Annexe:Faux anglicisme

Un faux anglicisme ou pseudo-anglicisme (ou encore, parfois, franglicisme) est, dans une autre langue que l’anglais, un mot construit à partir d’au moins un lemme ou morphème dont l’origine anglaise manifeste porte à attribuer faussement l’étymologie anglaise à la totalité de la construction.

La forme équivalente en anglais pourra être proche, mais pas identique, il ne s’agit donc pas d’un anglicisme au sens strict. Cela portera le locuteur dont la langue maternelle n’est pas l’anglais à employer le faux anglicisme plutôt que la forme équivalente lorsqu’il s’exprime en anglais.

Origine

Certains faux anglicismes sont des créations françaises, dont l’origine est généralement attribuable à des publicitaires, des inventeurs ou des sociétés commerciales, ainsi :

  • le fooding : amalgame de food et de feeling = l’art de manger, le bien-manger ;
  • un pin’s : en anglais a pin (sans apostrophe) ou a badge = une épinglette ;
  • le baby-foot : marque française déposée ; table football en anglais britannique (littéralement, « football de table »), foosball ou table soccer en anglais américain ;
  • un klaxon : du nom de la société Klaxon ayant inventé les premiers avertisseurs sonores pour autos ; en anglais car horn = avertisseur sonore, claqueson (Raymond Queneau, Zazie dans le métro, Gallimard, 1959).

D’autres emprunts, parfois basés sur un usage régional ou passé d’un terme, se sont largement répandus dans certaines variantes du français alors même qu’ils sont très rarement utilisés en anglais :

  • ainsi « WC » ou « water-closet », littéralement « cabinet d’eau », a presque complètement disparu du langage courant anglais, souvent remplacé par « toilets » (pour beaucoup d’anglophones aujourd’hui, « wc » ou « w/c » signifie « week commencing » lorsque l’on indique une date, équivalent au français « semaine du »).
  • pompom girl, en anglais plus couramment female cheerleader (= meneuse de claque (recommandé par l’OQLF)).

Ces exemples sont rarement utilisés ou compris au Québec sauf baby-foot, klaxon et pompom girl.

Types de formation

Les faux anglicismes peuvent se former de plusieurs façons[1].

Certains d'entre eux proviennent de la réduction d’un nom composé ou surcomposé anglais à son composant de gauche, ainsi :

  • des tennis, abréviation de tennis shoes = chaussures de tennis (en anglais, tennis ne veut rien dire d’autre que « le tennis ») ;
  • un fast-food, abréviation de fast-food restaurant = établissement de restauration rapide (en anglais, fast food ne signifie que « la restauration rapide ») ;
  • des warnings, abréviation de warning lights, lui-même abréviation de l’anglais britannique hazard warning lights = feux de détresse (désignation en anglais américain : hazard warning flashers).

En anglais, tennis shoes ne peut s’abréger qu’en shoes, fast-food restaurant qu’en restaurant et warning lights qu’en lights.

Un autre type de formation consiste en l’ajout d’une terminaison anglaise ou d’un suffixe anglais à un mot français :

  • le forcing (dans l’expression faire le forcing) : du verbe forc(er) + -ing = efforts intensifs ;

ou encore la suffixation, à un emprunt déjà existant, d’un substantif anglais, ainsi man et woman, à la néologie féconde :

  • un recordman et une recordwoman, accolement de man et de woman à droite de l’emprunt record = détenteur/-trice d’un record, titulaire d’un record (en anglais record holder) ;
  • un tennisman et une tenniswoman, accolement de man et de woman à droite de l’emprunt tennis = joueur/-euse de tennis (en anglais male/female tennis player).

L’assimilation de ces néologismes en man serait facilitée par la présence, en français, des suffixes -mane (comme dans « toxicomane ») et -mane (comme dans « bimane », à deux mains) [2].

Une erreur de transcription peut être à l’origine d’un faux anglicisme :

  • un talkie-walkie au lieu de walkie-talkie = un émetteur-récepteur portatif ou zézette (chez les militaires) ;
  • un brooker au lieu de broker = 1/ opérateur (sur place financière); 2/ courtier.

La partie peut servir à désigner le tout :

  • un flipper (battoir latéral pour relancer la boule) au lieu de pin table ou pinball machine (billard électrique, électro-billard, babasse (familier)).

Néologie

Une fois entré dans la langue courante ou dans un jargon de spécialité, le faux anglicisme, à l’instar d’un véritable emprunt, peut se mettre à évoluer morphologiquement (en plus de sémantiquement) et donner lieu à des mots dérivés [3].

Ainsi, relooking (1/ a/ changement d’apparence / de présentation / d’habillage ; b/ conseil en image; 2/ mise au goût du jour, recarrossage), fabriqué à partir de l’emprunt look + terminaison -ing + préfixe re-, va donner le verbe relooker, puis relookage, relookeur/-euse (et indirectement la proposition restylage par les défenseurs du français). L’anglais a make-over/makeover.

De même, sur-booking/surbooking (surréservation), francisation partielle de l’anglais overbooking (sur-réservation, surlocation, suroffre, survente), va donner le verbe sur-booker/surbooker, le participe passé adjectivé sur-booké(e)/surbooké(e) (1/ sur-réservé(e), surloué(e) ; 2/ très pris(e), très occupé(e), indisponible), surbookage, sur-book/surbook.

Quelques exemples

Les mots suivis d’un astérisque (*) sont connus et utilisés au Québec.

Faux anglicisme Équivalent en anglais
britannique ou américain
Terme recommandé ou définition en français
des baskets (chaussures)sneakers, trainers, tennis shoesdes chaussures de sport
un booka portfolioun porte-folio
un break (voiture) an estate car (anciennement : shooting break ou brake)
 a station wagon
une voiture familiale
un brushinga blow-dry, blow waveun thermo-brossage
un camping* a campsite, camping site
 a campground
un terrain de camping (au Québec)
le catchpro wrestlingla lutte professionnelle
un clip*music video, promo videoune vidéo musicale
un dancinga dance hallune salle de danse, une salle de bal, un bastringue (péjoratif)
un drive1/ a drive-in theatre ; 2/ a drive-thru1/ cinéma de plein air, ciné-parc/cinéparc (Québec) ; 2/ service de restauration au volant
un dressinga walk-in closet, wardrobeune garde-robe, une penderie
un flippera pinball table, a pinball machineun billard électrique, une machine à boule (au Québec)
un footinga walkune marche à bonne allure, une promenade ou course de santé
free fightMixed Martial Arts (MMA)combat libre
du fuel*
et sa (francisation) fioul[4]
fuel oil
heating oil
du mazout
un goalgoal keeperun gardien de but, un portier*
un jogging*a jogune course à petites foulées
un jogging (un survêtement)a jogging outfit, tracksuitun survêtement de sport
just (ex. « Une heure seulement pour te préparer ? Ça risque d’être un peu just »)tight ("it will be a bit tight")juste, court, ric-rac
un lifting*a facelift, face lifting, facial liftingun lissage/un déridage
un loft*a converted living spaceancien atelier ou entrepôt transformé en logement
un parking* a car park
 a parking lot
un (parc de) stationnement
un(e) peoplecelebrity, celebune personnalité, une célébrité, une vedette
un peelingexfoliationun gommage
un perchmana boom operatorun perchiste
un planning*a schedule, work planun plan de travail, un planigramme
du play-backmiming, lipsynchingla présonorisation, du "lipsing" est utilisé comme anglicisme au Québec
un pressinga drycleaner'sune teinturerie, un teinturier, un nettoyeur (au Québec)
un pulla pull-over (ou pullover), a slipoverun chandail, un coton ouaté (au Québec)
un punching-balla punching-bagun ballon de frappe (en Europe), un sac de frappe (au Québec(l’anglicisme punching-bag est aussi utilisé))
un puzzlea jigsaw (puzzle)un casse-tête
un rosbif*a joint of beef, roast beefun rôti de bœuf
un rugbymana rugby playerun joueur de rugby
un rumsteak / rumsteck / romstecka rump steakun bifteck[5] de croupe
short (adj.) (ex. « Financièrement je suis un peu short »)tightraide, juste
un slip (a pair of) pants
 (a pair of) briefs
un caleçon court (pour homme)
un smoking* a dinner jacket
 a tuxedo
une tenue de soirée
un(e) speaker(ine)an announcer, a presenterun(e) annonceur(euse),
un(e) présentateur(trice)
le stock-car1/  stock-car racing
2/  banger racing /  demolition derby racing
1/ la course de voitures dézinguées ; 2/ la compétition de destruction de véhicules
un string*[6].a G-string, thongune culotte-ficelle, un maillot-ficelle, une ficelle
un sweat (souvent erronément prononcé /swiːt/ et orthographié sweet)a sweat shirtun haut de survêtement, un pullover de sport
un wattman a tram driver
 a trolley driver
un conducteur de tram
le zapping, zapper (verbe) channel hopping, to channel hop
 channel surfing, to channel surf
le zappage* (recommandé par l’OQLF)

Autre signification de « faux anglicisme »

Il arrive que les linguistes condamnent à tort une expression qui n’est pas nécessairement un anglicisme[7]. On emploie alors le terme de faux anglicisme non pas pour dire que l’expression a l’apparence de l’anglais sans en être, mais plutôt pour dire qu’elle est attribuée à l’anglais par erreur[8].

C’est par exemple ce qui arrive au Québec avec bonhomme Sept-Heures personnage imaginaire, malicieux sinon méchant, présenté comme une menace aux enfants désobéissants ou qui refusent d’aller au lit ») :

« Certains font un rapprochement de ce terme avec l’expression anglaise bone-setter rebouteux »), qui serait devenue en français bonhomme Sept-Heures. Le bone-setter aurait été en milieu rural anglais, un personnage plutôt mystérieux qui arrachait des cris de douleur aux personnes qu’il traitait. Cette explication demeure contestée » (Grand dictionnaire terminologique).

Le terme sandwich voit parfois son emploi déconseillé sous prétexte que le mot est anglais. Mais il s’agit d’une antonomase (utilisation d’un nom propre en guise de nom commun), et il n’y a pas plus de raison d’éviter sandwich que « carpaccio » ou « tatin ».

Notes et références

  1. Voir la classification opérée par l’auteur de la page « Les faux anglicismes » sur le site « Le cabinet de curiosités ».
  2. Voir à ce sujet la section « 3.1 La « construction allogène » dans John Humbley, Emprunts, vrais et faux, dans le Petit Robert 2007, manuscrit auteur, publié dans « La Journée des dictionnaires 2007, Cergy-Pontoise : France (2007) », 12 p.
  3. Voir à ce sujet la section « 3.3.2 Évolution morphologique » dans John Humbley, op. cit.
  4. Fuel signifie « combustible » en anglais.
  5. bifteck vient de beef steak qui signifie « tranche de bœuf » en anglais.
  6. a string signifie « une ficelle » en anglais.
  7. Écarts de langage: Fausses difficultés du français. Consulté le 4 octobre 2010.
  8. Pierre Cardinal, Le Vocabulaire : Influences de l’anglais - vraies et prétendues - et usages en transition, Presses de l’Université d’Ottawa, 2009.

Bibliographie

  • Marion Cypionka, Französische "Pseudoanglizismen": Lehnformationen zwischen Entlehnung, Wortbildung, Form- und Bedeutungswandel (Édition de poche), Narr Francke Attempto/BRO, 1994, ISBN 978-3-8233-5066-8
  • Jean Tournier, Les Mots anglais du français, coll. Le Français retrouvé, Belin, Paris, 1998, ISBN 2-7011-2304-6
  • John Humbley, Emprunts, vrais et faux, dans le Petit Robert 2007, manuscrit auteur, publié dans « La Journée des dictionnaires 2007, Cergy-Pontoise : France (2007) », 12 p.

Liens externes

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