Scoliose

La scoliose est une déviation sinueuse de la colonne vertébrale dans les trois plans de l'espace : inclinaison dans le plan frontal, rotation des vertèbres dans le plan horizontal et inversion des courbures dans le plan sagittal. Il s'agit d'une déformation non réductible, contrairement à l'attitude scoliotique. Une déviation du rachis est considérée comme une scoliose quand l'angulation est égale ou supérieure à 10 degrés.

Scoliose
Radiographie d'un patient atteint de double scoliose
Spécialité Orthopédie
CISP-2 L85
CIM-10 M41.0, Q67.5, Q76.3
DiseasesDB 26545
MedlinePlus 001241
MeSH et D012600 D012600 et D012600

Mise en garde médicale

Épidémiologie

Environ 4 % des enfants ont un certain degré de rotation de la colonne vertébrale, la plupart ne nécessitant aucune prise en charge[1].

Il est intéressant de noter que l'ensemble de la population présente une vraie scoliose (avec gibbosité). Cependant, cette déformation reste dans la majorité des cas à l'état endémique et discret, c'est-à-dire inférieure à 10 degrés d'angulation. En effet, le rachis se déforme souvent de façon naturelle sous l'excès de tonus des chaines musculaires. Quand cette déformation atteint une certaine importance, on parle de scoliose idiopathique.

La scoliose structurale idiopathique se développe habituellement après la petite enfance, avant la puberté et pendant la croissance pubertaire. Elle atteint en majorité la population féminine (une fois et demi à deux fois plus que chez le garçon), et, généralement, les filles présentent des scolioses plus graves que les garçons. La courbe scoliotique tend à s'aggraver avec le temps. Ce degré de progression est variable selon les individus mais semble plus important dans les cas de scolioses dorsales, lorsque la courbure initiale est déjà importante, ou lorsque le patient n'est pas encore mature[1].

Causes

Il semblerait que la scoliose ait des origines diverses : génétiques, neurologiques, biomécaniques, environnementales, mais pas posturales. En effet, une scoliose n'est jamais le fruit d'une négligence, ni d'une mauvaise posture. Il s'agit d'une maladie à part entière liée uniquement à la croissance de la colonne vertébrale. Néanmoins, en période de croissance, une mauvaise posture peut aggraver une scoliose déjà présente (c'est en position assise que les vertèbres se déforment le plus).

Il existe trois types de scoliose : congénitale (secondaire à une malformation vertébrale), syndromique (secondaire à une maladie neuro-musculaire, comme une neurofibromatose, une maladie de Marfan, un syndrome d'Ehlers-Danlos) et idiopathique, la plus fréquente, sans cause retrouvée[2].

Elle peut apparaître à l'âge adulte et est en règle générale modérée, secondaire à des tassements vertébraux asymétriques.

Il existe une participation génétique[3], les principaux gènes responsables étant le TBX6[4] ou le POC5[5].

Diagnostic différentiel

La scoliose est dite « vraie » (ou structurale) quand une rotation est associée à la déviation latérale. Ce cas concerne une certaine proportion de la population générale (environ 4 personnes sur 100).

La grande majorité des scolioses de l'enfance sont « idiopathiques », ce qui signifie que leur origine est inconnue, à la différence des scolioses secondaires à une anomalie neuromusculaire, une tumeur, un traumatisme ou une malformation vertébrale. La scoliose idiopathique est à différencier aussi de l'attitude scoliotique, ou scoliose posturale, qui ne comporte pas de rotation des corps vertébraux, et qui se corrige en position couchée. Elle peut aussi être héréditaire. Dans la population, la majorité des scolioses sont légères (inférieures à 20°). Les scolioses moyennes et sévères ne concernent qu'un faible pourcentage de la population.

Évaluation

Examen clinique

Il doit être fait chez un patient dénudé (en sous-vêtement) et debout. Toute asymétrie de longueur des membres inférieurs, visualisée en particulier par une asymétrie de niveau des crêtes iliaques, doit être compensée. Les déformations de la colonne vertébrale peuvent être notées et une déviation latérale peut être quantifiée par rapport à une verticale (fil à plomb dont l'extrémité supérieure est située sur la base du cou (septième vertèbre cervicale). Le niveau d’ascension d'un hémithorax par rapport à l'autre est mesuré sur le patient penché en avant (test d'antéflexion Adams)[6].

L'examen doit être complété par un examen neurologique et cutané à la recherche des rares causes secondaires de scolioses.

De façon plus claire, l'examen clinique vise surtout à apprécier une gibbosité ou un bourrelet lombaire. Cette recherche s'effectue lorsque le patient est penché en avant, mains et pieds joints. La gibbosité définie la scoliose, elle traduit la rotation vertébrale. Elle se manifeste par une déformation des côtes dans la région dorsale (gibbosité) et par une saillie para-spinale dans la région lombaire (bourrelet lombaire). En outre, un côté du tronc est plus proéminent que l'autre.

Radiologie

Schéma de l'angle de Cobb

Les clichés nécessaires sont une radiographie du rachis dorso-lombaire de face et de profil, fait chez un patient debout, avec compensation préalable d'une asymétrie de longueur des membres inférieurs[2].

Le principal critère d'évaluation de la scoliose est l'« angle de Cobb », qui se mesure sur une radiographie du rachis de face. C'est l'angle formé à partir de l'intersection de deux droites tangentielles l'une au plateau supérieur de la vertèbre limite supérieure, l'autre au plateau inférieur de la vertèbre limite inférieure. Les conventions médicales veulent qu'un angle inférieur à 10 degrés ne soit pas considéré comme une scoliose à part entière[7]. On peut classer les courbures scoliotiques en fonction de leur importance :

  • courbes inférieures à 20 degrés : scolioses bénignes (aucun traitement requis la plupart du temps, hormis parfois la kinésithérapie) ;
  • courbes comprises entre 20 et 35 degrés : scolioses moyennes (scolioses « orthopédiques ») ;
  • courbes comprises entre 35 et 60 degrés : scolioses importantes (Scolioses « chirurgicales » avec potentiel de réduction correct, voire bon) ;
  • courbes supérieures à 60 degrés : scolioses très importantes (scolioses « chirurgicales » avec potentiel de réduction satisfaisant, voir correct).

Il existe quatre types principaux de scoliose :

  • thoracique (dorsale)
  • thoraco-lombaire (dorso-lombaire)
  • lombaire
  • double

Cette anomalie peut apparaître à des âges différents. On dénombre quatre stades différents d'apparition de la scoliose :

  • la scoliose infantile : avant 3 ans. Près de 100 % auront un angle supérieur à 100°.
  • la scoliose juvénile :
  1. de 3 à 7 ans,
  2. de 7 à 11 ans,
  3. de 11 ans aux premières règles,

50 % auront un angle entre 50 et 100°.

  • scolioses de l’adolescence : après les premières règles. 95 % auront un angle inférieur à 50°.
  • scolioses dégénératives : apparaissant à l'âge adulte sur un rachis initialement sain, rares.

Dans tous les cas, la radiographie permet d'évaluer l'âge squelettique (signe de Risser[8] basé sur l'apparence des apophyses iliaques), car il constitue un indice des potentialités évolutives de la scoliose[2].

Histoire naturelle

L'évolution de la scoliose est maximale lors de la poussée de croissance de l'adolescence[2] et elle cesse, en pratique, à l'âge adulte.

Les conséquences à long terme des scolioses idiopathiques sont :

  • la gêne respiratoire, avec diminution de la capacité vitale (CV), du VEMS. La diminution de la CV est sévère lorsque la scoliose dorsale dépasse 90° ;
  • les douleurs rachidiennes plus fréquentes que par rapport à un groupe témoin[9], même si cela n'est pas retrouvé constamment[10] ;
  • la vie quotidienne peut être perturbée, plutôt pendant les périodes de douleurs rachidiennes aiguës ;
  • la scoliose peut provoquer, lorsqu'elle est importante, un retentissement psychologique[10] en raison de l'atteinte de l'image corporelle.

Les douleurs rachidiennes et les troubles respiratoires sont d'autant plus importants que l'angle de Cobb est grand. Néanmoins, les scolioses dites « mineures » (inférieures à 20 degrés) ne causent généralement pas de douleurs, surtout si un entretien et un soin du dos est présent.

Non opérée, la scoliose idiopathique a un retentissement variable sur la qualité de vie, en fonction de sa sévérité.

Lorsque l'angle de Cobb est inférieur à 30° en fin de croissance, il est rare qu'elle s'aggrave plus tard[11]. Lorsqu'il est supérieur à 50°, les troubles respiratoires sont d'autant plus importants que cet angle est élevé.

Traitements

Radiographie post-opératoire d'une colonne vertébrale atteinte de scoliose.

Les traitements non chirurgicaux visent à limiter la progression naturelle des scolioses, notamment vers les formes graves, et à réduire le risque de complications respiratoires et douloureuses. Le traitement chirurgical peut, lui, tendre à la réduction de la courbure.

On dispose de la chiropratique[12],[13] de la kinésithérapie[réf. souhaitée], de l'ostéopathie, du port du corset et en dernier recours de la chirurgie. Cette dernière est réservé actuellement aux scolioses importantes. Elle est considérée comme l'échec des traitements médicaux et constitue un dernier recours.

Dans certains cas, uniquement durant l'enfance, il arrive qu'une légère scoliose disparaisse spontanément. Il est également possible, toujours chez l'enfant, de corriger totalement une scoliose par le biais d'un traitement orthopédique. On peut alors parler de « guérison de scoliose ». Cela s'explique par le fait que, durant l'enfance, le squelette possède un potentiel de croissance et de flexibilité unique, qui ne se retrouve plus à l'adolescence. Néanmoins, ces cas ne sont pas fréquents ; et une scoliose débutant dans l'enfance a toutes les chances de devenir sévère par la suite ; d'où l'intérêt d'un dépistage précoce et d'un suivi régulier.

Les indications sont variables suivant le degré de courbure et le pays : les États-Unis sont plutôt attentistes pour la scoliose modérée ou proposent un corset. En Europe, une rééducation est volontiers préconisée à un stade précoce[1]. Il n'existe pas de preuve de la supériorité d'une attitude par rapport à l'autre.

Corset

Le principe du corset est de contraindre la croissance du rachis « dans le bon sens ». Il doit être porté plusieurs années et idéalement jour et nuit et son acceptation n'est pas toujours évidente. Son efficacité est démontrée dans le ralentissement de l'évolution de la déformation scoliotique, par rapport à une attitude attentiste seule[14] ou un kinésithérapie par stimulation électrique musculaire. Elle est d'autant plus efficace que le port est prolongé durant les 24 heures[15]. Elle ne parvient pas toujours à éviter la chirurgie[16]. Le corset ne permet pas de guérir la scoliose (sauf dans certains cas chez l'enfant jeune ou très jeune), mais de stopper ou de ralentir son évolution. Parfois, il peut corriger partiellement la déformation.

Chirurgie

L'indication concerne environ 10 % des scolioses idiopathiques du sujet jeune[2] et concerne les scolioses importantes, avec un angle de Cobb dépassant les 50°. La technique consiste en la mise en place de deux longues tiges métalliques vissées dans les vertèbres, permettant le redressement de la colonne vertébrale, notamment avec la technique et le matériel de 3e génération proposés par Cotrel et Dubousset[17]. Les complications sont essentiellement locales mais il peut exister des étirements ou compressions de racines nerveuses dans moins d'un pour cent des interventions[18].

À l'issue de l'intervention (qui peut dans certains cas corriger totalement la scoliose), le rachis est bloqué de manière définitive. Les vertèbres libres de greffe devant travailler davantage pour « compenser » l'immobilisation du reste de la colonne, des douleurs dans le dos peuvent apparaître de façon imprévisible et à tout âge. Le rachis étant un flexible conçu pour bouger - et non être bloqué, on considère que l'opération ne règle pas entièrement le problème : on supprime un défaut (la courbure) pour en créer un nouveau : la rigidité du dos liée à la dite opération.

Notes et références

  1. (en) Weinstein SL, Dolan LA, CY Cheng J, Danielsson A, Morcuende JA. « Adolescent idiopathic scoliosis » Lancet 2008;371:1527-37. PMID 18456103
  2. Altaf F, Gibson A, Dannawi Z, Noordeen H, Adolescent idiopathic scoliosis, BMJ, 2013;346:f2508
  3. (en) Axenovich TI, Zaidman AM, Zorkoltseva IV, Tregubova IL, Borodin PM, « Segregation analysis of idiopathic scoliosis: demonstration of a major gene effect » Am J Med Genet. 1999;86:389-94. PMID 10494097
  4. Wu N, Ming X, Xiao J et al. TBX6 null variants and a common hypomorphic allele in congenital scoliosis, N Engl J Med, 2015;372:341-350
  5. Patten SA, Margaritte-Jeannin P, Bernard JC et al. Functional variants of POC5 identified in patients with idiopathic scoliosis, J Clin Invest, 2015;125:1124–1128
  6. Fairbank MJ, Historical perspective: William Adams, the forward bending test, and the spine of Gideon Algernon, Spine, 2004;29:1953-5
  7. (en) Hresko MT. « Clinical Practice. Idiopathic scoliosis in adolescents » N Engl J Med. 2013;368:834-41. PMID 23445094
  8. Risser JC. « The iliac apophysis: an invaluable sign in the management of scoliosis » Clin Orthop. 1958;11:111-20.
  9. (en) Weinstein SL, Dolan LA, Spratt KF, Peterson KK, Spoonamore MJ, Ponseti IV. « Health and function of patients with untreated idiopathic scoliosis: a 50-year natural history study » JAMA 2003;289:559-67. PMID 12578488
  10. (en) Ascani E, Bartolozzi P, Logroscino CA et al. « Natural history of untreated idiopathic scoliosis after skeletal maturity. Symposium on epidemiology, natural history and non-operative treatment of idiopathic scoliosis » Spine 1986;11:784-789. PMID 3810293
  11. (en) Weinstein SL, Ponseti IV, « Curve progression in idiopathic scoliosis » J Bone Joint Surg Am. 1983;65:447-55. PMID 6833318
  12. Mark W. Morningstar, Dennis Woggon et Gary Lawrence, « Scoliosis treatment using a combination of manipulative and rehabilitative therapy: a retrospective case series », BMC musculoskeletal disorders, vol. 5, , p. 32 (ISSN 1471-2474, PMID 15363104, PMCID 520751, DOI 10.1186/1471-2474-5-32, lire en ligne)
  13. G. A. Tarola, « Manipulation for the control of back pain and curve progression in patients with skeletally mature idiopathic scoliosis: two cases », Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics, vol. 17, , p. 253–257 (ISSN 0161-4754, PMID 7519232, lire en ligne)
  14. (en) Weinstein SL, Dolan LA, Wright JG, Dobbs MB. « Effects of bracing in adolescents with idiopathic scoliosis » N Engl J Med. 2013; 369:1512-21. PMID 24047455
  15. (en) Rowe DE, Bernstein SM, Riddick MF, Adler F, Emans JB, Gardner-Bonneau D. « A meta-analysis of the efficacy of nonoperative treatments for idiopathic scoliosis » J Bone Joint Surg Am. 1997;79:664-74. PMID 9160938
  16. (en) Noonan KJ, Weinstein SL, Jacobson WC, Dolan LA. « Use of the Milwaukee brace for progressive idiopathic scoliosis » J Bone Joint Surg Am. 1996;78:557-67. PMID 8609134
  17. (en) Piazzolla A, Solarino G, De Giorgi S, Mori CM, Moretti L, De Giorgi G, « Cotrel-Dubousset instrumentation in neuromuscular scoliosis », Eur Spine J, vol. 20, no Suppl 1, , S75-84. (PMID 21404030, PMCID PMC3087033, DOI 10.1007/s00586-011-1758-x)
  18. (en) Diab M, Smith AR, Kuklo TR, Spinal Deformity Study Group. « Neural complications in the surgical treatment of adolescent idiopathic scoliosis » Spine 2007;32:2759-63. PMID 18007257

Liens externes

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