Kinésithérapie

La kinésithérapie - ou la physiothérapie, de manière plus générale - est une profession de santé et une science clinique. Elle emploie le mouvement dans le but de renforcer, maintenir ou rétablir les capacités fonctionnelles[1].

Définition élargie

La masso-kinésithérapie est la thérapie de la gestuelle humaine[2] (kinêsis signifie le « mouvement » en grec). Elle utilise le mouvement ou, au contraire corrige et réduit le mouvement, par différentes techniques ou par la pose d'une contention, afin de rendre au corps une fonction qui s'est altérée, par exemple afin de retrouver l'usage d'une main après une chirurgie réparatrice, ou du moins lui apprendre à s'adapter à son nouvel état (apprendre à un patient amputé à marcher avec une prothèse).

La kinésithérapie signifie traitement par le mouvement. Elle agit au niveau musculaire et articulaire. Les techniques sont utilisées dans le but de la rééducation du mouvement et ainsi que de la posture de la personne.

Un des actes de la masso-kinésithérapie est le massage, c'est-à-dire la sollicitation des tissus (muscles, tendons ou encore tissus sous-cutanés) du patient par différentes techniques manuelles. La kinésithérapie utilise différents moyens physiques (la chaleur, le froid, des courants électriques, des ultrasons, des infrarouges) afin de réduire la prévention, connexes à celles de l'ergonomie et ergothérapie, afin de favoriser ou de rendre autonome une personne dans ses actes de la vie quotidienne, d'adapter le poste de travail d'une personne, par exemple dans le cadre de la prévention des maladies professionnelles ou encore afin de former le personnel manipulant des charges importantes.

La masso-kinésithérapie concerne également les techniques de kinésithérapie respiratoire des nourrissons atteints de bronchiolite, pour aider à l'entretien des volumes et des cinèses ainsi qu'au désencombrement , et la réalisation d'une contention élastique (strapping), souple (soutien du bras, bandage coude au corps) ou rigide (corset pour immobilisation du rachis).

Cette discipline comprend la rééducation de presque toutes les pathologies médicales. Ce métier appartient au corps des rééducateurs à l'instar des ergothérapeutes, neuropsychologues, orthophonistes, orthoptistes, pédicure-podologues et psychomotriciens.

Activités

Enseigne d'un cabinet de kinésithérapie à L'Hôpital (Moselle).

L'activité de masso-kinésithérapie comprend :

  • les massages, dont le drainage lymphatique manuel et la pressothérapie ;
  • la kinésithérapie respiratoire de l'adulte et de l'enfant ;
  • les postures, les étirements musculo-tendineux et les mobilisations articulaires, à l'exclusion des manœuvres de force, notamment des manipulations vertébrales et des réductions de déplacement osseux ;
  • le renforcement musculaire (sportif ou post-traumatique) ;
  • la réalisation et application de contentions souples, adhésives ou non, d'appareils temporaires de rééducation et d'appareils de postures ;
  • la rééducation sensorielle-motrice (s'adresse plus particulièrement aux troubles neurologiques) ;
  • la rééducation des troubles de l'équilibre (rééducation neuro-vestibulaire) ;
  • la relaxation neuromusculaire ;
  • les différentes techniques de physiothérapie :
    • électrothérapie : courant continu (ou galvanique), galvanisation, diélectrolyse médicamenteuse, le choix du produit médicamenteux étant de la compétence exclusive du médecin prescripteur et courant d'électrostimulation antalgique et excito-moteur ;
    • utilisation des ondes mécaniques (infrasons, vibrations sonores, ultrasons) ;
    • utilisation des ondes électromagnétiques (ondes courtes, ondes centrimétriques, infrarouges, ultraviolets) ;
    • thermothérapie et cryothérapie, à l'exclusion de tout procédé pouvant aboutir à une lésion des téguments ;
  • la kinébalnéothérapie et hydrothérapie ;
  • la rééducation périnéo-vésico-sphinctérienne ;
  • à condition qu'un médecin puisse intervenir à tout moment, il peut :
    • pratiquer des élongations rachidiennes par tractions mécaniques (mise en œuvre manuelle ou électrique) ;
    • faire pratiquer de la rééducation cardio-vasculaire de sujets atteints d'infarctus du myocarde récent et à procéder à l'enregistrement d'électrocardiogrammes au cours des séances de rééducation cardiovasculaire, l'interprétation en étant réservée au médecin ;
    • faire pratiquer de la rééducation respiratoire et/ou faire des aspirations trachéales chez un malade trachéotomisé ou intubé.

Les techniques de masso-kinésithérapie sont réalisées à la suite d'un ou plusieurs bilans effectué(s) par le masseur-kinésithérapeute afin d'établir un diagnostic kinésithérapique permettant de définir le nombre de séances à réaliser et d'adapter les techniques aux besoins du patient.

Rééducation

  • rééducation neurologique (dont pédiatrique) ;
  • rééducation des affections traumatiques ou non de l'appareil locomoteur (exemple : rééducation d'un ligament croisé antérieur opéré ;
  • rééducation respiratoire ;
  • rééducation gériatrique (gériokinésithérapie) ;
  • rééducation cardio-vasculaire ;
  • rééducation des troubles trophiques vasculaires et lymphatiques ;
  • rééducation posturale ;
  • rééducation des affections rhumatismales ;
  • rééducation des brûlés ;
  • rééducation en réanimation.

Rééducation de séquelles

  • rééducation de l'amputé, appareillé ou non ;
  • rééducation abdominale, y compris du post-partum à compter de l'examen postnatal ;
  • rééducation périnéo-sphinctérienne dans les domaines urologique, gynécologique et proctologique, y compris du post-partum à compter du soixantième jour après l'accouchement ;
  • rééducation cutanée et des brûlés ;

Rééducation d'une fonction particulière

  • rééducation de la mobilité faciale et de la mastication ;
  • rééducation de la déglutition et linguale ;
  • rééducation des troubles de l'équilibre ;
  • rééducation du périnée ;
  • rééducation des fonctions de la main

Le rôle général joué par le kinésithérapeute a été renforcé dans les techniques péri opératoires modernes telles que la récupération rapide après chirurgie dans la chirurgie orthopédique mais aussi viscérale en permettant la préparation et la mobilisation précoce du patient, éléments clés de son retour optimisé à l'autonomie.

Histoire

En France

Table de 'Masseur Sportif'...
...en 1903.

Le terme de « kinésithérapie » serait apparu pour la première fois au XIXe siècle, sous la plume de Pehr Henrik Ling, un suédois. Ce dernier a écrit un livre intitulé Kinésithérapie, ou Traitement des maladies par le mouvement selon la méthode de Ling[3],[4]. Le terme de « massage » existerait lui depuis l'antiquité[3]. En 1900 est créée une Société de Kinésithérapie, dont le but est d'« amener le monde médical à des pratiques autrefois empiriques et à les faire passer dans le domaine scientifique[5]. » Il se crée en parallèle l'École française d'orthopédie et de massage (ÉFOM) et l'École des masseurs-magnétiseurs. En 1922 est créé le brevet de capacité professionnel d'infirmier, à la suite des besoins engendrés par la Première Guerre mondiale. En 1924, une spécialité de masseur est ajouté au brevet d'infirmier[3].

Le 30 avril 1946, le diplôme d'État de masseur-kinésithérapeute est créé et se substitue à la spécialité d'infirmier-masseur et aux gymnastes médicaux[3],[4].

Depuis la rentrée 2015, la durée de la scolarité est passée de trois à quatre ans[6].

La profession

Kinesitherapeute

Les masseurs-kinésithérapeutes appartiennent au corps professionnel des rééducateurs et possèdent un très large éventail de compétences. La France, la Belgique, le Luxembourg, le Maroc, la Tunisie, le Chili et l'Algérie sont parmi les pays dans lesquels on emploie le terme de kinésithérapie. En effet au niveau international les termes "physiothérapie" et "thérapie physique" sont bien plus répandus.

En France, le titre de masseur-kinésithérapeute est réservé aux personnes ayant d'une part obtenu un diplôme d'État français ou européen validé par le Conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes  inscrit dans le livre III du Code de santé publique  et d'autre part s'étant inscrites au Conseil national de l'Ordre. L'objet de cette profession paramédicale concerne principalement la rééducation fonctionnelle par le mouvement et le massage. L’Ordre des masseurs kinésithérapeutes a été institué par la loi de santé publique du 9 août 2004.

Formation

Une des caractéristiques de la formation en masso-kinésithérapie est une très bonne connaissance de l'anatomie humaine et de sa biomécanique. Le domaine de connaissance s'étend aux appareils respiratoire, cardiovasculaire, musculosquelettique, et neurologique. Les études portent sur les pathologies de ces appareils, leurs traitements médicaux chirurgicaux et kinésithérapiques et ce dans tous les domaines de la médecine hospitalière et ambulatoire.

France

Formation initiale

La formation initiale des masseurs-kinésithérapeutes se déroule actuellement sur 5 ans : une première année universitaire validée suivi de quatre ans en Institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK)[7].

La sélection est régie par l'arrêté du 16 juin 2015[8]. Peuvent être admis en première année d'études préparatoires au diplôme d'État de masseur-kinésithérapeute, dans la limite des places autorisées :

  • les étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé (PACES) ;
  • les étudiants ayant validé la première année de licence en sciences mention « sciences et techniques des activités physiques et sportives » (STAPS) ;
  • les étudiants ayant validé une première année de licence dans le domaine sciences, technologies, santé.

Il est également possible d'entrer dans un IFMK par l'intermédiaire de passerelles, ce mode d'admission est régi par l'arrêté du 2 septembre 2015[9]. Ainsi peuvent être admis sur dossier et entretien, dans la limite de place égale à 5 % du quota d'entrée :

  1. Les titulaires d'un des diplômes mentionnés ci-après : - diplôme d'État d'infirmier ; - diplôme d'État de pédicure-podologue ; - diplôme d'État d'ergothérapeute ; - diplôme d'État de psychomotricien ; - diplôme d'État de manipulateur d'électroradiologie médicale et diplôme de technicien supérieur en imagerie médicale et radiologie thérapeutique ; - certificat de capacité d'orthophoniste ; - certificat de capacité d'orthoptiste ; - diplôme de formation générale en sciences médicales ; - diplôme de formation générale en sciences maïeutiques ; - diplôme de formation générale en sciences odontologiques ; - diplôme de formation générale en sciences pharmaceutiques ;
  2. Les titulaires d'une licence dans le domaine sciences, technologies, santé et les titulaires d'une licence en sciences mention « sciences et techniques des activités physiques et sportives » (STAPS) ;
  3. Les titulaires d'un diplôme reconnu au grade de master.

Il existe également une passerelle pour les sportifs de haut niveau (arrêté du 26 août 2010[10]).

L'ENKRE (École nationale de kinésithérapie et rééducation) à Saint-Maurice accueille ainsi 20 étudiants provenant de trois facultés STAPS chaque année[réf. souhaitée]. Elle propose aussi tous les ans l'entrée à 10 sportifs de haut niveau, qui peuvent suivre la formation en poursuivant leur pratique sportive ;

La quarantaine d'instituts de formation en massokinésithérapie (IFMK), qui forment chaque année 2 700 jeunes professionnels de santé, ont des statuts juridiques différents : privé à but lucratif, associatif ou public.

En France il existe également 4 établissements (Lyon, Paris, Villejuif, Limoges) formant des personnes atteintes de déficiences visuels au métier de masseur-kinésithérapeute.

La formation initiale hors du secteur public est relativement onéreuse. Les frais d'inscriptions s'élèvent en moyenne à 3 500 /an mais sont très variables d'un institut à l'autre (181  à 8 850  selon les instituts).

La formation est organisée dans chaque institut par un directeur ou directeur technique (cadre de santé masseur-kinésithérapeute) assisté de cadres de santé MK formateurs.

Les études sont sur le mode de l'alternance, les étudiants étant pour la moitié de leur temps en pratique auprès de patients et pour moitié en cours théorique et travaux pratiques en institut de formation.

La formation se compose de deux cycles de deux ans. Le premier cycle est consacré aux fondamentaux, à l’ingénierie de la kinésithérapie et à des savoirs transversaux (anglais, méthodologie, etc.). Le second cycle est plus pré professionnel car il approfondit les thèmes précédents et prépare à l’exercice. La formation dure au total 6 670 heures dont 1 980 heures pour la formation théorique et pratique, 1 470 heures de formation à la pratique masso-kinésithérapique et 3 220 heures environ de travail personnel. [11]

Validation du diplôme d'état :
À l'issue des 3 années d'études et après validation du contrôle continu (sur 60 points), le candidat est présenté aux épreuves du diplôme d'État qui se résume depuis 2008 à la soutenance d'un mémoire (sur 60 points).

La remise de ce diplôme d'État (au moins 60/120 en totalisant les épreuves écrites et mémoire) par la DRJSCS autorise l'exercice professionnel.

L'articulation entre les dispositifs de formation actuels et le système européen universitaire suscite des débats, notamment sur la question de la création d'une quatrième année d'étude et son éventuelle équivalence au grade universitaire de master. Le 25 janvier 2013, les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur ont annoncé la reconnaissance des 4 années de formation de kinésithérapie, ainsi que la généralisation d'une première année universitaire, annonçant de fait la suppression du concours privé.

Formation continue et perspectives professionnelles

Les kinésithérapeutes peuvent bénéficier, pour maintenir leurs connaissances, de formation continue tout au long de leur exercice professionnel, soit dans le cadre universitaire, soit par le biais d'organismes de formation associatifs ou à but lucratif.

Outre le maintien des connaissances ou l'acquisition de nouvelles compétences, ces formations permettent d'accéder à des niveaux d'expertise dans les domaines juridiques, ergonomique, social… Ainsi, la kinésithérapie étend actuellement son champ dans les domaines de l'éducation, la prévention et l'orientation au-delà de ses classiques actions curatives et palliatives, aussi bien dans les secteurs de la santé, du social que du sport et du « bien-être ».

Après au moins quatre ans d'exercice à temps plein, un masseur-kinésithérapeute peut prétendre à accéder à un Institut de formation de cadre de santé, lui offrant des perspectives professionnelles d'encadrement et/ou de formation. Ces cadres de santé kinésithérapeutes peuvent également prétendre ensuite à des grades de cadres supérieurs ou des directeurs de soins, après concours, dans la filière rééducation dont ils sont issus.

Autres pays

Le terme de kinésithérapie est peu utilisé dans le monde. On emploie généralement « physiothérapie » comme au Canada et en Suisse ou un terme de même étymologie dans les autres langues.

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Exercice de la profession

Au Québec

Les professions de physiothérapeute et de technicien en réadaptation physique (TRP), lesquels sont accessibles aux masseurs-kinésithérapeutes français par un arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM), ne peuvent être exercés qu'à la condition d'être membre de l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (OPPQ)[12].

En France

Législation de l'exercice professionnel

En France, la profession de masseur-kinésithérapeute est règlementée et définie dans le Livre III Titre II du Code de la santé publique. Le Conseil de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes est chargé, par la loi, de veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de compétences indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie et à l’observation, par tous ses membres, des droits, devoirs et obligations professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie. L’ordre défend l’honneur et l’indépendance de la profession de masseur-kinésithérapeute.

Exercice de la masso-kinésithérapie

En France, la plupart des masseurs-kinésithérapeutes (près de 80 %) exercent à titre libéral, seuls ou en association dans des cabinets. La profession, majoritairement masculine, d'une moyenne d'âge d'une quarantaine d'années, se féminise, surtout dans le secteur salarié. Des professionnels exercent en centres de rééducation fonctionnelle ou en secteur hospitalier public ou privé.

Le salaire moyen d'un kinésithérapeute travaillant dans le secteur public hospitalier est compris entre 1 600 € et 3 000 € par mois en fonction de l'ancienneté.

Dans le secteur libéral les revenus dépendent du nombre de clients et du montant des investissements à réaliser. [11]

Évaluation scientifique

La kinésithérapie est un conglomérat de techniques éparses et il est très difficile à l’heure actuelle de distinguer les techniques efficaces de celles qui ne le sont pas. Il est cependant possible de se renseigner sur ce sujet en consultant par exemple les banques de données de la Collaboration Cochrane[13], la base de données PEDro[14] (indexation de publications au sujet de la physiothérapie, fondées sur les preuves), la banque documentaire internationale de la masso-kinésithérapie et de la physiothérapie francophone KINÉDOC, ou encore le site de la Haute Autorité de Santé[15]. Cette dernière édite notamment des guides de recommandations en langue française à destination des professionnels de santé concernant les affections les plus fréquentes : lombalgie chronique, fléau cervical, polyarthrite rhumatoïde, accident vasculaire cérébral, etc.

À titre d'exemple, on peut dire que parmi les techniques utilisées par les kinésithérapeutes :

  • le ré-entrainement à l'effort diminue la dyspnée, la fatigue et améliore les capacités fonctionnelles en cas de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), de manière cliniquement significative[16] ;
  • l'entrainement cardio-respiratoire réduit les déficiences après un accident vasculaire cérébral (AVC), peut-être en améliorant la mobilité et l'équilibre. Il y a suffisamment de preuve pour incorporer ce type d’entraînement dans les programmes de rééducation post-AVC pour améliorer la vitesse et l'endurance à marche[17] ;
  • les programmes d'exercices personnalisés à faire à la maison ou en groupe sous supervision sont plus efficaces que l'absence d'intervention dans la prise en charge de la spondylarthrite ankylosante[18].

Paradigmes de pensée en masso-kinésithérapie

Plusieurs modèles de pensée en masso-kinésithérapie coopèrent voire se confrontent dans l'approche et la résolution des situations-problèmes des patients et plus largement dans la profession.

Masso-kinésithérapie factuelle ou pratique basée sur les preuves en rééducation

La masso-kinésithérapie factuelle[19] est une transposition du paradigme décisionnel de la médecine factuelle ou Evidence-Based Medicine (EBM). Ce paradigme promeut le praticien réflexif qui délibère selon un triptyque conceptuel : aspirations du patient, expérience clinique du praticien et informations scientifiques (au sens premier de meilleurs données issues de la recherche clinique que l'on retrouve sous le terme de « faits », « preuves » ou « données probantes » caractérisés par leur niveau de preuve scientifique). Ce paradigme se déploie en France depuis le début des années 2000[20] sous l'influence première de la dynamique de la physiothérapie anglo-saxonne basée sur les preuves ou Evidence-Based Physiotherapy dite EBP[21],[22] ainsi que sur l'universitarisation des études et le processus de Bologne en Europe. La pratique clinique factuelle est cependant limitée en situation d'incertitude scientifique (absence ou insuffisance d'investigation, biais et faible qualité de certaines études) ou lorsque le paradigme de l'EBP est mal interprété en donnant une place surdimensionnée aux informations scientifiques dans le processus décisionnel. Ce paradigme de la pratique clinique factuelle en masso-kinésithérapie s'articule avec celui de la pensée critique et de la zététique. Il est aussi compatible avec le modèle bio-psycho-social.

Le modèle bio-psycho-social et le modèle biomédical

Le modèle bio-psycho-social ou plutôt l'approche bio-psycho-sociale des situations cliniques en masso-kinésithérapie permet d'appréhender la problématique gestuelle[2] de la personne. Son exercice s'appuie essentiellement sur la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF) en termes de déficits de structure anatomique ou de fonction organique, de limitations d'activités, de restrictions de participation sociale et de facteurs environnementaux. Ce modèle favorise une prise en charge globale de la personne. Le raisonnement clinique s'y articule avec le modèle biomédical hérité de la médecine en se référant à l'anatomie humaine, la biomécanique, la cinésiologie ou kinésiologie, la physiopathologie et la sémiologie médicale.

Le Bilan-Diagnostic Kinésithérapique (BDK)

Il est stipulé dans l'article R4321-2 Code de la Santé publique de la République Française[23] : « Dans le cadre de la prescription médicale, il [le masseur-kinésithérapeute] établit un bilan qui comprend le diagnostic kinésithérapique et les objectifs de soins, ainsi que le choix des actes et des techniques qui lui paraissent les plus appropriés. » « Ce bilan est tenu à la disposition du médecin prescripteur. » « Le traitement mis en œuvre en fonction du bilan kinésithérapique est retracé dans une fiche de synthèse qui est tenue à la disposition du médecin prescripteur. Cette fiche lui est adressée, à l'issue de la dernière séance de soins, lorsque le traitement a comporté un nombre de séances égal ou supérieur à dix. » « Elle est également adressée au médecin prescripteur lorsqu'il est nécessaire de modifier le traitement initialement prévu ou lorsque apparaît une complication pendant le déroulement du traitement[23]. »

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Chaînes Logiques et Décision kinésithérapique

Le concept et le système des chaînes logiques correspondent à un modèle de pensée et de représentation des savoirs en masso-kinésithérapie fondé sur le postulat que « le champ de réflexion de la masso-kinésithérapie est l'autonomie gestuelle[2] ». La masso-kinésithérapie est alors considérée comme étant la « thérapeutique de la gestuelle humaine[2] » . Ce modèle théorique a été élaboré par Michel Gedda à la fin des années 2000 selon la méthode Delphi et à partir de la consultation de plusieurs centaines de masseurs-kinésithérapeutes libéraux et hospitaliers en France, en Suisse, en Belgique et au Canada[24].

Inspiré de la Classification internationale des handicaps (Wood, 1988), il articule 3 dimensions du contexte clinique et spécifique de la masso-kinésithérapie (MK) : structure (déficits), fonction (incapacités), situation (interaction personne-environnement).

Une chaîne logique s'organise de façon prédictive et déductive mais non systématique ou obligatoire :

Anomalie structurelle ou dysfonctionObjectif(s) MKMoyen(s) MK

Le système des chaînes logiques comprend :

  • une table de référence des structures et fonctions ;
  • un catalogue des chaînes logiques relatives aux structures intéressant la MK ;
  • un catalogue des chaînes logiques relatives aux fonctions intéressant la MK ;
  • un glossaire ;
  • une bibliographie.

Le système de chaînes logiques s'utilise en consultant directement les chaînes ou bien les catalogues facilité par un logigramme de consultation. Il aurait aussi un intérêt didactique pour la conceptualisation des savoirs en MK et pour l'apprentissage du raisonnement clinique, diagnostique et stratégique en MK. Son auteur Michel Gedda évoque par ailleurs des corrélations potentielles entre chaînes logiques et une contribution à l'identification de problématiques et d'hypothèses de recherche en MK.

L'auteur décrit une possibilité d'extension en amont et en aval des champs de chaque chaîne logique :

Critère(s) clinique(s) Anomalie structurelle ou dysfonction Objectif(s) MK Moyen(s) MK Contre-indication(s) / Moyens d'action / Indicateurs d'évolution

Au concept des chaînes logiques s'associe un synopsis décisionnel de la démarche masso-kinésithérapique dit « Ypro » ou « Tpro » selon 5 déterminants :

  • problème de mouvement (bilans cliniques) ;
  • projet du patient (approche humaine) ;
  • problématique gestuelle intégrant le problème de mouvement et le projet du patient (diagnostic MK) ;
  • proposition d'intervention (objectifs MK) ;
  • protocole de traitement (Moyens MK).

Cette modélisation des chaînes logiques et de la décision kinésithérapique n'a pas véritablement trouvé d'écho dans la profession au moment de sa publication en 2001. Ce n'est qu'à partir des années 2014 qu'apparaissent des publications régulières d'études de cas utilisant le modèle décisionnel « Tpro » issu de l'évolution du concept des chaînes logiques en lien avec un nouveau concept-outil : la Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK)[25],[26].

L'énaction et le modèle Personne-Action-Situation (PAS)

L'énaction est une théorie des pratiques éducatives reliée au paradigme de la pensée complexe et à la phénoménologie. En contrepoint du paradigme décisionnel réflexif de l'EBP, cette théorie se base sur le postulat que « la cognition ne se situe pas que dans la tête »[27]. Elle promeut « un praticien énactif qui opère dans et par l'action en situation »[27]. Cette théorie contient notamment un triptyque conceptuel Personne-Action-Situation ou modèle PAS, une dialectique dite situant/situé et 3 formes d'intelligence qui se fonderaient dans l'action : l'intelligence dispositionnelle (être global), l'intelligence positionnelle (être en situation de...) et l'intelligence gestuelle (agir). Cette théorie est critiquable d'un point de vue scientifique car elle effectue des ponts intellectuels avec la spiritualité.

Notes et références

  1. Article L4321-1 du code de la santé publique : « masseur-kinésithérapeute », sur legifrance.fr
  2. Gedda M, Décision kinésithérapique : identité, démarche, chaînes logiques, Issy-les-Moulineaux, Masson, , 307 p.
  3. Monet 2009
  4. Pinsault N. et Monvoisin R., Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, , 309 p. (ISBN 978-2-7061-1858-6)
  5. Compte-rendu annuel de la Société de Kinésithérapie du 25 janvier 1901. Revue de Cinésie fév 1901. Cité par Monet, 2005
  6. http://www.ordremk.fr/je-suis-etudiant/formation/trouver-un-institut-de-formation-en-france/
  7. Décret n° 2015-1110 du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, (lire en ligne)
  8. Arrêté du 16 juin 2015 relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute (lire en ligne)
  9. Arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute (lire en ligne)
  10. « Arrêté du 26 août 2010 relatif aux dispenses d'épreuves accordées aux sportifs de haut niveau pour l'admission dans les instituts de formation en pédicurie-podologie, en ergothérapie et en psychomotricité et aux modalités spécifiques d'admission dans les instituts de formation en masso-kinésithérapie | Legifrance », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le 31 août 2016)
  11. « Kinésithérapeute », sur CIDJ (consulté le 1er avril 2018)
  12. « ARM France-Québec », sur oppq.qc.ca
  13. « Collaboration Cochrane » (consulté le 29 juillet 2014).
  14. « PEDro » (consulté le 29 juillet 2014)
  15. « Haute Autorité de Santé » (consulté le 29 juillet 2014).
  16. (en) Lacasse Y, Martin S, Lasserson TJ, Goldstein RS « Meta-analysis of respiratory rehabilitation in chronic obstructive pulmonary disease. A Cochrane systematic review » Europa Medicophysica. 2007, 43(4):475-485. PMID 18084170
  17. (en) David H Saunders, Mark Sanderson, Miriam Brazzelli, Carolyn A Greig, Gillian E Mead « Physical fitness training for stroke patients » Cochrane Database Syst Rev. 2004;(1):CD003316. PMID 14974012
  18. (en) Dagfinrud Hanne, Hagen Kåre Birger, Kvien Tore K « Physiotherapy interventions for ankylosing spondylitis » Cochrane Database of Systematic Reviews.Reviews 2008; Issue 1 PMID 18254008
  19. Régnaux JP, Guay V et Marsal C, « Evidence based practice ou la pratique basée sur les preuves en rééducation », Kinésithérapie, la Revue, vol. 94, , p. 55–61 (DOI 10.1016/s1779-0123(09)70037-3, lire en ligne)
  20. Trudelle, « EBP : kinésithérapie basée sur les preuves », Kinésithérapie, la Revue, nos 23-24, , p. 21-25 (lire en ligne)
  21. (en) Hebert R, Jamtvedt G, Mead J et Birger Hagen K, Practical Evidence-Based Physiotherapy, 1e, Butterworth-Heinemann, , 234 p. (ISBN 9780750688208)
  22. « Centre pour la Physiothérapie Fondée sur les Preuves (CEBP) - Australie », sur www.pedro.org.au (consulté le 25 février 2016)
  23. « Article R4321-2 du Code de la santé publique de la République Française | Legifrance », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le 26 février 2016)
  24. « Chaînes Logiques », sur Décision kinésithérapique, (consulté le 26 février 2016)
  25. Gedda M, « Atelier de décision kinésithérapique : un espace de progression collective », Kinésithérapie, la Revue, vol. 14, no 145, , p. 26–30 (DOI 10.1016/j.kine.2013.11.001, lire en ligne)
  26. « Fiche de Décision Kinésithérapique », sur fdk.kinedoc.org (consulté le 4 mars 2016)
  27. Masciotra D, Roth WM et Morel D, Enaction : apprendre et enseigner en situation, Bruxelles, De Boeck Universités, , 155 p. (ISBN 9782804159139)

Voir aussi

Bibliographie

  • Boris J. Dolto, Une nouvelle kinésithérapie : Le corps entre les mains, Hermann, 1976
  • Michel Dufour et Michel Gedda, Dictionnaire de kinésithérapie et réadaptation, Maloine, 2007, 582 p. (ISBN 978-2-224-02866-4)
  • Frank Gatto, Alain Garnier et Éric Viel, Éducation du patient en kinésithérapie, Sauramps médical, Montpellier, 2007, 197 p. (ISBN 978-2-84023-503-3)
  • Michel Gedda, Décision kinésithérapique : identité, démarche, chaînes logiques, Masson, , 307 p. (OCLC 56734531)
  • Michel Gendrier, Gestes et Mouvements justes - Guide de l'Ergomotricité pour tous, EDP Sciences (ISBN 2-86883-729-8)
  • Jacques Monet, La naissance de la kinésithérapie (1847-1914), Paris, éditions Glyphe, coll. « Société, histoire de la médecine », , 420 p. (ISBN 978-2352850564, OCLC 695557685)
  • Richard Monvoisin et Nicolas Pinsault, Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, Saint-Martin-d'Hères (Isère), Presses universitaires de Grenoble (PUG), coll. « Points de vue et débats scientifiques », (OCLC 880268020)
  • R. Remondière, Le geste et la plume. Histoire d'une professionnalisation en devenir. Les masseurs-kinesithérapeutes dans la France d'hier et d'aujourd'hui (1790-1990), Septentrion éd., Villeneuve d'Ascq, 2000, 396 p.
  • Gregory Reychler, Jean Roeseler et Pierre Delguste (dir.), Kinésithérapie respiratoire, Elsevier Masson, Issy-les-Moulineaux, 2008 (2e édition revue et augmentée), 357 p. (ISBN 978-2-84299-953-7)
  • Yves Xhardez et al. Vade-mecum de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle : techniques, pathologie et indications de traitement pour le praticien, Maloine, Paris ; Prodim, Bruxelles, 2009 (6e édition revue, mise à jour et augmentée), XLIV-1392 p.

Filmographie

  • Mouche ton nez et dis bonjour au kiné !, de Christine Ansellin et H. Foure, Cellule audiovisuelle C.H.U. d'Amiens, 1994, 13 minutes (VHS)
  • Massothérapie intégrée, de Michel Dufour, Kinémédia, Chantepie, 2001, 4 DVD (1. Le membre supérieur, 56 minutes ; 2. Visage, crâne et région cervicale, 41 minutes ; 3. Le membre inférieur, 59 minutes ; 4. Thorax et abdomen, 81 minutes)
  • Ces kinés qui font respirer, de Véronique Lhorme, La cuisine aux images productions, Lyon, 2003, 52 minutes (DVD)
  • La kinésithérapie du ventre, de Gilles Péninou, Kinémédia, Chantepie, 79 minutes (DVD)

Articles connexes

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