Chloroquine

La chloroquine est un antipaludique de la famille des amino-4-quinoléines.

Chloroquine
Énantiomère R de la chloroquine (en haut) et S-chloroquine (en bas)
Identification
Nom UICPA N-(7-chloroquinolin-4-yl)-N,N-diéthyl-pentane-1,4-diamine
No CAS 54-05-7
No ECHA 100.000.175
No EC 200-191-2
Code ATC P01BA01
DrugBank DB00608
PubChem 2719
ChEBI 3638
SMILES
InChI
Apparence poudre blanche cristalline hygroscopique[réf. nécessaire]
Propriétés chimiques
Formule brute C18H26ClN3  [Isomères]
Masse molaire[1] 319,872 ± 0,019 g/mol
C 67,59 %, H 8,19 %, Cl 11,08 %, N 13,14 %,
pKa 10,1
Propriétés physiques
fusion 289 °C décomposition[réf. nécessaire]
ébullition 460,6 °C[réf. nécessaire]
Solubilité 10,6 mg·L-1 eau à 25 °C[réf. nécessaire]
Presque insoluble dans l'éthanol et le méthanol[réf. nécessaire]
Masse volumique 1,111 g·cm-3[réf. nécessaire]
Pression de vapeur saturante 1,15×10-8 mmHg[réf. nécessaire]
Précautions
Classification du CIRC
Groupe 3 : Inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'Homme[2]
Écotoxicologie
DL50 311 mg·kg-1 souris oral[réf. nécessaire]
21,6 mg·kg-1 souris i.v.[réf. nécessaire]
150 mg·kg-1 souris s.c.[réf. nécessaire]
66 mg·kg-1 souris i.p.[réf. nécessaire]
Données pharmacocinétiques
Métabolisme hépatique[réf. nécessaire]
Demi-vie d’élim. 30 à 60 jours[réf. nécessaire]
Excrétion

urinaire[réf. nécessaire]

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Antipaludéen
Voie d’administration orale
Précautions Toxicité cardiaque

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

C'est avec la quinine le traitement qui a été le plus employé en préventif comme en curatif contre le paludisme.

Histoire

Les mérites de la chloroquine furent longs à se faire reconnaître car l'industrie des colorants allemande de Bayer (IG Farben) avait mis au point une grande série de médicaments contre le paludisme qui durent être testés sur plusieurs décennies[3]. Ainsi, en 1926, la plasmoquine (pamaquine, amino-8-quinoléine), première sélectionnée, et qui restera en usage jusque dans les années 1980, en association avec la rhodoquine (1930) de Fourneau[4], puis en 1932, l'Atabrine (amino-9-acridine) qui semblait avoir une action identique à celle de la quinine bien qu'elle jaunît la peau des patients.

En 1934 dans les laboratoires d'IG Farben à Elberfeld, Hans Andersag met en évidence les propriétés antimalariques d'une substance alors appelée résochine. Malgré des propriétés intéressantes, la substance s'avérant alors trop toxique, ne fait l'objet d'aucun développement par Bayer qui transmet[5] toutefois les droits à sa filiale américaine Winthrop-Stearns à la fin des années 1930. En 1936 Andersag met au point un dérivé du résochine, moins toxique, le sontochine. Lorsque les Alliés, dans leur énorme travail consistant à évaluer les propriétés de milliers de substances, examinèrent le résochine sous le n° de code SN-183, ils le considérèrent d'abord trop toxique[6]. En novembre 1939 les Allemands déposent des brevets sur plusieurs aminoquinolines dont le résochine et le sontochine[7],[8].

En mars 1941 Bayer accorde à Winthrop les droits sur le résochine - brevet immatriculé aux États-Unis sous le N° 2 233 970 - et le sontochine ; Wintroph n'avait apparemment pas produit le résochine avant d'en être requis en novembre 1943.

En 1940 Justus B. Rice de Winthrop avait fait parvenir des échantillons de résochine à Lowell Coggeshall de l'Institut Rockfeller, où John Maier ne le testa pas avant janvier 1941. Winthrop transmit ces résultats au comité officiel en décembre 1942. C'est la découverte des échantillons et des données venant de Tunisie qui allait "ressusciter" cette substance. Au printemps 1944 le sontochine fait l'objet de tests cliniques tandis que l'administration américaine demande à Winthrop de leur fournir toutes les données qu'elle pourrait posséder concernant les substances apparentées au sontochine, qui reçoit alors le N° de code SN-6911 [9]

En 1942 à Tunis - alors sous domination allemande - le Dr Philippe Jean Decourt [10], des laboratoires Rhône Poulenc-Specia ayant passé un accord sur le sontochine avec IG Farben en juillet 1941, conduit des essais cliniques sur le sontochine de Bayer. Après l'entrée à Tunis de la 1re Armée britannique le 7 mai 1943, le Dr Schneider, auquel Decourt avait transmis le résultat de l'étude, propose aux Alliés de la leur communiquer. Le 23 mai 1943 Schneider est transporté à Alger emportant 5000 comprimés de sontochine [11].

Le sontochine reçoit un nouveau nom de code : SN-6911 (précédemment : SN- 183 ). Réévalué sous le n° de code SN-7618 en juillet 1944, le résochine reçut le nom de chloroquine en février 1946. Les Australiens conduisirent des études à Cairns sous la direction de N. Hamilton Fairley.

Cette molécule ne fut pas disponible pour les armées avant la fin de la guerre.

En France, la chloroquine a été mise sur le marché en 1949 sous le nom de Nivaquine; aux États-Unis, où elle reçut son autorisation de mise sur le marché le 31 octobre 1949, elle fut commercialisée par Winthrop sous le nom d'Aralen .

Dans les années 1950 au Brésil, Mario Pinotti[12] promeut l'usage prophylactique de la chloroquine en l'adjoignant au sel de table. Cette "méthode Pinotti", utilisant de la chloroquine ou de la pyriméthamine, qui sera utilisée en Amérique du sud ainsi qu'en Afrique ou en Asie sera une des causes de l'apparition de résistance des plasmodiums à la chloroquine[6].

La chloroquine est le premier antimalarique de synthèse. Elle fut commercialisée ultérieurement, sous forme de sulfate de chloroquine, sous le nom de résochine. Avec la sontochine (3-méthyl-chloroquine), elle appartient à une nouvelle classe d'antipaludiques, les amino-4-quinoléines, dont les avantages furent connus beaucoup plus tard.

Emploi

Ce n'est qu'après 1945 que la chloroquine et le DDT devinrent les deux armes principales dans les campagnes d'éradication du paludisme[13].

Associations

Dès 1960 apparaissent, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est, les premiers cas de chloroquinorésistance. Depuis, des cartes sont régulièrement mises à jour, avec, en zone I, l'absence de chloroquinorésistance, en zone II, la présence de chloroquinorésistance et en zone III, la multirésistance.

Dans les zones II et III, de nouveaux médicaments comme la méfloquine (Lariam) et l'atovaquone - proguanil (Malarone) sont prescrits.

Cependant, dans les pays des groupes I et II, la chloroquine reste indiquée en usage préventif, seule dans les pays du groupe I et associée au proguanil (Paludrine) dans les pays du groupe II, à raison de 100 mg/j (adulte) ou 1,7 mg·kg-1·j-1 (enfant). En usage curatif, pour les accès palustres à Plasmodium falciparum, on lui préfère l'association atovaquone - proguanil ou la quinine.

Contre les infections par les espèces plasmodiales dites « mineures » (Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae) et dans les rares cas d'accès simple à Plasmodium falciparum chloroquino-sensible, elle est utilisée en première intention à la dose de 10 mg·kg-1 les deux premiers jours, puis 5 mg·kg-1·j-1 le troisième et dernier jour.

Autres usages

La chloroquine est également indiquée dans la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus.

Effets nocifs ou indésirables

L'ingestion régulière de chloroquine à haute dose peut entraîner une rétinopathie non régressive à l'arrêt, se traduisant par des troubles de la vue pouvant aller jusqu'à la cécité[14]. Le dépistage de cette atteinte doit être fait de manière annuelle après cinq ans d'utilisation, au moins par l'étude du champ visuel[15].

L'ingestion d'une seule dose en grande quantité peut quant à elle être mortelle[16].

Des cas d'achromotrichie ont été constatés à la suite d'un traitement à la chloroquine[17].

Divers

La chloroquine fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en avril 2013)[18].

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Évaluations Globales de la Cancérogénicité pour l'Homme, Groupe 3 : Inclassables quant à leur cancérogénicité pour l'Homme », sur http://monographs.iarc.fr, CIRC, (consulté le 22 août 2009)
  3. Fiammetta Rocco, L'Écorce miraculeuse. Le remède qui changea le monde, Noir sur blanc,
  4. Chimiothérapie du paludisme, sous la direction de R. H. Black, Craig J. Canfield, D. F. Clyde, W. Peters et W. H. Wernsdorfer, 2e éd., Organisation mondiale de la santé, Genève, 1984, p. 41.
  5. d'après : Saving Lives, Buying Time:Economics of Malaria Drugs in an Age of Resistance
  6. Steven R. Meshnick and Mary J. Dobson, The History of Antimalarial Drugs extrait de Antimalarial Chemotherapy: Mechanisms of Action, Resistance, and New Directions in Drug Discovery, P. J. Rosenthal © Humana Press Inc http://www.beck-shop.de/fachbuch/leseprobe/9780896036703_Excerpt_001.pdf
  7. http://whqlibdoc.who.int/bulletin/1947-1948/Vol1-No1/bulletin_1947-48_1%281%29_21-28.pdf
  8. http://www.rcpsg.ac.uk/Triennial_Conference_November_2011/Presentations%20Library/2011%20TC/FTM%20D2%20PS3%20Malaria%20and%20The%20Military.pdf
  9. Leo B. Slater, War and Disease, Biomedical Research on Malaria in the Twentieth, Rutgers University Press, février 2009, p.157
  10. À consulter, ce document du Dr Decourt : http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1982x017xspec1/HSMx1982x017xspec1x0282.pdf
  11. David Greenwood, Antimicrobial Drugs Chronicle of a twentieth century medical triumph, Oxford University Press, Mar 2008,p 298
  12. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21779697
  13. Voir sur malariasite.com.
  14. Francis P, Michaelides M, Niamh S, Weleber R, Retinal toxicity associated with hydroxychloroquine and chloroquine, Arch Ophthalmol, 2011;129:30-9
  15. Kellner U, Lai T, Lyons J, Marmor M, Mieler W, Revised recommendations on screening for chloroquine and hydroxychloroquine retinopathy, Ophthalmology, 2011;118:415-22
  16. Vincent Danel et Patrick Barriot, Intoxications aiguës en réanimation, 2e édition
  17. « Achromotrichie due à la chloroquine : Etude ultrastructurale », sur cat.inist.fr (consulté le 21 octobre 2009)
  18. WHO Model List of Essential Medicines, 18th list, avril 2013

Voir aussi

Articles connexes

  • Neil Hamilton Fairley
  • Mário Pinotti (pt)

Liens externes

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