Ernest Delacuvellerie, ingénieur de Fourcault.

Une fable amusante raconte que Emile Fourcault en aurait eu l'idée en étalant une couche de confiture sur sa tartine.

Celui-ci va remplacer la débiteuse par une barre d'étirage, immergée dans le verre en fusion, et qui assure un départ rectiligne à la feuille. Cette innovation est mieux connue sous le nom de procédé Pittsburg[2],[3].

L'après Fourcault

Si, au sortir de la guerre, l'Union Verrière, sortie grande gagnante de la grève de 1919, croit les menaces de la mécanisation évanouies avec le décès d'Émile Fourcault, d'autres y voient le seul moyen de sauver la verrerie belge de son propre étouffement. Pourtant, les maîtres des verreries restent assez frileux à l'idée d'adopter le procédé de mécanisation mis au point par Fourcault et Gobbe. En effet, beaucoup ont peur de mettre en danger la survie de la verrerie s'ils prennent la décision de la moderniser. Parmi les verriers qui se risquent dans l'aventure, il y a ceux qui ont, très tôt, collaboré avec Gobbe et Fourcault, notamment Ernest Delacuvellerie, ingénieur civil des mines, qui avait aidé au développement du mécanisme.

Dans un premier temps, seules trois familles de maîtres de verreries prennent les devants et investissent dans la création de nouvelles entreprises, tout en continuant parallèlement à exploiter l'ancien procédé : la S.A.des Verreries des Hamendes à Jumet, qui financent la création de Mécaniver (1921), la famille Baudoux, qui participe à la mise sur pied de la S.A.des Verreries campinoises (1926), et la S.A.Verrerie de Jumet appartenant à la famille Monnoyer, dont une division est constituée en S.A.des verreries mécaniques du Centre (1924)

Notes et références

  1. Catherine Thomas, Émile Fourcault ou le verre plat révolutionné : Charleroi, pays houiller, pays verrier, Charleroi, A.Tanzilli, , p. 1-8
  2. Pierre Arcq et Claire De Groote, De glace et de verre : Deux siècles de verre plat franco-belge (1820-2020), Charleroi, Musée du Verre de Charleroi, , 12 p., p. 3
  3. Catherine Thomas, Émile Fourcault ou le verre plat révolutionné : Charleroi, pays houiller, pays verrier, Charleroi, A.Tanzilli, , p. 1-8

Bibliographie

  • J. M. Muhlig, Notes on the early Developpment of the Fourcault Process, in Journal of the Society of Glass Technologuy, 1933, p. 145-148
  • Catherine Thomas, Émile Fourcault ou le verre plat révolutionné : Charleroi, pays houiller, pays verrier, Charleroi, A.Tanzilli, , 8 p.
  • Pierre Arcq et Claire De Groote, De glace et de verre : Deux siècles de verre plat franco-belge (1820-2020), Charleroi, Musée du Verre de Charleroi, , 12 p.
  • Daniel Pector et Étienne Fourier, 1886 La révolte des damnés de la Terre !, Charleroi et Bruxelles, Le Progrès/Fondation Jacquemotte, , 60 p.
  • Francis Poty et Jean-Louis Delaet, Charleroi, pays verrier : des origines à nos jours, Charleroi, Centrale générale, , 353 p.
  • J.-L. Delaet, Vingt années de vie d'Emile Fourcault ou Histoire du procédé d'étirage mécanique (1901-1919), dans les cent dernières années de l'histoire de l'ingénieur en Belgique, SRBII, 1885-1985, Cahier 1/86, Bruxelles
  • Les Wallons à l'étranger hier et aujourd'hui, Charleroi, Institut Destrée,

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