Diagnostic préimplantatoire

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) permet de détecter la présence d'éventuelles anomalies génétiques ou chromosomiques dans les embryons conçus après fécondation in vitro. Le but étant de différencier les embryons atteints d'une maladie génétique de ceux porteurs sains ou indemnes. Pour cela une à deux cellules (blastomères) sont prélevées sur l'embryon au troisième jour de développement. Le matériel génétique de ces blastomères est ensuite analysé par des techniques de PCR ou d'hybridation in situ en fluorescence afin de sélectionner les embryons dépourvus d'affection génétique qui seront transférés dans l’utérus de la future mère.

Fécondation in vitro par injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde.

Le DPI repose sur une fécondation in vitro et la possibilité qu'un nombre important d'embryons puisse être obtenu assurant statistiquement la présence d'au moins un embryon sain qui pourra être transféré. Cette production importante d'embryons soulève la question sur l'avenir des embryons surnuméraires qui n'auront pas été sélectionnés pour l'implantation.

Le diagnostic préimplantatoire est considéré comme une alternative au diagnostic prénatal qui implique en cas d'enfant atteint par l'affection génétique une éventuelle interruption médicale de grossesse (IMG), sans compter le risque accru de fausses-couches (de 0,5 à 1 sur 100) lié à la biopsie nécessaire pour réaliser le diagnostic prénatal. Les expériences traumatisantes et douloureuses qu'impliquent des IMG parfois répétées et l'incertitude sur l'état de santé de l'enfant à venir et son pronostic vital peuvent ainsi être évitées au couple qui peut envisager une grossesse plus sereine.

Procédure du diagnostic préimplantatoire

Un cycle de DPI comprend plusieurs étapes :

  • la stimulation ovarienne, nécessaire pour permettre le développement de plusieurs follicules ovariens ;
  • le prélèvement des ovocytes ;
  • la fécondation in vitro de plusieurs ovocytes matures, par injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) ;
  • le prélèvement cellulaire. Plusieurs options sont possibles :
    • le prélèvement d'un globule polaire : il ne permet d'analyser que le matériel génétique de la mère, mais l'expulsion du premier globule polaire étant faite avant la fécondation, l'utilisation de ce type de cellules permet de réaliser un diagnostic pré-implantatoire dans des pays où la législation n'autorise pas la manipulation de l'embryon[1],
    • le prélèvement au cours du stade de la segmentation : l'embryon, au troisième jour, comporte alors moins d'une dizaine de cellules. Cette technique est largement utilisée. Elle ne met pas à l'abri d'un mosaïcisme où la cellule prélevée est normale mais pas ses voisines,
    • le prélèvement au cinquième jour : l'embryon est alors au stade de blastocyste et la biopsie concerne alors le trophoblaste. Le risque théorique de léser l'embryon serait alors moindre puisque le prélèvement concerne une partie destinée à former le futur placenta (tissus extra-embryonnaires). Toutefois, la probabilité de détecter une éventuelle anomalie génétique en mosaïque est diminuée,
  • l'analyse du matériel génétique des cellules prélevés par des techniques de génétique moléculaire ou de cytogénétique en fonction de l'anomalie génétique qui doit être identifiée ;
  • la sélection et le transfert dans la cavité utérine de la future mère des embryons qui auront été choisis (embryons sains ou porteurs non atteints ou présentant une caractéristique particulière, selon le contexte, la maladie génétique et la décision qui aura été prise en concertation avec le couple pendant le conseil génétique).

Historique

  • 1987 : apparition du DPI dans la presse scientifique
  • 1990 : premier DPI réalisé en Angleterre avec détermination du sexe de l'embryon pour une maladie présente uniquement chez le garçon[2]
  • 1992 : naissance en Angleterre du tout premier enfant conçu grâce au DPI
  • 1994 : naissance du premier enfant issu du DPI en Belgique[3]
  • 1994 : le DPI devient légal en France
  • 2000 : naissance de Valentin à l’hôpital Antoine-Béclère, le premier enfant conçu grâce au DPI en France
  • 2012 : naissance à Barcelone du premier bébé d’un père souffrant d’une double anomalie chromosomique[4],[5].

Le consortium ESHRE ou « European Society of Human Reproduction and Embryology » a fait état d'environ trois mille enfants nés après une biopsie embryonnaire en Europe et dans plusieurs centres à travers le monde[3].

Indications

La première indication, dite diagnostique, du DPI est d'éviter à des couples atteints ou porteurs d'une maladie génétique rare et grave de la transmettre à leur enfant (myopathie, mucoviscidose[6], neurofibromatose, béta-thalassémie, rétinite pigmentaire, dystrophie musculaire de Becker, hémophilie A[7] ou maladie de Huntington[8], par exemple). Il s'applique également lorsque l'un des partenaires d'un couple est porteur d'une anomalie chromosomique de structure équilibrée chez lui, mais pouvant aboutir à un génotype déséquilibré pathogénique ou létal chez le fœtus (une translocation réciproque balancée, une translocation robertsonienne ou une inversion). Il s'agit généralement de couples dont les anomalies génétiques familiales sont connues ou plus fréquemment lorsqu'un précédent enfant malade ou la survenue de fausses-couches à répétition ont permis de révéler la présence d'une anomalie génétique ou chromosomique et de définir le risque de transmission et de récurrence. Dans d'autres cas, la sélection d'un embryon d'un sexe donné permet de garantir l'absence d'une maladie si cette dernière ne concerne qu'un seul sexe (maladie liée au sexe).

La deuxième indication[1], dite de dépistage, concerne des parents n'ayant aucune maladie héréditaire connue mais dont la mère a fait plusieurs fausses couches avec anomalies chromosomiques de l’embryon (aneuploïdie). La méthode par hybridation in situ en fluorescence (FISH) ne permet pas d'analyser l'ensemble des chromosomes et sa rentabilité est discutée[1]. L’utilisation d'autres techniques permettant d'analyser l'ensemble des chromosomes entraînerait un plus fort taux de succès lors de l'implantation[9]. la population la plus susceptible de bénéficier de ces techniques restent à déterminer.

Il serait possible théoriquement de déterminer d'autres caractères de l'embryon, comme sa future couleur de cheveux[10] mais l'utilisation du diagnostic pré-implantatoire dans ce but pose des problèmes d'éthique. Le choix du sexe de l'enfant est l'indication retenue dans un diagnostic pré-implantatoire sur six aux États-Unis[11].

Le DPI est parfois utilisé pour sélectionner un embryon qui soit compatible HLA avec une personne malade de sa famille afin de devenir un potentiel donneur de tissu[12]. En vulgarisation scientifique, les enfants conçus dans cette optique sont appelés bébés-médicaments.

Considérations éthiques

Pour Jacques Testard, l'extension du champ du DPI pourrait mener vers une certaine forme d'eugénisme, "si elle ne s’accompagne pas d’une règle claire et définitive pour circonscrire ce champ"[13]. En Californie, le Fertility Institute permet de choisir le sexe et prétend pouvoir sélectionner la couleur des yeux d'un bébé[14]. En Chine, un article sensationnaliste et largement exagéré a même prétendu qu'une équipe de chercheurs travaillait sur l'identification des allèles déterminant l'intelligence afin d'augmenter potentiellement le quotient intellectuel des chinois sur plusieurs générations[15].

Réglementation applicable en Europe

Quinze pays disposent d’une réglementation spécifique autorisant certaines utilisations du DPI : la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Géorgie, la Grèce, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, la Serbie, la Slovénie et la Suède[16].

Trois pays interdisent expressément l'utilisation du DPI : l'Autriche, l'Italie et la Suisse[16]. Toutefois, depuis 2011, la Suisse réexamine la constitution et la loi sur la procréation médicalement assistée dans le but d'autoriser le DPI dans certaines indications et d'en fixer les conditions-cadres[17].

En Allemagne, le DPI n’était pas explicitement couvert par la Loi sur la Protection de l’Embryon. Il était convenu, toutefois, que le DPI sur des cellules totipotentes était interdit en vertu des dispositions de la Loi, ces cellules répondant à la définition juridique de l’embryon[16]. Cependant, le 23 septembre 2011 le Parlement a adopté une loi (Präimplantationsdiagnostikgesetz, PräimpG) qui autorise le DPI dans certains cas.

Onze pays n'ont pas de cadre juridique qui réglemente le DPI : la Bulgarie, Chypre, l'Estonie, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Pologne, la Turquie, l'Ukraine[16].

Réglementation en France

En France, le DPI est autorisé dans les cas prévus par l'article L2131-4 du code de la santé publique.

Dans la culture populaire

Dans le film de 1997 Bienvenue à Gattaca, le diagnostic préimplantatoire permet de donner naissance à des enfants au patrimoine génétique impeccable.

Notes et références

  1. (en) Brezina PR, Brezina DS, Kearns WG, « Preimplantation genetic testing » BMJ 2012;345:e5908
  2. (en) Handyside A, Kontogianni EH, Hardy K, Winston RM, « Pregnancies from biopsied human preimplantation embryos sexed by Y-specific DNA amplification » Nature 1990;344:768-70
  3. Christine Defraigne et Jacques Brotchi, 2011, Proposition de loi modifiant la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes en vue de permettre une extension du champ d'application du diagnostic préimplantatoire, Sénat de Belgique - Session de 2010-2011
  4. (en) Rius M, Obradors A, Daina G, Ramos L, Pujol A, Martínez-Passarell O, Marquès L, Oliver-Bonet M, Benet J, Navarro J, « Detection of unbalanced chromosome segregations in preimplantation genetic diagnosis of translocations by short comparative genomic hibridization », Fertil Steril, vol. 96, no 1, , p. 134-42. (PMID 21596375, DOI 10.1016/j.fertnstert.2011.04.052)
  5. (en) Joaquima Navarro, « Birth of the daughter of a carrier of double chomosomal translocations [sic] », sur www.uab.cat, (consulté le 15 octobre 2014)
  6. (en) Verlinsky Y, Rechitsky S, Evsikov S. et al. « Preconception and preimplantation diagnosis for cystic fibrosis » Prenat Diagn. 1992;12:103-10
  7. (en) Laurie AD, Hill AM, Harraway JR. et al. « Preimplantation genetic diagnosis for hemophilia A using indirect linkage analysis and direct genotyping approaches » J Thromb Haemost. 2010;8:783-9
  8. (en) Van Rij MC, De Rademaeker M, Moutou C. et al. « Preimplantation genetic diagnosis (PGD) for Huntington’s disease: the experience of three European centres » Eur J Hum Genet. 2012;20:368-75
  9. (en) Wells D, Alfarawati S, Fragouli E, « Use of comprehensive chromosomal screening for embryo assessment: microarrays and CGH » Mol Hum Reprod. 2008;14:703-10
  10. (en) Branicki W, Liu F, van Duijn K. et al. « Model-based prediction of human hair color using DNA variants » M Hum Genet. 2011;129:443-54
  11. (en) Ginsburg ES, Baker VL, Racowsky C, Wantman E, Goldfarb J, Stern JE, « Use of preimplantation genetic diagnosis and preimplantation genetic screening in the United States: a society for assisted reproductive technology Writing Group paper » Fertil Steril. 2011;96:865-8
  12. (en) Verlinsky Y, Rechitsky S, Sharapova T, Morris R, Taranissi M, Kuliev A, « Preimplantation HLA testing » JAMA 2004;291:2079-85
  13. Jacques Testard, « La pente glissante de l’eugénisme », sur Libération,
  14. Fabien Soyez, « Procréation du futur : bientôt des bébés à la carte ? », sur CNET, (consulté le 13 février 2018)
  15. Will Oremus, « La Chine peut-elle vraiment sélectionner génétiquement ses génies? », sur Slate, (consulté le 13 février 2018)
  16. Document de base sur le diagnostic préimplantatoire et prénatal : Situation clinique - Situation juridique, 2010, Conseil de l'Europe, Consulté le 5 mai 2012
  17. Travaux législatifs en cours (admission et réglementation du diagnostic préimplantatoire), Département fédéral de l'intérieur (DFI), Office fédéral de la santé publique (OFSP), Consulté le 5 mai 2012.

Voir aussi

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