Le masque sowei
Travaux de recherche/Anthropologie

Toute réaction ou commentaire par rapport à ce travail de recherche sont les bienvenus sur cette page de discussion.

Cette page fait partie de l’espace recherche de la Wikiversité et dépend de la faculté socio-anthropologie. Pour plus d'informations, consultez le portail de l'espace recherche ou rendez-vous sur l'index des travaux de recherche par faculté.

Titre de la page pour créer un wikilien : Recherche:Le masque sowei

Ce travail fut initialement réalisé pour un cours intitulé « Arte e Religião em Africa » dispensé par le professeur Manuel Laranjeira Rodrigues de Areia à l'institut d'anthropologie de l’université de Coimbra. La note attribuée pour la version original de ce travail tel qu'elle a été publiée rendu en juin 2009 fut 16/20. Après avoir été wikifié, cette version originale a été publiée sur Wikiversité par son auteur Lionel Scheepmans (), le 19 juin 2011 à 16:43 (UTC). Publié sur Wikiversité, ce travail est devenu libre d'utilisation selon les terme de la licence CC-BY-SA. Vous pouvez donc reproduire, distribuer et communiquer ce travail, mais aussi et peut-être surtout modifier ce travail et même l’utiliser à des fins commerciales.

Masque sowei

Introduction

Pour ce travail, il nous a été demandé de faire la présentation d'un masque africain dans son contexte artistique religieux et culturel. J’ai choisi le masque sowei pour deux raisons. D'une part, ce masque fait exception à une règle générale dans l’utilisation du masque en Afrique noir, il est le seul masque porté par des femmes. D'autre part, par ce que la région dans la quelle est porté ce masque se situe au Liberia, en Sierra Leone et proche de la Guinée Conakry où j’ai eu la chance d'effectuer un volontariat de deux ans. Le travail sera structuré en cinq parties. Après cette introduction, viendra en première partie une présentation du masque, avec ses différents aspects symboliques. Succédera ensuite en deuxième partie, la présentation général du peuple mendé dans lequel se rencontre les sociétés secrètes féminines nommées sande, qui utilisent le masque sowei dont il est question dans ce travail. Viendra par la suite, la troisième partie qui aura pour but de présenter le rituel d'initiation propre aux sociétés sande. Puis ce sera la quatrième partie, qui présentera deux autres masques associés au masque sowei et utilisé dans le cadre des cérémonies sande. Et enfin pour conclure, je ferais part, dans une cinquième dernière partie, d'une réflexion personnelle suite la réalisation de ce travail.

Le masque Sowei

Comme nous l'avons vu, le masque sowei est utilisé durant les cérémonies d’initiation des jeunes filles au sein des sociétés secrètes féminines sande, parfois aussi appelé bundu. Le masque comme c’est le cas généralement en Afrique noir a pour fonction de donner vie aux esprits. C'est sans doute une des raison pour la-quelle il n'est en général pas porté par les femmes qui contrairement aux hommes donnent vie de façon naturelle par l'enfantement. Dans le cas du masque sowei, il s'agirait de l'esprit de la société sande. Cette esprit féminin serait symbole de fécondité et sortirait des eaux à l’occasion du rituel. Le masque, comme peuvent en témoigner les photos accessible sur le site de la galerie d'art Dafco Galllery[1], est de type heaume (porté à la manière d'un casque) et représentant une tête de femme au large front bombé[2].

Masque sowei avec fibres attachées

Les caractéristiques communes aux différents masques sowei, que l’on peut rencontrer photographiés sur de nombreux cite du réseau Internet, sont liées aux symboles de beauté, de richesse et de bonne éducation. Selon les diverses sources d'informations consultées, voici un récapitulatif de ces caractéristiques suivies du symbole qui y est associé: La petite bouche fine et le petit menton triangulaire seraient signes de sagesse et de beauté - les yeux clos en amandes feraient références au monde des esprits mais aussi à une attitude d’humilité et de réserve - les plis du cou seraient à la foi marque de beauté, signe de prospérité mais feraient aussi référence aux remous produit lorsque l'esprit sort de l'eau. - le front grand et proéminent symbolise l'intelligence et la sagesse – la coiffure sophistiquée serait signe de richesse et de noblesse - la peau lisse et noir entretiendrait le mystère. Rarement les masques sowei comportent des marques de scarifications. Celles-ci peuvent parfois être présentes sur les pommettes du visage, mais ne y seraient que dans un but esthétique et sans signification symbolique.

Comme le montre la photo prise pas T.J. Alldridge dans un village de Sierra Leone en 1922 accessible sur le site de la galerie d'art Afrikadrawn[3] et comme l'explique Carol Thompson dans une vidéo accessible sur youtube[4], le masque est accompagné d'une parure en fibre qui dissimule le corps de la personne portant le masque .

Les fibres sont reliées au masque grâce aux perforations effectuées à la base du masque, bien visible sur les deux images ci-dessus. Dans le cas de ce masque nous pouvons aussi remarquer des perforations à la base des oreilles qui devaient sans doute servir pour y accrocher des boucles d'oreilles dans un but esthétique. Nous pouvons aussi remarquer sur la photo de couverture que sous les fibres, la porteuse du masque est habillée d'un pantalon, de chaussures ou de chaussons de tel manière qu'aucune partie du corps ne soit visibles.

Le peuple mendé

Selon l'Encyclopédie en ligne Encarta[5], le peuple mendé, serait probablement descendants des anciens Mani, l’un des peuples mandingues constitutifs de l’ancien empire du Mali. Ce peuple se serait définitivement fixé dans son habitat actuel à la fin du XVIII siècle, à cheval sur le nord-ouest du Liberia et le sud-ouest de la Sierra Leone, après s’être longtemps opposé à l’hégémonie des royaumes côtiers dirigés par les actuels peuples baga, temne et landuman. Le territoire des mendé serait situé en zone tropicale humide, couvert de forêts secondaires, de prairies et de savanes arborées traversé par de nombreuses rivières riches en alluvions. Le riz et l’igname prédominerait dans les productions agricoles et constitueraient l’alimentation de base. L’économie de ce peuple reposerait essentiellement basé sur la production de ses plantations de bananes, des produits dérivés de l’hévéa ainsi que sur la collecte de noix de kola et noix de Palme. L’organisation familiale des mendé reposerait sur des patriclans. Les mariages y seraient de type polygynie, est de résidence virilocale. Le village mendé constituerait la division politique de base. Il serait scindé en quartiers, dirigés chacun par un ancien. Les villages réunis, en nombre variable, constitueraient une chefferie qui autrefois pouvait être rassemblé en confédérations et régies par une sorte de chef supérieur assisté d’un conseil.

L’identité du peuple mendé se façonnerait par des enseignements prodigués par deux sociétés secrètes d’initiation à grades, le poro réservé aux hommes et le sande ou bundu destiné aux femmes. Ces rites à forte connotation identitaire serait intimement liés à la religion traditionnelle, qui en dépit de la pénétration des religions importées, telles que le christianisme et l’islam, resterait fortement implanté dans le peuple mendé. Ces deux types de sociétés secrètes agiraient comme institutions centrales dans la vie économique et politique du peuple mendé. La langue mendé appartiendrait au groupe des langues mandé de l’Ouest de la famille des langues Niger-Congo incluses dans l’ensemble nigero-khordofanien.

Le rite d'initiation

Selon Alldridge ( Alldridge, 1901), la hiérarchie de la société sande serait composée de trois niveaux “Digbas, the lowest or first degree, Normeh, the Bundu devil or second degree, and Soweh, the headwoman, third degree.” Seul les femmes du troisième degrés pourraient officiellement porter le masque. Le ou les masques seraient gardés avec des ustensiles et produits médicinaux dans un coffre appelé kunde qui serait entreposé dans la maison de la personne la plus importante de la société appelée wa jowei et qui serait secondée par deux autres femmes de haut rang. Une étude ethnographique fut réalisée en 1978 par Ruth B. Phillips ( Ruth, 1978) et nous explique en détailles le rituel d'initiation des jeunes filles organisé par les sociétés sande. Le rituel secret se déroulerait en grande partie en brousse et aurait pour but d'éduquer les jeunes fille pour les préparer à leurs vies futur tout en les intégrant dans le monde des adultes. L'éducation porterait principalement sur les aptitudes a acquérir pour être une bonne épouse et une bonne mère de famille, mais aussi enseignera modestie, diligence et respect envers les aînés. Avant le rituel, il est impératif que la jeune fille soit resté vierge. La période d'exil en forêt sera l’occasion vérifier sa virginité et de pratiquer l'excision du clitoris qui selon une croyance répandue en Afrique noir serait un résidu du sexe opposé au même titre que le prépuce chez le garçon. Pour le garçon comme pour la fille, il est nécessaire du retirer ces deux partie du corps pour devenir un homme ou une femme a part entière. Durant le rituel d'initiation, les jeunes filles reçoivent un nouveau nom qu’elles garderont pour le restant de leurs jours. La participation au rituel, serait généralement une condition de reconnaissance en tant que femme adulte et un condition d'acceptation pour le mariage qui en général succède peu de temps après l'initiation. L'initiation pour la jeune fille, se déroulerait toujours dans son village natal et serait l’occasion de créer des liens très serrés entre les initiées.

Si le masque s’appelle sowei, mais l'esprit ( ngafa ) qu’il incarne et donc la personne masquée qui le symbolise serait nommer Ndoli jowei. Le peuple mendé croit que l'esprit de chaque personne persistent après la mort pour rejoindre les esprits des ancêtres. Les esprits peuvent résider dans différents endroits tel que la forêt ou l'eau et peuvent apparaitre aux vivants sous différentes formes. Les esprits doivent être traités avec beaucoup de sagesse et de respect sous risque de grands désastres. Le rituel d'initiation durerait de un à deux mois et se déroule généralement durant la période de vacances scolaires. Durant ce temps, le Ndoli jowei apparaitrait à trois moments clef pour ponctuer le rituel, focaliser l'attention du village et informer celui-ci du bon déroulement des opérations.

La première apparition s'effectuerait deux ou trois jours après que les jeunes filles soient partie en brousse pour être excisées et est connu sous le nom de gbε gbi ou plus simplement yaya. À ce moment, le Ndoli jowei apparaitrait en compagnie de femmes initiées pendant que les jeunes filles resteront en brousse. Lors de cette apparition le Ndoli jowei ne dansera pas mais viendrait simplement prévenir le village que l'excision fut effectuer pour repartir en brousse avec des vivres offertes par le village. Deux semaines après le yaya, le Ndoli jowei apparaitrait de nouveau au village pour avertir que jeunes filles seraient de retour au village le jour suivant. Durant cette apparition, une collecte d’argent et de vivres serait organiser au près des familles des initiées et un repas spécial comportant de plantes médicinales, le gani, serait confectionné et apporté aux initiées. Après avoir mangé le gani, les initiées viendraient au village habillées de parures comportant de nombreux objets décoratifs et symboliques pour saluer leurs familles, passer la journée au village et retourner ensuite dans la brousse afin de continuer leur enseignement. Viendrait ensuite le ti sande gbua, un ou deux moi après le gani qui serait le retour définitif au village. À ce moment, les femmes nouvellement initiées seraient habillées de blanc tout comme les anciennes. Ce serait alors trois jours de fête au village sous le symbole de l'unité, avec la pratique de chants, de danses et une nouvelle récolte de fonds en compagnie du Ndoli jowei durant la quelle, le kunde pourrait exceptionnellement montré en publique . Suite au premier jour de festivités, les nouvelles initiées se donneraient rendez-vous à la rivière pour un bain purificateur, là où l'esprit est serait sorti de l'eau. Suite à ce bain elles sont libérées de tous interdits liés à la période d'initiation. Elle s'enduisent alors le corps d'huile et s'habillent avec de nouveaux vêtements pour repartir en ville équipées d'une natte en pailles. Avant le bain de purification le Ndoli jowei aura disparut et ne pourra plus renter en contacte avec les nouvelles initiées jusqu'à sa nouvelle réapparition lors des prochains rites d'initiations ou lors d'une circonstance exceptionnel comme par exemple le décès d'un membre important de la société ou la visite d'un haut dignitaire. Il arriverait aussi que le Ndoli jowei apparaisse si un homme aurait trahi les règles du sande. Le Ndoli jowei viendrait ainsi désigner le coupable et le conduire au chef du village pour qu’il y soit puni. En cas de fabrication d'un nouveau masque (kpowa jowei), une cérémonie est nécessaire pour qu’il puisse acquérir ses propriétés surnaturelles.

La danse du Ndoli jowei comme on peut le voir sur une vidéo youtube[6] est effrénée et constituée de petits pas rapides suivis parfois de circonvolutions du corps tout entier. Sur le site Internet youtube nous pouvons trouver un exemple de la danse « dans une version moderne » de ce qui semble être une apparition du Ndoli jowei lors d'une fête privée urbaine[7]. Le Ndoli jowei est généralement accompagné d'une ligba ou initiée de haut rang qui prendra soin de lui. Elle est équipée une natte de paille qu'elle pourrait utiliser pour cacher le Ndoli jowei en cas de nécessité. La musique qui accompagne le Ndoli jowei comme il nous est possible de l'entendre sur la vidéo youtube est composée de chants polyphoniques féminins accompagnés de segbura, idiofone formé d'une calebasse et d'un filet de perles joué par les chanteuses. Les chants peuvent être aussi accompagnés de sangbei et de kili percussions à membranes jouées par des hommes comme c’est généralement la coutume en Afrique noir.

Autres masques liés au sowei

Il existe deux autres masques utilisés dans les cérémonies sande et qui sont directement liés au masque sowei. Il s'agit d'un masque intitulé gonde et d'un autre intitulé samawa. Le premier masque est une parodie du sowei et sert principalement de faire valoir pour ce dernier. Il serait bien souvent constitué d'un ancien masque sowei jugé trop vieux ou trop abîmé et transformé afin de lui donner une apparence ridicule. Le gonde serait généralement de couleur alors que le sowei serait toujours de couleur noir. Le masque appelé samawa, serait lui une satire du masque sowei. Ce serait un masque masculin ridicule qui aurait pour fonction de renforcer l'importance de la femme durant les cérémonies sande qui prennent place rappelons le au sein d'une société patriarcale.

Réflexion personnelle suite à ce travail

Durant la réalisation de ce travail j’ai été surpris par différentes choses que j'aimerais partager en guise de conclusion. Tout d’abords, je trouve impressionnant que les femmes du peuple mendé aient pu s'organiser pour créer un rituel féminin unique à toute l'Afrique noir. Je regrette cependant, de n'avoir pu trouver lors de mes recherches quelconque explication à ce phénomène. J’ai été surpris ensuite de constater que ces cérémonies ne sont pas dépourvues d'humour. Aussi, il me plairait de savoir si des masques satiriques et parodiques sont choses courantes en Afrique noir. Enfin, Je peux dire que j’ai été très surpris en découvrant la vidéo de youtube. Elle m'a interpellé sur deux aspects en rapport à évolution de nos sociétés. Tout d’abord, je fut impressionné sur les potentialités qu'offre aujourd’hui internet en termes de partage d'informations aussi surprenantes que la visualisation d'un Ndoli jowei dont j'ignorais le nom et même l’existence avant de faire ce travail. Ensuite, je fus surpris de constater qu'un Ndoli jowei, qui est censé représenter la réincarnation d'un esprit avec toute l'importance que cela semble avoir pour le peuple mendé, puisse apparaitre dans ce qui semble être un fête privée urbaine. De plus je trouve surprenant que les participants ne semblent à mes yeux, manifestent ni grand étonnement ni grand respect. J’ai dès lors pensé que si je retournais aujourd’hui en Guinée Conakry, après pratiquement 16 ans d'absence, j’y rencontrerais certainement un grand changement en termes d'évolution des traditions anciennes.

Références

  1. Voir: http://www.dafcogallery.com /shop/item.asp?itemid=5
  2. Voir: http://www.flickr.com/photos/32357038@N08/3762954553/
  3. Voir: http://afrikadawn.com/africa/sande.html
  4. Voir: http://www.youtube.com/watch?v=U7s_5zjN2wo&feature=related
  5. Voir: http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_741538341/mendé.html
  6. Voir: http://www.youtube.com/watch?v=MFxOLFy0iv4
  7. Voir: http://www.youtube.com/watch?v=iN52DaOAgvA

Bibliographie

  • Alldridge T.J. The Sherbo and its Hinterland, London, 1901
  • Frances Harding, ed., The Performance Arts in Africa: a Reader, London; New York: Routledge, 2002.
  • Ruth B. Phillips, Masking in mendé Sande Society Initiation Rituals, from Africa, Journal of the International African Institute, Vol. 48, No. 3 (1978), p. 265
Cet article est issu de Wikiversity. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.